Macky Sall, quatrième président de la République du Sénégal ! Il a remporté le second tour avec plus de 65,80% des voix. Jusqu’au bout, les observateurs pensaient que le « vieux » lion allait encore rugir et sortir un lapin de son chapeau. La surprise aurait été cette reconnaissance de défaite dès le début de la soirée de la part du président sortant. Vive la démocratie !
Le destin de maître Wade
Maître Abdoulaye Wade l’a joué à l’américaine. Reconnaissant sa défaite, il décroche son téléphone, dès le soir du scrutin, pour féliciter son adversaire Macky Sall. En 2000, son challenger Abdou Diouf avait également eu la même attitude en son encontre. Alors que le résultat officiel n’est prévu être proclamé que le mardi 27 mars par le Conseil Constitutionnel ; mais au fur et à mesure des dépouillements, le président sortant savait que les carottes sont bien cuites. Et pourtant, le président sortant n’avait, semble-t-il pas, voulu accepter sa défaite et l’annoncer de sitôt sans la visite le soir même de deux généraux homonymes : Abdoulaye Fall. Il s’agit respectivement du chef d’Etat major de l’armée et du Haut commandant à la gendarmerie. D’une pression ferme, ils auraient demandé à leur hôte de suspendre toutes velléités de déstabilisation de la part de FAL 2012 (Forces Alliées pour La victoire 2012).
L’avalanche de félicitations que le Sénégal a reçues du monde entier est à la mesure de cet élan démocratique. Les messages affluaient de partout : de Barack Obama à Nicolas Sarkozy en passant par tous les chefs d’Etat du continent. Une victoire salvatrice pour le peuple sénégalais mais aussi pour l’Afrique. Car cette alternance au plus haut au sommet de l’Etat vient en contraste avec le coup de force des jeunes officiers maliens qui ont déposé le président de la République Amadou Toumani Touré (ATT), quelques jours avant le deuxième tour de la présidentielle au Sénégal. L’apprentissage de la démocratie est un effort de longue haleine. Sur 54 pays du continent, chaque année, une dizaine d’entre eux organise des élections dans le but de favoriser une alternance. Force est de constater que les coups d’Etat sont en nette diminution : ils sont passés d’une vingtaine par an dans les années 70-80 à moins de dix actuellement. Ceci dit, bon nombre de chef d’Etat en exercice ont passé plus de 25 ans au pouvoir. Donc, il y a du chemin à faire. Et tant mieux si le Sénégal nous montre la voie. Les récriminations à l’endroit des commissions électorales, jugées trop souvent à la solde du pouvoir, restent d’actualité. Toutefois, les scores de 100% obtenues en Tchétchénie par le camarade Vladimir Poutine, lors de son retour au pouvoir en février dernier, n’a plus cours sur le continent africain.
On saluera la sagesse du Vieux Abdoulaye Wade. Il a tenu à respecter la vox populi alors qu’il aura bu le calice jusqu’à la lie. Une grande première dans les annales électorales en Afrique : un président sortant n’arrive pas même pas à maintenir son score du premier tour ; il se tasse en passant de 34,81 à 34,20%. Non seulement les partisans ont quitté le navire ou préférant sans doute aller à la pêche mais l’achat de conscience et les ralliements des marabouts n’étaient que du tigre en papier. Cheikh Béthio Thioune, grand guide des Thiantokounes, soutien inconditionnel de Me Wade avait lui même affirmé que son poulain se fera réélire sans problème. Il n’aurait fait que transmettre les propos de Serigne Saliou, le 5ème Khalife de Serigne Touba avec qui il a conversé dans son rêve ! Apparemment les ndigueul (littéralement en wolof, consigne de vote) adressé aux talibés n’ont pas suffi à sauver le président sortant du naufrage.
