Réunir à Abidjan, capitale économique ivoirienne, un nombre important d’intellectuels non moins célèbres, pour traiter d’un thème important mais sensible comme «La Renaissance africaine et les leçons à tirer de la crise ivoirienne», inviter ce parterre d’intellectuels et accepter leur indépendance de parole et de pensée dans une Côte d’Ivoire qui sort lentement, mais sûrement, d’une crise post-électorale sans précédent, c’est le pari que vient de réussir le ministère de la Culture et de la Francophonie en faisant venir sur les bords de la Lagune Ebrié d’éminents intellectuels pour participer à un colloque qui s’est déroulé du 28 novembre au 1er décembre 2011, au Centre de Conférences du ministère des Affaires étrangères, au Plateau.
Le ministre de la Culture et de la Francophonie, Bandaman Kouakou Maurice, maître d’œuvre de cette rencontre de réflexion, dans sa prise de parole, a situé l’auditoire sur les enjeux. Il a indiqué qu’en organisant ce colloque, il s’agissait, pour lui, de rechercher le souffle et la force de renaître aux valeurs de solidarité, de partage, d’amour, de fraternité que des années de crise et de lutte fratricide ont altérées et détruites. « Il faut, pour ce faire, puiser dans les trésors du riche patrimoine ivoirien culturel pour régler ces crises et conflits à travers les alliances interethniques (…) Il faut exploiter les arts et traditions, la littérature orale, pour renaître en étant plus généreux, plus libres, plus justes, et portés vers de plus grands idéaux afin des restaurer l’humanité du continent balafrée ».
Tout en saluant la présence des participants à cette rencontre, le professeur Yacouba Konaté, commissaire du colloque, a posé une préoccupation majeure : « Pourquoi les Ivoiriens qui ont vu ou senti les affres des guerres domestiques survenues au Libéria, en Sierra Leone et ailleurs ne se sont pas donné les moyens de conjurer ce type de conflits dans leur pays ? » En réponse, il a estimé que le contexte post-crise aujourd’hui en Côte d’Ivoire doit donner lieu à l’humilité aussi bien des vainqueurs que des vaincus qui doivent bannir de leur langage l’arrogance pour militer en faveur de la construction d’une paix durable et participer au développement du continent africain.
Le président d’honneur du colloque, le Sénégalais Cheikh Hamidou Kane, auteur de la célèbre œuvre L’Aventure ambiguë, tout en exprimant sa joie de se retrouver en terre ivoirienne, un pays qu’il connaît bien pour y avoir travaillé, a dit être particulièrement touché par les récents développements de l’actualité sociopolitique en Côte d’Ivoire. Aussi pense-t-il que ce colloque vient à propos pour poser les véritables problèmes du continent, renouer avec ses valeurs culturelles pertinentes et tourner la page des crises à répétition pour s’engager sur le chemin de la paix et du développement.
Trente-quatre communications au total dont dix en plénières et vingt-quatre en panels ont été faites à cette rencontre. A la lumière des échanges et débats qui ont suivi, loin d’être un colloque de trop, la rencontre d’Abidjan entre intellectuels aura eu sa raison d’être. Ils ont permis à bon nombre d’intellectuels qui, dès le déclenchement de la crise postélectorale, avaient pris des positions tranchées quant à la véracité des résultats des urnes de mettre un peu d’eau dans leur vin. Ils ont compris qu’au-delà des clichés balancés sur les toiles faisant croire que la France venait d’imposer un Président de la Côte d’Ivoire, ce sont bien les Ivoiriens qui sont allés aux urnes pour décider du destin politique de leur pays. Des intellectuels sont allés un peu plus loin pour dire que la Côte d’Ivoire a frôlé la «somalisation», c’est-à-dire l’absence de l’Etat, si l’on se réfère à l’intensité des combats dans la capitale économique. Les tenants de cette thèse ont fait comprendre à leurs pairs qu’il fallait l’intervention de l’Onu via la France pour préserver les vies.
Le deuxième enseignement de ce colloque est que l’oubli des affres de la Traite négrière et de la colonisation n’est pas pour demain. Parce qu’ils sont encore nombreux les intellectuels africains qui pensent que l’Afrique est à la traîne par la faute de la France et des Etats-Unis, considérés comme les néo-colonialistes des temps modernes.
Le troisième enseignement est que l’Afrique, pour s’en sortir, doit réactiver le projet panafricaniste des Kwame N’Krumah, Marcus Garvey… car, seuls, les Etats africains sont d’une fragilité sans précédent. L’Europe l’a compris et constitué une zone économique solide avec l’euro. Il appartient aux Africains de comprendre cette nécessaire unité et penser à mettre en place une union fédérale des Etats, comme l’a défendu dans sa communication le professeur Théophile Obenga. Le salut de l’Afrique passe nécessairement par le rejet de l’égoïsme des Etats et une volonté de penser africain d’abord avant tout autre intérêt.
