Ils sont nombreux dans les hôpitaux, ces enfants atteints de maladies graves et dont les parents n’ont plus de moyens d’assurer les soins. Ils souffrent et finissent par mourir sans aides. Enquête.
Il est couché sur un lit. Inconscient, une sonde dans les narines, gros sparadraps sur la poitrine et le dos. La tête grossie par une tumeur et une hydrocéphalie est maintenue dans une bande. C’est dans cet état que nous découvrons Christ-Emmanuel, vendredi dernier, au service de chirurgie du Centre hospitalier universitaire (Chu) de Yopougon. Il lutte contre la mort depuis janvier, date à laquelle il a été interné dans cet établissement sanitaire. Il était auparavant au Centre hospitalier régional (Chr) d’Abengourou. Et, il se trouve qu’il doit subir une opération qui coûte plus de 4 millions de Fcfa. Elle permettra de retirer la tumeur de sa tête. Les moyens faisant défaut, il a subi deux ‘’petites’’ chirurgies qui l’aident à rester en vie.
Une première pour sortir six litres d’eau de sa tête et une deuxième pour y placer un appareil.
Changer de reflexe …
Et comme s’il ne souffrait pas déjà assez, le paludisme s’est invité dans son calvaire. Pendant que nous échangeons avec Mme Brou Josée, la grand-mère, l’enfant de 4 ans se met à vomir. Des vomissements de couleur verdâtre. Très vite, il est nettoyé par son arrière grand-mère venue d’Abengourou la veille. “La maladie a débuté lorsqu’il avait trois ans, par des maux de tête. Chaque fois qu’il faisait un geste brusque de la tête, il se mettait à pleurer.
Nous avons fait des traitements à l’indigénat. Et, comme son état ne s’améliorait pas, nous nous sommes rendus au Chr (Ndlr : Centre hospitalier régional d’Abengourou) où le médecin nous a demandé de venir au Chu de Yopougon”. C’est au Chu que la tumeur et l’hydrocéphalie ont été détectées. Les premiers examens, les médicaments et les interventions chirurgicales ont coûté plus de 600.000 FCFA au dire de la dame. « Nous n’avons plus un centime pour acheter les médicaments puisque chaque jour, il y a une nouvelle ordonnance. Nous ignorons s’il va survivre ou non. Puisque nous n’avons pas d’argent pour faire l’intervention chirurgicale », confie-t-elle les larmes aux yeux.
Tout comme la famille de Christ-Emmanuel, celle de N. Z. vit dans le désarroi au service d’oncologie pédiatrique du Chu de Treichville. Hospitalisé depuis novembre 2011, ce garçon de 6 ans est atteint d’une tumeur à la mâchoire gauche. Selon A. Christine, sa mère, la maladie a débuté en septembre par une rage de dent. « Nous l’avons soigné avec des médicaments traditionnels, croyant que c’était une carie. La guérison tardait et nous avons quitté Sinfra pour nous rendre à Yamoussoukro. Là-bas, les médecins nous ont transférés ici», relate-t-elle. Pleurs et cris constituent le quotidien du petit malade, mais aussi celui de sa mère qui ne supporte pas de voir sa progéniture dans cet état. Elle note que la plaie tarde à guérir. « Tantôt, il y a une nette amélioration, tantôt la plaie grossit. Nous ne savons plus où donner de la tête. En tout cas, cette maladie n’est pas faite pour des enfants de pauvres.
Nous payons 150.000 Fcfa à chaque chimiothérapie et nous sommes à la troisième », explique-t-elle. S’il n’y a pas d’avancées notables au mois prochain, Christine se verra obligée de retourner avec son fils au village. Pour attendre son dernier souffle.
P. T. vient de Daoukro. Ce bébé de sept mois a une tumeur dans l’œil droit. Elle a eu des soins dans sa ville natale avant d’ ‘’atterrir’’ à Treichville. Ses géniteurs n’ont pu réunir les moyens nécessaires pour faire le bilan qui avoisine les 130.000 Fcfa. Certains examens ont été faits d’autres, non. Très amaigrie, elle pleure tout le temps. Ni les antidouleurs, ni le lait maternel n’arrivent à la calmer. Son mal a débuté lorsqu’elle avait cinq mois. Les décoctions et les poudres de tradi-praticiens n’ont pu calmer la plaie à l’œil qui grossissait au jour le jour.
Son père projette de retourner avec elle au village, le temps de réunir les moyens : “les médecins ne pourront pas entamer le traitement sans les examens. Je vais donc aller voir mes parents afin qu’il m’aide à faire face non seulement aux examens, mais aussi au traitement qui est onéreux selon les voisins de chambre”. Que deviendra la jeune P.T ? Son père pourra-t-il trouver l’argent ?
