Les serviettes et draps qui ont servi à essuyer et à couvrir des cadavres dans plusieurs morgues du pays, se retrouvent sur le marché local pour être revendus. Non sans conséquences pour les usagers. Lucarne sur un business macabre aux conséquences méconnues.
Un véritable business bat son plein en sourdine dans les morgues. Il s’agit de la vente des articles des morts. Notamment les draps et serviettes. Si l’on en croit K. Marc, morguier pendant plus de vingt ans, le fait n’est pas nouveau. Mieux, c’est à travers un réseau officieux, bien structuré que les agents des morgues avec la complicité de personnes en ville, parviennent à faire sortir les affaires des personnes décédées. «Pendant les 25 ans que j’ai passés à la morgue, mes collègues et moi revendions les draps et serviettes des morts. C’est toute une chaîne. Les uns travaillent au sein de la morgue et les autres qui acheminent la marchandise sont dehors», révèle-t-il. Poursuivant ses explications, notre interlocuteur a noté que le processus se déroule en trois phases. Le premier a lieu lors du lavage du cadavre. A ce moment, chaque corps de la morgue, après avoir subi une bonne dose de formaldéhyde (communément appelé formol) a droit à des douches durant le séjour. Pendant cette toilette, les parents, dans un intervalle de quatre (4) jours au plus, apportent des draps et serviettes de rechange, tout neufs. Mais les anciens (draps et serviettes) jugés désormais inutilisables ne sont jamais retournés aux parents. Ces effets sont plutôt confiés aux morguiers chargés, soit de les mettre à la poubelle, soit de les traiter selon un protocole. «Nous avons un protocole de destruction ou d’incinération dans les hôpitaux pour les objets qui ne sont plus utilisables», nous confie un responsable d’une morgue sous le sceau de l’anonymat. Mais le constat est que plusieurs morguiers contournent ce circuit et gardent par devers eux les effets ayant servi au nettoyage ou à la conservation du corps. La seconde étape consiste à remettre les draps et serviettes à d’autres personnes moyennant des ristournes. D.I, en service dans une morgue de la place, révèle de son côté que les serviettes sont vendues à 300 F CFA l’unité. «Nous prenons 400 F CFA par drap», précise t-il. Ces serviettes et draps sont achetés généralement par des dames qui fréquentent les morgues en se faisant passer pour des proches de défunts. «Pour tromper la vigilance des autorités et clients des services de pompes funèbres, ces dames se vêtissent, généralement, en tenues de deuil. Il y a une dame qui ne travaille pas à la morgue mais que j’ai trouvée plus de quatre fois à cet endroit lorsque j’allais pour une levée de corps. A force de la rencontrer, j’ai fini par avoir de la compassion pour elle. Je me disais, celle-là, chaque fois que je perds un parent, elle aussi perd quelqu’un. Mais, depuis que j’ai appris l’existence de ce commerce macabre, je me dis qu’il est fort probable que cette dame pratique ce commerce», a indiqué G. Clémence, qui vit à la Sicogi à Yopougon. La dernière étape de ce circuit illicite est celle de la redistribution et de la commercialisation des draps et serviettes. Une fois la marchandise acquise, les vendeuses la lavent selon les règles ordinaires d’hygiène. Puis, ajoutent un parfum qui a la même odeur que les friperies communément appelées en Côte d’Ivoire «yougou yougou» ou «a dokaflè». Ainsi, parviennent-elles à donner une odeur appréciable à ces draps et serviettes qui sont rangés dans des caisses. Inoussa et Eric (tous deux commerçants de draps respectivement à Yopougon et Adjamé) se disent être surpris de l’existence d’un tel trafic. «Pour nous, ces marchandises proviennent de l’Europe, des Etats-Unis ou de l’Asie avant de se retrouver sur nos marchés», affirment-ils.
