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Société Publié le jeudi 8 mars 2012 | Nord-Sud

Toutes sortes de drogues et de réseaux

Aujourd'hui, les saisies concernent toutes sortes de drogues. Outre les drogues dures, il y a aussi des psychotropes ou drogues synthétiques. Les plus courants de ces psychotropes sont l'Imménoctal (IM10) ou «Sékou Touré», les amphétamines et le Mandrax. Ces substances sont consommées dans les milieux des travailleurs de l'informel : ceux qui n'ont pas les moyens de se rendre dans un salon VIP d'un bar à Angré ou à Biétry et qui en ont suffisamment assez pour ne pas «s'empoisonner», selon l'expression d'Asko, avec du «fôtô» (de la colle forte) imbibé dans un mouchoir et aspiré fortement. Selon nos informations, les membres de certains grands gangs consomment de la drogue dure qui atteint le territoire par des réseaux internationaux comme celui d’Azikiwe Paul Chicke condamné le 2 mars par le tribunal des flagrants délits du Plateau. Il a pris 10 ans de prison et une amende d’un million Fcfa. Le président du tribunal, le juge Duvignac a ordonné la confiscation des 276 sachets de cocaïne qui pèsent 2,5 kg et qui seront détruits. Paul a été arrêté le 13 février à l’aéroport Félix Houphouet-Boigny de Port-Bouët par la douane et la direction de la police des stupéfiants et des drogues (Dpsd). En provenance de Sao Paulo (Brésil) via Dubaï et Accra, le trafiquant de 48 ans, à bord du vol EK 787, venait livrer sa marchandise à un grossiste sur les bords de la lagune Ebrié. Mais les choses ont mal tourné. Suite à une information transmise aux services des douanes de l’aéroport, l’individu répondant au signalement sus indiqué a été arrêté. Après une vérification de son passeport, Paul est invité au service des douanes pour répondre aux interrogatoires relatifs à son identité et à ses activités. Il convoyait deux valises contenant de la cocaïne.


Des chiffres qui enivrent

Selon les statistiques fournies par la Direction de la police des stupéfiants et de la drogue (DPSD), que dirige le commissaire Binaté, de la période du 10 août au 31 décembre 2011, 338 saisies de stupéfiants de toute nature ont été enregistrées. Chaque mois, souligne le commissaire Guy Mouhnon Emile, sous-directeur chargé de la recherche, ce sont au bas mot, 620 personnes qui sont interpellées soit 443 Ivoiriens et 167 non-Ivoiriens. Dans la période du 1er janvier au 31 janvier 2012, les hommes du commissaire Binaté ont déféré 112 personnes pour la consommation, la détention ou la vente de stupéfiants. En janvier, 8 fumoirs ont été détruits dans le district d’Abidjan. 69 kilogrammes (kg) de cannabis, 17 kg de héroïne, 9 comprimés de Rivotril, 1200 comprimés d’Ephédrine, 2785 comprimés de Diazepam, 252 kg de produits pharmaceutiques non enregistrés (Ppne), 1 kg de cocaïne et la saisie de 600 cartouches de calibre 12. Ces chiffres-records montrent bien la détermination des autorités à lutter contre le phénomène malgré des moyens modestes face à la hargne de la mafia locale.

Fumoirs de drogues : Les quartiers dangereux d’Abidjan


Depuis la fin de la crise postélectorale, les fumoirs de drogues foisonnent à Abidjan, et les consommateurs ne se cachent presque plus. Au-delà des effets néfastes sur l’organisme des toxicomanes, ce phénomène est l’une des causes de la grande insécurité, puisque selon des sources policières, la majorité des gangs parte des fumoirs.