… Conduire l’enfant
à l’hôpital dès les premiers
symptômes
Les enfants qui luttent contre la mort ne sont pas qu’à Abidjan. La petite Tata est à Korhogo.
Ses parents ne savent plus que faire. Agée de 3 ans et demi, Tata Miriam souffre d’un mal qui la ronge à petit feu. Elle a une tumeur l’œil gauche. Elle passe toutes ses journées agrippée à sa maman. Incapable de s’amuser avec les autres enfants vivant dans cette cour commune située au quartier résidentiel 2. La maladie a commencé alors qu’elle était âgée deux ans à peine, raconte Yéo Rokia, la jeune mère. Elle conduit sa fille dans une clinique privée d’ophtalmologie dans la cité du Poro. Après les examens d’usage, c’est le centre Saint Camille de Bouaké qui va les accueillir. Là-bas, on lui parle d’une tumeur qui nécessite une opération. Finalement, c’est le centre hospitalier et universitaire de Treichville qui sera conseillé à la mère. La famille s’installe à Bonoua, faute de parents à Abidjan. Sur huit examens d’un montant total de 131.000 Fcfa seulement deux ont pu être faits faute de moyens. La pauvre maman a donc repris le chemin de Korhogo avec sa fille.
Adelaïde Konin
Pourquoi tant de cas ?
Les raisons de la multiplicité de ces maladies sont nombreuses. Quelques facteurs de risques environnementaux ont été avancés par les spécialistes. L’un des liens établis entre les tumeurs et l’environnement est l’exposition à des irradiations subies par les enfants, mais également les femmes enceintes. Ces rayonnements proviennent notamment des lignes électriques à haute tension, les antennes de téléphonie sans fil. D’autres facteurs de risques sont les produits chimiques domestiques, le tabagisme des parents.
Quant aux malformations, elles trouvent parfois leur origine dans la constitution génétique de l’embryon ou dans les maladies des parents. Selon le Dr Boni Fabrice, chirurgien à l’hôpital général de Port-Bouët, cette anomalie peut toucher la forme physique de l’enfant ou une de ses fonctions vitales (cerveau, appareils respiratoires…). Et, en Côte d’Ivoire, 2 à 5 % d’enfants naissent avec des malformations. Selon lui, les plus récurrentes sont celles qui touchent le crâne, la face et les membres. Ce sont l’hydrocéphalie, les microcéphalies, les fentes labio-platanines, les pieds - lots …
A.K.
Il est couché sur un lit. Inconscient, une sonde dans les narines, gros sparadraps sur la poitrine et le dos. La tête grossie par une tumeur et une hydrocéphalie est maintenue dans une bande. C’est dans cet état que nous découvrons Christ-Emmanuel, vendredi dernier, au service de chirurgie du Centre hospitalier universitaire (Chu) de Yopougon. Il lutte contre la mort depuis janvier, date à laquelle il a été interné dans cet établissement sanitaire. Il était auparavant au Centre hospitalier régional (Chr) d’Abengourou. Et, il se trouve qu’il doit subir une opération qui coûte plus de 4 millions de Fcfa. Elle permettra de retirer la tumeur de sa tête. Les moyens faisant défaut, il a subi deux ‘’petites’’ chirurgies qui l’aident à rester en vie.
Une première pour sortir six litres d’eau de sa tête et une deuxième pour y placer un appareil.
Changer de reflexe …
Et comme s’il ne souffrait pas déjà assez, le paludisme s’est invité dans son calvaire. Pendant que nous échangeons avec Mme Brou Josée, la grand-mère, l’enfant de 4 ans se met à vomir. Des vomissements de couleur verdâtre. Très vite, il est nettoyé par son arrière grand-mère venue d’Abengourou la veille. “La maladie a débuté lorsqu’il avait trois ans, par des maux de tête. Chaque fois qu’il faisait un geste brusque de la tête, il se mettait à pleurer.
Nous avons fait des traitements à l’indigénat. Et, comme son état ne s’améliorait pas, nous nous sommes rendus au Chr (Ndlr : Centre hospitalier régional d’Abengourou) où le médecin nous a demandé de venir au Chu de Yopougon”. C’est au Chu que la tumeur et l’hydrocéphalie ont été détectées. Les premiers examens, les médicaments et les interventions chirurgicales ont coûté plus de 600.000 FCFA au dire de la dame. « Nous n’avons plus un centime pour acheter les médicaments puisque chaque jour, il y a une nouvelle ordonnance. Nous ignorons s’il va survivre ou non. Puisque nous n’avons pas d’argent pour faire l’intervention chirurgicale », confie-t-elle les larmes aux yeux.
