Comme promis, nous vous proposons la dernière partie de l’entretien accordé, lundi soir, à la première chaîne de la Télévision ivoirienne par le Premier ministre Guillaume Soro.
Malgré tous les bas-fonds que nous avons, pourquoi ne sommes-nous pas encore capables de satisfaire nos besoins nationaux; je pense qu’on peut agir là-dessus
Je suis parfaitement d’accord; c’est pourquoi si vous avez suivi le conseil des ministres de la semaine dernière où nous avons adopté un plan d’urgence pour le riz parce que vous dites que nous avons des bas-fonds mais je peux vous dire qu’évidemment il faut que l’Etat puisse investir dans ces infrastructures par l’aménagement de ces bas-fonds pour faire la promotion de la culture du riz; parce que malheureusement on continue d’importer le riz donc l’objectif c’est de parvenir en 2015, selon le plan que nous avons adopté à l’horizon 2015- 2016, à l’autosuffisance alimentaire en riz en Côte d’Ivoire. C’est pourquoi je dis que je suis d’accord avec vous, c’est pourquoi je dis que le gouvernement est au travail mais nous héritons d’une situation où la Côte d’Ivoire était au bord du gouffre. Ça aussi il faut l’admettre, vous ne pouvez pas parler de perspectives sans faire un diagnostic et le diagnostic c’est quoi? C’est justement qu’on n’avait pas de politique cohérente sur toutes ces questions; aujourd’hui nous avons avec le ministère du plan élaboré ce qu’on appelle le Plan national de développement quadriennal qui prend en compte toutes ces préoccupations que vous avez évoqués aussi bien le développement du vivrier en Côte d’Ivoire. Vous avez parlé de la viande, etc. donc il y a des programmes que nous avons élaborés. Le plan national de développement quadriennal sera adopté et donne des solutions à courts et moyens termes à ces problèmes que vous posez.
Monsieur le Premier ministre comment expliquez-vous cette avalanche de mise en chômage technique alors qu’on a promis 2000 emplois?
Je crois que la situation à la Rti est bien particulière. Je sais que ça vous préoccupe parce que vous êtes de la maison, je vais vous répondre et ensuite revenir aux autres. Je pense que le ministre de la communication a trouvé une situation bien singulière. A la Rti il y avait un personnel, semble-t-il, pléthorique. C’est une société d’Etat de type mixte, une société faire du profit. Evidemment quand il y a un trop plein de personnel à se tourner les pousses, il faut mettre de l’ordre. Il fallait restructurer et c’est que ce que les nouvelles autorités de la Rti sont en train de faire. C’est vrai il ya des chômages techniques mais on ne peut pas être pessimistes sinon la Rti elle-même arrivera à une situation de cessation de payement de salaires. Donc il fallait prendre des mesures vigoureuses, douloureuses certes mais vigoureuses pour relancer cette machine et l’avenir est devant nous. Mieux aujourd’hui on a libéralisé l’espace audiovisuel; toutes ces compétences peuvent aller dans le privé, avoir des emplois donc je veux dire qu’il ne faut pas croire dans un pays que c’est l’Etat qui donne les emplois. Le grand pourvoyeur d’emplois, c’est le secteur privé parce qu’à la fonction publique il y a combien de fonctionnaires que l’Etat emploie. Mais la politique du gouvernement c’est de dire qu’il faut créer un environnement d’affaires pour permettre aux investisseurs de venir en Côte d’Ivoire pour rendre le secteur privé dynamique afin qu’il puisse employer des Ivoiriens et c’est ce que nous sommes en train de faire.
Quelle mesure d’accompagnement?
Il y a des mesures dans le plan d’action de développement quadriennal; nous avons de façon spécifique consacré donc dans l’amélioration des affaires en Côte d’Ivoire des aides au secteur privé pour lui permettre d’être dynamique et ç’a été déjà discuté avec le secteur privé lui-même.
Sauf que la dette intérieure en ce qui concerne le secteur privé non bancaire est encore lourde?
Bien sûr, d’ailleurs l’année dernière nous avons consenti des efforts pour apurer cette dette et ces efforts seront continuels. Je peux dire au plan économique que la conjoncture est là, c’est vrai que nous sommes dans une situation décroissante d’économie, mais je suis sûr que le trimestre prochain les choses vont s’améliorer. Ces chiffres que je donne ne sont pas des chiffres du gouvernement que nous avons fabriqués entre nous.Ce sont des chiffres certifiés par la Banque mondiale et le FMI. Ils ont projeté un taux de croissance de notre pib de 8% en 2012 c’est-à-dire que les choses seront fleurissantes dans notre pays.
Vous avez adopté une politique de gratuité qui s’est appliquée à la santé et dans l’éducation, sauf que dans l’applicabilité, il y a des faiblesses comment entendez-vous corriger ces faiblesses surtout que le budget 2012 est assez timide vis-à-vis de ces deux secteurs importants pour la population?
