Les révélations d`un document officiel
L`administration ivoirienne n`a pas bonne presse dans l`opinion nationale. 95 % des Abidjanais estimaient, en 2005, qu`elle souffre de corruption, 79 % la trouvaient très politisée et 69 % dénonçaient l`absentéisme des fonctionnaires. C`est du moins ce qui ressort d`une enquête visant à mesurer l`opinion des Abidjanais sur la gouvernance, la démocratie et la lutte contre la pauvreté en Côte d`Ivoire. Cette étude a été réalisée en 2005 par l`Institut national de la statistique (Ins). Plus récemment, un sondage réalisé par le Wanep-Ci (Réseau ouest-africain pour l`édification de la paix, section Côte d`Ivoire), précisément entre le 13 et le 18 septembre 2011, intitulé : «De l`opinion des populations ivoiriennes sur la démocratie», révélait que 57 % des Ivoiriens pensent que la justice ivoirienne est corrompue, dépendante et non accessible à tous. Mieux, 67 % de la population estime que le principe de l`égalité de tous devant la loi n`est pas respecté. Ces différentes statistiques confirment le diagnostic posé en 2010 par le Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (Sngrc) dans le cadre du Plan national de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Ce document a été validé à l`issue d`un séminaire qui s`est tenu à Yamoussoukro au mois de janvier de la même année. Du diagnostic posé sans complaisance, il ressort que l`administration publique allait mal, même très mal il y a deux ans.
ABSENCE DE CONTRÔLE, CORRUPTION...
Les auteurs du rapport ont décrié «le relâchement des valeurs morales et éthiques au niveau des agents de l’État et leur démotivation »(p 14). Selon eux, cela est dû à l`absence d`une charte d`éthique au sein des entreprises publiques. C`est ce relâchement des valeurs morales qui explique en partie l`absentéisme chronique observé dans l`administration publique. Par ailleurs, le document déplore « l`insuffisance des fonctions de contrôle, d`inspection et d`évaluation » (p.14). Pour ses auteurs, les dysfonctionnements, défaillances et le laisser-aller observés au niveau de l`administration ivoirienne, plus particulièrement dans les entreprises publiques, sont dus à l`inexistence de contrôle. « De plus, note le rapport, la fonction de contrôle est très peu exercée d`autant plus qu`il n`existe pas de contrat d`objectifs et de performance avec les sociétés d’État. L`obligation de résultats, essentiels à l`atteinte d`objectifs, n`est pas définie par la loi qui suppose facultative la conclusion de contrats d`objectifs »( p16). Et de renchérir : « Les fonctions d`audit et de contrôle interne demeurent encore faibles dans les entreprises publiques. Bien que la quasi-totalité des sociétés d’État disposent d`un service de contrôle interne, cette fonction demeure confinée au contrôle de régularité des procédures financières ». Faute de contrôle, on assiste à une mauvaise gestion des finances publiques, à des détournements de deniers publics, à la corruption. «La corruption et les autres infractions connexes tels que le blanchiment des capitaux sont des fléaux qui entretiennent le gaspillage des ressources publiques et font perdre des points de croissance à l`économie nationale »(p 27), dénoncent en effet, les auteurs du rapport. Cela est encouragé par « l`absence de lois et dispositifs institutionnels spécifiques sur la corruption et l`enrichissement illicite, le caractère dérisoire et peu dissuasif de la sanction pécuniaire et pénale afférente, l`absence de référentiel éthique dans la gestion des affaires publiques et la non-extension de la déclaration du patrimoine aux agents investis de mandats ou missions publics » (p 20). Pour les auteurs du rapport, cette propension à « bouffer » l`argent public est le fruit d`un manque de volonté politique des dirigeants qui étaient à l`époque aux affaires : « Les autorités ivoiriennes affichent une faible volonté à prévenir et à lutter efficacement contre la corruption et l`enrichissement illicite »(p 27). La sécurité et le système judiciaire n`ont pas été épargnés. S`agissant de la justice, le rapport confirme le résultat de l`enquête réalisée par l`Ong Wanep-CI en septembre 2011, selon laquelle 57 % des Ivoiriens estiment que la justice ivoirienne n`est pas crédible. « La justice est l`un des éléments déterminants de l’État de droit. Pourtant la justice ivoirienne est largement discréditée »(p 39), souligne le document, lequel ajoute que le diagnostic « de la justice et de la sécurité a conduit au constat d`une gouvernance de qualité dégradée, dans la mesure où chaque secteur révèle des limites et des obstacles réels à la capacité de préserver l’État de droit »(p 23). Ce constat fait, les experts ont évidemment préconisé dans ledit document, leurs recettes pour guérir l`administration publique de ces maux. Encore faut-il que les nouveaux dirigeants aillent les y chercher et les mettre en œuvre. Plutôt que de vouloir réinventer la roue en multipliant les séminaires.
