Man - Les sages du village de Zagoué, département de Man dans la région du Tonpki sont formels. Le peuple Goh dont ils sont la principale tribu est originaire de Touba, dans la région voisine du Bafing. Même s’ils ont du mal à situer l’époque de l’immigration de leur ancêtre, Gué Bla, vers ces nouvelles terres, ils racontent tous que ce dernier est venu du village Mahou de Golé. Grand guerrier, il a été sollicité à une certaine époque par la famille Touré vivant sur les terres actuelles de Zagoué à l’effet de combattre l’ennemi Guéré qui tentait de récupérer l’espace vital du groupe.
Le peuplement de Zagoué
A la fin des hostilités qu’ils ont remportées, les hôtes invitent leur allié et vaillant guerrier Gué Bla et ses combattants à rester sur place. Deux tribus Dan (Yacoubas) les Sanh et Kah se joindront par la suite aux nouveaux venus pour former avec les Touré le peuple Goh. Les Goh sont à Zagoué mais se retrouvent aussi dans d’autres petits villages du département de Man, notamment à Blolé.
Le patriarche Gué Bla, par son ardeur au combat, sa volonté de fonder une tribu unie et prospère aura fortement marqué l’histoire des Goh. Ses descendants racontent avec fierté qu’il était invulnérable au combat, pouvant même se payer le luxe d’entrer et sortir indemne du feu.
La langue Goh est un argot Dan qui emprunte au Mahou et au Toura. C’est le fruit de la volonté de ce peuple d’éviter de se faire comprendre par ces différents voisins, potentiels adversaires de guerre. Il s’est forgé en pleine guerre contre l’envahisseur Guéré.
Malgré ce passé teinté de méfiance et de conflits divers les Goh sont un peuple hospitalier. Le nom de son village-référence (Zagoué, sur le rocher de jeu) est une invitation à la bonne entente, la bonne humeur et la cohésion sociale. Les étrangers y sont chez eux. Dès qu’un visiteur arrive à Zagoué il est systématiquement logé soit chez ceux qu’il est venu voir soit chez une famille d’accueil selon qu’il connaît ou ne connaît personne dans le village. On lui offre à boire et les nouvelles lui sont demandées.
L’élan de modernité qui s’est emparé sur la Côte d’Ivoire n’a pas épargné les Goh dont les traditions s’effritent inexorablement. Il est toutefois bon de rappeler que chez ce peuple les rites initiatiques sont importants. Ainsi, les jeunes sont formés et socialisés à la faveur d’un séjour initiatique dans le bois sacré.
Des canons et artifices de beauté hors du commun…
C’est à cette étape de la vie que le plus bel homme et la plus belle femme commence à se distinguer. Chez les jeunes hommes le premier et le plus grand critère de beauté ce sont les mollets. Avec des mollets forts l’on perçoit rapidement en la jeune pousse un futur grand guerrier ou tout simplement un travailleur acharné dans les travaux champêtres. Cet atout séduit chez les Goh et caractérise le plus bel homme.
Chez la jeune fille, les traits fins du visage sont retenus de même que l’allure générale. Mais l’aspect déterminant pour distinguer la plus belle jeune fille c’est son ardeur au travail notamment aux côtés sa génitrice. En effet, est considérée comme belle et donc convoitée par tous les hommes, la fille qui aide sa mère aux travaux champêtres et au cours de tous les travaux domestiques : aller au champ, aller au marigot, tenir la maison, etc.…
Cependant, à l’instar des femmes du monde, la femme Goh a ses petites astuces de beauté. Ainsi la poudre du charbon de bois lui sert le plus souvent pour relever l’éclat de ses yeux. Les brèches dans la dentition étant prisées chez ce peuple, certaines jeunes filles n’hésitent pas un seul instant à se tailler les dents en vue d’obtenir ce sourire ravageur qui fait craquer tant d’hommes. Sans aller jusqu’au tatouage, des scarifications sont faites sur certaines parties du corps notamment les joues, les bras, la poitrine et le dos. Badigeonnées à l’huile de palme ou plus récemment au beurre de karité, ces parties visibles sont mises en exergue au cours des grands rassemblements pour attirer les regards sur la fille. Ici la coiffure en vogue est le « Gbêsseu ». C’est une natte traditionnelle qui a la particularité de faire tomber les cheveux du côté des deux oreilles donnant l’allure de cornes. Certains artifices sont souvent ajoutés pour marquer la différence. Cela va d’une tige d’arbre à une petite barre métallique selon les moyens de la fille.
A côté du Gbêsseu on peut citer le « gôbô », une espèce de chignon, les cornes étant dirigées cette fois vers la nuque. « C’était les vraies coiffures de l’époque de nos anciens. Elles ne sont plus très à la mode aujourd’hui. Seules quelques unes de nos mamans qui ont connu le plaisir de porter ces tresses les arborent encore de nos jours », explique le chef du village de Gbêpleu.
