Dans un entretien exclusif accordé, hier, à la Télévision ivoirienne, le Premier ministre, Guillaume Soro aborde sans détour, plusieurs questions d’actualité, notamment son avenir à la primature. Nous vous en proposons de larges extraits.
Est-ce que j’exagère en disant que de votre sort immédiat, dépend aujourd’hui l’avenir de la Côte d’Ivoire ?
Je pense que c’est trop dire. Je crois que c’est un grand président qui disait, qu’il faut en Afrique des institutions fortes. Je m’inscris dans cette conception de la gestion de l’Etat. Je pense que les individus sont importants pour impulser une dynamique, une efficacité au niveau des institutions. Mais le plus important c’est d’avoir des institutions crédibles, fortes pour le pays. Donc, je pense que nul n’est indispensable et que la Côte d’Ivoire a tout son avenir.
Vous reconnaitrez tout de même que, chef de la rébellion armée, ministre d’Etat pendant quatre ans, Premier ministre pendant cinq ans, vous avez joué un rôle central dans ce qui s’est passé à la Côte d’Ivoire ?
Evidemment, quand on a joué un rôle, comme vous dites, important, nous espérons simplement que toutes les responsabilités qui ont été les nôtres au cours de ces années, nous avons pu les accomplir avec détermination, avec abnégation et loyauté. Je pense que ce qui nous a animés toutes ces années, était de faire en sorte d’aboutir à la démocratie. Notre combat était empreint de justice, la cause était noble, c’était pour faire en sorte qu’en Côte d’Ivoire vivent des Ivoiriens épris de liberté et de justice.
Pour conclure cette introduction, est-ce que votre combat qui visait à installer la démocratie, est-ce qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour y parvenir que de recourir à une rébellion armée aussi semblable ?
C’est vrai qu’on peut polémiquer là-dessus, mais le contexte des années 2000, 2001,2002 est encore frais dans nos mémoires. Face à une intransigeance, quand les rouages et les mécanismes de l’Etat ne permettent plus aux citoyens d’avoir justice, ne permettent plus aux citoyens de s’exprimer, évidemment la situation devient compliquée. C’est le blocage total et effectivement on peut en arriver à des situations de révolte.
Soro Kigbafori Guillaume a été Soro Guillaume le rebelle, aujourd’hui député. Député pourquoi faire ? Peut-être pour vous, c’est un tremplin pour ratisser plus large, plus tard. Peut-être tout de suite, vous visez certainement l’assemblée nationale, je juge les choses par les actes. Parce que nous savons que vous n’avez pas encore les 40 ans requis pour être au perchoir, autre objectif peut-être pour vous, et puis, pourquoi pas, les présidentielles 2015. Dans tous les cas vous êtes jeune, vous l’avez dit à un confrère, vous avez le temps devant vous. Que deviendra Soro Guillaume si d’aventure il devait partir du gouvernement de M. Alassane Ouattara ?
Alors, juste deux choses. La première, vous avez parlé de Soro le rebelle. Vous savez, j’ai écrit un livre que j’ai intitulé ‘’Pourquoi je suis devenu rebelle’’. Je pense qu’aujourd’hui, c’est vrai, dans nos pays, le mot rebelle est galvaudé. Mais je veux parler du rebelle au sens noble. De Gaule a été rebelle.
Cela ne vous choque pas ?
Non pas du tout. Je considère qu’il y a de la noblesse à se rebeller contre des institutions antidémocratiques. Et on l’a vu dans des pays en Afrique du nord, en Lybie en Egypte, en Tunisie. Vous êtes journalistes, vous avez couvert, vous avez vu des populations se révolter, se rebeller. Donc il y a de la noblesse quelque part dans ce terme. Ceci dit, cela peut paraître philosophique, mais c’est un fait. La deuxième chose, pourquoi Guillaume Soro est candidat à Ferké ? La soif d’apprendre.
Vous aurez pu être candidat à Abidjan ?
Je pense qu’effectivement, j’aurais pu l’être ici à Abidjan, comme bien d’autres.
Vous n’avez pas voulu prendre de risque ?
Non, ce n’est pas un problème de risque. J’ai considéré qu’il fallait aller chez moi au village commencer auprès de mes parents, avoir leur bénédiction et puis faire l’apprentissage. Vous savez, j’ai été ministre, Premier ministre, je n’ai jamais été député. Je voulais essayer les suffrages des populations et c’est ce que j’ai fait.
Est-ce que vous allez rester ou partir de la Primature à courte échéance ?
Ecoutez, je partirai sûrement de la primature. Dans trois jours, dans une semaine, dans un an. Ce qui est certain, je partirai de la primature. Parce que pour moi, la primature c’est plutôt une fonction. Ce n’est pas un métier. Et même si c’était un métier, on finit toujours par prendre sa retraite. Donc je n’imagine pas Guillaume Soro s’éterniser à la primature. Mais pour l’heure, j’ai des responsabilités. Ces responsabilités, c’est de conduire un gouvernement, c’est d’apporter des solutions aux populations. Et c’est ce à quoi, je m’attèle. Je vois bien que la presse grouille de bien de rumeurs sur la primature. Mais vous savez, c’est le président de la République qui décide. C’est lui qui nomme et révoque le Premier ministre.
Sur votre futur immédiat, justement si vous devez partir que visez-vous, l’Assemblée nationale ou la Présidentielle ?
Si je dois partir un jour, ce serait en parfaite concertation avec le président de la République qui a placé en moi sa confiance et je ne manquerai pas de point de chute. Vous savez, il ya tellement de choses à faire dans ce pays, qu’il ne faut pas avoir de fixation sur un poste. Et c’est important. Moi-même qui, à l’époque, il y a seulement un an, deux ans, disait à l’ancien chef de l’Etat de ne pas s’accrocher au pouvoir, ce n’est pas à moi de faire des fixations sur un poste. Je suis prêt à partir à tout moment.
Et alors si vous partez, si vous avez des ambitions quels sont les moyens que vous allez vous donner, je veux dire les moyens politiques, est-ce que vous allez créer un parti politique, ou adhérer à un autre ? Au Rdr vous en avez fait la demande.
Vous savez, ma philosophie, ma conception est de dire qu’à chaque jour suffit sa peine. J’ai été leader de mouvement d’étudiants. Je suis parti du mouvement d’étudiants. J’ai assumé des responsabilités au niveau de l’Etat, je suis Premier ministre, quand je partirai je saurai quoi faire.
Visiblement, vous n’êtes pas précis sur l’éventualité d’un départ de la primature. Parce qu’il semble qu’il y a des faits qui disent que vous allez partir.
Je sais que c’est peut-être le souhait de bien des gens que je parte. Mais pour l’heure, je suis encore à la primature. Je ne me fais pas d’illusions. Vous savez, déjà en 2010, avec l’ancien président, j’avais déjà préparé mon départ de la primature. Je savais qu’après les élections, vu que le président actuel avait déjà promis la primature au Pdci. Et que l’ancien président avait promis la même primature à quelqu’un d’autre. Il n’y a absolument aucun problème, je suis impavide, face à la question du départ de la primature. Ce que je dis, c’est au président de la République qui nomme et qui révoque, de prendre la décision. En ce qui me concerne, je suis préparé, je suis certain que j’irai de la primature, je ne sais pas encore le jour, mais quand ça viendra, ce sera avec beaucoup de sérénité que je rendrai ma démission.
Que vont devenir les Forces Nouvelles ?
La meilleure façon de devenir quelque chose c’est de ne pas s’en préoccuper maintenant. Chacun doit faire ce qu’il a à faire tranquillement, sereinement. Vous savez, si le 19 septembre 2002, je m’étais préoccuper de savoir ce que j’allais devenir, je me serais protégé des balles. J’aurais pris trop de précautions, et la prudence aurait peut-être empêché que je fasse correctement ce que j’avais à faire. Donc, je pense que quand on vous confie une responsabilité, il faut l’accomplir avec efficacité et laisser son destin se dérouler.
Il faut prévoir quand même les choses. Donc, il faut effectivement prévoir aussi l’avenir des Forces Nouvelles. Donc, j’imagine que vous y avez pensé.
Les Forces Nouvelles ont tenu un conclave. Il ya eu un comité de restructuration qui a été mis en place. Qui, à l’heure où nous parlons est en train de travailler en synergie, en concertation avec le Rhdp. Vous savez que nous avons dit que nous n’allons pas nous muer en parti politique. Il y avait déjà suffisamment de partis politiques en Côte d’Ivoire, et que nous allions apporter un soutien au Rhdp. Donc ce comité de restructuration est en train de travailler. Quand nous aurons les conclusions vous serez aussitôt informé.
Vous avez dit que, à un certain moment vous aviez déjà fait vos bagages, vous étiez prêt à partir de la primature, qu’est ce qui motive votre reconduction, le fait que vous ayez une branche armée dans votre mouvement ?
Ecoutez, la première chose c’est que nous étions conscients qu’à l’organisation de l’élection présidentielle, un président serait élu. Alors quand un président est élu, on sort de la phase de transition. Et c’est au seul Président de désigner et nommer le Premier ministre. Donc, pour moi, il était claire qu’à partir du moment où je n’avais pas d’accord ni avec M. Gbagbo, ni avec M. le candidat Alassane Ouattara en ce moment, je savais que je devais quitter la primature pour qu’un Premier ministre vienne occuper cette responsabilité. Mais, le destin en a décidé autrement. Il ya eu une forte crise et le président de la République m’a appelé, m’a sollicité et a souhaité pour que je rempile au poste de Premier ministre. Je l’ai accepté, j’ai accompli ma responsabilité et cela fait maintenant un an.
Avec le poste de ministre de la Défense, cela a-t-il un sens ?
Oui, le président Alassane Ouattara m’a dit que c’était une question de confiance. Et qu’il considérait que je devais être le Premier ministre, ministre de la Défense. Evidemment c’est vrai que ce n’est pas si simple. C’est une tâche lourde, non seulement de conduire le gouvernement…
Mais c’est surtout pas innocent ?