Alors deux choses effectivement, vous faites bien de le dire, nous avions adopté la politique de la gratuité au niveau de la santé et il y a eu des difficultés donc quelquefois des ruptures en médicaments; il y avait le fait aussi que les médecins étaient surchargés, débordés sans compter la mauvaise foi de certaines personnes qui partaient se déclarer malades alors qu’il n’en est rien, c’était juste pour profiter de la gratuité des soins; c’est pourquoi en faisant le bilan de cette gratuité nous avons récemment, il ya quelques semaines, pris des mesures pour limiter cette gratuité à des couches sociales précises; ce qui aura pour avantage de mieux focaliser l’aide que l’Etat apporte à des personnes cibles, par exemple, les accouchements. Pour bien d’autres choses, on n’a dit on va faire la gratuité à ce niveau donc je pense que c’est important. Vous avez regardé le budget mais je vous signale que malgré ce budget si important que nous apportons à la santé , à l’éducation il y aussi un programme présidentiel qui vient en complément de ces secteurs. Mieux dans le Dsrp avec la Banque mondiale, vous savez que les deux secteurs prioritaires c’est bien la santé et l’éducation nationale. Au niveau de l’éducation nationale, nous avons fait des kits gratuits, on a aidé les élèves; nous sommes aussi en train de continuer dans cette voie. Mme la ministre de l’éducation nous a proposé un plan de réhabilitation et de construction de ses infrastructures et nous sommes en pleine reconstruction de ces infrastructures-là et je pense que c’est une bonne chose. Actuellement elle-même fait face à un déficit d’enseignants, elle est donc en train d’en recruter.
Quelles sont les réelles motivations de la non réouverture des universités?
Moi, je me suis rendu à l’université et j’ai vu une situation que je dirais dramatique. L’université était devenue un cimetière; nous avons découvert des monticules; je ne veux pas revenir sur ces choses tristes mais ce que je peux dire, c’est que ces infrastructures à l’université étaient totalement dégradées. Comment voulez-vous qu’on laisse des étudiants dans ces conditions. Tout était délabré; il faut faire un tour dans ces universités pour comprendre qu’on ne peut pas envoyer raisonnablement des étudiants faire des études là-bas. Il fallait faire les infrastructures et réhabiliter ces infrastructures et même agrandir la capacité d’accueil des étudiants. Construire un amphi malheureusement ne se fait pas en un mois, nous avons fait beaucoup d’efforts. Et l’Etat va débourser autour de 50 milliards pour réhabiliter aussi bien l’université que les résidences universitaires d’Abobo-Adjamé et tout ça pour que l’année prochaine les étudiants puissent aller au cours dans des conditions acceptables à l’université.
La plupart des étudiants auront perdu trois mois…
C’est salutaire le fait qu’on injecte de l’argent sérieusement pour permettre aux étudiants de repartir dans un cadre de vie et de travail fiable. Nous voulons qu’il y ait des diplômes crédibles et certifiés pour notre université; et pour cela il y a des sacrifices à consentir.
Le gouvernement l’a annoncé, la rentrée se fera en septembre et nous allons prendre le temps de permettre aux étudiants, ceux qui veulent le faire, d’y aller. Bien que l’université soit fermée, il y a quand même les grandes écoles où certains ont pu s’inscrire ou vont à l’école. Donc, il ne faut pas voir la question de façon stagnante, elle est dynamique. Quand un étudiant n’a pas la possibilité d’aller à l’université de Cocody, il va dans une grande école.
Le président de la République a promis un million d’emplois d’ici à 2015. Mais nous ne sentons pas cette politique d’emplois des jeunes...
Il faut quand même concéder que ce gouvernement a créé plus d’emplois qu’on aurait pu penser. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, 2400 emplois ont été créés à Bouaké. J’étais moi-même sur des chantiers créateurs d’emplois. Et, c’est une politique volontariste que nous allons appuyer. Nous allons atteindre, à un moment donné, une vitesse de croisière pour la création de ces emplois. Le secteur privé est en train de reprendre, l’économie aussi. Même une vraie politique a été adoptée. Faites confiance au gouvernement. Évidemment, rien ne se transforme en deux jours. Et, acceptez que je dise que ce n’est pas en six mois qu’on règle les problèmes d’un pays. Le président de la République, Alassane Ouattara a un mandat de cinq ans, on pourrait peut-être faire le bilan de ce mandat.
Les syndicats semblent avoir baissé pavillon. Aujourd’hui, il y a une sorte de trêve
Vous me posez la question du chômage dans un période où le gouvernement est encore en programme et nous cherchons à atteindre l’initiative Ppte. Il faut, de mon point de vue, une programmation même des préoccupations des syndicalistes. C’est pourquoi les plus avisés considèrent aujourd’hui qu’il faut laisser le temps au gouvernement de faire ses preuves. Qu’ils nous observent parce que nous sommes à la tâche pour pouvoir leur donner des réponses au moment opportun. La situation n’est pas spécifique à la Côte d’Ivoire. Pour l’instant, je ne peux pas vous donner des délais ici, parce qu’il y a tellement de conditions que nous devons d’abord lever, franchir avant de procéder à la redistribution de richesses. Mais je suis content que les syndicats comprennent l’urgence. Aujourd’hui, la priorité des Ivoiriens, c’est de faire leur réconciliation, d’agir à la reconstruction du pays, de créer des emplois, de rendre dynamique le secteur privé pour accompagner le processus.
