Le mois de décembre qui annonce la période de Noël et de la fin d’année est un moment qui se veut propice à la générosité, aux bonnes affaires et aux dépenses. Cette période est mise à profit par les cousins, les copines, les nièces, neveux et cohorte de personnes plus ou moins proches pour se rappeler le bon souvenir de ceux ou celles dont ils espèrent tirer quelques avantages en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais voilà, la crise sociopolitique, postélectorale, mondiale et son cortège de conséquences ont rendu les Ivoiriens prudents, à la limite même de l’avarice. «On n’est plus prêt à se laisser racketter en ces moments», prévient un habitant du cossu quartier d’Angré, 8ème tranche dans la commune de Cocody. Voici les techniques utilisées par ces profiteurs et comment certains y font face.
C’est M. Sylvain D, 35 ans, cadre dans une banque de la place vivant en concubinage avec Mlle Chantal D qui nous raconte son histoire. « J’étais à la maison ce soir du jeudi 1er décembre lorsque sonne mon portable. C’était un numéro qui n’était pas dans mon répertoire. Je décroche, surprise, c’est Antou une ex que je n’ai pas revue depuis près de deux (02) ans», a-t-il entamé. «Je t’appelle pour te dire que je suis là oh, je ne suis pas encore morte », me lance-t-elle lorsque je lui demande les nouvelles. Cette fille était très belle, mais vénale à mort, et lorsqu’elle me demande si je travaillais toujours à la banque, j’ai tout de suite vu le piège. «Non», lui rétorquai-je. C’est pour quoi ? Tu travailles où maintenant, m’interroge-t-elle. Et je lui indique que j’ai perdu mon emploi à cause de la guerre. Un mensonge salutaire, car Antou m’a affirmé aussitôt qu’il s’agissait d’un simple bonjour et qu’elle vivait désormais à Yamoussoukro, sa ville natale. «Tchao et à plus», a-t-elle lâché avant de raccrocher. Sylvain assure qu’en tant qu’homme averti, il a une palette de réponses et d’astuces pour dribbler tous les «saprophytes». Koré N. ne dit pas autre chose, lui qui depuis décembre, reçoit les coups de fil de ses cousines, nièces, tontons et même parents du village de Doboua à Daloa. «Chacun veut passer me dire bonjour, soit au bureau, soit à la maison. J’ai compris qu’il fallait que je trouve rapidement une parade. Alors, j’ai dit à tout ce monde, de m’appeler après le 15, car c’est la période où j’ai fait croire que je perçois mon salaire. Cela les a excités. Mais après, en tant qu’enseignant du secondaire, je vais prendre mes congés scolaires et me réfugier chez un collègue dans un village insulaire vers Aboisso, en prenant soin de couper tous mes portables», assure-t-il, joyeux de la bonne blague qu’il va jouer à tous les racketteurs. Il est célibataire et exerce un emploi qui permet cette flexibilité. Ce n’est pas le cas pour tout le monde, mais personne n’a envie d’être détroussé financièrement en cette fin d’année. Et, l’échappatoire toute trouvée : c’est la crise. M. Traoré B, habite Abobo Anador et dresse la barrière de la crise à quiconque tente de lui soutirer des sous en ce moment. «Tous ceux qui essaient de m’extorquer de l’argent retournent bredouilles. Je leur dis que je suis un sinistré, et que j’ai tout perdu lors des combats. Quand ils entendent cela, les racketteurs se découragent et cherchent d’autres victimes. Et il faut reconnaître que ça marche, car tout le monde sait que Abobo a beaucoup souffert des combats», affirme le commerçant. Gnamien B, agent au ministère de l’Economie et des Finances, a lui, une parade plus radicale. «Cette année, quand je reçois des appels, si ce sont des personnes qui ne sont pas de la famille ou des copines, j’ai la parade. Je suis en deuil et je m’apprête à inhumer mon père. Le pauvre vieux, il doit se retourner dans sa tombe, lui qui est décédé voici déjà plus d’une dizaine d’années. Mais, ça marche et c’est difficile d’insister face à quelqu’un qui est frappé par un deuil», s’esclaffe-t-il avant d’inviter l’un de ses collègues à qui il a donné l’astuce, à raconter son histoire. Jean, grand dragueur devant l’Eternel confirme. «J’ai tué ma mère, je la re-tue chaque fois qu’une copine veut sa part pour fêter. Ma mère, si elle savait que je l’avais tuée des dizaines de fois, elle va me renier ou faire une attaque, car elle se porte très bien», nous raconte-t-il, hilare. Mais du côté des ‘’chercheurs et des chercheuses’’, on n’abdique pas facilement. Betty, une amie, est sûre de ce que «pour elle va sortir», elle qui a essaimé ‘’les gars’’ dans les bureaux au Plateau. «J’ai mon carnet d’adresses. Et j’écume les bureaux depuis le début du mois. Certaines de mes connaissances ont été mutées. D’autres me racontent qu’ils ont perdu des proches ou doivent se faire opérer, ou soigner leurs enfants,(…) Je ne peux pas forcer dans ces cas. Mais, certains me donnent quelque chose, même si ce n’est pas aussi consistant que les années précédantes. La crise postélectorale est passée par là», soupire-t-elle. Quant à Maurice qui raconte à tout venant qu’il doit se faire opérer d’une appendicite et a besoin d’argent, on lui rétorque que les soins sont gratuits maintenant. «Les vieux pères ne sont pas prêts pour nous. Tous nos micmacs tombent à l’eau», désespère-t-il. Et de reconnaître que les valeurs comme la solidarité et l’entraide ne sont plus que de vieux souvenirs en Côte d’Ivoire. Quoi qu’il en soit, il ne se décourage pas et pense dur comme fer qu’un pigeon va lui payer forcément cette opération. Ainsi se présente cette fin d’année où un combat acharné oppose racketteurs et rackettés.