C’est vous qui le dites, mais toujours est-il que le président a jugé que j’étais le mieux qualifié pour assumer la charge de ministre de la défense. J’espère que je n’ai pas déçu les Ivoiriens.
Avec les exactions des Frci, on a l’impression que la mission n’est pas totalement achevée.
Sur cette question, je vais être très clair. Si monsieur Gbagbo le 28 novembre 2010, avait fait une transmission du pouvoir pacifiquement à monsieur Ouattara, il n’y aurait pas eu de Frci, il n’y aurait pas eu de dérapages, il n’y aurait pas eu de morts. Incriminés certains soldats de notre armée, sans en référé à la cause et à l’origine de la crise, c’est faire preuve de complaisance. En réalité ce qui s’est passé, c’est que ces élections se sont déroulées de façon transparente, démocratique. Un président a été élu, il était de la responsabilité de l’ancien président d’accepter sa défaite en bon perdant. Ce n’est pas ce qu’il a fait. Bien au contraire, il s’est arc-bouté sur des chars, sur l’armée pour essayer de confisquer le pouvoir. Voici l’origine des difficultés que nous avons eues. Quel autre choix avions nous, après toutes les démarches politiques. Moi-même j’ai fait plusieurs capitales, le président Alassane Ouattara a montré toute sa disponibilité à mener le dialogue politique.
Nous avons déclenché les hostilités non pas pour faire la guerre, mais pour stopper celui qui continuait de tuer la population aux mains nues.
Cela fait une année que le pouvoir est en place. C’est vrai qu’il ne faut pas occulter le passé, mais les populations vivent des difficultés.Je parle de certaines exactions des Frci, et les Frci associées qui dans les régions de l’ouest où les populations vivent terrorisées, où elles n’ont pas beaucoup de liberté de mouvement.
Je vous concède ces critiques. Et c’est normal. Les populations sont impatientes. Je viens d’une mission au Rwanda. Je me suis rendu compte que pour stabiliser ce pays, pour apporter une vraie sécurité à ce pays, ils n’ont pas mis un an, ils n’ont pas mis six mois, ils ont mis 17 ans. Le génocide a été stoppé au Rwanda en 1994. Quelle est la situation exacte en Côte d’Ivoire ? Le gouvernement a été formé le 1er juin 2011. A partir de là, nous avons commencé à faire des réformes en vue de ramener la sécurité dans notre pays. Vous avez vu que nous avons nommé les commandements, et parer au plus pressé en réhabilitant quelquefois sommairement les casernes. Au lendemain du 11 avril, il n’y avait plus de policiers, ni de gendarmes, de commissariats, de brigades de gendarmerie. Tout avait été vandalisé. Evidemment, vous avez votre évaluation de la sécurité huit mois après, mais la réalité est celle-là. Aujourd’hui, quand vous sortez, vous voyez des policiers pour réguler la circulation, des gendarmes de plus en plus opérationnels, une armée en pleine restructuration. On ne peut pas dire qu’il n’y pas eu de progrès. Ceci dit, il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour amener la Côte d’Ivoire à un niveau de sécurité parfait. Mais nous avons des contraintes. La première, c’est l’embargo qui nous empêche de doter nos forces de première catégorie que sont la police et la gendarmerie d’armes pour assurer la sécurité de ces populations. En plus, nous avons des contraintes financières.Nous sommes dans une situation de décroissance économique où on a un pays qui n’a pas les ressources qu’il faut. Il faut donc injecter beaucoup d’argent pour reconstruire ces casernes pour intégrer les jeunes associés aux forces armées, c’est-à-dire la réserve. Je suis certes d’accord avec vous, mais, vous ne pouvez donc pas dire que la situation sécuritaire en mars 2012 est la même que celle d’avril 2011.
Il y a eu évolution. Mais lorsque des braqueurs s’attaquent au convoi du ministre délégué à la défense, c’est plus que de la provocation.
Je conviens avec vous que ce sont des situations regrettables, déplorables.Ça montre aussi que ce n’est pas le citoyen simple qui est en proie à l’insécurité, que les autorités en sont aussi victimes. Nous en avons conscience, nous y travaillons, et vous verrez que la sécurité va se faire. Je voudrais simplement prendre l’exemple de décembre 2011. Vous savez très bien qu’en Côte d’Ivoire, depuis 1999, chaque fois qu’on approchait des fêtes de fins d’année, c’était comme une sorte de psychose liée aux questions de coups d’Etat. Pourtant, nous avons fait des fêtes paisibles, agréables. Les Ivoiriens se sont retrouvés, ceci a été chanté et loué partout. Ça veut dire qu’il y a eu des progrès. Evidemment, il y a encore des braquages çà et là. Mais ne restons pas les bras croisés. Je suis sûr que le trimestre prochain, les résultats seront palpables.
Certains observateurs notent que chaque fois que Guillaume Soro est menacé dans ses positions, l’insécurité grandit. Comme pour dire, c’est l’homme de la situation, il faut le laisser là.
(Rire) Vous faites écho des ragots de bas étages. Vous savez, quand on est responsable, Premier ministre, on ne peut pas descendre à des choses ainsi faites. Si je veux demeurer ‘’ad vita’’ Premier ministre, j’en parlerais au président de la République. En l’état actuel des relations que j’ai avec le président de la République, je pourrais lui en parler, lui demander à continuer ma mission à la Primature. Donc je suis investi de sa confiance et de son soutien.
Les Ivoiriens qui sont sortis de cette crise avaient poussé un ouf de soulagement, et voilà que la situation continue. Les populations sont prises en otage. Si ce ne sont pas les FRCI déguisées en bandits, ce sont des coupeurs de route qui sévissent de jour et de nuit au vu et au su de vos hommes en armes. N’est-ce pas là la promesse non tenue d’un deal avec eux ?
Ça m’amuse. Vous savez que j’ai eu ces types d’accusations très longtemps quand j’étais Premier ministre avec M. Laurent Gbagbo. On m’accusait de tarder les élections, de ne pas les faire parce que je voulais rester Premier ministre. Vous n’imaginez même pas la charge de Premier ministre. Vous, quand vous finissez votre travail, vous rentrez paisiblement à la maison. Vous avez votre femme, vos enfants, mais nous, nous avons des insomnies. Au moment où vous et le citoyen lambda êtes en train de dormir, je veille jusqu’à 5h du matin pour m’assurer que la situation sur nos frontières, à l’intérieur du pays sont sécurisées. Ce n’est pas une tâche aisée. Sur la question de la sécurité, je pense pour un pays comme le nôtre qui a connu la guerre, qui a à ses frontières des pays fragilisés par la guerre comme le Libéria, le Mali où il y a une instabilité, vous ne pouvez pas dire que des efforts n’ont pas été faites en terme de sécurisation des populations. Evidemment, il ya encore des dérapages, mais nous ne restons pas insensibles à ce qui se passe. Nous avons aujourd’hui presque 400 éléments des FRCI qui ont été arrêtés et emprisonnés pour des faits qui leur sont reprochés. Il y a quand même la sanction que nous appliquons. Le tribunal militaire a ouvert et nous avons commencé à les juger, à sortir des rangs des FRCI, les brebis galeuses. Il y a donc beaucoup de choses qui sont en train de se réaliser. Je demande beaucoup de patience. Ceci dit, je suis plutôt surpris, car quand je pars dans les autres pays, on voit le nombre d’investisseurs qui viennent à Abidjan. Les gens considèrent pour la plupart que la sécurité est revenue à Abidjan. Mais si nos journalistes insistent pour dépeindre la Côte d’Ivoire comme un pays où il y a des hordes de bandits, je suis surpris.
On entend beaucoup dire qu’il y a des tentatives de déstabilisation. Notamment à la frontière du Libéria. Même des camps d’entraînement qui seraient démantelés dans le pays. On pourrait avoir un point là-dessus ?
Il faut que les Ivoiriens restent sereins, nous veillons aux grains, nous ne craignons pas ces déstabilisateurs. Evidemment, il est vrai que certains miliciens dans leur repli se sont réfugiés dans des forêts quelque part mais ils sont suivis par nos forces. Et je suis convaincu que le suivi que nous faisons permet d’anticiper toute forme d’action. Je peux donc rassurer les Ivoiriens que nous sommes bien là et nous veillons aux grains.
Les producteurs de café-cacao sur l’axe sud-ouest, les axes sud-nord, maintenant Bouaké aux frontières, les gens sévissent tous les jours, et on a l’impression que vos hommes font trop de réunion.
Evidemment, il faut commencer par une réunion. On ne va pas en rang dispersé pour combattre l’insécurité. Il faut un minimum d’organisation. On peut vous sortir les statistiques. Mars 2012 n’est pas mars 2011, je comprends l’impatience des Ivoiriens, je comprends la préoccupation des Ivoiriens, et nous sommes-là pour donner des réponses aux préoccupations des Ivoiriens. Mais je peux vous dire que lorsque nous constatons la recrudescence de l’insécurité dans des régions, des dispositions sont aussitôt prises. La gendarmerie a mis un dispositif spécifique anti coupeurs de route dénommé ‘’renard’’ qui fonctionne parfaitement.
