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Sport Publié le mercredi 15 février 2012 | Le Mandat

Côte d’Ivoire, du bonheur au cauchemar : Récit d’un scénario catastrophe

Elle s’annonçait belle et épique l’aventure ivoirienne dans cette Can 2012. Mais il fallait compter avec les surprises du football et surtout de cette 28ème édition de l’épreuve continentale où tous les grands sont passés à trappe. La Côte d’Ivoire n’a pas fait exception. Elle a perdu toutes illusions au moment où le trophée lui tendait les mains. C’était un véritable drame. A l’échelle nationale.

«Trop parfait pour manquer le coche ». Nous nous étions permis d’écrire cela dans ces lignes, àL a veille de la finale de la Can 2012. Une finale qui aura choisi, en fin de compte, la Zambie, invité- surprise au détriment de la Côte d’Ivoire, super favori. Mais, disons que le parcours sans tâche des Eléphants les prédisposait, en effet, à une victoire de rang sous forme de cerise sur le gâteau. Seuls quelques esprits trop avertis auraient pu imaginer le contraire. Pour dire comme James, ce taximan ghanéen installé à Libreville depuis 22 ans, à moins que Dieu ait décidé autrement, la coupe ne pouvait échapper à la Côte d’Ivoire. C’était d’ailleurs, à l’unisson, le refrain des sportifs en général et des Ivoiriens en particulier.

Signes et symboles

Les signes étaient trop palpables pour ne pas inviter à l’espoir du couronnement. 2012 qui rime avec 1992, année de l’unique sacre ivoirien dans l’épreuve. Le président Ouattara aux affaires ; lui qui occupait la Primature au moment de la gloire ivoirienne. Un entraîneur local (François Zahoui) sur le banc des Eléphants, comme Yéo Martial. Mieux, cinq matches, sans la moindre défaite et le moindre but encaissé comme en 1992. On s’acheminait tout droit vers Sénégal 92 avec un sacre ivoirien.

L’aventure entamée un 22 janvier, au stade Malabo, face à une accrocheuse formation du Soudan, allait ainsi, définitivement, s’écrire en lettres d’or au soir du 12 février au stade de l’amitié sino-gabonaise de Libreville. Tout était préparé pour la grande messe. Du sommet de l’Etat à l’Ivoirien lambda, le bonheur était à son comble. L’arrivée au Gabon du président de la République s’inscrivait dans cet élan. Recevoir le trophée et le ramener en Côte d’Ivoire, tel qu’il l’avait promis. Ce serait tout un symbole. Un coup de fouet au processus de réconciliation en cours. On avait tout prévu sauf la défaite. Et pourtant, des signes, peut-être insignifiants, étaient apparus : d’abord, contrairement à 92, l’adversaire n’était pas le Ghana. Ensuite, les Zambiens, les autres finalistes, retrouvaient, eux, aussi Libreville 19 ans après la catastrophe aérienne qui a décimé toute l’équipe de la Migthy Zambie sur les larges de la capitale gabonaise. Tout un symbole. D’où l’émouvant pèlerinage sur les lieux du drame à deux jours du match. De fait, même si, en 1994, soit quelques mois après le crash de juin 1993, les Chipolopolos (nouvelle appellation de la Mighty Zambia) avaient manqué d’honorer la mémoire des leurs en finale (en Tunisie) face au grand Nigéria des Augustine Okocha et Sunday Olisey, cet autre rendez-vous final semblait un vrai signe du destin. Dans une compétition de toutes les surprises. Dopés par l’esprit de leurs illustres disparus, les Zambiens, après avoir sorti le Ghana, l’autre favori de la compétition pris au piège de la désillusion, étaient de sérieux clients. Visiblement

promis au sacre.

Perdre une finale sans encaisser de but

Techniquement doués et évoluant sans complexe, avec le soutien d’un sélectionneur (Hervé Renard) plus que jamais optimiste, les Chipolopolos n’avaient rien à perdre. « On peut ne pas encaisser de buts, tout au long de la compétition et perdre la finale », avait prévenu le sélectionneur zambien, tout en reconnaissant le statut de favori de son adversaire du jour. Et comme par hasard, ce dimanche 12 janvier, dans tout Libreville, les pronostics s’équilibrent. Si les Ivoiriens, très confiants, ne cèdent pas au pessimisme loin de là, une grande frange de l’opinion se pique d’admiration pour la Zambie. Dans tous les coins de la capitale, ça rivalise d’ardeur dans les commentaires d’avant match.

Les embouteilles qui plombent la circulation de Libreville finissent de convaincre sur la solennité deL’événement. C’est le genre d’événement à vivre, à graver dans la mémoire. Des alentours du stade de l’amitié sino-gabonaise, à l’intérieur où s’exécute avec brio la cérémonie de clôture, le mercure prend l’ascenseur. Les supporters arrivent par vagues. Zambiens et Ivoiriens ayant en commun les couleurs orange vert, il y a une belle harmonie chromatique dans la cohue humaine qui se forme progressivement. Les feux d’artifices dignes d’un carnaval illuminent le ciel librevillois. Au grand bonheur des milliers de spectateurs réunis dans un stade flambant neuf et futuriste. Plusieurs chefs d’Etat sont au rendez-vous : Ali Bongo (Gabon), Obiang Nguema (Guinée Equatoriale), Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire), Sassou Nguesso (Congo Brazzaville), Yayi Boni (Bénin)…Un beau plateau pour une belle récompense. La Côte d’Ivoire croit pouvoir être l’heureuse élue du jour. La Zambie rêve en secret. Et si dans le jeu, la balance est vite équilibrée par la virtuosité de la jeune sélection des Chipolopolos, c’est le penalty manqué de Didier Drogba (69è) qui donne le premier véritable signe de la soirée. Sans oublier que, pour la première fois dans cette compétition, les Eléphants n’avaient pas trouvé la faille en première mi-temps. Quand, en fin de compte, tout doit se jouer aux tirs au but, on croit revivre le scénario victorieux de 1992, en oubliant celui de 2006 où l’Egypte avait conservé le trophée sur son sol. Une chose est sûre, après la piètre prestation des Eléphants sur l’ensemble de la partie, une victoire à la séance des tirs au but aurait rallumé la flamme. Parce que dans les gradins comme (on l’imagine) dans les foyers, la tension était intenable. Un succès, et c’aurait été la délivrance, l’explosion de joie. Mais, après le mano à mano de la première série, et les deux ratés de Gervinho et Kolo Touré l’espoir s’envole définitivement quand le tireur zambien ajuste Copa Barry. C’est le cimetière des Eléphants. Les nombreux supporters zambiens, eux, se découvrent.

La nuit est longue et difficile pour toute la délégation venue d’Abidjan. Du stade à l’hôtel, entre cris de joie de l’adversaire et soupirs des Ivoiriens, c’est tout le drame national qui se dévoile. La cruauté du football à l’état pure.

MARTIAL GALE
Nenvoyé spécial à Libreville
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