Gabia, village natal de l’ex- ministre de l’Interieur, Désiré Tagro, situé à une vingtaine de kilomètres de Saioua, en partance pour Issia. Il est un peu plus de 11h, ce dimanche de Pacques. Les rayons du soleil, en ce jour de réjouissance chrétien, ne parviennent pas à illuminer les habitations. Aucun signe de fête n’est remarquable, nulle part, tout le long des ruelles qui nous conduisent au domicile du chef de village, Béléouan Digbeu. En fait, Gabia, qui est au creux de la vague depuis un peu plus d’une année, a été fortement affectée par les événements post électoraux. Ses bâtisses aux murs lézardés et maladroitement réhabilités par endroits, quelques cases abandonnées, le village n’a véritablement plus son rayonnement, du temps de son fils prodige, Désiré Tagro. Le temps semble s’être arrêté à l’annonce, l’année dernière, de sa mort. Lorsque, selon les informations reçues, des jeunes autochtones Bété du village, mecontents s’en sont violemment pris aux allochtones et aux populations étrangères majoritairement des Burkinabès, brûlant et détruisant biens et habitations leur appartenant. Ces derniers, en représailles, et ce, quelques jours seulement après la chute, confirmée, de Laurent Gbagbo et de ces derniers combattants, ont à leur tour, mis le feu à des habitations de Bété, les poussant à abandonner le village pour se refugier dans les brousses. «Aujourd’hui, il n’y a plus personne en brousse. Tous ceux qui y avaient fui pour se refugier sont revenus au village. Mais le problème qui se pose à nous, c’est celui du logement. Beaucoup ont perdu leurs maisons et quand ils reviennent au village, nous sommes obligés de les héberger en attendant. Sinon, la vie a repris son cours normal. Seule la pauvreté nous tue en ce moment,» nous explique le chef Béléouan Digbeu, démontrant ainsi que ce village autrefois célèbre pour être le carrefour des réjouissances, du canton ‘’Nogogo’’ pour ses maquis et autres espaces de distractions et fier de par son fils ministre, a ‘‘perdu le cap’’ depuis sa mort tragique, l’année dernière. Tout constat fait, à première vue, Gabia vit, en ce moment, une période de vache maigre.
Autochtones et allogènes réapprennent à vivre ensemble
Toutefois, contrairement à la première visite de notre équipe de reportage, en début de l’année dernière, le premier constat fait est que la vie a repris son cours comme si rien ne s’était passé de grave à Gabia. Peut-être dans un élan de solidarité dans la misère. Les boutiques, buvettes et petits commerces ont rouvert et reçoivent de temps à autres quelques clients. La circulation entre villages, devenue plutôt ‘‘fluide’’, nous confiera notre guide, Ouédraogo Marcel, le secrétaire du chef de la communauté Burkinabé de Gabia, après le démantèlement des quelques barrages FRCI qui avaient été dressés, ça et là. Avançant un peu plus loin, vers la place du marché au centre du village, l’ambiance est la même. Une ou deux vendeuses de légumes et leurs clients occasionnels, visiblement sans grands moyens, discutent sans espoir de s’entendre. Blé Wayoro Georges, chef de famille à Gabia accepte, lui, mal la situation difficile que vit en ce moment le village. «Les problèmes dans le village ont véritablement débuté à l’annonce du décès de notre fils Désiré Tagro en 2011. Au départ, on s’entendait bien avec nos étrangers. Mais aujourd’hui, la situation s’est aggravée,» se plaint-il. Pour lui, la cohésion qui existait avant les événements post électoraux a été mis à mal par les jeunes du village. «Ce sont nos enfants qui ont provoqué les premiers les burkinabé en brûlant leurs maisons. Eux aussi, ont répliqué en faisant pire. Nous avons perdu beaucoup de nos maisons et la plupart de nos biens sont partis en fumée en moins de deux jours,» reconnaitra-t-il. Le retour à la normale se matérialise selon lui, par le fait que toutes les décisions concernant le village sont prises en concertation et en présence du chef de la communauté étrangère, Ouédraogo Twendé Mamadou. Toutefois regrettera le vieux Wayoro Norbert, «quelqu’un qu’on a frappé, il faut le consoler. Quoi qu’il en soit, nous sommes les propriétaires terriens de Gabia. Ce qu’ils n’ont pas encore fait et que nous attendons toujours, c’est qu’ils viennent demander pardon pour qu’ensemble, on exorcise, à jamais, les rancœurs et les mauvais sentiments. On attend toujours ces excuses. On avait même, juste après les événements, décidé de ne plus leur donner des portions de terres pour les cultures vivrières. Malgré le fait qu’ils n’aient pas encore demandé pardon, on a décidé de leur donner. Nous n’avons aucune rancœur. On accepte ce qui est arrivé. C’est Dieu qui décide tout. Aujourd’hui, hormis la faim qui nous tenaille, tout se passe bien entre nous,» laissera-t-il entendre.