M. Laurent Gbagbo lui-même a fait une déclaration aux Forces nouvelles. Si nous avions refusé de faire le dialogue direct, où en serions-nous aujourd’hui. Outre la volonté de certaines personnes de mon camp, au sein des forces nouvelles et de l’opposition, j’ai considéré que l’intérêt de la Côte d’Ivoire devait prévaloir avant tout. J’ai accepté le dialogue direct ; j’ai été taxé de tous les noms dans ce pays, j’ai même échappé à un attentat. Parce que certaines personnes n’étaient pas d’accord que j’aille au dialogue direct. Mais pour accepter le dialogue dans ces conditions, il faut être courageux. Nous l’avons fait. Pourquoi aujourd’hui le président Alassane Ouattara tend la main au Fpi qui refuse de la saisir. Ils ne sont pas allés au gouvernement. Vous savez, pour moi, c’est très simple. Certaines choses se règlent à des détails près. Si le Fpi était au gouvernement, tous les jours ils allaient parler avec le président de la République, lui dire : « M. le président, c’est vrai nous avons quelque part fauté, mais nous sommes entre Ivoiriens, réconcilions-nous. Votre frère Laurent Gbagbo est à Korhogo, nous voulons aller lui rendre visite, nous voulons que vous vous parliez au téléphone ; peut-être que les choses auraient été différentes. Mais qu’est-ce que nous avons constaté ? Non seulement on refuse d’aller au gouvernement, on incite les partisans à faire des révoltes dans le pays, on joue contre la réconciliation. Dans ces conditions, quand la Cpi, au terme de son enquête, décide de transférer M. Laurent Gbagbo à La Haye, parce que sachez que ce n’est pas le gouvernement qui l’a transféré ; nous n’avons aucune capacité d’influencer les magistrats de la Cpi. Quand la Cpi décide de transférer M. Laurent Gbagbo à La Haye, qu’est-ce que vous voulez que nous disions ? M. Ouattara n’a pas d’arguments pour dire que nous sommes dans un processus de réconciliation, voyez le Fpi est au gouvernement, ils vont aller à l’Assemblée nationale, permettez que la réconciliation se fasse. Je pense que cela a été une erreur de ne pas aller au gouvernement.
On vient de parler de Laurent Gbagbo qui est soupçonné d’être co-auteur direct de crimes durant cette crise, vous êtes le chef des Fn, les enquêtes ont été remontées, est-ce que vous ne craignez pas d’être mis en cause comme co-auteur ?
Comme disent les Latins, ‘’non timore’’. Cela veut dire je n’ai aucune crainte. Je l’ai dit depuis 2008, j’ai demandé que la Cpi vienne faire des investigations. On ne peut pas être contradictoire. On demande à la Cpi de faire des enquêtes, ce n’est pas contre quelqu’un. On demande des enquêtes impartiales. Donc, si la Cpi au terme de ces enquêtes en venait à inculper quelques personnalités que ce soient, celles-ci devront répondre. C’est mon point de vue et je suis serein, parce que je considère que la justice de la Cpi est une justice impartiale.
Les Nations Unies ont condamné quelques com’zones et vous êtes leur chef.
Bien sûr, j’ai assumé la responsabilité de secrétaire général des Forces nouvelles, certains ont effectivement été condamnés. Je le sais, mais je demeure serein parce que ni le niveau de crime, ni l’origine des crimes ne sont comparables.
Même à Duékoué ?
Bien sûr, même à Duékoué où il y a une commission nationale que nous avons mise en place pour enquêter.
Qui n’a pas encore fini ses enquêtes jusqu’à présent.
Oui la commission n’a pas encore fini, donc n’anticipons pas. Laissons la commission mener tranquillement ses enquêtes. Ni vous, ni moi ne sommes juges, donc attendons les résultats.
Revenons au transfèrement. Il est de plus en plus question de l’éventualité du transfèrement de Mme Gbagbo à La Haye. Qu’en savez-vous ?
Ce que je peux dire en tant que gouvernement, c’est que la Cpi est indépendante. Donc, ne pensez pas que la Cpi nous rend compte tous les jours. Nous savons que les enquêtes sont faites. Nous avons que des éléments sont recherchés. Maintenant pour l’heure, je n’ai pas encore entendu dire que Mme Gbagbo était inculpée, nous attendons de voir.
Mais vous attendez certainement de voir que cela peut arriver.
Mais dans un gouvernement qui compte un ministère de la femme, de la famille et de l’enfant, est-ce qu’il n’y a pas une certaine émotion à avoir vis-à-vis d’une famille qui risque d’être décapitée à ce niveau?
Voyons, je dis que la Cpi est en train de faire ses enquêtes. Elle n’a pas encore achevé ses enquêtes, rien ne vous dit que la Cpi a décidé de transférer Mme Simone Gbagbo. En tout cas, je n’ai pas encore les éléments. Ceci dit, vous savez, on oubli trop vite aussi que la Côte d’Ivoire est sortie d’un traumatisme où il y a eu près de 3000 morts. Les Etats-Unis qui ont eu un peu moins de 3000 morts le 11 septembre 2002 n’ont pas encore fini de faire le deuil de leurs morts. Donc, je pense qu’effectivement on peut bien s’inquiéter pour Mme Simone Gbagbo et autres, il faut aussi parallèlement s’inquiéter de toutes ces (...)
J’aimerais aussi qu’on fasse le point sur les dignitaires de l’ancien régime qui sont soupçonnés, en tout cas leurs enquêtes sont en cours et quand pense-t-on qu’ils pourront comparaître éventuellement devant un juge ?
Je veux quand même insister sur ce que nous avons trouvé le 11 avril 2011. Tout a été détruit. Il n’y avait pas de Maca, il n’y avait pas de prisons, il n’y avait pas de tribunaux ; tout avait été saccagé. Et vous savez très bien qu’on ne construit pas une prison en un mois ; au moins les architectes le savent. Donc, il fallait que nous puissions procéder à la réhabilitation des infrastructures. Cela nous a pris au moins 6 mois, 8 mois. C’est maintenant que nous sommes dans des dispositions optimales pour mieux faire évoluer ces enquêtes. Donc, ses dignitaires ont été détenus comme vous le savez, mais bien d’entre eux ont été mis en liberté. Vous le savez aussi et le dégel de leurs comptes a été effectif pour bon nombre d’entre eux ; on l’a fait par plusieurs vagues. Donc, les enquêtes sont en cours. Le ministre de la justice a eu l’opportunité de nous rendre compte il y a seulement quelques semaines. Les enquêtes sont en cours et quand on aura fini, on sera transparents avec les Ivoiriens, on leur dira ce que nous entendons faire. Et les procès, évidemment, suivront.
Et ceux qui sont en exil ? Ils attendent de vous un signe pour rentrer en Côte d’Ivoire.
Ah oui, mais le président de la République a lancé plusieurs appels pour leur demander de rentrer. Bien d’autres sont déjà rentrés.
Est-ce qu’il n’y a pas un piège là-dessous ?
Mais pourquoi voulez-vous qu’un gouvernement sérieux, un président de la République qui s’engage, veuille jouer au piège de la souris. Ça n’a rien à voir.
Les gens de l’opposition estiment que les conditions ne sont pas réunies. Certains dignitaires du Fpi, par exemple, ont toujours leurs maisons occupées par des militaires, d’autres effectivement ont toujours leurs avoirs gelés. Et, il y a beaucoup de choses aussi qui se disent à l’extérieur sur la sécurité ici. Donc, qu’est-ce qui vaudrait mieux trouver pour les rassurer, surtout rassurer leur quiétude pour qu’ils aient envie de rentrer?
Déjà, que ceux qui veulent rentrer, qu’ils rentrent. Je n’ai pas encore vu ou entendu dire qu’un seul de ceux qui sont rentrés n’a pas pu occuper sa maison. Donc, ceux qui veulent rentrer de bonne foi, qu’ils viennent. Nous prendrons toutes les dispositions, j’en donne la garantie pour qu’ils soient sécurisés et qu’ils soient ici au pays. Je dis encore, nombre d’entre eux sont rentrés, depuis les opérateurs économiques jusqu’aux politiques.
M. le Premier ministre, on vous a vu dans ce rôle d’attaquant, au stade Houphouet-Boigny, lors de ce match Gouvernement-Fif , vous avez montré des prouesses et tout cela pour nous montrer la voie à suivre ; et toujours est-il que nous sommes partis et vous connaissez la suite. Pour certains, c’était plutôt un calcul politicien ; si vous aviez gagné, peut-être que ça aurait pu vous servir pour accélérer certaines choses, notamment, la réconciliation. Vous avez joué et perdu : commentaire.
Vous savez, la posture des hommes publiques et des dirigeants est toujours difficile. Nous sommes l’objet de bien de procès d’intention. Nous voulions que notre équipe remporte la coupe pour la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens. Ce serait quand même un sentiment patriotique de fierté de remporter cette coupe. Malheureusement, nous n’avons pas remporté la coupe et certains Ivoiriens ont célébré cette défaite. C’est bien regrettable qu’on en soit là, mais toujours est-il que nous ne désespérons pas de continuer à travailler sur les mentalités, pour que nous allions à la construction d’une nation. C’est cela le vrai problème. Que tous les Ivoiriens de quelque bord politique, de quelque religion, de quelque région, se sentent concernés par la Côte d’Ivoire. Ce que je peux dire, notre équipe n’a pas remporté la coupe ; mais elle n’a pas démérité. Et je dois dire personnellement que j’ai plutôt bien digéré cette défaite en finale parce que nous avons une équipe qui a pratiqué du beau football, qui n’a pas encaissé de but. On a vu une équipe solidaire, des garçons déterminés.
Et, certains Ivoiriens ont célébré cette défaite !
C’est bien regrettable qu’on en soit arrivé-là. Mais nous ne désespérons pas de continuer à travailler sur les mentalités pour que nous allions à la construction d’une vraie nation. Que tous les Ivoiriens, de quel que bord politique, de quelle que religion, de quelle que région se sentent concerner par la Côte d’Ivoire. Ce que je peux dire, c’est que notre équipe nationale n’a pas remporté la coupe mais elle n’a pas démérité.
Revenons à l’actualité pour parler de l’assemblée nationale. A quel genre de débats parlementaires doit-on s’attendre d’un parlement dans le
uel ne siège pas l’opposition significative ?
Première des choses, vous voulez me faire participer à un débat qui n’a pas encore lieu. L’assemblée nationale ne siège pas pour l’instant.
Gérer c’est prévoir…
Je veux bien ! Celui qui présidera aux destinées de l’assemblée, je crois, est en train d’y réfléchir. Moi je suis député. Si je devais siéger dans cette assemblée, j’y apporterai ma conrtibution. Mais j’ai un sentiment contraire à ce que vous dites. La démocratie, ce n’est pas la démocratie des partis politiques. La démocratie, c’est le peuple. Et, les partis politiques, ce n’est pas forcément tout le peuple.
Combien de petits partis, faute de moyen financier, n’ont peut-être pas pu présenter de candidats aux législatives et ne se retrouveront pas à l’assemblée nationale ?