Un commerce aux dangers multiples
Ce que ces commerçants ignorent, c’est que ces produits provenant des morgues sont dangereux. A ce propos, un médecin de la place souligne que le formaldéhyde est un liquide très dangereux pour la personne qui va à son contact. «C’est pour cela que dans les morgues, il existe un protocole de protection. Tous ceux qui travaillent à la morgue sont protégés. Et donc pour qu’une chose soit utilisée à nouveau, il faut qu’elle ait fait l’objet de stérilisation à haute température du côté de la buanderie afin de tuer tous les microbes. La redistribution de ces draps et serviettes peut être aussi à la base de la prolifération de certaines maladies. Car, chaque cadavre a sa maladie. Et c’est sûr qu’en dehors des techniques médicales, aucune autre pratique ne peut tuer leurs microbes», a-t-il indiqué. Avant de relever des conséquences sanitaires inhérentes à l’utilisation des effets mortuaires. «La pénétration du formaldéhyde par voie respiratoire peut provoquer des œdèmes pulmonaires graves et de éventuellement la mort, une irritation des muqueuses des yeux, du nez et la gorge. Cela peut aussi provoquer une sensation d’irritation des yeux, altérer la fonction pulmonaire, et déclencher des crises d’asthme. Lorsque ce produit pénètre par la peau, cela peut entraîner des brûlures chimiques, des irritations cutanées, des dermites de contact irritatives, des dermites de contact allergiques», a-t-il ajouté. Au-delà de l’aspect sanitaire, les draps et serviettes des morgues peuvent constituer un blocage spirituel étant donné qu’ils font rôder autour de leur utilisateur, l’esprit de mort. «Celui qui conserve de tels draps et serviettes dans sa maison projettent sur lui des ondes négatives. Rien de ce qu’il entreprend ne marchera. Il restera misérable et il accusera à tort les sorciers. La seule solution qui s’offre à lui, c’est de s’en débarrasser», estime Vassory Konaté, un mystique vivant à Yopougon-Banco 2. De leur côté, les religieux appellent au respect du mystère que représente la mort. «On ne joue pas avec la mort», avertit un leader des églises évangéliques de Côte d’Ivoire qui a requis l’anonymat. Même son de cloche avec l’Imam Ibrahima Sama. «La religion musulmane interdit formellement l’utilisation des objets ayant été en contact avec le défunt à la morgue», précise cet homme de Dieu. Qui a également interpellé les pouvoirs publics et usagers sur les dangers d’une telle pratique méconnue du grand public.
P L
Un véritable business bat son plein en sourdine dans les morgues. Il s’agit de la vente des articles des morts. Notamment les draps et serviettes. Si l’on en croit K. Marc, morguier pendant plus de vingt ans, le fait n’est pas nouveau. Mieux, c’est à travers un réseau officieux, bien structuré que les agents des morgues avec la complicité de personnes en ville, parviennent à faire sortir les affaires des personnes décédées. «Pendant les 25 ans que j’ai passés à la morgue, mes collègues et moi revendions les draps et serviettes des morts. C’est toute une chaîne. Les uns travaillent au sein de la morgue et les autres qui acheminent la marchandise sont dehors», révèle-t-il. Poursuivant ses explications, notre interlocuteur a noté que le processus se déroule en trois phases. Le premier a lieu lors du lavage du cadavre. A ce moment, chaque corps de la morgue, après avoir subi une bonne dose de formaldéhyde (communément appelé formol) a droit à des douches durant le séjour. Pendant cette toilette, les parents, dans un intervalle de quatre (4) jours au plus, apportent des draps et serviettes de rechange, tout neufs. Mais les anciens (draps et serviettes) jugés désormais inutilisables ne sont jamais retournés aux parents. Ces effets sont plutôt confiés aux morguiers chargés, soit de les mettre à la poubelle, soit de les traiter selon un protocole. «Nous avons un protocole de destruction ou d’incinération dans les hôpitaux pour les objets qui ne sont plus utilisables», nous confie un responsable d’une morgue sous le sceau de l’anonymat. Mais le constat est que plusieurs morguiers contournent ce circuit et gardent par devers eux les effets ayant servi au nettoyage ou à la conservation du corps. La seconde étape consiste à remettre les draps et serviettes à d’autres