En fait, les efforts de réconciliation à Gabia sont sapés par la misère galopante qui y règne en ce moment. Car, les champs sont restés longtemps, du fait de la crise, sans être défrichés. A côté de cela, s’ajoute la très faible production de café et du cacao enregistrée cette année dans cette zone. Certes, les greniers ne sont pas totalement vides. Mais rares sont les villageois qui aujourd’hui encore, arrivent à se nourrir correctement à Gabia.
L’après Tagro : Difficile
«Nous n’avons plus rien à manger depuis la fin de la crise», déplore Wayoro Blé Bédel, secrétaire général de la jeunesse de Gabia. Mais cette situation, quoique déplorable, pose déjà problème au regard du manque d’initiative au niveau des jeunes, qui comme nous avons pu nous en rendre compte, èrent oisivement dans le village. Le problème fondamental, c’est que les jeunes ne savent plus à quel saint se vouer. Auparavant, nos frères en ville, dont le ministre Désiré Tagro, nous aidaient beaucoup. Mais ce qui nous chagrine, c’est que depuis que le ministre a été enterré, Gabia attend toujours,» explique-t-il nostalgique. Une position soutenue par le président des jeunes, Djodjo Guédé Hervé. Fataliste, il estime que les jeunes doivent comprendre que les choses ont changé et qu’ils doivent désormais se prendre en main, sans rien attendre de qui que se soit: «La vie doit reprendre son cours normal. Le passé c’est le passé. Seuls les têtus n’ont pas encore compris que c’est Dieu qui est au dessus de tout ce qui nous arrive,» estime t-il. Toutefois, tout comme les populations, les jeunes de Gabia attendent beaucoup du gouvernement. «On demande à l’Etat de venir à notre secours. Qu’il nous donne les moyens de subvenir à nos besoins. Les jeunes veulent désormais se prendre en charge. Si on pouvait nous donner des produits phytosanitaires et les moyens pour pouvoir pratiquer des activités comme l’agriculture, l’élevage, cela nous aiderait beaucoup. Par rapport au changement, nous avons presque tout perdu. Nous avons besoin de moyens pour nos cultures,» estimera Djodjo Hervé. Face à cette situation de disette, le chef, Béléouan Digbeu a déploré le comportement de certaines ONG qui, au sortir de la crise, sont venues leur faire miroiter des promesses d’aides qu’elles n’ont finalement pas tenues. «Aujourd’hui, nous sommes orphelins. Nous avons besoin d’aide, des gens sont venus ici, après les palabres, pour recenser les pertes en promettant de venir nous aider à reconstruire nos maisons. D’autres ONG ont promis nous apporter de la nourriture et des couvertures. Mais, on n’a rien vu venir jusqu’ici. Cela nous fait mal. C’est que dans les villages voisins, les populations ont reçu de l’aide en nourriture, en vêtements et en produits de première nécessité. Sauf le village de Gabia,» déplore-t-il, mélancolique. Il faut avouer que Gabia, aujourd’hui, est en quête d’une nouvelle identité. La longue crise post électorale et ses dégâts collatéraux, l’exode des populations et la paupérisation qui s’en sont suivis ainsi que les reflexes de facilité hérités des périodes de vaches grasses, le maintiennent dans une léthargie qui s’apparente à la pitié. Une atmosphère de mélancolie, mais également emprunte de nostalgie d’un espoir déçu. Au delà de tous ces sentiments qui se dégagent des interventions des uns et des autres, Gabia garde toujours espoir. «Nous attendons des nouvelles autorités, qu’elles ne nous oublient pas. Ce qui est sûr, nous comptons sur le gouvernement», plaide le chef Béléouan Digbeu.