L’opposition, dans chacune de ses déclarations, demande aux autorités d’ouvrir le dialogue. Qu’est-ce qu’il en est actuellement ?
Nous ne pouvons pas nous en tenir aux déclarations démagogiques. La réalité est là. Moi je suis partisan d’un vrai dialogue avec l’opposition. Et, je militerai pour cela. J’ai déjà eu des entretiens avec le président de la République qui est soucieux d’avoir ce contact avec cette opposition. Mais, malheureusement, elle ne m’a pas l’air prête, aujourd’hui, pour ce dialogue. Il y a du reste une commission Dialogue, vérité et réconciliation qui existe. On a même créé une instance pour engager ce dialogue. Donc, je pense que l’opposition a tellement de possibilités pour engager le dialogue. Nous sommes disponibles. Je vous dirais qu’on ne peut pas m’apprendre le dialogue. En ma qualité de secrétaire général des Forces nouvelles, j’ai fait le dialogue direct. Ce n’était pas à moi de faire de récrimination sur les conditions du dialogue. Vous savez, si je devais écouter mes partisans à l’époque, jamais je ne serais allé à la table des négociations. L’erreur qui est en train d’être commise, c’est de pratiquer la politique de la chaise vide. Ça ne mène à rien. Je pense que c’est important et, je prie le Fpi d’accepter le dialogue quelles que soient les conditions. C’est en commençant ce dialogue qu’on peut progressivement engranger des résultats. Mais on ne peut pas dire : nous avons des préalables pour engager le dialogue. Vous croyez que si moi j’avais posé des préalables à l’ancien président, Laurent Gbagbo en 2006 pour faire le dialogue direct, ce dialogue n’aurait jamais eu lieu.
Dernièrement, il y a eu beaucoup de personnes qui ont été arrêtées, maintenue en garde à vue prolongée de façon illégale allant au-delà des 48 heures requises. Vous ne pensez pas que ce sont là des dérapages qu’on peut facilement contrôler ?
Je n’ai pas ces informations. De qui s’agit-il ?
Il y a eu les journalistes de Notre Voie, par exemple, des investisseurs qui s’occupent de la réfection des commissariats...
Je considère que le ministre, garde des sceaux, un ministre compétent, qui fait son travail avec efficacité et qui connaît bien les procédures judiciaires pour être lui-même avocat, laisse prospérer de tels dérapages.
Toujours est-il que pour une partie de l’opinion, il y a une justice à deux vitesses pour ne pas dire une justice des vainqueurs contre les vaincus.
Où ? En Côte d’Ivoire ! C’est pour ne pas être accusé de justice des vainqueurs que certains ont jugé que c’était une bonne chose de transférer monsieur Laurent Gbagbo à La Haye. Au moins, on ne dira pas que cette justice est partiale. Et qu’il aura un traitement dû à un prisonnier de son rang. Et, qu’il sera traité avec équité. Si nous l’avions jugé ici, c’est ce que vous auriez dit. C’est ce que ses partisans auraient dit. Je pense donc qu’il ne faut pas systématiquement dénigrer ces institutions. Notre justice, je vous l’ai dit, a eu des difficultés au-delà des infrastructures, au niveau des ressources humaines. Nous sommes en train de la construire. Il faut encourager le ministre, garde des sceaux dans cette entreprise. Je suis convaincu que les choses iront de mieux en mieux.
Vous encouragez le garde des sceaux mais des préoccupations demeurent notamment avec les législatives où on a dit qu’il y a eu des fraudes. On est reparti à des partielles et on s’est arrêté-là. Mais quand il y a eu des fraudes, quand on fait voter des morts, on doit rechercher les coupables.
Le principe de la séparation des pouvoirs existe en Côte d’Ivoire. Le gouvernement n’est pas chargé d’organiser les élections. Il y a une commission électorale indépendante qui organise les élections. Le juge de ces élections, c’est le conseil constitutionnel. Et, je m’interdis, en tant que chef d’institution, de porter des jugements de valeur sur une autre institution. Je considère que le conseil constitutionnel a fait son travail. Et, qu’il l’a bien fait. La preuve : des circonscriptions ont vu leurs circonscriptions ont vu leur scrutin annulé. Je m’en tiens à cela.
Quel sentiment vous a-t-il animé lorsque vous avez appris, en tant que chef de gouvernement, qu’il y a eu des fraudes dans des localités où des ministres étaient candidats ?
Bah, je considère que le conseil constitutionnel a bien fait son travail. Je ne connais pas les motivations de l’annulation de telle ou telle circonscription parce que je ne m’en suis pas préoccupé particulièrement. Mais je considère simplement que c’est une bonne chose qui renforce la démocratie, s’il y a des fraudes çà et là, que le conseil constitutionnel prenne ses responsabilités en les invalidant. C’est cela qui renforce la démocratie. Ce n’est pas parce qu’il y a des policiers, qu’il n’y a pas de voleurs. La société est ainsi faite. Mais ce qui aurait été condamnable, c’est que le conseil constitutionnel laisse faire les fraudes. Vous devez vous réjouir qu’on ait, aujourd’hui, un conseil constitutionnel suffisamment crédible, capable de frapper là où il faut.
J’aimerais que le Premier ministre réagisse à cette violence qui nous colle finalement à la peau. A chaque élection, nous avons des morts. Les Ivoiriens sont-ils préparés à aller au vote par rapport à la sensibilisation et à la préparation des scrutins ?
Je concède la grande déception que vous avez. Mais vous savez, la démocratie est un long apprentissage. Il faudra bien que les Ivoiriens admettent que les élections, ce n’est pas un lieu de guéguerre ou d’affrontement de gladiateurs. Mais que c’est comme une compétition de football. On peut gagner, aujourd’hui ou perdre. Il faut simplement avoir à l’idée qu’à la prochaine élection, on peut gagner. Cette responsabilité nous incombe à tous, aussi bien les journalistes que les hommes politiques et le gouvernement va continuer de sensibiliser. Mais je ne suis pas non plus pessimiste parce que la violence qu’il y a eue lors des législatives n’est en rien comparable à ce qu’il y a eu aux présidentielles.
Parlant de votre arrivée probable à l’assemblée nationale, certaines personnes parlent de point de chute, mais d’autres estiment que c’est un tremplin pour accéder rapidement à la présidence de la République en cas de vacance du pouvoir. Avez-vous lu ce texte là récemment ?
Les Ivoiriens ont vraiment l’esprit fertile et l’imagination féconde. Qu’est-ce qu’on va chercher-là ? Je suis député. Rien n’est encore arrêté pour l’assemblée nationale. Rien ne dit que je suis intéressé à briguer la tête de cette institution. Je dis simplement que je ne ferais rien qui n’ait l’assentiment du président de la République. Je suis en mission, je suis Premier ministre, le président m’a fait confiance, je ne veux pas décevoir cette confiance. Pour l’instant, il me demande de demeurer Premier ministre. Donc je n’ai pas d’autres ambitions que d’assumer cette responsabilité que le président me confie.
Vous ne resterez pas Premier ministre toute la vie. Est-ce que dans votre avenir politique, envisagez-vous de vous présenter à la présidence de la République ?
L’avenir qui sait ? Je m’attelle à cultiver la confiance avec le président. Si le président, un jour, dans un an, dans deux ans, dans trois ans me demande d’être son conseiller, je suis prêt à assumer cette responsabilité. Je l’ai déjà dit, et je l’ai dit au président de la République, je répète cela au cours de cette interview : monsieur le président de la République, c’est vous seul qui êtes élu président de la République. Moi, je suis à votre disposition et je suis prêt à servir là où il vous plaira. Je m’en tiens à cette déclaration.
M. le Premier ministre, le gouvernement appelle de tous ses vœux le point d’achèvement de l’initiative PPTE, qui peut apparaître aux yeux d’une certaine opinion comme une panacée. Votre ministre de l’Economie disait que ce n’était pas l’arrivée mais un point de départ. Comment expliquez-vous, le chef du gouvernement, le fait que vous soyez accroché à cette initiative ? Et si cela n’avait pas existé ?
Effectivement le PPTE est une quête importante pour l’Etat de Côte d’Ivoire. Depuis 2007 que nous sommes dans ce programme avec le FMI et la Banque mondiale, évidemment que nous avons fait beaucoup d’efforts pour arriver au point d’achèvement. C’est en 2009 que nous avons atteint ce point de décision et nous sommes en quête du point d’achèvement. Ce qui va se passer, c’est que l’Etat de Côte d’Ivoire est endetté à hauteur de 6.000 milliards de Fcfa. Si nous atteignons le point d’achèvement, c’est autour de 80% de cette dette qui sera annulé. C’est autant de capacités pour la Côte d’Ivoire à recourir à un financement beaucoup plus important pour s’occuper de la situation de notre pays. Je pense que c’est important. D’autres pays ont eu cette initiative et ont pu voir le redécollage de leur économie. La Côte d’Ivoire est en train de poursuivre cet objectif. Parce que ce n’est pas marrant de savoir que chaque année dans le budget, nous sommes obligés de consacrer 500 milliards Fcfa pour le remboursement de la dette extérieure. C’est autant de contraintes qui engendrent des difficultés. Je pense, aujourd’hui, que nous avons effectivement raison et que le ministre de l’Economie a suffisamment de raisons de considérer qu’une des priorités est d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE.
On a l’impression que ce point vous fuit un peu et qu’il avance au fur et à mesure que vous y arrivez. Il apparaît comme une forme d’horizon…
Non. Il faut reconnaître qu’il y a eu une parenthèse de la crise postélectorale de décembre à avril 2011. Il est même heureux que les institutions ne soient pas revenues sur le point de décision que nous avons acquis.
Il y a quand-même des obstacles ?
Non. L’une des conditionnalités était que nous fassions la réforme de la filière café-cacao et qu’elle soit mise en œuvre six mois durant pour être évaluée. Ceci a été fait. Maintenant, nous avons bon espoir, d’ailleurs la mission du FMI était là, vous avez entendu leur déclaration. Nous avons bon espoir que, dans quelques mois, nous pourrons atteindre le point d’achèvement. Je vous signale qu’effectivement ça pourrait changer les choses.