Les femmes de la tribu Goh entretiennent leurs cheveux avec deux plantes principales dont nous n’avons pas pu obtenir les noms scientifiques. Il s’agit du « dewaden » et du « létineulê ». Les feuilles de la première sont écrasées avec de l’eau. La pâte obtenue est utilisée pour améliorer la chevelure. Les femmes ont régulièrement recours à cette plante pour voir leurs cheveux pousser rapidement.
Les Goh attribuent des vertus médicinales au létineulê. Les feuilles écrasées sont utilisées en shampoing. Au bout de quelques minutes, teigne, poux et autres pédicures ne sont que de lointains souvenirs. Le recours à ces plantes était systématique pour les jeunes filles de l’époque qui voulaient être dans l’air du temps.
La mode, une autre histoire de métissage…
Mahous à l’origine, Dan par mariage intra communautaire, les Goh n’échappent pas au style vestimentaire de leurs deux souches. Pour les grandes cérémonies, les hommes sont généralement vêtus de boubous (Gbahou) tissés de fils de coton et les femmes de pagnes de la même matière ou Zagouéné (de Zagoué). A ces occasions, les jeunes portent des culottes et des chemisettes de coton.
Pour marquer la différence d’âge, outre les jeunes en culottes, les adultes portent le grand boubou gbahou appelé ici Gbanneu. Ils laissent ainsi le soin au plus anciens de porter le Faké. C’est un boubou plus lourd, plus ample et plus prestigieux. Il impose respect chez les Goh.
Chez la femme, le zagouéné n’est pas cousu. Il est simplement attaché par la femme dont le corps est mis en exergue par d’autres artifices de beauté. Enfin il faut signaler que les Goh ne portent pas de chaussures. En tout cas pas dans l’ancien temps. Les rares chaussures de la vieille époque sont en bois. On parle de chaussures de bois. Elles sont l’apanage des grands chefs. Les autres Goh se déplacent donc les pieds dénudés.
Enfin, il faut retenir que les métaux précieux sont totalement absents dans la culture Goh. Ni or, ni diamant ni autre métal précieux ne sont perceptibles dans l’accoutrement de ce peuple. Comme ornement, les chefs se déplacent avec des cannes en bois joliment taillé ou avec une épée en fer.
Confinés sur une toute petite portion du territoire de la région des montagnes entre Biankouma et Man, les Goh ni Dan ni Toura revendiquent leur authenticité. Une identité bien mise à mal par l’audience nationale de leurs voisins mais surtout par les nouvelles valeurs qui écrasent lentement mais surement celles des ancêtres.
Par SYLVAIN OLIMPIO GONETY
(AIP)
gso/cmas
Le peuplement de Zagoué
A la fin des hostilités qu’ils ont remportées, les hôtes invitent leur allié et vaillant guerrier Gué Bla et ses combattants à rester sur place. Deux tribus Dan (Yacoubas) les Sanh et Kah se joindront par la suite aux nouveaux venus pour former avec les Touré le peuple Goh. Les Goh sont à Zagoué mais se retrouvent aussi dans d’autres petits villages du département de Man, notamment à Blolé.
Le patriarche Gué Bla, par son ardeur au combat, sa volonté de fonder une tribu unie et prospère aura fortement marqué l’histoire des Goh. Ses descendants racontent avec fierté qu’il était invulnérable au combat, pouvant même se payer le luxe d’entrer et sortir indemne du feu.
La langue Goh est un argot Dan qui emprunte au Mahou et au Toura. C’est le fruit de la volonté de ce peuple d’éviter de se faire comprendre par ces différents voisins, potentiels adversaires de guerre. Il s’est forgé en pleine guerre contre l’envahisseur Guéré.
Malgré ce passé teinté de méfiance et de conflits divers les Goh sont un peuple hospitalier. Le nom de son village-référence (Zagoué, sur le rocher de jeu) est une invitation à la bonne entente, la bonne humeur et la cohésion sociale. Les étrangers y sont chez eux. Dès qu’un visiteur arrive à Zagoué il est systématiquement logé soit chez ceux qu’il est venu voir soit chez une famille d’accueil selon qu’il connaît ou ne connaît personne dans le village. On lui offre à boire et les nouvelles lui sont demandées.
L’élan de modernité qui s’est emparé sur la Côte d’Ivoire n’a pas épargné les Goh dont les traditions s’effritent inexorablement. Il est toutefois bon de rappeler que chez ce peuple les rites initiatiques sont importants. Ainsi, les jeunes sont formés et socialisés à la faveur d’un séjour initiatique dans le bois sacré.