Tout comme la famille de Christ-Emmanuel, celle de N. Z. vit dans le désarroi au service d’oncologie pédiatrique du Chu de Treichville. Hospitalisé depuis novembre 2011, ce garçon de 6 ans est atteint d’une tumeur à la mâchoire gauche. Selon A. Christine, sa mère, la maladie a débuté en septembre par une rage de dent. « Nous l’avons soigné avec des médicaments traditionnels, croyant que c’était une carie. La guérison tardait et nous avons quitté Sinfra pour nous rendre à Yamoussoukro. Là-bas, les médecins nous ont transférés ici», relate-t-elle. Pleurs et cris constituent le quotidien du petit malade, mais aussi celui de sa mère qui ne supporte pas de voir sa progéniture dans cet état. Elle note que la plaie tarde à guérir. « Tantôt, il y a une nette amélioration, tantôt la plaie grossit. Nous ne savons plus où donner de la tête. En tout cas, cette maladie n’est pas faite pour des enfants de pauvres.
Nous payons 150.000 Fcfa à chaque chimiothérapie et nous sommes à la troisième », explique-t-elle. S’il n’y a pas d’avancées notables au mois prochain, Christine se verra obligée de retourner avec son fils au village. Pour attendre son dernier souffle.
P. T. vient de Daoukro. Ce bébé de sept mois a une tumeur dans l’œil droit. Elle a eu des soins dans sa ville natale avant d’ ‘’atterrir’’ à Treichville. Ses géniteurs n’ont pu réunir les moyens nécessaires pour faire le bilan qui avoisine les 130.000 Fcfa. Certains examens ont été faits d’autres, non. Très amaigrie, elle pleure tout le temps. Ni les antidouleurs, ni le lait maternel n’arrivent à la calmer. Son mal a débuté lorsqu’elle avait cinq mois. Les décoctions et les poudres de tradi-praticiens n’ont pu calmer la plaie à l’œil qui grossissait au jour le jour.
Son père projette de retourner avec elle au village, le temps de réunir les moyens : “les médecins ne pourront pas entamer le traitement sans les examens. Je vais donc aller voir mes parents afin qu’il m’aide à faire face non seulement aux examens, mais aussi au traitement qui est onéreux selon les voisins de chambre”. Que deviendra la jeune P.T ? Son père pourra-t-il trouver l’argent ?
… Conduire l’enfant
à l’hôpital dès les premiers
symptômes
Les enfants qui luttent contre la mort ne sont pas qu’à Abidjan. La petite Tata est à Korhogo.
Ses parents ne savent plus que faire. Agée de 3 ans et demi, Tata Miriam souffre d’un mal qui la ronge à petit feu. Elle a une tumeur l’œil gauche. Elle passe toutes ses journées agrippée à sa maman. Incapable de s’amuser avec les autres enfants vivant dans cette cour commune située au quartier résidentiel 2. La maladie a commencé alors qu’elle était âgée deux ans à peine, raconte Yéo Rokia, la jeune mère. Elle conduit sa fille dans une clinique privée d’ophtalmologie dans la cité du Poro. Après les examens d’usage, c’est le centre Saint Camille de Bouaké qui va les accueillir. Là-bas, on lui parle d’une tumeur qui nécessite une opération. Finalement, c’est le centre hospitalier et universitaire de Treichville qui sera conseillé à la mère. La famille s’installe à Bonoua, faute de parents à Abidjan. Sur huit examens d’un montant total de 131.000 Fcfa seulement deux ont pu être faits faute de moyens. La pauvre maman a donc repris le chemin de Korhogo avec sa fille.
Adelaïde Konin
Pourquoi tant de cas ?
Les raisons de la multiplicité de ces maladies sont nombreuses. Quelques facteurs de risques environnementaux ont été avancés par les spécialistes. L’un des liens établis entre les tumeurs et l’environnement est l’exposition à des irradiations subies par les enfants, mais également les femmes enceintes. Ces rayonnements proviennent notamment des lignes électriques à haute tension, les antennes de téléphonie sans fil. D’autres facteurs de risques sont les produits chimiques domestiques, le tabagisme des parents.
Quant aux malformations, elles trouvent parfois leur origine dans la constitution génétique de l’embryon ou dans les maladies des parents. Selon le Dr Boni Fabrice, chirurgien à l’hôpital général de Port-Bouët, cette anomalie peut toucher la forme physique de l’enfant ou une de ses fonctions vitales (cerveau, appareils respiratoires…). Et, en Côte d’Ivoire, 2 à 5 % d’enfants naissent avec des malformations. Selon lui, les plus récurrentes sont celles qui touchent le crâne, la face et les membres. Ce sont l’hydrocéphalie, les microcéphalies, les fentes labio-platanines, les pieds - lots …
A.K.