Est-ce que j’exagère en disant que de votre sort immédiat, dépend aujourd’hui l’avenir de la Côte d’Ivoire ?
Je pense que c’est trop dire. Je crois que c’est un grand président qui disait, qu’il faut en Afrique des institutions fortes. Je m’inscris dans cette conception de la gestion de l’Etat. Je pense que les individus sont importants pour impulser une dynamique, une efficacité au niveau des institutions. Mais le plus important c’est d’avoir des institutions crédibles, fortes pour le pays. Donc, je pense que nul n’est indispensable et que la Côte d’Ivoire a tout son avenir.
Vous reconnaitrez tout de même que, chef de la rébellion armée, ministre d’Etat pendant quatre ans, Premier ministre pendant cinq ans, vous avez joué un rôle central dans ce qui s’est passé à la Côte d’Ivoire ?
Evidemment, quand on a joué un rôle, comme vous dites, important, nous espérons simplement que toutes les responsabilités qui ont été les nôtres au cours de ces années, nous avons pu les accomplir avec détermination, avec abnégation et loyauté. Je pense que ce qui nous a animés toutes ces années, était de faire en sorte d’aboutir à la démocratie. Notre combat était empreint de justice, la cause était noble, c’était pour faire en sorte qu’en Côte d’Ivoire vivent des Ivoiriens épris de liberté et de justice.
Pour conclure cette introduction, est-ce que votre combat qui visait à installer la démocratie, est-ce qu’il n’y avait pas d’autres moyens pour y parvenir que de recourir à une rébellion armée aussi semblable ?
C’est vrai qu’on peut polémiquer là-dessus, mais le contexte des années 2000, 2001,2002 est encore frais dans nos mémoires. Face à une intransigeance, quand les rouages et les mécanismes de l’Etat ne permettent plus aux citoyens d’avoir justice, ne permettent plus aux citoyens de s’exprimer, évidemment la situation devient compliquée. C’est le blocage total et effectivement on peut en arriver à des situations de révolte.
Soro Kigbafori Guillaume a été Soro Guillaume le rebelle, aujourd’hui député. Député pourquoi faire ? Peut-être pour vous, c’est un tremplin pour ratisser plus large, plus tard. Peut-être tout de suite, vous visez certainement l’assemblée nationale, je juge les choses par les actes. Parce que nous savons que vous n’avez pas encore les 40 ans requis pour être au perchoir, autre objectif peut-être pour vous, et puis, pourquoi pas, les présidentielles 2015. Dans tous les cas vous êtes jeune, vous l’avez dit à un confrère, vous avez le temps devant vous. Que deviendra Soro Guillaume si d’aventure il devait partir du gouvernement de M. Alassane Ouattara ?
Alors, juste deux choses. La première, vous avez parlé de Soro le rebelle. Vous savez, j’ai écrit un livre que j’ai intitulé ‘’Pourquoi je suis devenu rebelle’’. Je pense qu’aujourd’hui, c’est vrai, dans nos pays, le mot rebelle est galvaudé. Mais je veux parler du rebelle au sens noble. De Gaule a été rebelle.
Cela ne vous choque pas ?
Non pas du tout. Je considère qu’il y a de la noblesse à se rebeller contre des institutions antidémocratiques. Et on l’a vu dans des pays en Afrique du nord, en Lybie en Egypte, en Tunisie. Vous êtes journalistes, vous avez couvert, vous avez vu des populations se révolter, se rebeller. Donc il y a de la noblesse quelque part dans ce terme. Ceci dit, cela peut paraître philosophique, mais c’est un fait. La deuxième chose, pourquoi Guillaume Soro est candidat à Ferké ? La soif d’apprendre.
Vous aurez pu être candidat à Abidjan ?
Je pense qu’effectivement, j’aurais pu l’être ici à Abidjan, comme bien d’autres.
Vous n’avez pas voulu prendre de risque ?
Non, ce n’est pas un problème de risque. J’ai considéré qu’il fallait aller chez moi au village commencer auprès de mes parents, avoir leur bénédiction et puis faire l’apprentissage. Vous savez, j’ai été ministre, Premier ministre, je n’ai jamais été député. Je voulais essayer les suffrages des populations et c’est ce que j’ai fait.
Est-ce que vous allez rester ou partir de la Primature à courte échéance ?
Ecoutez, je partirai sûrement de la primature. Dans trois jours, dans une semaine, dans un an. Ce qui est certain, je partirai de la primature. Parce que pour moi, la primature c’est plutôt une fonction. Ce n’est pas un métier. Et même si c’était un métier, on finit toujours par prendre sa retraite. Donc je n’imagine pas Guillaume Soro s’éterniser à la primature. Mais pour l’heure, j’ai des responsabilités. Ces responsabilités, c’est de conduire un gouvernement, c’est d’apporter des solutions aux populations. Et c’est ce à quoi, je m’attèle. Je vois bien que la presse grouille de bien de rumeurs sur la primature. Mais vous savez, c’est le président de la République qui décide. C’est lui qui nomme et révoque le Premier ministre.
Sur votre futur immédiat, justement si vous devez partir que visez-vous, l’Assemblée nationale ou la Présidentielle ?
Si je dois partir un jour, ce serait en parfaite concertation avec le président de la République qui a placé en moi sa confiance et je ne manquerai pas de point de chute. Vous savez, il ya tellement de choses à faire dans ce pays, qu’il ne faut pas avoir de fixation sur un poste. Et c’est important. Moi-même qui, à l’époque, il y a seulement un an, deux ans, disait à l’ancien chef de l’Etat de ne pas s’accrocher au pouvoir, ce n’est pas à moi de faire des fixations sur un poste. Je suis prêt à partir à tout moment.
Et alors si vous partez, si vous avez des ambitions quels sont les moyens que vous allez vous donner, je veux dire les moyens politiques, est-ce que vous allez créer un parti politique, ou adhérer à un autre ? Au Rdr vous en avez fait la demande.
Vous savez, ma philosophie, ma conception est de dire qu’à chaque jour suffit sa peine. J’ai été leader de mouvement d’étudiants. Je suis parti du mouvement d’étudiants. J’ai assumé des responsabilités au niveau de l’Etat, je suis Premier ministre, quand je partirai je saurai quoi faire.
Visiblement, vous n’êtes pas précis sur l’éventualité d’un départ de la primature. Parce qu’il semble qu’il y a des faits qui disent que vous allez partir.
Je sais que c’est peut-être le souhait de bien des gens que je parte. Mais pour l’heure, je suis encore à la primature. Je ne me fais pas d’illusions. Vous savez, déjà en 2010, avec l’ancien président, j’avais déjà préparé mon départ de la primature. Je savais qu’après les élections, vu que le président actuel avait déjà promis la primature au Pdci. Et que l’ancien président avait promis la même primature à quelqu’un d’autre. Il n’y a absolument aucun problème, je suis impavide, face à la question du départ de la primature. Ce que je dis, c’est au président de la République qui nomme et qui révoque, de prendre la décision. En ce qui me concerne, je suis préparé, je suis certain que j’irai de la primature, je ne sais pas encore le jour, mais quand ça viendra, ce sera avec beaucoup de sérénité que je rendrai ma démission.
Que vont devenir les Forces Nouvelles ?
La meilleure façon de devenir quelque chose c’est de ne pas s’en préoccuper maintenant. Chacun doit faire ce qu’il a à faire tranquillement, sereinement. Vous savez, si le 19 septembre 2002, je m’étais préoccuper de savoir ce que j’allais devenir, je me serais protégé des balles. J’aurais pris trop de précautions, et la prudence aurait peut-être empêché que je fasse correctement ce que j’avais à faire. Donc, je pense que quand on vous confie une responsabilité, il faut l’accomplir avec efficacité et laisser son destin se dérouler.
Il faut prévoir quand même les choses. Donc, il faut effectivement prévoir aussi l’avenir des Forces Nouvelles. Donc, j’imagine que vous y avez pensé.
Les Forces Nouvelles ont tenu un conclave. Il ya eu un comité de restructuration qui a été mis en place. Qui, à l’heure où nous parlons est en train de travailler en synergie, en concertation avec le Rhdp. Vous savez que nous avons dit que nous n’allons pas nous muer en parti politique. Il y avait déjà suffisamment de partis politiques en Côte d’Ivoire, et que nous allions apporter un soutien au Rhdp. Donc ce comité de restructuration est en train de travailler. Quand nous aurons les conclusions vous serez aussitôt informé.
Vous avez dit que, à un certain moment vous aviez déjà fait vos bagages, vous étiez prêt à partir de la primature, qu’est ce qui motive votre reconduction, le fait que vous ayez une branche armée dans votre mouvement ?
Ecoutez, la première chose c’est que nous étions conscients qu’à l’organisation de l’élection présidentielle, un président serait élu. Alors quand un président est élu, on sort de la phase de transition. Et c’est au seul Président de désigner et nommer le Premier ministre. Donc, pour moi, il était claire qu’à partir du moment où je n’avais pas d’accord ni avec M. Gbagbo, ni avec M. le candidat Alassane Ouattara en ce moment, je savais que je devais quitter la primature pour qu’un Premier ministre vienne occuper cette responsabilité. Mais, le destin en a décidé autrement. Il ya eu une forte crise et le président de la République m’a appelé, m’a sollicité et a souhaité pour que je rempile au poste de Premier ministre. Je l’ai accepté, j’ai accompli ma responsabilité et cela fait maintenant un an.
Avec le poste de ministre de la Défense, cela a-t-il un sens ?
Oui, le président Alassane Ouattara m’a dit que c’était une question de confiance. Et qu’il considérait que je devais être le Premier ministre, ministre de la Défense. Evidemment c’est vrai que ce n’est pas si simple. C’est une tâche lourde, non seulement de conduire le gouvernement…
Mais c’est surtout pas innocent ?
C’est vous qui le dites, mais toujours est-il que le président a jugé que j’étais le mieux qualifié pour assumer la charge de ministre de la défense. J’espère que je n’ai pas déçu les Ivoiriens.
Avec les exactions des Frci, on a l’impression que la mission n’est pas totalement achevée.