Vous avez parlé de réconciliation. Est-ce que vous avez constaté dans les faits et gestes que les Ivoiriens le font réellement?
Je crois que passer les chaudes heures du ressentiment, de plus en plus, cette réconciliation gagne en intensité. La réconciliation sera une quête permanente. Je suis plutôt rassuré à partir du moment où les outils de cette réconciliation existent.
Est-ce que Charles Konan Banny pourrait faire son travail dans l’ouest du pays. Quand on apprend, par exemple que des populations ne peuvent pas aller au champ. Que les villages sont détruits et que certains ont du mal à retourner dans leurs villages d’origine ?
Cette question mériterait d’être posée à M. Banny lui-même qui a eu plus de temps à se consacrer à la question. Mais quand nous sommes sollicités, nous faisons ce qu’il y a à faire. Et je vous dis encore que la réconciliation est une quête de longue haleine. Donc, ne pensez pas que cette réconciliation viendrait par un coup de baguette magique. M. Banny prend le temps de faire son travail. Et le gouvernement doit l’accompagner dans sa mission. Même dans des pays qui n’ont pas connu la guerre, on parle de réconciliation, notamment en Guinée.
Selon vous, que pourraient tirer les Ivoiriens de cette crise post-électorale?
Je suis très triste et malheureux de constater que nous n’avons pas réussi notre révolution démocratique en douceur. D’autres pays l’ont réussi mais ç’a été difficile chez nous. La crise post-électorale est là pour rappeler les difficultés que nous avons eues. L’important n’est pas la guerre que nous avons connue mais comment nous sortons de cette guerre. Je souhaite que la Côte d’Ivoire sorte de la guerre, renforcée parce que toutes les nations fortes ont connu un jour une crise. Aujourd’hui, nous sommes sortis de cette guerre et nous sommes dans la case de départ. Nous essayons de mettre en place des institutions crédibles qui pourraient jouer leur rôle dans le renforcement de la démocratie dans notre pays. Je souhaite que tous les Ivoiriens y adhèrent. Je voudrais également lancé un appel au Front populaire ivoirien(Fpi) à entrer dans le dialogue. Il ne faut pas croire que se mettre en marge de la réconciliation peut faire avancer le pays.
Le Fpi au gouvernement, cela est-il envisageable ?
Vous en savez des choses sur le gouvernement.
Vous allez nous le confirmer oui ou non?
Le président de la République est ouvert et disponible. Si le Fpi s’inscrit dans la voie de la réconciliation par le dialogue, il n’y a pas de raison que les filles et fils du pays ne se mettent pas ensemble pour sauver la Côte d’Ivoire. Pour cela, je n’ai aucun doute.
Les autorités veulent prendre langue avec le Fpi et le Fpi le fait également mais apparemment rien ne marche…
C’est qu’il y a de la mauvaise foi quelque part.
Où ?
Il y a deux possibilités pour le Fpi. D’abord, la commission dialogue, vérité et réconciliation avec le président Banny, peut-être que vous pourriez lui poser la question de savoir si le Fpi a fait les démarches qu’il faut. Ensuite, il y a l’exécutif. Je rappelle que le ministre de l’intérieur a reçu la direction du Fpi. Le président les a aussi reçus. Ils avaient posé un certain nombre de revendications auxquelles nous avons fait droit.
On parlait tantôt de ce que les législatives avaient causé en termes de violences. Est-ce que vous vous apprêtez à préparer les Ivoiriens aux élections à venir ?
Tout à fait, le gouvernement est en phase. Il revient à la Cei de proposer des dates au gouvernement. Et nous prendrons toutes les dispositions pour que les élections puissent se tenir. Il est vraiment important que nous organisons les municipales et les régionales pour donner les moyens aux uns et aux autres de participer au développement local.
C’est pour quand l’ouverture de la première session de l’assemblée nationale ?
Notre constitution fixe pour le troisième mercredi du moi d’avril la séance ordinaire du parlement ivoirien.
Quel est le bon et le mauvais souvenirs que vous gardez et qui pourraient avoir un impact sur votre futur durant tout le temps que vous êtes Premier ministre ?
Il va falloir que je réfléchisse au bon souvenir. Le mauvais souvenir, la grosse déception que j’ai eue c’était après le 28 novembre quand la Côte d’Ivoire a sombré dans la guerre. J’avoue que nous y avions consacré tant d’énergies, nous y avions travaillé et tout donné pour que cette élection soit transparente, libre et démocratique. Mais nous avons été profondément choqués de voir que les acteurs qui nous avaient pourtant promis et s’étaient même engagés à respecter le résultat des urnes n’aient pas tenu parole. Cela nous a fortement marqués, non pas que cet engagement n’était pas tenu mais c’était même le manque de prise de conscience, de responsabilité face à toute la nation. Tous ces gens qui sont morts d’un camp comme de l’autre ne le devraient pas.
Avez-vous dit au président Gbagbo que son point de vue….
