Elu premier ministre : Forces et faiblesses d’Ahoussou Jeannot

On le disait pressenti pour succéder à Guillaume Soro, Jeannot Ahoussou a été effectivement nommé Premier ministre hier mardi 13 mars. C’est du reste le seul véritable réaménagement apporté à l’ancien gouvernement. En optant pour ce juriste issu du Pdci, Ouattara paie sa dette à son allié Henri Konan Bédié. Mais l’ancien ministre d’Etat, ministre de la Justice sous Guillaume Soro, est-il l’homme de la situation ? Cet avocat a-t-il le profil de l’emploi ? Oui, répondent des observateurs avertis de la scène politique ivoirienne, qui mettent en avant les atouts de l’homme. Pour le journaliste consultant Bamba Alex par exemple, Alassane Ouattara tient en Ahoussou Jeannot « un cheval de premier choix », avec lequel il a un bon commerce. Le successeur de Soro, fait-il remarquer, a pour lui l’avantage de ne pas être « un dogmatique, un va-t-en-guerre ». Bien au contraire, relève-t-il, « il sait manier les contraires ». Ce qui en fait un meneur capable de gérer le groupe composite que constitue ce gouvernement qu’il n’a pas formé. Par ailleurs, relève Bamba Alex, Ahoussou Jannot a une bonne connaissance des péripéties ayant conduit au contexte sociopolitique actuel, pour « avoir été de tous les bons coups depuis Linas-Marcoussis ». Ayant suivi de près les avatars du long processus de sortie de crise, il devrait savoir gérer les aspects politiques de sa gouvernance, hérités de ce processus de paix ; mais aussi pouvoir démêler des situations politiques qui apparaîtront comme le prolongement de ce passé mouvementé. Le nouveau Premier ministre a également pour lui l’avantage d’être un homme proche de Bédié et qui a un bon commerce avec le président Alassane Ouattara. A en croire le même confrère, « il était devenu l’interface moral et juridique entre Ouattara et Bédié ». Ce que confirme un autre observateur, pour qui les liens forts existant entre Ahoussou Jeannot et Bédié en ont fait une sorte de « Go between » entre ces deux alliés, ce qui devrait faciliter davantage les rapports entre eux. Et partant, aider à dissiper sans trop de casse les dissensions qui pourraient survenir entre Ouattara et Bédié dans la conduite des affaires de l’Etat, étant entendu que le premier avait promis de gouverner sous l’autorité du second. Au successeur de Guillaume Soro, d’aucuns reconnaissent d’autres atouts. On le dit notamment prolifique en idées, rigoureux au point de paraître cassant. « Au nom de la rigueur, il n’est pas prêt à faire certaines concessions », fait remarquer un observateur. Pour conduire une équipe pléthorique et hétéroclite comme le gouvernement Soro dont il hérite, il faut bien une dose de rigueur. Avocat de formation, il pourra également tirer parti de son talent de plaideur pour persuader le chef de l’Etat et des partenaires au développement de la pertinence de certains dossiers quand il faudra en défendre le bien-fondé. Ce sont là autant d’atouts qui ne sauront toutefois occulter les talons d’Achille du nouveau patron de la « Maison Blanche » du Boulevard Angoulvant. Au nombre des points faibles du nouveau Premier ministre, le fait qu’il soit « un bleu » en matière des questions économiques. Le juriste qu’il est, semble peu outillé pour décoder les subtilités des enjeux économiques qui se posent à la Côte d’Ivoire dans ce contexte post-électoral. Ça pourrait paraître comme un handicap au moment où le pays fait des pieds et des mains pour décrocher l’initiative PPTE( Pays pauvre très endetté). Par ailleurs, le successeur de Guillaume Soro s’est illustré parfois, à la tête du ministère de la Justice, par des propos qui ont été perçus comme des sorties de route. Au point que ses « MM.communication » étaient obligés de rattraper ces bourdes par un marketing médiatique. Pour autant, faut-il en déduire que Jeannot Ahoussou ne fera pas le poids ? Ce serait vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

Assane NIADA