Sur cette question, je vais être très clair. Si monsieur Gbagbo le 28 novembre 2010, avait fait une transmission du pouvoir pacifiquement à monsieur Ouattara, il n’y aurait pas eu de Frci, il n’y aurait pas eu de dérapages, il n’y aurait pas eu de morts. Incriminés certains soldats de notre armée, sans en référé à la cause et à l’origine de la crise, c’est faire preuve de complaisance. En réalité ce qui s’est passé, c’est que ces élections se sont déroulées de façon transparente, démocratique. Un président a été élu, il était de la responsabilité de l’ancien président d’accepter sa défaite en bon perdant. Ce n’est pas ce qu’il a fait. Bien au contraire, il s’est arc-bouté sur des chars, sur l’armée pour essayer de confisquer le pouvoir. Voici l’origine des difficultés que nous avons eues. Quel autre choix avions nous, après toutes les démarches politiques. Moi-même j’ai fait plusieurs capitales, le président Alassane Ouattara a montré toute sa disponibilité à mener le dialogue politique.
Nous avons déclenché les hostilités non pas pour faire la guerre, mais pour stopper celui qui continuait de tuer la population aux mains nues.
Cela fait une année que le pouvoir est en place. C’est vrai qu’il ne faut pas occulter le passé, mais les populations vivent des difficultés.Je parle de certaines exactions des Frci, et les Frci associées qui dans les régions de l’ouest où les populations vivent terrorisées, où elles n’ont pas beaucoup de liberté de mouvement.
Je vous concède ces critiques. Et c’est normal. Les populations sont impatientes. Je viens d’une mission au Rwanda. Je me suis rendu compte que pour stabiliser ce pays, pour apporter une vraie sécurité à ce pays, ils n’ont pas mis un an, ils n’ont pas mis six mois, ils ont mis 17 ans. Le génocide a été stoppé au Rwanda en 1994. Quelle est la situation exacte en Côte d’Ivoire ? Le gouvernement a été formé le 1er juin 2011. A partir de là, nous avons commencé à faire des réformes en vue de ramener la sécurité dans notre pays. Vous avez vu que nous avons nommé les commandements, et parer au plus pressé en réhabilitant quelquefois sommairement les casernes. Au lendemain du 11 avril, il n’y avait plus de policiers, ni de gendarmes, de commissariats, de brigades de gendarmerie. Tout avait été vandalisé. Evidemment, vous avez votre évaluation de la sécurité huit mois après, mais la réalité est celle-là. Aujourd’hui, quand vous sortez, vous voyez des policiers pour réguler la circulation, des gendarmes de plus en plus opérationnels, une armée en pleine restructuration. On ne peut pas dire qu’il n’y pas eu de progrès. Ceci dit, il y a encore beaucoup d’efforts à faire pour amener la Côte d’Ivoire à un niveau de sécurité parfait. Mais nous avons des contraintes. La première, c’est l’embargo qui nous empêche de doter nos forces de première catégorie que sont la police et la gendarmerie d’armes pour assurer la sécurité de ces populations. En plus, nous avons des contraintes financières.Nous sommes dans une situation de décroissance économique où on a un pays qui n’a pas les ressources qu’il faut. Il faut donc injecter beaucoup d’argent pour reconstruire ces casernes pour intégrer les jeunes associés aux forces armées, c’est-à-dire la réserve. Je suis certes d’accord avec vous, mais, vous ne pouvez donc pas dire que la situation sécuritaire en mars 2012 est la même que celle d’avril 2011.
Il y a eu évolution. Mais lorsque des braqueurs s’attaquent au convoi du ministre délégué à la défense, c’est plus que de la provocation.
Je conviens avec vous que ce sont des situations regrettables, déplorables.Ça montre aussi que ce n’est pas le citoyen simple qui est en proie à l’insécurité, que les autorités en sont aussi victimes. Nous en avons conscience, nous y travaillons, et vous verrez que la sécurité va se faire. Je voudrais simplement prendre l’exemple de décembre 2011. Vous savez très bien qu’en Côte d’Ivoire, depuis 1999, chaque fois qu’on approchait des fêtes de fins d’année, c’était comme une sorte de psychose liée aux questions de coups d’Etat. Pourtant, nous avons fait des fêtes paisibles, agréables. Les Ivoiriens se sont retrouvés, ceci a été chanté et loué partout. Ça veut dire qu’il y a eu des progrès. Evidemment, il y a encore des braquages çà et là. Mais ne restons pas les bras croisés. Je suis sûr que le trimestre prochain, les résultats seront palpables.
Certains observateurs notent que chaque fois que Guillaume Soro est menacé dans ses positions, l’insécurité grandit. Comme pour dire, c’est l’homme de la situation, il faut le laisser là.
(Rire) Vous faites écho des ragots de bas étages. Vous savez, quand on est responsable, Premier ministre, on ne peut pas descendre à des choses ainsi faites. Si je veux demeurer ‘’ad vita’’ Premier ministre, j’en parlerais au président de la République. En l’état actuel des relations que j’ai avec le président de la République, je pourrais lui en parler, lui demander à continuer ma mission à la Primature. Donc je suis investi de sa confiance et de son soutien.
Les Ivoiriens qui sont sortis de cette crise avaient poussé un ouf de soulagement, et voilà que la situation continue. Les populations sont prises en otage. Si ce ne sont pas les FRCI déguisées en bandits, ce sont des coupeurs de route qui sévissent de jour et de nuit au vu et au su de vos hommes en armes. N’est-ce pas là la promesse non tenue d’un deal avec eux ?
Ça m’amuse. Vous savez que j’ai eu ces types d’accusations très longtemps quand j’étais Premier ministre avec M. Laurent Gbagbo. On m’accusait de tarder les élections, de ne pas les faire parce que je voulais rester Premier ministre. Vous n’imaginez même pas la charge de Premier ministre. Vous, quand vous finissez votre travail, vous rentrez paisiblement à la maison. Vous avez votre femme, vos enfants, mais nous, nous avons des insomnies. Au moment où vous et le citoyen lambda êtes en train de dormir, je veille jusqu’à 5h du matin pour m’assurer que la situation sur nos frontières, à l’intérieur du pays sont sécurisées. Ce n’est pas une tâche aisée. Sur la question de la sécurité, je pense pour un pays comme le nôtre qui a connu la guerre, qui a à ses frontières des pays fragilisés par la guerre comme le Libéria, le Mali où il y a une instabilité, vous ne pouvez pas dire que des efforts n’ont pas été faites en terme de sécurisation des populations. Evidemment, il ya encore des dérapages, mais nous ne restons pas insensibles à ce qui se passe. Nous avons aujourd’hui presque 400 éléments des FRCI qui ont été arrêtés et emprisonnés pour des faits qui leur sont reprochés. Il y a quand même la sanction que nous appliquons. Le tribunal militaire a ouvert et nous avons commencé à les juger, à sortir des rangs des FRCI, les brebis galeuses. Il y a donc beaucoup de choses qui sont en train de se réaliser. Je demande beaucoup de patience. Ceci dit, je suis plutôt surpris, car quand je pars dans les autres pays, on voit le nombre d’investisseurs qui viennent à Abidjan. Les gens considèrent pour la plupart que la sécurité est revenue à Abidjan. Mais si nos journalistes insistent pour dépeindre la Côte d’Ivoire comme un pays où il y a des hordes de bandits, je suis surpris.
On entend beaucoup dire qu’il y a des tentatives de déstabilisation. Notamment à la frontière du Libéria. Même des camps d’entraînement qui seraient démantelés dans le pays. On pourrait avoir un point là-dessus ?
Il faut que les Ivoiriens restent sereins, nous veillons aux grains, nous ne craignons pas ces déstabilisateurs. Evidemment, il est vrai que certains miliciens dans leur repli se sont réfugiés dans des forêts quelque part mais ils sont suivis par nos forces. Et je suis convaincu que le suivi que nous faisons permet d’anticiper toute forme d’action. Je peux donc rassurer les Ivoiriens que nous sommes bien là et nous veillons aux grains.
Les producteurs de café-cacao sur l’axe sud-ouest, les axes sud-nord, maintenant Bouaké aux frontières, les gens sévissent tous les jours, et on a l’impression que vos hommes font trop de réunion.
Evidemment, il faut commencer par une réunion. On ne va pas en rang dispersé pour combattre l’insécurité. Il faut un minimum d’organisation. On peut vous sortir les statistiques. Mars 2012 n’est pas mars 2011, je comprends l’impatience des Ivoiriens, je comprends la préoccupation des Ivoiriens, et nous sommes-là pour donner des réponses aux préoccupations des Ivoiriens. Mais je peux vous dire que lorsque nous constatons la recrudescence de l’insécurité dans des régions, des dispositions sont aussitôt prises. La gendarmerie a mis un dispositif spécifique anti coupeurs de route dénommé ‘’renard’’ qui fonctionne parfaitement.
M. Laurent Gbagbo lui-même a fait une déclaration aux Forces nouvelles. Si nous avions refusé de faire le dialogue direct, où en serions-nous aujourd’hui. Outre la volonté de certaines personnes de mon camp, au sein des forces nouvelles et de l’opposition, j’ai considéré que l’intérêt de la Côte d’Ivoire devait prévaloir avant tout. J’ai accepté le dialogue direct ; j’ai été taxé de tous les noms dans ce pays, j’ai même échappé à un attentat. Parce que certaines personnes n’étaient pas d’accord que j’aille au dialogue direct. Mais pour accepter le dialogue dans ces conditions, il faut être courageux. Nous l’avons fait. Pourquoi aujourd’hui le président Alassane Ouattara tend la main au Fpi qui refuse de la saisir. Ils ne sont pas allés au gouvernement. Vous savez, pour moi, c’est très simple. Certaines choses se règlent à des détails près. Si le Fpi était au gouvernement, tous les jours ils allaient parler avec le président de la République, lui dire : « M. le président, c’est vrai nous avons quelque part fauté, mais nous sommes entre Ivoiriens, réconcilions-nous. Votre frère Laurent Gbagbo est à Korhogo, nous voulons aller lui rendre visite, nous voulons que vous vous parliez au téléphone ; peut-être que les choses auraient été différentes. Mais qu’est-ce que nous avons constaté ? Non seulement on refuse d’aller au gouvernement, on incite les partisans à faire des révoltes dans le pays, on joue contre la réconciliation. Dans ces conditions, quand la Cpi, au terme de son enquête, décide de transférer M. Laurent Gbagbo à La Haye, parce que sachez que ce n’est pas le gouvernement qui l’a transféré ; nous n’avons aucune capacité d’influencer les magistrats de la Cpi. Quand la Cpi décide de transférer M. Laurent Gbagbo à La Haye, qu’est-ce que vous voulez que nous disions ? M. Ouattara n’a pas d’arguments pour dire que nous sommes dans un processus de réconciliation, voyez le Fpi est au gouvernement, ils vont aller à l’Assemblée nationale, permettez que la réconciliation se fasse. Je pense que cela a été une erreur de ne pas aller au gouvernement.