Le 30 novembre 2010, j’ai eu un entretien, le dernier, avec l’ancien président à sa résidence. D’ailleurs, je vous passe les détails de mon arrivée là-bas qui n’était visiblement pas souhaitée. Nous nous sommes rencontrés en tête-à-tête. Je lui ai dit : monsieur le président, les nouvelles ne sont pas bonnes pour vous. M. Ouattara vient en tête. Je souhaite que vous acceptiez qu’on laisse proclamer ces résultats. Monsieur le président, on n’est pas un grand homme parce qu’on est président. Vous savez, l’histoire a retenu bien de grands hommes qui n’ont pas été chefs d’Etat, président de la République. Martin Luther King n’a pas été chef d’Etat, mais il a marqué l’histoire. Monsieur le président, je vous en supplie, laissez l’élection se faire. Parce que si vous refusez, je n’ose même pas imaginer la crise que notre pays va vivre. J’y ai été et je pense que si j’avais été suivi par d’autres acteurs comme moi pour le lui dire, je ne sais pas si on aurait été entendus mais j’ai joué ma responsabilité. Je l’ai dit au président et il m’a regardé quelque peu hagard. Vous savez, ce regard qu’il a lorsqu’il ne veut pas vous écouter. Et il m’a dit : monsieur le Premier ministre, je vous rappelle dans trois heures. Je suis parti, j’ai réuni tous mes hommes et je leur ai dit : on a échoué de le convaincre à accepter les résultats et ça ne va pas rater.
Le bon souvenir…
Je cherche encore, vous savez c’est très rare les bons souvenirs surtout quand vous avez assumé la Primature dans une période comme celle qui a été la mienne. On en garde très peu de bonnes choses. Ç’a été très dur. Je vois que les gens peuvent envier le Premier ministre mais notre vie ce n’est pas l’enfer de Matignon, c’est une primature infernale en Côte d’Ivoire.
Ce 11 avril lors de l’arrestation du président Laurent Gbagbo, on l’a vu sur notre petit écran. Mais il y a eu par la suite beaucoup de supputations. Quelle force a arrêté le président ?
Vous savez, les gens aiment inventer. J’ai été un acteur privilégié de cette affaire. Quand nous avons déclenché les hostilités depuis Bouaké, Man et Bouna, j’espère vous allez mener vos enquêtes, il n’y avait pas la force Licorne. Nous sommes venus à Abidjan. Ce que vous ne savez pas, c’est que nous avions voulu éviter la bataille dans la ville d’Abidjan, c’est pourquoi nous avions encerclé la ville. Et nous avions espéré que Gbagbo se sentant encerclé, donc pris, accepterait de discuter et de céder le pouvoir. Mais mieux, j’ai appelé le général Dogbo Blé qui est encore vivant et qui est là, à qui vous pourrez poser la question. Je lui ai dit mon général, la ville d’Abidjan est encerclée, je ne veux pas de sang versé dans la ville d’Abidjan. Je vous demande en tant que commandant de la garde républicaine d’aller voir le président, de lui demander de laisser tomber les armes. S’il n’a pas confiance en ce que je dis, il peut solliciter l’Onuci ou les Français pour sa sécurité. J’ai même dit à Dogbo Blé que nous étions prêts et que je m’engageais, si Gbagbo acceptait de laisser le pouvoir, de négocier un poste pour lui auprès du président Alassane et avec ses pairs de l’Union africaine pour qu’il ait un positionnement comme le président Sékouba Konaté de Guinée. Le général Dogbo Blé m’a répondu qu’il était militaire, qu’il savait se battre et qu’il avait les moyens de le faire.
A partir de là, j’ai compris que les hostilités ne pouvaient qu’être évidentes. Nous sommes rentrés à Abidjan. Ce qui s’est passé à Abidjan, c’est que les miliciens de Gbagbo ont commencé invariablement à attaquer les citoyens, même les diplomates. Le cas de l’ambassadeur du Japon est palpable et évident, vous le savez. Et c’est dans ces conditions que les Nations Unies ont décidé de bombarder et de détruire les armes lourdes de Gbagbo. C’est dans ces conditions que nos hommes ont pu rentrer jusqu’à la résidence de Gbagbo. Et on nous dit que ce sont les Français qui sont rentrés chercher Gbagbo mais les vidéos sont là. Et nous avions même donné des instructions à nos hommes ; nous avons dit que nous ne voulons pas qu’il arrive quelque chose à un seul cheveu de Gbagbo. Nous avons préparé les gilets pare-balles pour le protéger. Vous l’avez vu, on l’a protégé. Il y avait plus de 107 personnes dans le bunker. Nous les avons sorties saines et sauves, à l’exception de l’ancien ministre de la Sécurité, Désire Tagro. Évidemment, c’était un grand acte de réconciliation que nous voulions donner aux Ivoiriens. Dans d’autres pays, certains dirigeants n’ont pas eu cette chance. Kadhafi n’a pas eu cette chance. Mais il faut le reconnaître. Si c’étaient nous qu’on avait encerclés à l’hôtel du Golf, vous pensez que je serais aujourd’hui parmi vous pour vous parler ?
Vous ne seriez pas rancunier, à quand une visite à la Rti ?
Ah oui, cette Rti que je connais bien. C’est vrai que ç’a été difficile à un moment. J’ai été séquestré à la télévision. Mais je suis totalement disposé, maintenant que les bonnes personnes sont à la Rti, à vous rendre une visite de courtoisie.
