En septembre 2011 à la faveur des journées de recueillement organisées par les fils de Kabacouma pour rendre hommage à l’ancien Chef d’Etat, l’un de ses enfants, Francis Pédou Guéi, avait exprimé son intention de réclamer le test ADN pour s’assurer que la dépouille devant laquelle tout le monde s’incline est bien la bonne. L’idée avait, en son temps, réjoui les populations notamment les jeunes du village et les militants de l’Union pour la démocratie et pour la paix en Côte d’Ivoire (Udpci) qui n’ont jamais cessé de dire leur méfiance vis-à-vis de Laurent Gbagbo qui, après de longues tergiversations, avait finalement conduit la supposée dépouille de son prédécesseur dans son village natal. Le week-end dernier (jeudi, vendredi et samedi), nous étions à Kabacouma pour en savoir un peu plus sur les démarches des parents de Robert Guéi pour la manifestation de la vérité. Les deux premiers responsables du village, le chef de terre Singo Momi et le chef de ville Doh Sahi que nous avons rencontrés en premier ont été très évasifs sur la question. Pour eux, la vraie décision revient à leurs cadres qui sont à Abidjan. «Ils sont nos yeux et nos oreilles dans la capitale. C’est eux qui savent ce que les autorités peuvent faire pour nous», a expliqué Singo Momi pour qui il serait toutefois bon de savoir définitivement la vérité. Les vieux ont ensuite souhaité que cette recherche de la vérité se fasse au plus vite afin que le village ne soit plus sous les feux des projecteurs. Les jeunes, pour leur part, ne portent pas de gants pour reprendre l’idée d’exhumation émise par leur frère Francis Pédou Guéi. La question est sur toutes les lèvres dans les petits lieux de réjouissances du village et même sur les théâtres de travaux champêtres. Mêh Pieugadé Fernadez est le président des jeunes de Kabacouma. Sur la question, il ne décolère pas contre le camp Gbagbo qui, selon lui, a anormalement gardé le corps de Robert Guéi. Pour Fernandez, ceux qui ont procédé à l’enterrement sous haute surveillance de Robert Guéi avaient certainement quelque chose à cacher. C’est pourquoi, par respect pour les populations et surtout pour la mémoire du disparu, il serait bon de procéder aux vérifications scientifiques. «Chez nous, quand on envoie le corps d’un des nôtres mort à l’extérieur, ses parents le récupèrent, font des cérémonies d’adieu avant la mise en terre. Ce ne fût pas le cas avec Guéi. A l’époque, avec la mine qu’affichait Gbagbo et le déploiement important de militaires, personne ne pouvait rien exiger. Il est maintenant temps de le faire», nous a déclaré le président des jeunes. Lors d’un de ses derniers passages dans le village, à l’époque où il était encore candidat au poste de Président de la République, Alassane Ouattara avait promis aux villageois que l’Etat ferait la lumière sur les circonstances de la mort tragique de Robert Guéi. De même qu’il veillera à ce que les coupables répondent de leurs actes devant la loi. Les partisans de l’exhumation nous ont expliqué que la recherche de la vérité passe par la lumière sur l’identité du corps qui repose à l’entrée du village. Mayéré Sylvain, cadre du village à la retraite, et neveu de la famille Guéi, reste plus hésitant sur la démarche. Il est certes leader d’opinion à Kabacouma mais en sa qualité de neveu, il doit respect à ses oncles notamment à la mémoire des disparus. Pour lui donc après les agissements supposés ou réels du camp Gbagbo sur la dépouille du père fondateur de l’Udpci, ce serait une humiliation de plus que d’aller ouvrir sa tombe. Mais cet embarras de Mayéré ne signifie pas qu’il n’approuve pas l’idée de rechercher la vérité. Il s’en remet tout simplement à ses oncles. Tout le monde attend donc que les enfants de Robert Guéi matérialisent leur volonté d’éclairer les lanternes sur la tragique nuit du 18 septembre 2002 et les péripéties de l’enterrement mouvementé de leur père. En vue de booster cette initiative et assurer les initiateurs du soutien de tout le peuple de Kabacouma et de Biankouma, plusieurs cadres et leaders d’opinion s’activent discrètement à mettre sur pied une structure apolitique. Cette organisation dont la première sortie ne saurait tarder œuvrera pour la réhabilitation de la mémoire de Robert Guéi et fera la promotion du peuple Dan, a-t-on appris.
JEAN MARC SAHI
JEAN MARC SAHI