On vient de parler de Laurent Gbagbo qui est soupçonné d’être co-auteur direct de crimes durant cette crise, vous êtes le chef des Fn, les enquêtes ont été remontées, est-ce que vous ne craignez pas d’être mis en cause comme co-auteur ?
Comme disent les Latins, ‘’non timore’’. Cela veut dire je n’ai aucune crainte. Je l’ai dit depuis 2008, j’ai demandé que la Cpi vienne faire des investigations. On ne peut pas être contradictoire. On demande à la Cpi de faire des enquêtes, ce n’est pas contre quelqu’un. On demande des enquêtes impartiales. Donc, si la Cpi au terme de ces enquêtes en venait à inculper quelques personnalités que ce soient, celles-ci devront répondre. C’est mon point de vue et je suis serein, parce que je considère que la justice de la Cpi est une justice impartiale.
Les Nations Unies ont condamné quelques com’zones et vous êtes leur chef.
Bien sûr, j’ai assumé la responsabilité de secrétaire général des Forces nouvelles, certains ont effectivement été condamnés. Je le sais, mais je demeure serein parce que ni le niveau de crime, ni l’origine des crimes ne sont comparables.
Même à Duékoué ?
Bien sûr, même à Duékoué où il y a une commission nationale que nous avons mise en place pour enquêter.
Qui n’a pas encore fini ses enquêtes jusqu’à présent.
Oui la commission n’a pas encore fini, donc n’anticipons pas. Laissons la commission mener tranquillement ses enquêtes. Ni vous, ni moi ne sommes juges, donc attendons les résultats.
Revenons au transfèrement. Il est de plus en plus question de l’éventualité du transfèrement de Mme Gbagbo à La Haye. Qu’en savez-vous ?
Ce que je peux dire en tant que gouvernement, c’est que la Cpi est indépendante. Donc, ne pensez pas que la Cpi nous rend compte tous les jours. Nous savons que les enquêtes sont faites. Nous avons que des éléments sont recherchés. Maintenant pour l’heure, je n’ai pas encore entendu dire que Mme Gbagbo était inculpée, nous attendons de voir.
Mais vous attendez certainement de voir que cela peut arriver.
Mais dans un gouvernement qui compte un ministère de la femme, de la famille et de l’enfant, est-ce qu’il n’y a pas une certaine émotion à avoir vis-à-vis d’une famille qui risque d’être décapitée à ce niveau?
Voyons, je dis que la Cpi est en train de faire ses enquêtes. Elle n’a pas encore achevé ses enquêtes, rien ne vous dit que la Cpi a décidé de transférer Mme Simone Gbagbo. En tout cas, je n’ai pas encore les éléments. Ceci dit, vous savez, on oubli trop vite aussi que la Côte d’Ivoire est sortie d’un traumatisme où il y a eu près de 3000 morts. Les Etats-Unis qui ont eu un peu moins de 3000 morts le 11 septembre 2002 n’ont pas encore fini de faire le deuil de leurs morts. Donc, je pense qu’effectivement on peut bien s’inquiéter pour Mme Simone Gbagbo et autres, il faut aussi parallèlement s’inquiéter de toutes ces (...)
J’aimerais aussi qu’on fasse le point sur les dignitaires de l’ancien régime qui sont soupçonnés, en tout cas leurs enquêtes sont en cours et quand pense-t-on qu’ils pourront comparaître éventuellement devant un juge ?
Je veux quand même insister sur ce que nous avons trouvé le 11 avril 2011. Tout a été détruit. Il n’y avait pas de Maca, il n’y avait pas de prisons, il n’y avait pas de tribunaux ; tout avait été saccagé. Et vous savez très bien qu’on ne construit pas une prison en un mois ; au moins les architectes le savent. Donc, il fallait que nous puissions procéder à la réhabilitation des infrastructures. Cela nous a pris au moins 6 mois, 8 mois. C’est maintenant que nous sommes dans des dispositions optimales pour mieux faire évoluer ces enquêtes. Donc, ses dignitaires ont été détenus comme vous le savez, mais bien d’entre eux ont été mis en liberté. Vous le savez aussi et le dégel de leurs comptes a été effectif pour bon nombre d’entre eux ; on l’a fait par plusieurs vagues. Donc, les enquêtes sont en cours. Le ministre de la justice a eu l’opportunité de nous rendre compte il y a seulement quelques semaines. Les enquêtes sont en cours et quand on aura fini, on sera transparents avec les Ivoiriens, on leur dira ce que nous entendons faire. Et les procès, évidemment, suivront.
Et ceux qui sont en exil ? Ils attendent de vous un signe pour rentrer en Côte d’Ivoire.
Ah oui, mais le président de la République a lancé plusieurs appels pour leur demander de rentrer. Bien d’autres sont déjà rentrés.
Est-ce qu’il n’y a pas un piège là-dessous ?
Mais pourquoi voulez-vous qu’un gouvernement sérieux, un président de la République qui s’engage, veuille jouer au piège de la souris. Ça n’a rien à voir.
Les gens de l’opposition estiment que les conditions ne sont pas réunies. Certains dignitaires du Fpi, par exemple, ont toujours leurs maisons occupées par des militaires, d’autres effectivement ont toujours leurs avoirs gelés. Et, il y a beaucoup de choses aussi qui se disent à l’extérieur sur la sécurité ici. Donc, qu’est-ce qui vaudrait mieux trouver pour les rassurer, surtout rassurer leur quiétude pour qu’ils aient envie de rentrer?
Déjà, que ceux qui veulent rentrer, qu’ils rentrent. Je n’ai pas encore vu ou entendu dire qu’un seul de ceux qui sont rentrés n’a pas pu occuper sa maison. Donc, ceux qui veulent rentrer de bonne foi, qu’ils viennent. Nous prendrons toutes les dispositions, j’en donne la garantie pour qu’ils soient sécurisés et qu’ils soient ici au pays. Je dis encore, nombre d’entre eux sont rentrés, depuis les opérateurs économiques jusqu’aux politiques.
M. le Premier ministre, on vous a vu dans ce rôle d’attaquant, au stade Houphouet-Boigny, lors de ce match Gouvernement-Fif , vous avez montré des prouesses et tout cela pour nous montrer la voie à suivre ; et toujours est-il que nous sommes partis et vous connaissez la suite. Pour certains, c’était plutôt un calcul politicien ; si vous aviez gagné, peut-être que ça aurait pu vous servir pour accélérer certaines choses, notamment, la réconciliation. Vous avez joué et perdu : commentaire.
Vous savez, la posture des hommes publiques et des dirigeants est toujours difficile. Nous sommes l’objet de bien de procès d’intention. Nous voulions que notre équipe remporte la coupe pour la Côte d’Ivoire et les Ivoiriens. Ce serait quand même un sentiment patriotique de fierté de remporter cette coupe. Malheureusement, nous n’avons pas remporté la coupe et certains Ivoiriens ont célébré cette défaite. C’est bien regrettable qu’on en soit là, mais toujours est-il que nous ne désespérons pas de continuer à travailler sur les mentalités, pour que nous allions à la construction d’une nation. C’est cela le vrai problème. Que tous les Ivoiriens de quelque bord politique, de quelque religion, de quelque région, se sentent concernés par la Côte d’Ivoire. Ce que je peux dire, notre équipe n’a pas remporté la coupe ; mais elle n’a pas démérité. Et je dois dire personnellement que j’ai plutôt bien digéré cette défaite en finale parce que nous avons une équipe qui a pratiqué du beau football, qui n’a pas encaissé de but. On a vu une équipe solidaire, des garçons déterminés.
Et, certains Ivoiriens ont célébré cette défaite !
C’est bien regrettable qu’on en soit arrivé-là. Mais nous ne désespérons pas de continuer à travailler sur les mentalités pour que nous allions à la construction d’une vraie nation. Que tous les Ivoiriens, de quel que bord politique, de quelle que religion, de quelle que région se sentent concerner par la Côte d’Ivoire. Ce que je peux dire, c’est que notre équipe nationale n’a pas remporté la coupe mais elle n’a pas démérité.
Revenons à l’actualité pour parler de l’assemblée nationale. A quel genre de débats parlementaires doit-on s’attendre d’un parlement dans le
uel ne siège pas l’opposition significative ?
Première des choses, vous voulez me faire participer à un débat qui n’a pas encore lieu. L’assemblée nationale ne siège pas pour l’instant.
Gérer c’est prévoir…
Je veux bien ! Celui qui présidera aux destinées de l’assemblée, je crois, est en train d’y réfléchir. Moi je suis député. Si je devais siéger dans cette assemblée, j’y apporterai ma conrtibution. Mais j’ai un sentiment contraire à ce que vous dites. La démocratie, ce n’est pas la démocratie des partis politiques. La démocratie, c’est le peuple. Et, les partis politiques, ce n’est pas forcément tout le peuple.
Combien de petits partis, faute de moyen financier, n’ont peut-être pas pu présenter de candidats aux législatives et ne se retrouveront pas à l’assemblée nationale ?
L’opposition, dans chacune de ses déclarations, demande aux autorités d’ouvrir le dialogue. Qu’est-ce qu’il en est actuellement ?