Ce 18 janvier 2012, nous sommes à ’’Colombie’’, un bidonville de la commune de Cocody, entre le zoo et les Deux-Plateaux. Il est déjà 21h. Dans les fichiers de la police nationale, ‘’Colombie’’ est connu comme l’un des bastions de la pègre abidjanaise. Assis dernière un bureau de fortune, B.G., la quarantaine révolue suit de très près les mouvements d’un groupe de jeunes. Ce quartier, nous indique-t-il, est en fait un lieu de transit pour les bandits, les drogués et les dealers. Selon lui, le manque d’éclairage public leur est très favorable, une fois la nuit tombée. «Lorsqu’ils commettent des vols aux Deux-Plateaux ou ailleurs à Cocody, ils se dirigent vers ‘’Colombie’’ pour pouvoir échapper à la police», soutient notre interlocuteur en nous indiquant une baraque servant de fumoir de drogues dont le cannabis. «C’est l’enfer ici», se désole-t-il. La drogue, on en consomme et on en commercialise dans ce bidonville. Les flics sont toujours aux trousses des dealers. Des fumoirs sont chaque semaine visités et détruits par la police anti-drogue, mais à dire vrai, ces opérations coups de poing n’arrivent pas à enrayer le fléau. «Nous sommes délaissés. La seule activité qui s’offre à nous, c’est de vendre la drogue. C’est ici que tout Cocody vient se ravitailler. La police n’y peut rien», révèle un habitant du sous-quartier, qui a voulu garder l’anonymat.

Du chanvre indien à Gobelet

Autre lieu, même décor. Gobelet. Nous sommes toujours dans la commune de Cocody. Il est 22h. Cet autre bidonville au nom évocateur est dans un ravin. Aucune voie d’accès. Seuls quelques couloirs entre les baraques servent de passage aux habitants qui vivent dans l’insalubrité totale. Un égout à ciel ouvert à proximité duquel des commerçants sont installés, traverse ce ravin. Bien que les habitants de Gobelet bénéficient de l’eau courante et de l’électricité, leur distribution se fait par des revendeurs, en toute illégalité. Gobelet rime également avec la drogue. Pour preuve, c’est dans ce bidonville, selon nos sources à la direction des drogues et stupéfiants, qu’une importante quantité de drogue estimée à 1,62 tonne de chanvre indien, a été saisie le 5 janvier dernier. «Chaque nuit, une espèce d’odeur nauséabonde envahit tous les couloirs. On me dit que c’est l’odeur de la drogue. Mais moi, je n’en sais rien du tout», témoigne Ouédraogo A. Le jeune maçon de 29 ans reconnaît que la police fait beaucoup d’incursions dans le secteur à cause des dealers et des consommateurs.

«Sékou Touré et Marie-Jeanne»

Les fumoirs de drogues poussent comme des champignons dans la capitale économique. A Yopougon (bas-fond de Siporex, Yaoséhi), à Adjamé (sous l'échangeur après le zoo, bas-fond de la nouvelle gare, derrière la grande mosquée) ou à Abobo (dépôt 9, derrière rails), ou encore au cimetière de Williamsville (le «valval» géant de 50 ha), les accrocs aux drogues ne se cachent pas. Dans ces endroits, les fumeurs de «ganja», de «kangbé», de «gban», de «tchoukourou», de la marijuana, appelée par les jeunes branchés des milieux rasta de Port-Bouêt «Marie-Jeanne», ne se sentent guère troublés. Ils fument «l’herbe de Jah» au vu et au su de tous.
La marijuana est considérée dans le milieu comme la drogue des pauvres. En effet, elle est consommée tout comme l'Imménoctal (IM10 surnommée «Sékou Touré», (pour ses dégâts sur l'organisme). Ces noms viennent des jeunes désœuvrés de Yopougon et de Koumassi (quartier Divo), des aboyeurs et autres arracheurs de sacs à mains aux gares routières d'Adjamé et d'Abobo. Une petite boule de marijuana est vendue à 200 FCFA au marché noir. A la portée du consommateur le plus moyen. On reconnaît facilement ces derniers à la nouvelle gare d'Adjamé par leurs dents abîmées, leurs corps squelettiques, leurs haleines de baleine, leurs yeux rougis et leur hyperactivité. Ceux qui fréquentent le «valval» de Willliamsville peuvent être facilement observés à travers les miradors des immeubles qui entourent la grande nécropole. Des loques humaines aux déhanchements fantomatiques, comme balancées de tous côtés par le vent. Des allures que les consommateurs de drogues ont plus ou moins en commun, qu’ils soient dans les ghettos d'Adjamé ou d'Abobo ou qu'ils vivent à Cocody ou à Treichville.


Bahi K.
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