Il trône sur « l’escalier aux sept marches », symbole de la connaissance, de l’expérience et de la maturité. Le lundi dernier, sur les antennes de la télévision, Guillaume, le Premier ministre ivoirien a achevé de convaincre l’opinion nationale et internationale sur sa posture d’homme de mission, de responsabilité, de refus de l’arbitraire et des louvoiements démocratiques. Avec brio, celui qui quitte « la maison blanche » du Plateau a déroulé son bilan depuis mars 2007, où après la signature de l’Accord politique de Ouaga, il a pris les commandes de la Primature. Disons-le tout net ! Tout le monde l’attendait sur son avenir au poste de Premier ministre, qui devait revenir au PDCI, au lendemain de l’élection présidentielle remportée par Alassane Ouattara. Il a été sans détour : « le poste de Premier ministre n’est pas un métier ». Ainsi donc hier, au terme du Conseil des ministres, il a remis sa démission et celle de son gouvernement au Chef de l’Etat. Il avait le même geste en décembre 2010 à l’hôtel du Golf en signe de reconnaissance de la victoire du candidat du RHDP. « Au nom de ma foi chrétienne et de mon attachement à la démocratie et à la paix, je ne pouvais pas accepter la manipulation des résultats. Alassane Ouattara a remporté le scrutin présidentiel », a-t-il dit à la nation. On l’aura compris. Cet acte restitue toute la personnalité de Guillaume Soro, l’extériorisation de son éthique et de son attachement à la démocratie et à l’alternance. De la FESCI à la Primature, en passant par la rébellion, à qui il a donné toute sa noblesse, il n’a pas varié dans sa posture. Celle de la lutte sans merci contre les forces rétrogrades et dictatoriales. Portant fièrement son nom « Kigbafori », vous ne m’aurez pas, en langue sénoufo, il a emprunté les marches de son destin, sans commune mesure, d’une grandeur exceptionnelle. Après avoir libéré les étudiants pendant qu’il était à la tête de la FESCI, Guillaume Soro, à qui les armes se sont imposées, s’est dressé contre le régime sanguinaire de Laurent Gbagbo en prenant la tête d’une rébellion en septembre 2002. Ne pouvant pas rester impassible devant la douleur de son peuple martyrisé, il est descendu dans l’arène, dans les attributs de sauveur des valeurs démocratiques. En 2005, il avait déjà prévu le tableau sombre qui se précisait à son pays, sous la dictature de Gbagbo : « Les ingrédients d’une catastrophe humanitaire analogue à celle qu’a connue le Rwanda se mettent progressivement en place, au vu et au su de toute la communauté internationale ». Les faits se sont avérés avec la tentative de confiscation du pouvoir perdu dans les urnes par le pensionnaire de la CPI. Là-dessus, Guillaume Soro ne croyait pas si bien dire dans son ouvrage « Pourquoi je suis devenu rebelle » : « Laurent Gbagbo n’a aucune chance de remporter un scrutin ouvert et transparent. Son entourage n’a de raison d’être et de participer au pouvoir que la guerre. Pour eux, si la crise ivoirienne se termine, le chômage les attend… La communauté internationale doit veiller à empêcher que ces extrémistes parfaitement identifiés ne brûlent le reste de la Côte d’Ivoire ». Il n’a pas eu tort avec la vague de tueries orchestrées par les mercenaires et miliciens de Gbagbo, dans sa folle et suicidaire tentative de confiscation du pouvoir. On peut dire sans risque de se tromper que Guillaume Soro, c’est le don de soi, le sacrifice de sa personne pour un meilleur devenir de ses concitoyens. Ni les tentatives d’assassinats à la RTI, ni l’attentat contre le FOKKER 100 n’ont pas entamé son opiniâtreté à conduire son pays aux élections et à la démocratie. Sous sa Primature, il a gagné de nombreux combats. Notamment les audiences foraines, l’attribution des cartes d’identité à tous les citoyens avant la tenue des élections, la certification des résultats par les Nations Unies et l’engagement des candidats à respecter le verdict des urnes. C’est pourquoi, il ne pouvait pas accepter la volonté de confiscation du pouvoir par le perdant Laurent Gbagbo. Après avoir remis sa démission au nouveau élu, Alassane Ouattara, il a organisé la résistance pour la capitulation du faussaire. Au moment où la communauté internationale tentait de faire entendre raison à Gbagbo, le Premier ministre ne démordait pas dans son opinion : « seule la force pourra faire partir Gbagbo ». Ainsi a-t-il organisé l’armée et pris le commandement de l’offensive générale contre le régime de l’imposture, dont il est venu à bout, avec la capture du chef de file de la refondation, le 11 avril 2011. Au moment où il quitte la Primature, Guillaume Soro a atteint ses objectifs, dans sa lutte pour l’avènement d’une société démocratique. En conformité avec son discours d’il y a cinq ans : « La Côte d’Ivoire de demain, la Côte d’Ivoire dont je rêve, sera libre et ouverte à tous. Les étrangers partis à cause de la crise pourront revenir sereinement pour vivre dans ce pays. Cette Côte d’Ivoire-là se fera sûrement sans Laurent Gbagbo. Il est et restera dans l’histoire de mon pays comme l’homme qui a divisé les fils. L’homme qui a causé une guerre et l’a perdue ». En partant de la Primature, le premier ministre laisse de lui, une image d’un homme de combat, de parole et de fidélité à une cause nationale. Le désir ardent des populations à humer les doux parfums de la liberté et de la démocratie. Un destin est en train de s’assumer, pour un avenir plein de belles promesses. Faisant ainsi, une entrée royale dans le panthéon des hommes qui comptent en Côte d’Ivoire.
Bakary Nimaga
Bakary Nimaga