Nous ne pouvons pas nous en tenir aux déclarations démagogiques. La réalité est là. Moi je suis partisan d’un vrai dialogue avec l’opposition. Et, je militerai pour cela. J’ai déjà eu des entretiens avec le président de la République qui est soucieux d’avoir ce contact avec cette opposition. Mais, malheureusement, elle ne m’a pas l’air prête, aujourd’hui, pour ce dialogue. Il y a du reste une commission Dialogue, vérité et réconciliation qui existe. On a même créé une instance pour engager ce dialogue. Donc, je pense que l’opposition a tellement de possibilités pour engager le dialogue. Nous sommes disponibles. Je vous dirais qu’on ne peut pas m’apprendre le dialogue. En ma qualité de secrétaire général des Forces nouvelles, j’ai fait le dialogue direct. Ce n’était pas à moi de faire de récrimination sur les conditions du dialogue. Vous savez, si je devais écouter mes partisans à l’époque, jamais je ne serais allé à la table des négociations. L’erreur qui est en train d’être commise, c’est de pratiquer la politique de la chaise vide. Ça ne mène à rien. Je pense que c’est important et, je prie le Fpi d’accepter le dialogue quelles que soient les conditions. C’est en commençant ce dialogue qu’on peut progressivement engranger des résultats. Mais on ne peut pas dire : nous avons des préalables pour engager le dialogue. Vous croyez que si moi j’avais posé des préalables à l’ancien président, Laurent Gbagbo en 2006 pour faire le dialogue direct, ce dialogue n’aurait jamais eu lieu.
Dernièrement, il y a eu beaucoup de personnes qui ont été arrêtées, maintenue en garde à vue prolongée de façon illégale allant au-delà des 48 heures requises. Vous ne pensez pas que ce sont là des dérapages qu’on peut facilement contrôler ?
Je n’ai pas ces informations. De qui s’agit-il ?
Il y a eu les journalistes de Notre Voie, par exemple, des investisseurs qui s’occupent de la réfection des commissariats...
Je considère que le ministre, garde des sceaux, un ministre compétent, qui fait son travail avec efficacité et qui connaît bien les procédures judiciaires pour être lui-même avocat, laisse prospérer de tels dérapages.
Toujours est-il que pour une partie de l’opinion, il y a une justice à deux vitesses pour ne pas dire une justice des vainqueurs contre les vaincus.
Où ? En Côte d’Ivoire ! C’est pour ne pas être accusé de justice des vainqueurs que certains ont jugé que c’était une bonne chose de transférer monsieur Laurent Gbagbo à La Haye. Au moins, on ne dira pas que cette justice est partiale. Et qu’il aura un traitement dû à un prisonnier de son rang. Et, qu’il sera traité avec équité. Si nous l’avions jugé ici, c’est ce que vous auriez dit. C’est ce que ses partisans auraient dit. Je pense donc qu’il ne faut pas systématiquement dénigrer ces institutions. Notre justice, je vous l’ai dit, a eu des difficultés au-delà des infrastructures, au niveau des ressources humaines. Nous sommes en train de la construire. Il faut encourager le ministre, garde des sceaux dans cette entreprise. Je suis convaincu que les choses iront de mieux en mieux.
Vous encouragez le garde des sceaux mais des préoccupations demeurent notamment avec les législatives où on a dit qu’il y a eu des fraudes. On est reparti à des partielles et on s’est arrêté-là. Mais quand il y a eu des fraudes, quand on fait voter des morts, on doit rechercher les coupables.
Le principe de la séparation des pouvoirs existe en Côte d’Ivoire. Le gouvernement n’est pas chargé d’organiser les élections. Il y a une commission électorale indépendante qui organise les élections. Le juge de ces élections, c’est le conseil constitutionnel. Et, je m’interdis, en tant que chef d’institution, de porter des jugements de valeur sur une autre institution. Je considère que le conseil constitutionnel a fait son travail. Et, qu’il l’a bien fait. La preuve : des circonscriptions ont vu leurs circonscriptions ont vu leur scrutin annulé. Je m’en tiens à cela.
Quel sentiment vous a-t-il animé lorsque vous avez appris, en tant que chef de gouvernement, qu’il y a eu des fraudes dans des localités où des ministres étaient candidats ?
Bah, je considère que le conseil constitutionnel a bien fait son travail. Je ne connais pas les motivations de l’annulation de telle ou telle circonscription parce que je ne m’en suis pas préoccupé particulièrement. Mais je considère simplement que c’est une bonne chose qui renforce la démocratie, s’il y a des fraudes çà et là, que le conseil constitutionnel prenne ses responsabilités en les invalidant. C’est cela qui renforce la démocratie. Ce n’est pas parce qu’il y a des policiers, qu’il n’y a pas de voleurs. La société est ainsi faite. Mais ce qui aurait été condamnable, c’est que le conseil constitutionnel laisse faire les fraudes. Vous devez vous réjouir qu’on ait, aujourd’hui, un conseil constitutionnel suffisamment crédible, capable de frapper là où il faut.
J’aimerais que le Premier ministre réagisse à cette violence qui nous colle finalement à la peau. A chaque élection, nous avons des morts. Les Ivoiriens sont-ils préparés à aller au vote par rapport à la sensibilisation et à la préparation des scrutins ?
Je concède la grande déception que vous avez. Mais vous savez, la démocratie est un long apprentissage. Il faudra bien que les Ivoiriens admettent que les élections, ce n’est pas un lieu de guéguerre ou d’affrontement de gladiateurs. Mais que c’est comme une compétition de football. On peut gagner, aujourd’hui ou perdre. Il faut simplement avoir à l’idée qu’à la prochaine élection, on peut gagner. Cette responsabilité nous incombe à tous, aussi bien les journalistes que les hommes politiques et le gouvernement va continuer de sensibiliser. Mais je ne suis pas non plus pessimiste parce que la violence qu’il y a eue lors des législatives n’est en rien comparable à ce qu’il y a eu aux présidentielles.
Parlant de votre arrivée probable à l’assemblée nationale, certaines personnes parlent de point de chute, mais d’autres estiment que c’est un tremplin pour accéder rapidement à la présidence de la République en cas de vacance du pouvoir. Avez-vous lu ce texte là récemment ?
Les Ivoiriens ont vraiment l’esprit fertile et l’imagination féconde. Qu’est-ce qu’on va chercher-là ? Je suis député. Rien n’est encore arrêté pour l’assemblée nationale. Rien ne dit que je suis intéressé à briguer la tête de cette institution. Je dis simplement que je ne ferais rien qui n’ait l’assentiment du président de la République. Je suis en mission, je suis Premier ministre, le président m’a fait confiance, je ne veux pas décevoir cette confiance. Pour l’instant, il me demande de demeurer Premier ministre. Donc je n’ai pas d’autres ambitions que d’assumer cette responsabilité que le président me confie.
Vous ne resterez pas Premier ministre toute la vie. Est-ce que dans votre avenir politique, envisagez-vous de vous présenter à la présidence de la République ?
L’avenir qui sait ? Je m’attelle à cultiver la confiance avec le président. Si le président, un jour, dans un an, dans deux ans, dans trois ans me demande d’être son conseiller, je suis prêt à assumer cette responsabilité. Je l’ai déjà dit, et je l’ai dit au président de la République, je répète cela au cours de cette interview : monsieur le président de la République, c’est vous seul qui êtes élu président de la République. Moi, je suis à votre disposition et je suis prêt à servir là où il vous plaira. Je m’en tiens à cette déclaration.
M. le Premier ministre, le gouvernement appelle de tous ses vœux le point d’achèvement de l’initiative PPTE, qui peut apparaître aux yeux d’une certaine opinion comme une panacée. Votre ministre de l’Economie disait que ce n’était pas l’arrivée mais un point de départ. Comment expliquez-vous, le chef du gouvernement, le fait que vous soyez accroché à cette initiative ? Et si cela n’avait pas existé ?
Effectivement le PPTE est une quête importante pour l’Etat de Côte d’Ivoire. Depuis 2007 que nous sommes dans ce programme avec le FMI et la Banque mondiale, évidemment que nous avons fait beaucoup d’efforts pour arriver au point d’achèvement. C’est en 2009 que nous avons atteint ce point de décision et nous sommes en quête du point d’achèvement. Ce qui va se passer, c’est que l’Etat de Côte d’Ivoire est endetté à hauteur de 6.000 milliards de Fcfa. Si nous atteignons le point d’achèvement, c’est autour de 80% de cette dette qui sera annulé. C’est autant de capacités pour la Côte d’Ivoire à recourir à un financement beaucoup plus important pour s’occuper de la situation de notre pays. Je pense que c’est important. D’autres pays ont eu cette initiative et ont pu voir le redécollage de leur économie. La Côte d’Ivoire est en train de poursuivre cet objectif. Parce que ce n’est pas marrant de savoir que chaque année dans le budget, nous sommes obligés de consacrer 500 milliards Fcfa pour le remboursement de la dette extérieure. C’est autant de contraintes qui engendrent des difficultés. Je pense, aujourd’hui, que nous avons effectivement raison et que le ministre de l’Economie a suffisamment de raisons de considérer qu’une des priorités est d’atteindre le point d’achèvement de l’initiative PPTE.
On a l’impression que ce point vous fuit un peu et qu’il avance au fur et à mesure que vous y arrivez. Il apparaît comme une forme d’horizon…
Non. Il faut reconnaître qu’il y a eu une parenthèse de la crise postélectorale de décembre à avril 2011. Il est même heureux que les institutions ne soient pas revenues sur le point de décision que nous avons acquis.
Il y a quand-même des obstacles ?
Non. L’une des conditionnalités était que nous fassions la réforme de la filière café-cacao et qu’elle soit mise en œuvre six mois durant pour être évaluée. Ceci a été fait. Maintenant, nous avons bon espoir, d’ailleurs la mission du FMI était là, vous avez entendu leur déclaration. Nous avons bon espoir que, dans quelques mois, nous pourrons atteindre le point d’achèvement. Je vous signale qu’effectivement ça pourrait changer les choses.