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Art et Culture Publié le lundi 19 mars 2012 | L’expression

Le zouk ivoirien se cherche

Après quelque temps de flamboyance, au début des années 90, la musique zouk a pris du plomb dans l’aile. L’engouement du début a laissé la place à un silence désolant.


C’est à la fin des années 80 que la musique Zouk s’est invitée dans le microcosme musical ivoirien. Après les succès du groupe antillais Kassav, de jeunes artistes ivoiriens se sont essayés à l’ouvrage avec beaucoup de réussite. Monique Séka, Mathey, Jean Yves Cebon, Anthony Delaure, Erick Didier…s’y sont mis depuis cette époque. Quelques années plus tard, c’est le calme plat. A l’euphorie des premiers jours a succédé une grisaille musicale sans nom. A part quelques productions sporadiques, la musique zouk semble avoir été jetée aux oubliettes. Et pourtant….Abidjan, plaque tournante de la musique, a vu défiler de grands noms de la musique zouk. De Kassav’ à Jacob Desvarieux et Jocelyne Béroard en passant par Francky Vincent, Eric Virgal, Guilou, Edith Lefel, Tanya Saint-Val, Zouk Machine…tous les faiseurs mondiaux de zouk ont séjourné sur les bords de la lagune Ebrié où les rythmes mélodieux et entraînants de leur musique ont fait des émules. Ainsi, Monique Séka sort-elle, en 1986, «Tantie Affoué», un album 100% zouk. Trois ans plus tard, elle sort «Missouwa». La critique ivoirienne et les mélomanes de l’époque s’emballent et la sacrent «reine de l’afro-zouk». Très vite, la chanteuse est présentée comme le porte-étendard de ce genre musical made in Côte d’Ivoire. Comme les faiseurs de zouk antillais, elle suscite l’admiration. Elle sera rejointe par d’autres talents dont Mathey, avec ses albums «Clépo» et «Iyo» que le public avait à l’époque très bien accueillis. Ces différents albums sont produits par une référence en la matière, le Capverdien Manu Lima. Mais le zouk ivoirien ne restera pas qu’une affaire de femmes. Après ses célèbres chansons de soutien aux Eléphants, l’équipe nationale de Côte d’Ivoire, le footballeur chanteur Gadji Céli, s’engouffre dans la brèche ouverte. Mettant de côté le fameux «Soukouss» qui a fait auparavant sa réputation, il sort «King Solo» en 1994 et «Affaires de femmes» deux ans plus tard. La mayonnaise du zouk, dans laquelle il a enrobé ces deux productions, prend. Le zouk ivoirien poursuit dès lors son chemin et peut même rivaliser avec les autres genres musicaux. L’arrivée de Jean-Yves Cebon, en 1995, donne un autre visage au zouk ivoirien. Alors que ses prédécesseurs chantaient en langues locales, lui, étudiant frais émoulu de l’Université de Cocody, propose des textes plus élaborés, en français. Anthony Delaure lui emboîte le pas. Le zouk ivoirien se «modernise». Au fil des années, le zouk ivoirien enregistre l’arrivée de nouvelles voix. Le chanteur chrétien, Erick Didier se signale en 2002 avec l’album «Inonde-moi», une auto production dont on peut faire les louanges. Même si sa musique n’exalte pas l’amour charnel – mais plutôt l’amour divin – il ne demeure pas moins qu’Erick Didier donne de nouvelles couleurs au zouk ivoirien. La jeune chanteuse Néhémie, lauréate de la 1ère édition du jeu-concours Star karaoké, s’essaie aussi au zouk. Malgré son talent et sa grande volonté, les choses restent en l’état. Aujourd’hui, à part quelques titres qui figurent sur divers albums de variété, il est difficile de trouver une production 100% zouk. Soum Bill, chanteur de Zouglou, fait de temps en temps des incursions dans ce genre musical. Les Patrons, Les garagistes, Konty Dj et plusieurs autres artistes en font de même. Sur les raisons du déclin du zouk ivoirien, les explications vont bon train. Dans une interview, Eric Virgal, l’un des porte-voix de la musique zouk, croit savoir ce qui explique le silence de des collègues ivoiriens «Ça se tasse, c’est vrai… et l’explication c’est qu’il y a saturation. Il faut qu’il y ait un renouvellement de qualité. C’est comme toutes les musiques», a-t-il diagnostiqué. Avant d’indiquer que ce qui pourrait sauver le zouk ivoirien réside moins dans la capacité des chanteurs à s’appuyer sur leurs cultures propres que dans leur capacité à accepter toutes les autres influences. «Le monde se mélange de plus en plus. On sait ce qui se passe à la seconde près à l’autre bout. Et l’on ne peut pas ne pas être influencé. Le monde est ouvert. Nous vivons dans une espèce de creuset des influences du monde. Nous devons accepter les influences qui ne sonnent pas la fin de l’afro zouk», a-t-il conseillé. Jean-Yves Cébon, lui, explique le silence de cette musique par un manque de professionnalisme. Pour lui, en matière de zouk, le fait d’être plus professionnel et de mettre les personnes qu’il faut aux places qu’il faut dans la promotion du zouk peut faire renaître cette musique sur les bords de la lagune Ebrié. Il pense également que la longue période de crise que la Côte d’Ivoire a traversée a quelque peu joué en faveur de la régression du zouk. Mais pour autant, l’artiste se montre optimiste et refuse de faire le deuil du zouk. «Vous verrez ! Ça va mieux au pays. On reviendra tous petit à petit sur la scène», déclare-t-il, confiant.


M’Bah Aboubakar
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