Des canons et artifices de beauté hors du commun…
C’est à cette étape de la vie que le plus bel homme et la plus belle femme commence à se distinguer. Chez les jeunes hommes le premier et le plus grand critère de beauté ce sont les mollets. Avec des mollets forts l’on perçoit rapidement en la jeune pousse un futur grand guerrier ou tout simplement un travailleur acharné dans les travaux champêtres. Cet atout séduit chez les Goh et caractérise le plus bel homme.
Chez la jeune fille, les traits fins du visage sont retenus de même que l’allure générale. Mais l’aspect déterminant pour distinguer la plus belle jeune fille c’est son ardeur au travail notamment aux côtés sa génitrice. En effet, est considérée comme belle et donc convoitée par tous les hommes, la fille qui aide sa mère aux travaux champêtres et au cours de tous les travaux domestiques : aller au champ, aller au marigot, tenir la maison, etc.…
Cependant, à l’instar des femmes du monde, la femme Goh a ses petites astuces de beauté. Ainsi la poudre du charbon de bois lui sert le plus souvent pour relever l’éclat de ses yeux. Les brèches dans la dentition étant prisées chez ce peuple, certaines jeunes filles n’hésitent pas un seul instant à se tailler les dents en vue d’obtenir ce sourire ravageur qui fait craquer tant d’hommes. Sans aller jusqu’au tatouage, des scarifications sont faites sur certaines parties du corps notamment les joues, les bras, la poitrine et le dos. Badigeonnées à l’huile de palme ou plus récemment au beurre de karité, ces parties visibles sont mises en exergue au cours des grands rassemblements pour attirer les regards sur la fille. Ici la coiffure en vogue est le « Gbêsseu ». C’est une natte traditionnelle qui a la particularité de faire tomber les cheveux du côté des deux oreilles donnant l’allure de cornes. Certains artifices sont souvent ajoutés pour marquer la différence. Cela va d’une tige d’arbre à une petite barre métallique selon les moyens de la fille.
A côté du Gbêsseu on peut citer le « gôbô », une espèce de chignon, les cornes étant dirigées cette fois vers la nuque. « C’était les vraies coiffures de l’époque de nos anciens. Elles ne sont plus très à la mode aujourd’hui. Seules quelques unes de nos mamans qui ont connu le plaisir de porter ces tresses les arborent encore de nos jours », explique le chef du village de Gbêpleu.
Les femmes de la tribu Goh entretiennent leurs cheveux avec deux plantes principales dont nous n’avons pas pu obtenir les noms scientifiques. Il s’agit du « dewaden » et du « létineulê ». Les feuilles de la première sont écrasées avec de l’eau. La pâte obtenue est utilisée pour améliorer la chevelure. Les femmes ont régulièrement recours à cette plante pour voir leurs cheveux pousser rapidement.
Les Goh attribuent des vertus médicinales au létineulê. Les feuilles écrasées sont utilisées en shampoing. Au bout de quelques minutes, teigne, poux et autres pédicures ne sont que de lointains souvenirs. Le recours à ces plantes était systématique pour les jeunes filles de l’époque qui voulaient être dans l’air du temps.
La mode, une autre histoire de métissage…
Mahous à l’origine, Dan par mariage intra communautaire, les Goh n’échappent pas au style vestimentaire de leurs deux souches. Pour les grandes cérémonies, les hommes sont généralement vêtus de boubous (Gbahou) tissés de fils de coton et les femmes de pagnes de la même matière ou Zagouéné (de Zagoué). A ces occasions, les jeunes portent des culottes et des chemisettes de coton.
Pour marquer la différence d’âge, outre les jeunes en culottes, les adultes portent le grand boubou gbahou appelé ici Gbanneu. Ils laissent ainsi le soin au plus anciens de porter le Faké. C’est un boubou plus lourd, plus ample et plus prestigieux. Il impose respect chez les Goh.
Chez la femme, le zagouéné n’est pas cousu. Il est simplement attaché par la femme dont le corps est mis en exergue par d’autres artifices de beauté. Enfin il faut signaler que les Goh ne portent pas de chaussures. En tout cas pas dans l’ancien temps. Les rares chaussures de la vieille époque sont en bois. On parle de chaussures de bois. Elles sont l’apanage des grands chefs. Les autres Goh se déplacent donc les pieds dénudés.
Enfin, il faut retenir que les métaux précieux sont totalement absents dans la culture Goh. Ni or, ni diamant ni autre métal précieux ne sont perceptibles dans l’accoutrement de ce peuple. Comme ornement, les chefs se déplacent avec des cannes en bois joliment taillé ou avec une épée en fer.
Confinés sur une toute petite portion du territoire de la région des montagnes entre Biankouma et Man, les Goh ni Dan ni Toura revendiquent leur authenticité. Une identité bien mise à mal par l’audience nationale de leurs voisins mais surtout par les nouvelles valeurs qui écrasent lentement mais surement celles des ancêtres.
Par SYLVAIN OLIMPIO GONETY
(AIP)
gso/cmas