A plus 85 ans, le père du Sopi a demandé à son peuple de le soutenir une dernière fois ne serait-ce que pour un demi-mandat de trois ans et c’est promis, il partira à la retraite. Il lui restait quelques chantiers à achever et surtout à transmettre le flambeau à son fils Karim comme dans une monarchie constitutionnelle. Toutes les tentatives pour réaliser son dessein ont lamentablement échoué depuis un an : d’abord, il voulait modifier la Constitution pour se faire élire dès le premier tour avec un « ticket » (vice-président) pour 25% seulement de suffrages exprimés. Cette manœuvre s’est heurtée à un mur érigé par le M23 et la fronde de toute la population. Le Conseil Constitutionnel parvient tout de même à valider sa candidature pour un troisième mandat le 26 février dernier alors que selon cette même loi fondamentale, un président de la République ne devrait briguer que deux mandats. Et même avant le premier tour, il restait confiant et croyait à sa bonne étoile en déclarant crânement que ses anciens premiers ministres, devenus candidats, ne sont pas à la hauteur de la tâche !
Au lendemain de sa défaite, le néo-retraité a sillonné le pays pour remercier ses soutiens. Il s’est rendu dans la région de Gade Escale pour s’entretenir avec Serigne Makhtar Mbacké, le chef de la confrérie des mourides en laissant quelques pointes d’amertumes : « je voulais réaliser beaucoup de choses au Sénégal… ». Et de rajouter que « l’opposition ne connaît pas grand-chose pour développer ce pays ». Finir les formalités officielles et prendre la quille ; telles étaient les aspirations immédiates de celui qui est resté 12 ans à la tête de l’Etat. Une passation du pouvoir dès le 2 avril, pour que le président Macky Sall puisse organiser son investiture avant le 4 avril, jour de commémoration de l’indépendance du pays.
Dans un ouvrage truffé d’anecdotes (ndlr : le secret des maîtres du monde) notre confrère Christian Mallard de France-Télévisions écrit qu’il s’est fait un jour raccompagné sur le perron, après une audience, par le président égyptien Hosni Moubarak. Les deux hommes se connaissent bien avant qu’il ne succède à Anouar El Sadate. A l’écart de ses collaborateurs, il aurait glissé à l’oreille du journaliste français qu’il enviait son ancien homologue Jacques Chirac qui a le droit de prendre sa retraite. Il aurait confié que « sa famille et son entourage ne souhaitent pas qu’il quitte le pouvoir ». Hosni Moubarak, à 84 ans passés, atteint d’un cancer, attend son verdict et risque aujourd’hui la peine de mort pour les malversations qui se chiffrent en milliards de dollar. Au bénéfice du doute et en invoquant le cas du Rais égyptien, on pourra absoudre Me Wade de ses dérives monarchiques. Il a su se défaire in-extrémis des griffes d’une oligarchie qui l’a accompagné tout au long de sa décennie de pouvoir. Gorgui (le vieux) aspire désormais à effectuer quelques voyages dans les pays du golfe, faire un pèlerinage à la Mecque et finir de construire sa maison à Touba pour jouir d’une paisible retraite entre deux sollicitations internationales qui ne manqueront pas d’affluer.
L’avènement de Macky Sall
Le second tour ressemblait à un référendum. De 26,58% au premier tour pour atteindre 65,80% à l’arrivée pour le candidat Macky Sall, le « TSW » (Tout Sauf Wade) a fonctionné au-delà des espérances. Les consignes de vote des autres candidats éliminés au premier tour ont été scrupuleusement respectées. Les projections du QG de Macky 2012 tablaient sur un score victorieux de 60% en lissant le résultat par une pondération due à d’éventuelles fraudes et autres tripatouillages du camp d’en face.
La campagne du second tour a été plus calme que celui du premier qui a fait, rappelons-le, une dizaine de morts. Chaque finaliste a sillonné le pays. Mais Macky Sall a pu compter sur les ralliements de personnalités comme Youssou Ndour pour haranguer et transcender les foules. La réussite de Macky Sall arrive de très loin. Dès sa disgrâce en 2008, il a su couper le cordon ombilical qui le reliait à son mentor Abdoulaye Wade. Dès lors, il a creusé son sillon en labourant le pays pour aller prêcher et porter son projet. Pour autant, sans la persuasion de son entourage et ses compagnons de longue date et co-fondateurs de l’Alliance Pour la République (APR), le grand timide Macky Sall ne serait pas présenté à l’élection présidentielle cette année. Un peu timoré, mais aussi par respect pour le vieux Wade qui lui a mis le pied à l’étrier.