Ouédraogo twendé mamadou (Chef de la communauté burkinabé de gabia : “Nous regrettons tous Désiré Tagro”
«C’est lorsque Désiré est mort que des jeunes du village qui sont venus brûler nos maisons. Mais heureusement que les choses sont en train de se normaliser après cette parenthèse douloureuse avec nos tuteurs. Nous vivons bien avec eux depuis la fin de la crise. On remercie Dieu d’avoir donné un chef comme Beleouan Digbeu à Gabia. Il y a un proverbe qui dit qu’ ‘‘ il faut toujours avoir ton royaume autour de toi pour qu’on t’appelle roi’’. Nous sommes avec nos frères et nous vivons mieux. Quand il y a un problème, il nous appelle pour nous consulter. Moi-même, j’ai aidé Désiré Tagro à aller à l’Université. Il était un fils pour moi et lui aussi me considérait comme son père. Chaque fois qu’il était au village, il venait me voir pour échanger. C’est quelqu’un de bien. Il nous manque à nous tous. De son vivant, nous vivions en paix. Aujourd’hui, c’est ce que nous essayons de faire après les événements de l’année dernière. Que le gouvernement nous aide parce que la situation est dure en ce moment. Nos hôtes avaient décidé de ne plus donner les terres pour cultiver les produits de première nécessité comme le riz, l’igname et autres. Mais maintenant, ils ont accepté de revenir sur leur décision. Nous leur en sommes reconnaissants et nous ferons tout pour que Gabia retrouve la paix et la prospérité».
D. KONATE
Autochtones et allogènes réapprennent à vivre ensemble
Toutefois, contrairement à la première visite de notre équipe de reportage, en début de l’année dernière, le premier constat fait est que la vie a repris son cours comme si rien ne s’était passé de grave à Gabia. Peut-être dans un élan de solidarité dans la misère. Les boutiques, buvettes et petits commerces ont rouvert et reçoivent de temps à autres quelques clients. La circulation entre villages, devenue plutôt ‘‘fluide’’, nous confiera notre guide, Ouédraogo Marcel, le secrétaire du chef de la communauté Burkinabé de Gabia, après le démantèlement des quelques barrages FRCI qui avaient été dressés, ça et là. Avançant un peu plus loin, vers la place du marché au centre du village, l’ambiance est la même. Une ou deux vendeuses de légumes et leurs clients occasionnels, visiblement sans grands moyens, discutent sans espoir de s’entendre. Blé Wayoro Georges, chef de famille à Gabia accepte, lui, mal la situation difficile que vit en ce moment le village. «Les problèmes dans le village ont véritablement débuté à l’annonce du décès de notre fils Désiré Tagro en 2011. Au départ, on s’entendait bien avec nos étrangers. Mais aujourd’hui, la situation s’est aggravée,» se plaint-il. Pour lui, la cohésion qui existait avant les événements post électoraux a été mis à mal par les jeunes du village. «Ce sont nos enfants qui ont provoqué les premiers les burkinabé en brûlant leurs maisons. Eux aussi, ont répliqué en faisant pire. Nous avons perdu beaucoup de nos maisons et la plupart de nos biens sont partis en fumée en moins de deux jours,» reconnaitra-t-il. Le retour à la normale se matérialise selon lui, par le fait que toutes les décisions concernant le village sont prises en concertation et en présence du chef de la communauté étrangère, Ouédraogo Twendé Mamadou. Toutefois regrettera le vieux Wayoro Norbert, «quelqu’un qu’on a frappé, il faut le consoler. Quoi qu’il en soit, nous sommes les propriétaires terriens de Gabia. Ce qu’ils n’ont pas encore fait et que nous attendons toujours, c’est qu’ils viennent demander pardon pour qu’ensemble, on exorcise, à jamais, les rancœurs et les mauvais sentiments. On attend toujours ces excuses. On avait même, juste après les événements, décidé de ne plus leur donner des portions de terres pour les cultures vivrières. Malgré le fait qu’ils n’aient pas encore demandé pardon, on a décidé de leur donner. Nous n’avons aucune rancœur. On accepte ce qui est arrivé. C’est Dieu qui décide tout. Aujourd’hui, hormis la faim qui nous tenaille, tout se passe bien entre nous,» laissera-t-il entendre.
En fait, les efforts de réconciliation à Gabia sont sapés par la misère galopante qui y règne en ce moment. Car, les champs sont restés longtemps, du fait de la crise, sans être défrichés. A côté de cela, s’ajoute la très faible production de café et du cacao enregistrée cette année dans cette zone. Certes, les greniers ne sont pas totalement vides. Mais rares sont les villageois qui aujourd’hui encore, arrivent à se nourrir correctement à Gabia.
