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Art et Culture Publié le mardi 28 février 2012 | Nord-Sud

Burida : Des DJ perdent des milliards

La majorité des Disc jockeys (Dj) du coupé-décalé ne perçoit pas de droits d’auteur. Une situation qu’on impute à une certaine négligence de leur part mais aussi à des difficultés liées au genre musical.

Non. Ce n’est pas possible ! C’est trop demander. Et l’attitude de plusieurs Dj du mouvement coupé-décalé se justifie. Comment exiger à des personnes qui enchaînent des onomatopées ‘’insensées’’ (krikatapanpan ; djéssimidjéka ; Kpayaye ; Nongon-nongon…) de résumer leur texte autour de thèmes biens élaborés ? Pourquoi même réclamer qu’ils donnent un thème à une chanson qui n’en a pas ? Et en plus, pour quelqu’un qui n’a qu’une seule chanson, on ne peut pas lui en réclamer deux, juste pour une quelconque inscription ? Non, C’est trop demander. C’est le courroux qui habite tout curieux qui veut savoir pourquoi les Dj, en majorité, préfèrent éviter le siège du Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida), sis à Cocody les Deux-Plateaux. Et comme ‘’ils se connaissent’’, c’est de bonne guerre, les Dj’s préfèrent se tenir à l’écart de tout ce qui concerne cette structure. Du coup, pas de droit à percevoir même si la chanson est devenue « l’hymne » des boîtes de nuit et des maquis du pays.

Un non-intérêt

Assis confortablement derrière son bureau, Yves Kané, responsable de la communication de la maison des artistes, maîtrise son sujet. Il explique : « pour être affilié au Burida, il faut se déclarer ». Comment procède-t-on ? La réponse à la question confond la plupart des Dj. « L’artiste doit sortir au moins deux chansons, déclarer les ayants-droit (auteur, compositeur, arrangeur, adaptateur, interprète…), donner une pièce portant le nom à l’état civil et payer une somme de 10.000 Fcfa. C’est tout. Lorsque cela est fait, le Burida a pour devoir de percevoir le droit d’auteur, chaque fois que l’œuvre est exécutée ou diffusée publiquement, et ensuite de le répartir. Ce, pendant toute la carrière de l’artiste », explique-t-il. Cette évidence pour l’administrateur ne l’est pas pour les disc-jockeys. D’abord, il faut se rendre aux Deux-Plateaux. « Les Dj préfèrent se reposer la journée et faire les animations la nuit », confie un manager d’artiste. Aussi, certains sans même savoir les prérogatives exactes de la maison des artistes lui collent des étiquettes négatives. « Le Burida vole les artistes. Quel intérêt ai-je à aller me déclarer dans une telle structure », argumente un chanteur de coupé-décalé. Mais, M. Kané a une toute autre explication à ces agissements. « Souvent, ils ne s’attendent pas à une carrière musicale véritable. La chanson naît au cours d’une animation juste pour attirer des clients. Et, c’est après qu’ils se rendent compte que c’est un succès et ils l’arrangent un peu », soutient-il. Pour un observateur du show-biz ivoirien, les animateurs devenus des chanteurs préfèrent se produire dans les bars et boîtes de nuit que de compter sur « les miettes » qu’ils ne sont pas sûrs de percevoir. « Un artiste comme Dj Léo peut engranger entre un et deux millions un week-end à Abidjan », témoigne un des managers du chanteur. Selon lui, la générosité des ‘’brouteurs’’ (cybercriminels en jargon) peut aller bien au-delà de ces sommes.

Des situations obligeantes

Pour un autre travailleur de la ‘’maison orange’’, « tous les Dj ne doivent pas être bouffés dans la même marmite ». Car, a-t-il relevé, plusieurs d’entre eux sont devenus des sociétaires du Burida. Après enquête, il ressort que de grosses têtes comme Arafat Dj, Dj Kédjévara, Dj Mix, Dj Jacob, Dj Léwis, Dj Kaloudji… sont répertoriés dans les bases de données des créateurs ivoiriens. Serges Beynaud est connu comme arrangeur et non chanteur. « On a constaté que c’est lorsqu’ils doivent aller à l’extérieur et qu’ils ont besoin de visa d’artiste qu’ils se déclarent au Burida », a informé le responsable de la communication.

Aussi, à un moment, le succès mais aussi le besoin de professionnalisation et parfois l’envie d’une carrière internationale font qu’ils sont obligés de se faire répertorier. « Une grosse maison de production ne peut pas travailler avec un artiste qui n’est pas reconnu comme tel dans son pays », éclaire M. Diabagaté, un homme du milieu, qui a la gestion de la carrière de plusieurs créateurs en vogue.

Que perdent-ils ?

Le Burida collecte aussi bien les droits issus des ventes des cassettes audio, CD, DVD, des droits voisins mais aussi les taxes auprès des maquis, bars, grandes surfaces pour consommation de musique. A cet effet, il se doit de les répartir aux ayants-droit. Pour le faire, une fiche de programmation est distribuée à chaque structure sur laquelle on recense les artistes et les chansons distillées. Si la chanson d’un artiste a été jouée, il doit percevoir ses droits. Qu’en est-il pour celui qui n’est pas déclaré ? Pour répondre, le communicateur du Burida prend l’exemple de la chanteuse Claire Bahi. « On a le cas Claire Bahi avec la chanson ‘’Bobarafitini’’. On a constaté que son nom a été mentionné plusieurs fois sur des programmations de spectacles où elle a fait des prestations. Comme elle n’était pas dans notre base de données, elle ne pouvait rien recevoir. L’inconvénient est aussi que lorsqu’on note ce genre de cas, la répartition se complique pour les autres ». Abou Nidal, par exemple, n’est passé qu’une seule à la maison orange depuis le début de sa carrière. « Je suis membre du Burida. J’ai pris des droits d’auteur une seule fois. Je devais repasser mais je n’y suis plus allé. Il y a MTN qui a versé de l’argent pour avoir utiliser ma musique », a-t-il expliqué. Pour l’autre agent du Burida qui garde l’anonymat, c’est une ignorance coupable de la part des Dj. Depuis la création du mouvement coupé-décalé, on estime à des milliards l’argent perdu par les DJ. Et de citer un ancien directeur de la maison qui se plaisait à dire : « si tu es déclaré, nous on gère ton argent. Si tu n’es pas déclaré, nous on gère ton argent ». Il y a, par contre, une issue pour les retardataires. Le créateur dispose, selon la loi ivoirienne, de 10 ans pour se déclarer. C’est seulement au-delà de cette date, que l’argent non distribué revient au Burida. Mais cette exigence est-elle respectée ? Les langues se délient moins.

Sanou A.
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