Un membre du communiste devenu libéral
Etudiant, Macky Sall a épousé les thèses du parti communiste. D’origine modeste et porté par la fougue d’une jeunesse, l’idéal est pour le moins séduisant. Mais mise à l’épreuve des réalités et convaincu par le talent oratoire de l’opposant historique, il a fini par rallier à la fin des années 80 le PDS d’Aboudlaye Wade. Il a gravi tous les échelons comme tout militant de base avant de devenir président de la Convention régionale de son fief de Fatick en 1998. Et pourtant, il n’a pu obtenir un maroquin dans le premier gouvernement de l’an 2000 et se contentant d’un « gros » lot de consolation : la direction générale de la Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN). Il a ensuite été nommé plusieurs fois ministres (Mines, Intérieur), porte-parole du gouvernement et vice-président du comité directeur du PDS. Il devient enfin premier ministre d’avril 2004 à juin 2007, un record de longévité pour un chef de gouvernement du président Wade. Son palmarès s’honore d’avoir réalisé les grands travaux (aéroport de Dakar, les autoroutes…) qui étaient dans les cartons de son prédécesseur Idrissa Seck mais que celui-ci n’a pas pu ou su mettre en œuvre.
Le mode de gouvernance du nouveau président
Comment nettoyer les écuries d’Augias ? Héraclès Sall prendra-t-il des gants ou détournera-t-il le fleuve Sénégal pour éradiquer la corruption qui gangrène le pays ? Les membres de l’équipe sortante redoutent la chasse aux sorcières. Ils craignent surtout les audits que Macky Sall a promis de diligenter en cas de victoire. Le porte-parole de Wade Serigne Mbacké Ndiaye déclarait : « si Wade perd, on ira tous en prison ». L’opposition et la population ont en effet dénoncé tout au long de la campagne le népotisme, les abus de biens sociaux. Il est donc naturel que l’un des chantiers prioritaires du président Macky Sall serait de mettre fin aux injustices sociales. La famille Wade est particulièrement visée. Le président Macky Sall aura-t-il le courage d’enquêter sur son ancien mentor ou il fera une exception ?
« Ensemble pour le développement » tel était le slogan de Macky 2012. Il se concentre en direction de trois priorités : la jeunesse, les femmes et le monde rural. Le libéral, qu’il est, entend modifier le modèle économique qui s’essouffle pour asseoir une nouvelle base. Reste que la conjoncture internationale et la crise financière seront des contingences avec lesquelles le nouveau président devra s’adapter. Face à un baril de pétrole qui se renchérit à vue d’œil et sur lequel est indexé les produits de première nécessité, il a tout intérêt à développer le secteur agricole pour assurer une autosuffisance alimentaire.
Il ne pourra pas se départir de ses promesses électorales. Les fatickois espèrent enfin que le fils du pays va enfin reprendre le chantier de l’hôpital de la ville de Fatick, en suspens depuis 20 ans.
Maintenant que la victoire contre Abdoulaye Wade est acquise, se pose la question de la répartition du pouvoir. La société civile qui a accepté de prendre faits et causes pour Macky Sall attend que les préconisations du forum des acteurs non-étatiques de 2009 deviennent une réalité. Ensuite, il s’agit de ménager chaque parti politique qui a soutenu le candidat Macky Sall pour le second tour. L’APR est certes structurée mais elle est encore jeune ; donc il va falloir assurer une implantation nationale. Pour l’instant, le mot d’ordre est que le score miraculeux du second tour se traduise en nombre de députés lors des élections législatives de 17 juin prochain. Le PS d’Ousmane Tanor Dieng restera-t-il au sein de cette coalition libérale ou entend-il négocier des circonscriptions pour la prochaine législative ?
Quant au FAL 2012, l’écurie du président sortant, survivra-t-il jusqu’aux élections législatives ou l’heure des règlements de compte a sonné. Le PDS détient encore la majorité à l’Assemblée Nationale. Mais la guerre de succession pour la présidence du PDS serait déjà ouverte entre le président du Sénat Pape Diop et le premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye. Les partis majoritaires tombent souvent dans une dépression après une alternance démocratique. Le principal défi est de se renouveler et apprendre à jouer le rôle de parti d’opposition. Crées par leur fondateur pour servir son accession à la magistrature suprême, ils sont confiés pendant son mandat à un gardien du temple mais sous sa propre surveillance avant de sombrer. Et le PDS risquerait de subir le même sort !