Interview retranscrite sur la Rti 1
Malgré tous les bas-fonds que nous avons, pourquoi ne sommes-nous pas encore capables de satisfaire nos besoins nationaux; je pense qu’on peut agir là-dessus
Je suis parfaitement d’accord; c’est pourquoi si vous avez suivi le conseil des ministres de la semaine dernière où nous avons adopté un plan d’urgence pour le riz parce que vous dites que nous avons des bas-fonds mais je peux vous dire qu’évidemment il faut que l’Etat puisse investir dans ces infrastructures par l’aménagement de ces bas-fonds pour faire la promotion de la culture du riz; parce que malheureusement on continue d’importer le riz donc l’objectif c’est de parvenir en 2015, selon le plan que nous avons adopté à l’horizon 2015- 2016, à l’autosuffisance alimentaire en riz en Côte d’Ivoire. C’est pourquoi je dis que je suis d’accord avec vous, c’est pourquoi je dis que le gouvernement est au travail mais nous héritons d’une situation où la Côte d’Ivoire était au bord du gouffre. Ça aussi il faut l’admettre, vous ne pouvez pas parler de perspectives sans faire un diagnostic et le diagnostic c’est quoi? C’est justement qu’on n’avait pas de politique cohérente sur toutes ces questions; aujourd’hui nous avons avec le ministère du plan élaboré ce qu’on appelle le Plan national de développement quadriennal qui prend en compte toutes ces préoccupations que vous avez évoqués aussi bien le développement du vivrier en Côte d’Ivoire. Vous avez parlé de la viande, etc. donc il y a des programmes que nous avons élaborés. Le plan national de développement quadriennal sera adopté et donne des solutions à courts et moyens termes à ces problèmes que vous posez.
Monsieur le Premier ministre comment expliquez-vous cette avalanche de mise en chômage technique alors qu’on a promis 2000 emplois?
Je crois que la situation à la Rti est bien particulière. Je sais que ça vous préoccupe parce que vous êtes de la maison, je vais vous répondre et ensuite revenir aux autres. Je pense que le ministre de la communication a trouvé une situation bien singulière. A la Rti il y avait un personnel, semble-t-il, pléthorique. C’est une société d’Etat de type mixte, une société faire du profit. Evidemment quand il y a un trop plein de personnel à se tourner les pousses, il faut mettre de l’ordre. Il fallait restructurer et c’est que ce que les nouvelles autorités de la Rti sont en train de faire. C’est vrai il ya des chômages techniques mais on ne peut pas être pessimistes sinon la Rti elle-même arrivera à une situation de cessation de payement de salaires. Donc il fallait prendre des mesures vigoureuses, douloureuses certes mais vigoureuses pour relancer cette machine et l’avenir est devant nous. Mieux aujourd’hui on a libéralisé l’espace audiovisuel; toutes ces compétences peuvent aller dans le privé, avoir des emplois donc je veux dire qu’il ne faut pas croire dans un pays que c’est l’Etat qui donne les emplois. Le grand pourvoyeur d’emplois, c’est le secteur privé parce qu’à la fonction publique il y a combien de fonctionnaires que l’Etat emploie. Mais la politique du gouvernement c’est de dire qu’il faut créer un environnement d’affaires pour permettre aux investisseurs de venir en Côte d’Ivoire pour rendre le secteur privé dynamique afin qu’il puisse employer des Ivoiriens et c’est ce que nous sommes en train de faire.
Quelle mesure d’accompagnement?
Il y a des mesures dans le plan d’action de développement quadriennal; nous avons de façon spécifique consacré donc dans l’amélioration des affaires en Côte d’Ivoire des aides au secteur privé pour lui permettre d’être dynamique et ç’a été déjà discuté avec le secteur privé lui-même.
Sauf que la dette intérieure en ce qui concerne le secteur privé non bancaire est encore lourde?
Bien sûr, d’ailleurs l’année dernière nous avons consenti des efforts pour apurer cette dette et ces efforts seront continuels. Je peux dire au plan économique que la conjoncture est là, c’est vrai que nous sommes dans une situation décroissante d’économie, mais je suis sûr que le trimestre prochain les choses vont s’améliorer. Ces chiffres que je donne ne sont pas des chiffres du gouvernement que nous avons fabriqués entre nous.Ce sont des chiffres certifiés par la Banque mondiale et le FMI. Ils ont projeté un taux de croissance de notre pib de 8% en 2012 c’est-à-dire que les choses seront fleurissantes dans notre pays.
Vous avez adopté une politique de gratuité qui s’est appliquée à la santé et dans l’éducation, sauf que dans l’applicabilité, il y a des faiblesses comment entendez-vous corriger ces faiblesses surtout que le budget 2012 est assez timide vis-à-vis de ces deux secteurs importants pour la population?