L’après Tagro : Difficile
«Nous n’avons plus rien à manger depuis la fin de la crise», déplore Wayoro Blé Bédel, secrétaire général de la jeunesse de Gabia. Mais cette situation, quoique déplorable, pose déjà problème au regard du manque d’initiative au niveau des jeunes, qui comme nous avons pu nous en rendre compte, èrent oisivement dans le village. Le problème fondamental, c’est que les jeunes ne savent plus à quel saint se vouer. Auparavant, nos frères en ville, dont le ministre Désiré Tagro, nous aidaient beaucoup. Mais ce qui nous chagrine, c’est que depuis que le ministre a été enterré, Gabia attend toujours,» explique-t-il nostalgique. Une position soutenue par le président des jeunes, Djodjo Guédé Hervé. Fataliste, il estime que les jeunes doivent comprendre que les choses ont changé et qu’ils doivent désormais se prendre en main, sans rien attendre de qui que se soit: «La vie doit reprendre son cours normal. Le passé c’est le passé. Seuls les têtus n’ont pas encore compris que c’est Dieu qui est au dessus de tout ce qui nous arrive,» estime t-il. Toutefois, tout comme les populations, les jeunes de Gabia attendent beaucoup du gouvernement. «On demande à l’Etat de venir à notre secours. Qu’il nous donne les moyens de subvenir à nos besoins. Les jeunes veulent désormais se prendre en charge. Si on pouvait nous donner des produits phytosanitaires et les moyens pour pouvoir pratiquer des activités comme l’agriculture, l’élevage, cela nous aiderait beaucoup. Par rapport au changement, nous avons presque tout perdu. Nous avons besoin de moyens pour nos cultures,» estimera Djodjo Hervé. Face à cette situation de disette, le chef, Béléouan Digbeu a déploré le comportement de certaines ONG qui, au sortir de la crise, sont venues leur faire miroiter des promesses d’aides qu’elles n’ont finalement pas tenues. «Aujourd’hui, nous sommes orphelins. Nous avons besoin d’aide, des gens sont venus ici, après les palabres, pour recenser les pertes en promettant de venir nous aider à reconstruire nos maisons. D’autres ONG ont promis nous apporter de la nourriture et des couvertures. Mais, on n’a rien vu venir jusqu’ici. Cela nous fait mal. C’est que dans les villages voisins, les populations ont reçu de l’aide en nourriture, en vêtements et en produits de première nécessité. Sauf le village de Gabia,» déplore-t-il, mélancolique. Il faut avouer que Gabia, aujourd’hui, est en quête d’une nouvelle identité. La longue crise post électorale et ses dégâts collatéraux, l’exode des populations et la paupérisation qui s’en sont suivis ainsi que les reflexes de facilité hérités des périodes de vaches grasses, le maintiennent dans une léthargie qui s’apparente à la pitié. Une atmosphère de mélancolie, mais également emprunte de nostalgie d’un espoir déçu. Au delà de tous ces sentiments qui se dégagent des interventions des uns et des autres, Gabia garde toujours espoir. «Nous attendons des nouvelles autorités, qu’elles ne nous oublient pas. Ce qui est sûr, nous comptons sur le gouvernement», plaide le chef Béléouan Digbeu.
Ouédraogo twendé mamadou (Chef de la communauté burkinabé de gabia : “Nous regrettons tous Désiré Tagro”
«C’est lorsque Désiré est mort que des jeunes du village qui sont venus brûler nos maisons. Mais heureusement que les choses sont en train de se normaliser après cette parenthèse douloureuse avec nos tuteurs. Nous vivons bien avec eux depuis la fin de la crise. On remercie Dieu d’avoir donné un chef comme Beleouan Digbeu à Gabia. Il y a un proverbe qui dit qu’ ‘‘ il faut toujours avoir ton royaume autour de toi pour qu’on t’appelle roi’’. Nous sommes avec nos frères et nous vivons mieux. Quand il y a un problème, il nous appelle pour nous consulter. Moi-même, j’ai aidé Désiré Tagro à aller à l’Université. Il était un fils pour moi et lui aussi me considérait comme son père. Chaque fois qu’il était au village, il venait me voir pour échanger. C’est quelqu’un de bien. Il nous manque à nous tous. De son vivant, nous vivions en paix. Aujourd’hui, c’est ce que nous essayons de faire après les événements de l’année dernière. Que le gouvernement nous aide parce que la situation est dure en ce moment. Nos hôtes avaient décidé de ne plus donner les terres pour cultiver les produits de première nécessité comme le riz, l’igname et autres. Mais maintenant, ils ont accepté de revenir sur leur décision. Nous leur en sommes reconnaissants et nous ferons tout pour que Gabia retrouve la paix et la prospérité».
D. KONATE