Lamine THIAM
Le destin de maître Wade
Maître Abdoulaye Wade l’a joué à l’américaine. Reconnaissant sa défaite, il décroche son téléphone, dès le soir du scrutin, pour féliciter son adversaire Macky Sall. En 2000, son challenger Abdou Diouf avait également eu la même attitude en son encontre. Alors que le résultat officiel n’est prévu être proclamé que le mardi 27 mars par le Conseil Constitutionnel ; mais au fur et à mesure des dépouillements, le président sortant savait que les carottes sont bien cuites. Et pourtant, le président sortant n’avait, semble-t-il pas, voulu accepter sa défaite et l’annoncer de sitôt sans la visite le soir même de deux généraux homonymes : Abdoulaye Fall. Il s’agit respectivement du chef d’Etat major de l’armée et du Haut commandant à la gendarmerie. D’une pression ferme, ils auraient demandé à leur hôte de suspendre toutes velléités de déstabilisation de la part de FAL 2012 (Forces Alliées pour La victoire 2012).
L’avalanche de félicitations que le Sénégal a reçues du monde entier est à la mesure de cet élan démocratique. Les messages affluaient de partout : de Barack Obama à Nicolas Sarkozy en passant par tous les chefs d’Etat du continent. Une victoire salvatrice pour le peuple sénégalais mais aussi pour l’Afrique. Car cette alternance au plus haut au sommet de l’Etat vient en contraste avec le coup de force des jeunes officiers maliens qui ont déposé le président de la République Amadou Toumani Touré (ATT), quelques jours avant le deuxième tour de la présidentielle au Sénégal. L’apprentissage de la démocratie est un effort de longue haleine. Sur 54 pays du continent, chaque année, une dizaine d’entre eux organise des élections dans le but de favoriser une alternance. Force est de constater que les coups d’Etat sont en nette diminution : ils sont passés d’une vingtaine par an dans les années 70-80 à moins de dix actuellement. Ceci dit, bon nombre de chef d’Etat en exercice ont passé plus de 25 ans au pouvoir. Donc, il y a du chemin à faire. Et tant mieux si le Sénégal nous montre la voie. Les récriminations à l’endroit des commissions électorales, jugées trop souvent à la solde du pouvoir, restent d’actualité. Toutefois, les scores de 100% obtenues en Tchétchénie par le camarade Vladimir Poutine, lors de son retour au pouvoir en février dernier, n’a plus cours sur le continent africain.
On saluera la sagesse du Vieux Abdoulaye Wade. Il a tenu à respecter la vox populi alors qu’il aura bu le calice jusqu’à la lie. Une grande première dans les annales électorales en Afrique : un président sortant n’arrive pas même pas à maintenir son score du premier tour ; il se tasse en passant de 34,81 à 34,20%. Non seulement les partisans ont quitté le navire ou préférant sans doute aller à la pêche mais l’achat de conscience et les ralliements des marabouts n’étaient que du tigre en papier. Cheikh Béthio Thioune, grand guide des Thiantokounes, soutien inconditionnel de Me Wade avait lui même affirmé que son poulain se fera réélire sans problème. Il n’aurait fait que transmettre les propos de Serigne Saliou, le 5ème Khalife de Serigne Touba avec qui il a conversé dans son rêve ! Apparemment les ndigueul (littéralement en wolof, consigne de vote) adressé aux talibés n’ont pas suffi à sauver le président sortant du naufrage.
A plus 85 ans, le père du Sopi a demandé à son peuple de le soutenir une dernière fois ne serait-ce que pour un demi-mandat de trois ans et c’est promis, il partira à la retraite. Il lui restait quelques chantiers à achever et surtout à transmettre le flambeau à son fils Karim comme dans une monarchie constitutionnelle. Toutes les tentatives pour réaliser son dessein ont lamentablement échoué depuis un an : d’abord, il voulait modifier la Constitution pour se faire élire dès le premier tour avec un « ticket » (vice-président) pour 25% seulement de suffrages exprimés. Cette manœuvre s’est heurtée à un mur érigé par le M23 et la fronde de toute la population. Le Conseil Constitutionnel parvient tout de même à valider sa candidature pour un troisième mandat le 26 février dernier alors que selon cette même loi fondamentale, un président de la République ne devrait briguer que deux mandats. Et même avant le premier tour, il restait confiant et croyait à sa bonne étoile en déclarant crânement que ses anciens premiers ministres, devenus candidats, ne sont pas à la hauteur de la tâche !