ASSANE NIADA
L`administration ivoirienne n`a pas bonne presse dans l`opinion nationale. 95 % des Abidjanais estimaient, en 2005, qu`elle souffre de corruption, 79 % la trouvaient très politisée et 69 % dénonçaient l`absentéisme des fonctionnaires. C`est du moins ce qui ressort d`une enquête visant à mesurer l`opinion des Abidjanais sur la gouvernance, la démocratie et la lutte contre la pauvreté en Côte d`Ivoire. Cette étude a été réalisée en 2005 par l`Institut national de la statistique (Ins). Plus récemment, un sondage réalisé par le Wanep-Ci (Réseau ouest-africain pour l`édification de la paix, section Côte d`Ivoire), précisément entre le 13 et le 18 septembre 2011, intitulé : «De l`opinion des populations ivoiriennes sur la démocratie», révélait que 57 % des Ivoiriens pensent que la justice ivoirienne est corrompue, dépendante et non accessible à tous. Mieux, 67 % de la population estime que le principe de l`égalité de tous devant la loi n`est pas respecté. Ces différentes statistiques confirment le diagnostic posé en 2010 par le Secrétariat national à la gouvernance et au renforcement des capacités (Sngrc) dans le cadre du Plan national de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption. Ce document a été validé à l`issue d`un séminaire qui s`est tenu à Yamoussoukro au mois de janvier de la même année. Du diagnostic posé sans complaisance, il ressort que l`administration publique allait mal, même très mal il y a deux ans.
ABSENCE DE CONTRÔLE, CORRUPTION...
Les auteurs du rapport ont décrié «le relâchement des valeurs morales et éthiques au niveau des agents de l’État et leur démotivation »(p 14). Selon eux, cela est dû à l`absence d`une charte d`éthique au sein des entreprises publiques. C`est ce relâchement des valeurs morales qui explique en partie l`absentéisme chronique observé dans l`administration publique. Par ailleurs, le document déplore « l`insuffisance des fonctions de contrôle, d`inspection et d`évaluation » (p.14). Pour ses auteurs, les dysfonctionnements, défaillances et le laisser-aller observés au niveau de l`administration ivoirienne, plus particulièrement dans les entreprises publiques, sont dus à l`inexistence de contrôle. « De plus, note le rapport, la fonction de contrôle est très peu exercée d`autant plus qu`il n`existe pas de contrat d`objectifs et de performance avec les sociétés d’État. L`obligation de résultats, essentiels à l`atteinte d`objectifs, n`est pas définie par la loi qui suppose facultative la conclusion de contrats d`objectifs »( p16). Et de renchérir : « Les fonctions d`audit et de contrôle interne demeurent encore faibles dans les entreprises publiques. Bien que la quasi-totalité des sociétés d’État disposent d`un service de contrôle interne, cette fonction demeure confinée au contrôle de régularité des procédures financières ». Faute de contrôle, on assiste à une mauvaise gestion des finances publiques, à des détournements de deniers publics, à la corruption. «La corruption et les autres infractions connexes tels que le blanchiment des capitaux sont des fléaux qui entretiennent le gaspillage des ressources publiques et font perdre des points de croissance à l`économie nationale »(p 27), dénoncent en effet, les auteurs du rapport. Cela est encouragé par « l`absence de lois et dispositifs institutionnels spécifiques sur la corruption et l`enrichissement illicite, le caractère dérisoire et peu dissuasif de la sanction pécuniaire et pénale afférente, l`absence de référentiel éthique dans la gestion des affaires publiques et la non-extension de la déclaration du patrimoine aux agents investis de mandats ou missions publics » (p 20). Pour les auteurs du rapport, cette propension à « bouffer » l`argent public est le fruit d`un manque de volonté politique des dirigeants qui étaient à l`époque aux affaires : « Les autorités ivoiriennes affichent une faible volonté à prévenir et à lutter efficacement contre la corruption et l`enrichissement illicite »(p 27). La sécurité et le système judiciaire n`ont pas été épargnés. S`agissant de la justice, le rapport confirme le résultat de l`enquête réalisée par l`Ong Wanep-CI en septembre 2011, selon laquelle 57 % des Ivoiriens estiment que la justice ivoirienne n`est pas crédible. « La justice est l`un des éléments déterminants de l’État de droit. Pourtant la justice ivoirienne est largement discréditée »(p 39), souligne le document, lequel ajoute que le diagnostic « de la justice et de la sécurité a conduit au constat d`une gouvernance de qualité dégradée, dans la mesure où chaque secteur révèle des limites et des obstacles réels à la capacité de préserver l’État de droit »(p 23). Ce constat fait, les experts ont évidemment préconisé dans ledit document, leurs recettes pour guérir l`administration publique de ces maux. Encore faut-il que les nouveaux dirigeants aillent les y chercher et les mettre en œuvre. Plutôt que de vouloir réinventer la roue en multipliant les séminaires.
ASSANE NIADA