En somme, le colloque d’Abidjan a eu le mérite de se tenir parce qu’il a permis aux participants de s’exprimer sans contrainte et selon leurs opinions diverses.
Yvan Godé
Le ministre de la Culture et de la Francophonie, Bandaman Kouakou Maurice, maître d’œuvre de cette rencontre de réflexion, dans sa prise de parole, a situé l’auditoire sur les enjeux. Il a indiqué qu’en organisant ce colloque, il s’agissait, pour lui, de rechercher le souffle et la force de renaître aux valeurs de solidarité, de partage, d’amour, de fraternité que des années de crise et de lutte fratricide ont altérées et détruites. « Il faut, pour ce faire, puiser dans les trésors du riche patrimoine ivoirien culturel pour régler ces crises et conflits à travers les alliances interethniques (…) Il faut exploiter les arts et traditions, la littérature orale, pour renaître en étant plus généreux, plus libres, plus justes, et portés vers de plus grands idéaux afin des restaurer l’humanité du continent balafrée ».
Tout en saluant la présence des participants à cette rencontre, le professeur Yacouba Konaté, commissaire du colloque, a posé une préoccupation majeure : « Pourquoi les Ivoiriens qui ont vu ou senti les affres des guerres domestiques survenues au Libéria, en Sierra Leone et ailleurs ne se sont pas donné les moyens de conjurer ce type de conflits dans leur pays ? » En réponse, il a estimé que le contexte post-crise aujourd’hui en Côte d’Ivoire doit donner lieu à l’humilité aussi bien des vainqueurs que des vaincus qui doivent bannir de leur langage l’arrogance pour militer en faveur de la construction d’une paix durable et participer au développement du continent africain.
Le président d’honneur du colloque, le Sénégalais Cheikh Hamidou Kane, auteur de la célèbre œuvre L’Aventure ambiguë, tout en exprimant sa joie de se retrouver en terre ivoirienne, un pays qu’il connaît bien pour y avoir travaillé, a dit être particulièrement touché par les récents développements de l’actualité sociopolitique en Côte d’Ivoire. Aussi pense-t-il que ce colloque vient à propos pour poser les véritables problèmes du continent, renouer avec ses valeurs culturelles pertinentes et tourner la page des crises à répétition pour s’engager sur le chemin de la paix et du développement.
Trente-quatre communications au total dont dix en plénières et vingt-quatre en panels ont été faites à cette rencontre. A la lumière des échanges et débats qui ont suivi, loin d’être un colloque de trop, la rencontre d’Abidjan entre intellectuels aura eu sa raison d’être. Ils ont permis à bon nombre d’intellectuels qui, dès le déclenchement de la crise postélectorale, avaient pris des positions tranchées quant à la véracité des résultats des urnes de mettre un peu d’eau dans leur vin. Ils ont compris qu’au-delà des clichés balancés sur les toiles faisant croire que la France venait d’imposer un Président de la Côte d’Ivoire, ce sont bien les Ivoiriens qui sont allés aux urnes pour décider du destin politique de leur pays. Des intellectuels sont allés un peu plus loin pour dire que la Côte d’Ivoire a frôlé la «somalisation», c’est-à-dire l’absence de l’Etat, si l’on se réfère à l’intensité des combats dans la capitale économique. Les tenants de cette thèse ont fait comprendre à leurs pairs qu’il fallait l’intervention de l’Onu via la France pour préserver les vies.
Le deuxième enseignement de ce colloque est que l’oubli des affres de la Traite négrière et de la colonisation n’est pas pour demain. Parce qu’ils sont encore nombreux les intellectuels africains qui pensent que l’Afrique est à la traîne par la faute de la France et des Etats-Unis, considérés comme les néo-colonialistes des temps modernes.
Le troisième enseignement est que l’Afrique, pour s’en sortir, doit réactiver le projet panafricaniste des Kwame N’Krumah, Marcus Garvey… car, seuls, les Etats africains sont d’une fragilité sans précédent. L’Europe l’a compris et constitué une zone économique solide avec l’euro. Il appartient aux Africains de comprendre cette nécessaire unité et penser à mettre en place une union fédérale des Etats, comme l’a défendu dans sa communication le professeur Théophile Obenga. Le salut de l’Afrique passe nécessairement par le rejet de l’égoïsme des Etats et une volonté de penser africain d’abord avant tout autre intérêt.
En somme, le colloque d’Abidjan a eu le mérite de se tenir parce qu’il a permis aux participants de s’exprimer sans contrainte et selon leurs opinions diverses.
Yvan Godé