Alors deux choses effectivement, vous faites bien de le dire, nous avions adopté la politique de la gratuité au niveau de la santé et il y a eu des difficultés donc quelquefois des ruptures en médicaments; il y avait le fait aussi que les médecins étaient surchargés, débordés sans compter la mauvaise foi de certaines personnes qui partaient se déclarer malades alors qu’il n’en est rien, c’était juste pour profiter de la gratuité des soins; c’est pourquoi en faisant le bilan de cette gratuité nous avons récemment, il ya quelques semaines, pris des mesures pour limiter cette gratuité à des couches sociales précises; ce qui aura pour avantage de mieux focaliser l’aide que l’Etat apporte à des personnes cibles, par exemple, les accouchements. Pour bien d’autres choses, on n’a dit on va faire la gratuité à ce niveau donc je pense que c’est important. Vous avez regardé le budget mais je vous signale que malgré ce budget si important que nous apportons à la santé , à l’éducation il y aussi un programme présidentiel qui vient en complément de ces secteurs. Mieux dans le Dsrp avec la Banque mondiale, vous savez que les deux secteurs prioritaires c’est bien la santé et l’éducation nationale. Au niveau de l’éducation nationale, nous avons fait des kits gratuits, on a aidé les élèves; nous sommes aussi en train de continuer dans cette voie. Mme la ministre de l’éducation nous a proposé un plan de réhabilitation et de construction de ses infrastructures et nous sommes en pleine reconstruction de ces infrastructures-là et je pense que c’est une bonne chose. Actuellement elle-même fait face à un déficit d’enseignants, elle est donc en train d’en recruter.
Quelles sont les réelles motivations de la non réouverture des universités?
Moi, je me suis rendu à l’université et j’ai vu une situation que je dirais dramatique. L’université était devenue un cimetière; nous avons découvert des monticules; je ne veux pas revenir sur ces choses tristes mais ce que je peux dire, c’est que ces infrastructures à l’université étaient totalement dégradées. Comment voulez-vous qu’on laisse des étudiants dans ces conditions. Tout était délabré; il faut faire un tour dans ces universités pour comprendre qu’on ne peut pas envoyer raisonnablement des étudiants faire des études là-bas. Il fallait faire les infrastructures et réhabiliter ces infrastructures et même agrandir la capacité d’accueil des étudiants. Construire un amphi malheureusement ne se fait pas en un mois, nous avons fait beaucoup d’efforts. Et l’Etat va débourser autour de 50 milliards pour réhabiliter aussi bien l’université que les résidences universitaires d’Abobo-Adjamé et tout ça pour que l’année prochaine les étudiants puissent aller au cours dans des conditions acceptables à l’université.
La plupart des étudiants auront perdu trois mois…
C’est salutaire le fait qu’on injecte de l’argent sérieusement pour permettre aux étudiants de repartir dans un cadre de vie et de travail fiable. Nous voulons qu’il y ait des diplômes crédibles et certifiés pour notre université; et pour cela il y a des sacrifices à consentir.
Le gouvernement l’a annoncé, la rentrée se fera en septembre et nous allons prendre le temps de permettre aux étudiants, ceux qui veulent le faire, d’y aller. Bien que l’université soit fermée, il y a quand même les grandes écoles où certains ont pu s’inscrire ou vont à l’école. Donc, il ne faut pas voir la question de façon stagnante, elle est dynamique. Quand un étudiant n’a pas la possibilité d’aller à l’université de Cocody, il va dans une grande école.
Le président de la République a promis un million d’emplois d’ici à 2015. Mais nous ne sentons pas cette politique d’emplois des jeunes...
Il faut quand même concéder que ce gouvernement a créé plus d’emplois qu’on aurait pu penser. Pas plus tard qu’il y a deux semaines, 2400 emplois ont été créés à Bouaké. J’étais moi-même sur des chantiers créateurs d’emplois. Et, c’est une politique volontariste que nous allons appuyer. Nous allons atteindre, à un moment donné, une vitesse de croisière pour la création de ces emplois. Le secteur privé est en train de reprendre, l’économie aussi. Même une vraie politique a été adoptée. Faites confiance au gouvernement. Évidemment, rien ne se transforme en deux jours. Et, acceptez que je dise que ce n’est pas en six mois qu’on règle les problèmes d’un pays. Le président de la République, Alassane Ouattara a un mandat de cinq ans, on pourrait peut-être faire le bilan de ce mandat.
Les syndicats semblent avoir baissé pavillon. Aujourd’hui, il y a une sorte de trêve
Vous me posez la question du chômage dans un période où le gouvernement est encore en programme et nous cherchons à atteindre l’initiative Ppte. Il faut, de mon point de vue, une programmation même des préoccupations des syndicalistes. C’est pourquoi les plus avisés considèrent aujourd’hui qu’il faut laisser le temps au gouvernement de faire ses preuves. Qu’ils nous observent parce que nous sommes à la tâche pour pouvoir leur donner des réponses au moment opportun. La situation n’est pas spécifique à la Côte d’Ivoire. Pour l’instant, je ne peux pas vous donner des délais ici, parce qu’il y a tellement de conditions que nous devons d’abord lever, franchir avant de procéder à la redistribution de richesses. Mais je suis content que les syndicats comprennent l’urgence. Aujourd’hui, la priorité des Ivoiriens, c’est de faire leur réconciliation, d’agir à la reconstruction du pays, de créer des emplois, de rendre dynamique le secteur privé pour accompagner le processus.
Vous avez parlé de réconciliation. Est-ce que vous avez constaté dans les faits et gestes que les Ivoiriens le font réellement?
