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Art et Culture Publié le mercredi 28 décembre 2011 | L’intelligent d’Abidjan

Entretien / Paul Madys, en exil au Ghana : ‘’J’ai été élévé par des Maliens, des Guinéens et j’ai grandi avec des Baoulés’’

La rumeur vous a enterré et voilà qu’on vous retrouve à Accra. Que dites-vous à l’endroit de vos fans en Côte d’Ivoire ?

Merci pour l’occasion que vous m’offrez. Mais je veux dire à mes fans que je suis là. Il y a quelques jours, beaucoup de mes fans m’ont appelé d’Abidjan et même de mon village parce qu’on leur a dit que j’étais mort ici au Ghana. Cela a abattu et attristé des personnes en Côte d’Ivoire. Par la grâce de Dieu, je suis vivant et je suis en forme. Vous me voyez ! Ce n’est pas un fantôme. C’est moi-même en personne. Je compte retrouver tous mes admirateurs très bientôt avec un album.

Pourquoi êtes-vous ici à Accra ?

Ce n’est pas caché. Je suis ici suite à tout ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Puisque nous autres, nos têtes étaient mises à prix sans savoir pourquoi. Jusqu’à présent, je me demande pourquoi en vouloir à un artiste qui, logiquement, a le droit de s’exprimer. Pourquoi lui en vouloir jusqu’à vouloir mettre fin à ses jours ? Je tenais à ma vie et je tiens à m’occuper de ma famille jusqu’à ce que Dieu veuille me rappeler auprès de lui. Il fallait que je préserve ma vie et la seule façon de pouvoir le faire, c’était de quitter la Côte d’Ivoire. C’est comme cela que je me suis retrouvé ici. Je suis arrivé ici le 15 mai 2011 aux environs de 15 heures.

Vous voulez retrouver vos fans avec un nouvel album disiez-vous. Présentez-nous cet album en quelques mots.

L’album sera baptisé ‘’Le témoin’’ dans lequel je remercie Dieu pour avoir été moi-même un témoin de cette triste page de l’histoire de la Côte d’Ivoire. J’ai vécu cette page et je l’ai écrite à ma façon. Durant dix ans, nous avons sillonné la Côte d’Ivoire pour parler de paix, pour réconcilier les Ivoiriens et les mettre ensemble jusqu’à ce que tout chamboule le 11 avril 2011. Donc le fait d’avoir été témoin de tout cela est une façon pour moi de transcrire et de partager avec mon public, les Africains et tout le monde, ce que j’ai vu et ce que je sais de la crise en Côte d’Ivoire et de ce qui ronge l’Afrique.
Ce sera un album très professionnel de 14 titres. Et tout le monde va s’y retrouver. Dans sa confection, au lieu que nous allions vers le studio, c’est le studio qui viendra vers nous. Nous travaillerons jusqu’à juin 2012. J’ai mes musiciens, j’ai un orchestre composé de jeunes Ivoiriens qui aiment la musique comme moi. Cet orchestre s’appelle les ‘’Tigbla-boys’’ c'est-à-dire la voix du tambour. Ce tambour qui était jadis le moyen de communication des Africains.

Qu’est-ce qui ronge l’Afrique à votre avis ?

Ce qui ronge l’Afrique, c’est la soif du pouvoir. C’est ce qui fait que les humains sont devenus plus bêtes que les bêtes ! C’est au nom de la soif du pouvoir que tout le monde court en oubliant le côté humain. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, la paix n’est plus un comportement, c’est devenu un vain mot ; le dialogue a fait place aux armes, l’Afrique est soumise à nouveau. Le néocolonialisme ronge l’Afrique. Nos leaders sont prêts à brader leurs âmes pour faire plaisir à leurs mentors afin d’être maintenus au pouvoir. C’est cette soif du pouvoir qui ronge tout le monde dont je voulais rendre témoignage.

Quel est le message de paix de Paul Madys ?

Il ne faut pas être hypocrite et je ne veux pas l’être. Moi, je me reconnais dans une Côte d’Ivoire où Houphouët-Boigny nous a inculqué la paix et le dialogue. Jamais un Ivoirien n’a pris une arme contre un Ivoirien. Jamais un Ivoirien n’a défiguré un autre Ivoirien. Jamais je n’ai vu un Ivoirien éventrer une femme enceinte. Jamais je n’ai vu un Ivoirien égorger un Ivoirien. La paix ne viendra en Côte d’Ivoire que quand tout cela va prendre fin. On ne peut pas soigner une plaie bandée. C’est cela le problème et il faut que cela soit su. Moi, j’ai vécu dans une Côte d’Ivoire unie où j’ai été élevé par des Maliens et des Guinéens. Une Côte d’Ivoire où j’ai grandi avec des Baoulé. Cet esprit-là est en train d’être mis à mal avec ce qui se passe en Côte d’Ivoire. Est-ce que les gens savent ce qu’ils ont créé en Côte d’Ivoire ? S’ils le savent, il faut qu’ils s’attèlent à réunir les Ivoiriens et les réconcilier. Il faut le faire de façon franche. Les Ivoiriens ont envie de vivre. Ils n’ont pas envie de mourir. Qu’on mette donc fin aux tueries en Côte d’Ivoire, qu’on mette fin aux massacres, aux exactions et qu’on rétablisse la sécurité des Ivoiriens et des biens. Qu’on permette aux Ivoiriens de se regarder en face pour se dire les choses qu’ils se disaient par le passé. C’est pourquoi je chante ‘’Nostalgie’’ sur mon nouvel album. J’ai la nostalgie de mon pays. Un pays où on pouvait dire ‘’Baoulé soulard’’ et puis on en rit. Un pays où on disait ‘’Dioula petits pieds’’ et puis on en rit. C’est de ce pays-là que je rêve. Mais pas un pays où tout le monde est stressé. Je voudrais dire aux dirigeants de tout faire pour rétablir l’ordre. Aujourd’hui, nous voulons rentrer en Côte d’Ivoire en tant qu’artiste. Mais quand on va décrier certains travers, on ne sait pas comment on sera traité. Or il faut qu’on décrie pour que les choses changent. Le politique, il faut lui dire ce qui n’est pas bon pour qu’il change. Donc tout est possible et la Côte d’Ivoire peut retrouver la paix. Et non pas cette paix qu’on prône du bout des lèvres mais une paix sincère en tuant dans l’œuf le mal qui nous a amené à la guerre.

Réalisé par S. Débailly, envoyé spécial à Accra
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