personnes moyennant des ristournes. D.I, en service dans une morgue de la place, révèle de son côté que les serviettes sont vendues à 300 F CFA l’unité. «Nous prenons 400 F CFA par drap», précise t-il. Ces serviettes et draps sont achetés généralement par des dames qui fréquentent les morgues en se faisant passer pour des proches de défunts. «Pour tromper la vigilance des autorités et clients des services de pompes funèbres, ces dames se vêtissent, généralement, en tenues de deuil. Il y a une dame qui ne travaille pas à la morgue mais que j’ai trouvée plus de quatre fois à cet endroit lorsque j’allais pour une levée de corps. A force de la rencontrer, j’ai fini par avoir de la compassion pour elle. Je me disais, celle-là, chaque fois que je perds un parent, elle aussi perd quelqu’un. Mais, depuis que j’ai appris l’existence de ce commerce macabre, je me dis qu’il est fort probable que cette dame pratique ce commerce», a indiqué G. Clémence, qui vit à la Sicogi à Yopougon. La dernière étape de ce circuit illicite est celle de la redistribution et de la commercialisation des draps et serviettes. Une fois la marchandise acquise, les vendeuses la lavent selon les règles ordinaires d’hygiène. Puis, ajoutent un parfum qui a la même odeur que les friperies communément appelées en Côte d’Ivoire «yougou yougou» ou «a dokaflè». Ainsi, parviennent-elles à donner une odeur appréciable à ces draps et serviettes qui sont rangés dans des caisses. Inoussa et Eric (tous deux commerçants de draps respectivement à Yopougon et Adjamé) se disent être surpris de l’existence d’un tel trafic. «Pour nous, ces marchandises proviennent de l’Europe, des Etats-Unis ou de l’Asie avant de se retrouver sur nos marchés», affirment-ils.
Un commerce aux dangers multiples
Ce que ces commerçants ignorent, c’est que ces produits provenant des morgues sont dangereux. A ce propos, un médecin de la place souligne que le formaldéhyde est un liquide très dangereux pour la personne qui va à son contact. «C’est pour cela que dans les morgues, il existe un protocole de protection. Tous ceux qui travaillent à la morgue sont protégés. Et donc pour qu’une chose soit utilisée à nouveau, il faut qu’elle ait fait l’objet de stérilisation à haute température du côté de la buanderie afin de tuer tous les microbes. La redistribution de ces draps et serviettes peut être aussi à la base de la prolifération de certaines maladies. Car, chaque cadavre a sa maladie. Et c’est sûr qu’en dehors des techniques médicales, aucune autre pratique ne peut tuer leurs microbes», a-t-il indiqué. Avant de relever des conséquences sanitaires inhérentes à l’utilisation des effets mortuaires. «La pénétration du formaldéhyde par voie respiratoire peut provoquer des œdèmes pulmonaires graves et de éventuellement la mort, une irritation des muqueuses des yeux, du nez et la gorge. Cela peut aussi provoquer une sensation d’irritation des yeux, altérer la fonction pulmonaire, et déclencher des crises d’asthme. Lorsque ce produit pénètre par la peau, cela peut entraîner des brûlures chimiques, des irritations cutanées, des dermites de contact irritatives, des dermites de contact allergiques», a-t-il ajouté. Au-delà de l’aspect sanitaire, les draps et serviettes des morgues peuvent constituer un blocage spirituel étant donné qu’ils font rôder autour de leur utilisateur, l’esprit de mort. «Celui qui conserve de tels draps et serviettes dans sa maison projettent sur lui des ondes négatives. Rien de ce qu’il entreprend ne marchera. Il restera misérable et il accusera à tort les sorciers. La seule solution qui s’offre à lui, c’est de s’en débarrasser», estime Vassory Konaté, un mystique vivant à Yopougon-Banco 2. De leur côté, les religieux appellent au respect du mystère que représente la mort. «On ne joue pas avec la mort», avertit un leader des églises évangéliques de Côte d’Ivoire qui a requis l’anonymat. Même son de cloche avec l’Imam Ibrahima Sama. «La religion musulmane interdit formellement l’utilisation des objets ayant été en contact avec le défunt à la morgue», précise cet homme de Dieu. Qui a également interpellé les pouvoirs publics et usagers sur les dangers d’une telle pratique méconnue du grand public.
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