Je crois que passer les chaudes heures du ressentiment, de plus en plus, cette réconciliation gagne en intensité. La réconciliation sera une quête permanente. Je suis plutôt rassuré à partir du moment où les outils de cette réconciliation existent.
Est-ce que Charles Konan Banny pourrait faire son travail dans l’ouest du pays. Quand on apprend, par exemple que des populations ne peuvent pas aller au champ. Que les villages sont détruits et que certains ont du mal à retourner dans leurs villages d’origine ?
Cette question mériterait d’être posée à M. Banny lui-même qui a eu plus de temps à se consacrer à la question. Mais quand nous sommes sollicités, nous faisons ce qu’il y a à faire. Et je vous dis encore que la réconciliation est une quête de longue haleine. Donc, ne pensez pas que cette réconciliation viendrait par un coup de baguette magique. M. Banny prend le temps de faire son travail. Et le gouvernement doit l’accompagner dans sa mission. Même dans des pays qui n’ont pas connu la guerre, on parle de réconciliation, notamment en Guinée.
Selon vous, que pourraient tirer les Ivoiriens de cette crise post-électorale?
Je suis très triste et malheureux de constater que nous n’avons pas réussi notre révolution démocratique en douceur. D’autres pays l’ont réussi mais ç’a été difficile chez nous. La crise post-électorale est là pour rappeler les difficultés que nous avons eues. L’important n’est pas la guerre que nous avons connue mais comment nous sortons de cette guerre. Je souhaite que la Côte d’Ivoire sorte de la guerre, renforcée parce que toutes les nations fortes ont connu un jour une crise. Aujourd’hui, nous sommes sortis de cette guerre et nous sommes dans la case de départ. Nous essayons de mettre en place des institutions crédibles qui pourraient jouer leur rôle dans le renforcement de la démocratie dans notre pays. Je souhaite que tous les Ivoiriens y adhèrent. Je voudrais également lancé un appel au Front populaire ivoirien(Fpi) à entrer dans le dialogue. Il ne faut pas croire que se mettre en marge de la réconciliation peut faire avancer le pays.
Le Fpi au gouvernement, cela est-il envisageable ?
Vous en savez des choses sur le gouvernement.
Vous allez nous le confirmer oui ou non?
Le président de la République est ouvert et disponible. Si le Fpi s’inscrit dans la voie de la réconciliation par le dialogue, il n’y a pas de raison que les filles et fils du pays ne se mettent pas ensemble pour sauver la Côte d’Ivoire. Pour cela, je n’ai aucun doute.
Les autorités veulent prendre langue avec le Fpi et le Fpi le fait également mais apparemment rien ne marche…
C’est qu’il y a de la mauvaise foi quelque part.
Où ?
Il y a deux possibilités pour le Fpi. D’abord, la commission dialogue, vérité et réconciliation avec le président Banny, peut-être que vous pourriez lui poser la question de savoir si le Fpi a fait les démarches qu’il faut. Ensuite, il y a l’exécutif. Je rappelle que le ministre de l’intérieur a reçu la direction du Fpi. Le président les a aussi reçus. Ils avaient posé un certain nombre de revendications auxquelles nous avons fait droit.
On parlait tantôt de ce que les législatives avaient causé en termes de violences. Est-ce que vous vous apprêtez à préparer les Ivoiriens aux élections à venir ?
Tout à fait, le gouvernement est en phase. Il revient à la Cei de proposer des dates au gouvernement. Et nous prendrons toutes les dispositions pour que les élections puissent se tenir. Il est vraiment important que nous organisons les municipales et les régionales pour donner les moyens aux uns et aux autres de participer au développement local.
C’est pour quand l’ouverture de la première session de l’assemblée nationale ?
Notre constitution fixe pour le troisième mercredi du moi d’avril la séance ordinaire du parlement ivoirien.
Quel est le bon et le mauvais souvenirs que vous gardez et qui pourraient avoir un impact sur votre futur durant tout le temps que vous êtes Premier ministre ?
Il va falloir que je réfléchisse au bon souvenir. Le mauvais souvenir, la grosse déception que j’ai eue c’était après le 28 novembre quand la Côte d’Ivoire a sombré dans la guerre. J’avoue que nous y avions consacré tant d’énergies, nous y avions travaillé et tout donné pour que cette élection soit transparente, libre et démocratique. Mais nous avons été profondément choqués de voir que les acteurs qui nous avaient pourtant promis et s’étaient même engagés à respecter le résultat des urnes n’aient pas tenu parole. Cela nous a fortement marqués, non pas que cet engagement n’était pas tenu mais c’était même le manque de prise de conscience, de responsabilité face à toute la nation. Tous ces gens qui sont morts d’un camp comme de l’autre ne le devraient pas.
Avez-vous dit au président Gbagbo que son point de vue….