Au lendemain de sa défaite, le néo-retraité a sillonné le pays pour remercier ses soutiens. Il s’est rendu dans la région de Gade Escale pour s’entretenir avec Serigne Makhtar Mbacké, le chef de la confrérie des mourides en laissant quelques pointes d’amertumes : « je voulais réaliser beaucoup de choses au Sénégal… ». Et de rajouter que « l’opposition ne connaît pas grand-chose pour développer ce pays ». Finir les formalités officielles et prendre la quille ; telles étaient les aspirations immédiates de celui qui est resté 12 ans à la tête de l’Etat. Une passation du pouvoir dès le 2 avril, pour que le président Macky Sall puisse organiser son investiture avant le 4 avril, jour de commémoration de l’indépendance du pays.
Dans un ouvrage truffé d’anecdotes (ndlr : le secret des maîtres du monde) notre confrère Christian Mallard de France-Télévisions écrit qu’il s’est fait un jour raccompagné sur le perron, après une audience, par le président égyptien Hosni Moubarak. Les deux hommes se connaissent bien avant qu’il ne succède à Anouar El Sadate. A l’écart de ses collaborateurs, il aurait glissé à l’oreille du journaliste français qu’il enviait son ancien homologue Jacques Chirac qui a le droit de prendre sa retraite. Il aurait confié que « sa famille et son entourage ne souhaitent pas qu’il quitte le pouvoir ». Hosni Moubarak, à 84 ans passés, atteint d’un cancer, attend son verdict et risque aujourd’hui la peine de mort pour les malversations qui se chiffrent en milliards de dollar. Au bénéfice du doute et en invoquant le cas du Rais égyptien, on pourra absoudre Me Wade de ses dérives monarchiques. Il a su se défaire in-extrémis des griffes d’une oligarchie qui l’a accompagné tout au long de sa décennie de pouvoir. Gorgui (le vieux) aspire désormais à effectuer quelques voyages dans les pays du golfe, faire un pèlerinage à la Mecque et finir de construire sa maison à Touba pour jouir d’une paisible retraite entre deux sollicitations internationales qui ne manqueront pas d’affluer.
L’avènement de Macky Sall
Le second tour ressemblait à un référendum. De 26,58% au premier tour pour atteindre 65,80% à l’arrivée pour le candidat Macky Sall, le « TSW » (Tout Sauf Wade) a fonctionné au-delà des espérances. Les consignes de vote des autres candidats éliminés au premier tour ont été scrupuleusement respectées. Les projections du QG de Macky 2012 tablaient sur un score victorieux de 60% en lissant le résultat par une pondération due à d’éventuelles fraudes et autres tripatouillages du camp d’en face.
La campagne du second tour a été plus calme que celui du premier qui a fait, rappelons-le, une dizaine de morts. Chaque finaliste a sillonné le pays. Mais Macky Sall a pu compter sur les ralliements de personnalités comme Youssou Ndour pour haranguer et transcender les foules. La réussite de Macky Sall arrive de très loin. Dès sa disgrâce en 2008, il a su couper le cordon ombilical qui le reliait à son mentor Abdoulaye Wade. Dès lors, il a creusé son sillon en labourant le pays pour aller prêcher et porter son projet. Pour autant, sans la persuasion de son entourage et ses compagnons de longue date et co-fondateurs de l’Alliance Pour la République (APR), le grand timide Macky Sall ne serait pas présenté à l’élection présidentielle cette année. Un peu timoré, mais aussi par respect pour le vieux Wade qui lui a mis le pied à l’étrier.