Olivier Guédé
C’est M. Sylvain D, 35 ans, cadre dans une banque de la place vivant en concubinage avec Mlle Chantal D qui nous raconte son histoire. « J’étais à la maison ce soir du jeudi 1er décembre lorsque sonne mon portable. C’était un numéro qui n’était pas dans mon répertoire. Je décroche, surprise, c’est Antou une ex que je n’ai pas revue depuis près de deux (02) ans», a-t-il entamé. «Je t’appelle pour te dire que je suis là oh, je ne suis pas encore morte », me lance-t-elle lorsque je lui demande les nouvelles. Cette fille était très belle, mais vénale à mort, et lorsqu’elle me demande si je travaillais toujours à la banque, j’ai tout de suite vu le piège. «Non», lui rétorquai-je. C’est pour quoi ? Tu travailles où maintenant, m’interroge-t-elle. Et je lui indique que j’ai perdu mon emploi à cause de la guerre. Un mensonge salutaire, car Antou m’a affirmé aussitôt qu’il s’agissait d’un simple bonjour et qu’elle vivait désormais à Yamoussoukro, sa ville natale. «Tchao et à plus», a-t-elle lâché avant de raccrocher. Sylvain assure qu’en tant qu’homme averti, il a une palette de réponses et d’astuces pour dribbler tous les «saprophytes». Koré N. ne dit pas autre chose, lui qui depuis décembre, reçoit les coups de fil de ses cousines, nièces, tontons et même parents du village de Doboua à Daloa. «Chacun veut passer me dire bonjour, soit au bureau, soit à la maison. J’ai compris qu’il fallait que je trouve rapidement une parade. Alors, j’ai dit à tout ce monde, de m’appeler après le 15, car c’est la période où j’ai fait croire que je perçois mon salaire. Cela les a excités. Mais après, en tant qu’enseignant du secondaire, je vais prendre mes congés scolaires et me réfugier chez un collègue dans un village insulaire vers Aboisso, en prenant soin de couper tous mes portables», assure-t-il, joyeux de la bonne blague qu’il va jouer à tous les racketteurs. Il est célibataire et exerce un emploi qui permet cette flexibilité. Ce n’est pas le cas pour tout le monde, mais personne n’a envie d’être détroussé financièrement en cette fin d’année. Et, l’échappatoire toute trouvée : c’est la crise. M. Traoré B, habite Abobo Anador et dresse la barrière de la crise à quiconque tente de lui soutirer des sous en ce moment. «Tous ceux qui essaient de m’extorquer de l’argent retournent bredouilles. Je leur dis que je suis un sinistré, et que j’ai tout perdu lors des combats. Quand ils entendent cela, les racketteurs se découragent et cherchent d’autres victimes. Et il faut reconnaître que ça marche, car tout le monde sait que Abobo a beaucoup souffert des combats», affirme le commerçant. Gnamien B, agent au ministère de l’Economie et des Finances, a lui, une parade plus radicale. «Cette année, quand je reçois des appels, si ce sont des personnes qui ne sont pas de la famille ou des copines, j’ai la parade. Je suis en deuil et je m’apprête à inhumer mon père. Le pauvre vieux, il doit se retourner dans sa tombe, lui qui est décédé voici déjà plus d’une dizaine d’années. Mais, ça marche et c’est difficile d’insister face à quelqu’un qui est frappé par un deuil», s’esclaffe-t-il avant d’inviter l’un de ses collègues à qui il a donné l’astuce, à raconter son histoire. Jean, grand dragueur devant l’Eternel confirme. «J’ai tué ma mère, je la re-tue chaque fois qu’une copine veut sa part pour fêter. Ma mère, si elle savait que je l’avais tuée des dizaines de fois, elle va me renier ou faire une attaque, car elle se porte très bien», nous raconte-t-il, hilare. Mais du côté des ‘’chercheurs et des chercheuses’’, on n’abdique pas facilement. Betty, une amie, est sûre de ce que «pour elle va sortir», elle qui a essaimé ‘’les gars’’ dans les bureaux au Plateau. «J’ai mon carnet d’adresses. Et j’écume les bureaux depuis le début du mois. Certaines de mes connaissances ont été mutées. D’autres me racontent qu’ils ont perdu des proches ou doivent se faire opérer, ou soigner leurs enfants,(…) Je ne peux pas forcer dans ces cas. Mais, certains me donnent quelque chose, même si ce n’est pas aussi consistant que les années précédantes. La crise postélectorale est passée par là», soupire-t-elle. Quant à Maurice qui raconte à tout venant qu’il doit se faire opérer d’une appendicite et a besoin d’argent, on lui rétorque que les soins sont gratuits maintenant. «Les vieux pères ne sont pas prêts pour nous. Tous nos micmacs tombent à l’eau», désespère-t-il. Et de reconnaître que les valeurs comme la solidarité et l’entraide ne sont plus que de vieux souvenirs en Côte d’Ivoire. Quoi qu’il en soit, il ne se décourage pas et pense dur comme fer qu’un pigeon va lui payer forcément cette opération. Ainsi se présente cette fin d’année où un combat acharné oppose racketteurs et rackettés.
Olivier Guédé