Le Zaïre est-il frappé de malédiction ? Y a-t-il un virus maléfique qui s’abat d’un pays à l’autre du continent africain ? Ce continent est-il inapte à la démocratie ? Autant de questions que beaucoup de personnes se posent avec la situation postélectorale dans la bien nommée République démocratique du Congo. La RDC retient à nouveau son souffle très près de renouer avec les vieux démons, toujours présents, qui ont enfoncé ce pays continent dans la guerre et le désordre depuis son indépendance proclamée en 1961 par le charismatique Patrice Emery Lumumba. Les dernières élections présidentielles qui y ont eu lieu, hélas, n’ont pas échappé aux tensions et violences. Tout le laissait d’ailleurs deviner. Ayant compris que les élections ne sont pas un rendez-vous pour que le peuple se choisisse ses dirigeants en toute liberté et connaissance de cause, mais une formalité pour se maintenir en poste, le président sortant, Joseph Kabila Kabango, a procédé à un tripatouillage de la Constitution. D’une élection à un tour, il est passé à un scrutin majoritaire à un tour. Les mises en garde de la société civile, tout comme les protestations de l’opposition n’y ont rien fait. La commission électorale dans ce pays démuni de presque tout en matière d’infrastructure a travaillé au tout dernier moment. Bâclant le recensement des électeurs puis la distribution des cartes à ces derniers. A l’instar des autres princes moulus dans l’esprit du pouvoir absolu pour soi et rien pour le peuple, Joseph Kabila a misé sur ses forces armées et l’appareil judiciaire pour le sale boulot. Dans les provinces acquises à sa cause, les taux de participation ont par enchantement frisé les cent pour cent. Ailleurs, ils étaient parfois deux fois moins. Des centres de compilations dans les zones favorables aux adversaires du fils de Laurent Désiré Kabila ont été les théâtres d’intrusions d’hommes en armes. Au final, des cantines de procès verbaux ont disparu. Il a fallu des jours de retard sur la date indiquée par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) pour que les Congolais soient situés officiellement : Joseph Kabila est l’homme qui devait succéder à Joseph Kabila. L’ordre établi ne pouvait être bouleversé. Il a été respecté. Les élections prévues pour être des moments de confrontation entre candidats, programmes et projets se transforment sur ce continent en temps d’angoisse et de tragédie. Les images de juges de la cour suprême en toge, (ces magistrats en qui revient le devoir de trancher en faveur du choix du peuple mais qui en Afrique se comportent pour beaucoup d’eux en serviles accompagnateurs des pouvoirs en place) ont fini par achever jusqu’à la caricature le simulacre d’élection en RDC. Tous les recours de l’opposition ont été rejetés. Le détenteur de la force, logé au palais, a dicté sa loi. Les rapports des observateurs nationaux et locaux, pointant du doigt des irrégularités flagrantes n’ont pas remué la conscience achetée de juges en mission. C’est sous les chars de la police et de l’armée que les magistrats ont rendu leur arrêt. Rappelant la forfaiture d’un certain Yao N’Dré renversant le choix du peule ivoirien et proclamant son maître Gbagbo Laurent vainqueur de la présidentielle ivoirienne. Le peuple de la RDC est donc là. Laissé à son sort. Pire, les Etats voisins, regroupés au sein de l’organisation des Grands lacs, ont félicité Kabila pour son coup rondement mené. Un os de plus sur la route de la démocratisation et du respect de la volonté populaire. Le reste du continent, l’Union Africaine en tête, garde un silence assourdissant. Pas un mot sur le drame qui se noue à nouveau dans ce pays habitué aux massacres et à la loi du plus fort. Les intellectuels africanistes, prompts à se bomber la poitrine et parler d’ingérence des blancs et de néo colonialisme, ont perdu la voix. Ils assistent au match de la mise à mort du choix des Africains de ce vaste territoire sans mot dire. A voir comment ces défenseurs d’un genre particulier de la démocratie (ils ont joué les sauveurs du choix des électeurs en Côte d’Ivoire en soutenant Gbagbo qui tentait de confisquer, lui aussi, le suffrage de ses compatriotes, parmi eux de nombreux ressortissants d’Afrique centrale) se comportent, pas besoin d’être devin pour savoir que les populations africaines ne peuvent compter que sur elles-mêmes pour siffler la fin des mascarades électorales sur le continent. Ce lundi matin, un jour lourd se lèvera sur Kinshasa et toute la RDC. D’un côté, le peuple a à cœur de protéger son vote. De l’autre, un pouvoir lourdement armé, prêt à tuer pour se maintenir. La partie est en apparence déséquilibrée. Mais, Kabila et son système pourront, au mieux, retarder le processus. Comme Gbagbo qu’il a soutenu jusqu’au bout contre le choix des Ivoiriens, il finira par se rendre compte que la volonté du peuple s’impose désormais partout en Afrique. Seulement, en ce moment-là, Kabila risque, à l’instar de l’Ivoirien, d’entrer dans l’histoire de la démocratisation sur le continent. Mais par une très triste fenêtre.
D. Al Seni
D. Al Seni