Un membre du communiste devenu libéral
Etudiant, Macky Sall a épousé les thèses du parti communiste. D’origine modeste et porté par la fougue d’une jeunesse, l’idéal est pour le moins séduisant. Mais mise à l’épreuve des réalités et convaincu par le talent oratoire de l’opposant historique, il a fini par rallier à la fin des années 80 le PDS d’Aboudlaye Wade. Il a gravi tous les échelons comme tout militant de base avant de devenir président de la Convention régionale de son fief de Fatick en 1998. Et pourtant, il n’a pu obtenir un maroquin dans le premier gouvernement de l’an 2000 et se contentant d’un « gros » lot de consolation : la direction générale de la Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN). Il a ensuite été nommé plusieurs fois ministres (Mines, Intérieur), porte-parole du gouvernement et vice-président du comité directeur du PDS. Il devient enfin premier ministre d’avril 2004 à juin 2007, un record de longévité pour un chef de gouvernement du président Wade. Son palmarès s’honore d’avoir réalisé les grands travaux (aéroport de Dakar, les autoroutes…) qui étaient dans les cartons de son prédécesseur Idrissa Seck mais que celui-ci n’a pas pu ou su mettre en œuvre.
Le mode de gouvernance du nouveau président
Comment nettoyer les écuries d’Augias ? Héraclès Sall prendra-t-il des gants ou détournera-t-il le fleuve Sénégal pour éradiquer la corruption qui gangrène le pays ? Les membres de l’équipe sortante redoutent la chasse aux sorcières. Ils craignent surtout les audits que Macky Sall a promis de diligenter en cas de victoire. Le porte-parole de Wade Serigne Mbacké Ndiaye déclarait : « si Wade perd, on ira tous en prison ». L’opposition et la population ont en effet dénoncé tout au long de la campagne le népotisme, les abus de biens sociaux. Il est donc naturel que l’un des chantiers prioritaires du président Macky Sall serait de mettre fin aux injustices sociales. La famille Wade est particulièrement visée. Le président Macky Sall aura-t-il le courage d’enquêter sur son ancien mentor ou il fera une exception ?
« Ensemble pour le développement » tel était le slogan de Macky 2012. Il se concentre en direction de trois priorités : la jeunesse, les femmes et le monde rural. Le libéral, qu’il est, entend modifier le modèle économique qui s’essouffle pour asseoir une nouvelle base. Reste que la conjoncture internationale et la crise financière seront des contingences avec lesquelles le nouveau président devra s’adapter. Face à un baril de pétrole qui se renchérit à vue d’œil et sur lequel est indexé les produits de première nécessité, il a tout intérêt à développer le secteur agricole pour assurer une autosuffisance alimentaire.
Il ne pourra pas se départir de ses promesses électorales. Les fatickois espèrent enfin que le fils du pays va enfin reprendre le chantier de l’hôpital de la ville de Fatick, en suspens depuis 20 ans.
Maintenant que la victoire contre Abdoulaye Wade est acquise, se pose la question de la répartition du pouvoir. La société civile qui a accepté de prendre faits et causes pour Macky Sall attend que les préconisations du forum des acteurs non-étatiques de 2009 deviennent une réalité. Ensuite, il s’agit de ménager chaque parti politique qui a soutenu le candidat Macky Sall pour le second tour. L’APR est certes structurée mais elle est encore jeune ; donc il va falloir assurer une implantation nationale. Pour l’instant, le mot d’ordre est que le score miraculeux du second tour se traduise en nombre de députés lors des élections législatives de 17 juin prochain. Le PS d’Ousmane Tanor Dieng restera-t-il au sein de cette coalition libérale ou entend-il négocier des circonscriptions pour la prochaine législative ?
Quant au FAL 2012, l’écurie du président sortant, survivra-t-il jusqu’aux élections législatives ou l’heure des règlements de compte a sonné. Le PDS détient encore la majorité à l’Assemblée Nationale. Mais la guerre de succession pour la présidence du PDS serait déjà ouverte entre le président du Sénat Pape Diop et le premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye. Les partis majoritaires tombent souvent dans une dépression après une alternance démocratique. Le principal défi est de se renouveler et apprendre à jouer le rôle de parti d’opposition. Crées par leur fondateur pour servir son accession à la magistrature suprême, ils sont confiés pendant son mandat à un gardien du temple mais sous sa propre surveillance avant de sombrer. Et le PDS risquerait de subir le même sort !
Lamine THIAM