Le 30 novembre 2010, j’ai eu un entretien, le dernier, avec l’ancien président à sa résidence. D’ailleurs, je vous passe les détails de mon arrivée là-bas qui n’était visiblement pas souhaitée. Nous nous sommes rencontrés en tête-à-tête. Je lui ai dit : monsieur le président, les nouvelles ne sont pas bonnes pour vous. M. Ouattara vient en tête. Je souhaite que vous acceptiez qu’on laisse proclamer ces résultats. Monsieur le président, on n’est pas un grand homme parce qu’on est président. Vous savez, l’histoire a retenu bien de grands hommes qui n’ont pas été chefs d’Etat, président de la République. Martin Luther King n’a pas été chef d’Etat, mais il a marqué l’histoire. Monsieur le président, je vous en supplie, laissez l’élection se faire. Parce que si vous refusez, je n’ose même pas imaginer la crise que notre pays va vivre. J’y ai été et je pense que si j’avais été suivi par d’autres acteurs comme moi pour le lui dire, je ne sais pas si on aurait été entendus mais j’ai joué ma responsabilité. Je l’ai dit au président et il m’a regardé quelque peu hagard. Vous savez, ce regard qu’il a lorsqu’il ne veut pas vous écouter. Et il m’a dit : monsieur le Premier ministre, je vous rappelle dans trois heures. Je suis parti, j’ai réuni tous mes hommes et je leur ai dit : on a échoué de le convaincre à accepter les résultats et ça ne va pas rater.
Le bon souvenir…
Je cherche encore, vous savez c’est très rare les bons souvenirs surtout quand vous avez assumé la Primature dans une période comme celle qui a été la mienne. On en garde très peu de bonnes choses. Ç’a été très dur. Je vois que les gens peuvent envier le Premier ministre mais notre vie ce n’est pas l’enfer de Matignon, c’est une primature infernale en Côte d’Ivoire.
Ce 11 avril lors de l’arrestation du président Laurent Gbagbo, on l’a vu sur notre petit écran. Mais il y a eu par la suite beaucoup de supputations. Quelle force a arrêté le président ?
Vous savez, les gens aiment inventer. J’ai été un acteur privilégié de cette affaire. Quand nous avons déclenché les hostilités depuis Bouaké, Man et Bouna, j’espère vous allez mener vos enquêtes, il n’y avait pas la force Licorne. Nous sommes venus à Abidjan. Ce que vous ne savez pas, c’est que nous avions voulu éviter la bataille dans la ville d’Abidjan, c’est pourquoi nous avions encerclé la ville. Et nous avions espéré que Gbagbo se sentant encerclé, donc pris, accepterait de discuter et de céder le pouvoir. Mais mieux, j’ai appelé le général Dogbo Blé qui est encore vivant et qui est là, à qui vous pourrez poser la question. Je lui ai dit mon général, la ville d’Abidjan est encerclée, je ne veux pas de sang versé dans la ville d’Abidjan. Je vous demande en tant que commandant de la garde républicaine d’aller voir le président, de lui demander de laisser tomber les armes. S’il n’a pas confiance en ce que je dis, il peut solliciter l’Onuci ou les Français pour sa sécurité. J’ai même dit à Dogbo Blé que nous étions prêts et que je m’engageais, si Gbagbo acceptait de laisser le pouvoir, de négocier un poste pour lui auprès du président Alassane et avec ses pairs de l’Union africaine pour qu’il ait un positionnement comme le président Sékouba Konaté de Guinée. Le général Dogbo Blé m’a répondu qu’il était militaire, qu’il savait se battre et qu’il avait les moyens de le faire.
A partir de là, j’ai compris que les hostilités ne pouvaient qu’être évidentes. Nous sommes rentrés à Abidjan. Ce qui s’est passé à Abidjan, c’est que les miliciens de Gbagbo ont commencé invariablement à attaquer les citoyens, même les diplomates. Le cas de l’ambassadeur du Japon est palpable et évident, vous le savez. Et c’est dans ces conditions que les Nations Unies ont décidé de bombarder et de détruire les armes lourdes de Gbagbo. C’est dans ces conditions que nos hommes ont pu rentrer jusqu’à la résidence de Gbagbo. Et on nous dit que ce sont les Français qui sont rentrés chercher Gbagbo mais les vidéos sont là. Et nous avions même donné des instructions à nos hommes ; nous avons dit que nous ne voulons pas qu’il arrive quelque chose à un seul cheveu de Gbagbo. Nous avons préparé les gilets pare-balles pour le protéger. Vous l’avez vu, on l’a protégé. Il y avait plus de 107 personnes dans le bunker. Nous les avons sorties saines et sauves, à l’exception de l’ancien ministre de la Sécurité, Désire Tagro. Évidemment, c’était un grand acte de réconciliation que nous voulions donner aux Ivoiriens. Dans d’autres pays, certains dirigeants n’ont pas eu cette chance. Kadhafi n’a pas eu cette chance. Mais il faut le reconnaître. Si c’étaient nous qu’on avait encerclés à l’hôtel du Golf, vous pensez que je serais aujourd’hui parmi vous pour vous parler ?
Vous ne seriez pas rancunier, à quand une visite à la Rti ?
Ah oui, cette Rti que je connais bien. C’est vrai que ç’a été difficile à un moment. J’ai été séquestré à la télévision. Mais je suis totalement disposé, maintenant que les bonnes personnes sont à la Rti, à vous rendre une visite de courtoisie.
Interview retranscrite sur la Rti 1