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Économie Publié le lundi 30 avril 2012 | Trait d’Union

Le ppte ne resoudra pas les problèmes des ivoiriens

Depuis des années, en Afrique, les gouvernements semblent liés les préoccupations de leurs populations à l’initiative PPTE (Pays pauvres très endettés). En Côte d’Ivoire, de Bédié à Alassane OUATTARA, tous les Présidents de la République ont fait la même chose : faire des promesses conditionnées par le point d’achèvement de l’initiative PPTE. Il est donc bon de s’interroger sur cette initiative des institutions internationales. Tel est donc l’objet de notre texte. Il a pour ambition de clarifier certaines idées reçues au sujet de l’initiative PPTE. (…) Les Retombées de l’initiative PPTE Le seul bien de l’initiative PPTE est la baisse substantielle des ratios d’endettement extérieur et le relèvement de la notation financière de l’Etat. Ce dernier accroît la crédibilité du pays et lui permet à nouveau d’emprunter sur les marchés. Par exemple, l’allègement global de la dette extérieure de la Côte d’Ivoire a pour implication la réduction du stock de la dette en termes d’engagements financiers à court, moyen et long termes. En conséquence, les ratios d’endettement public baissent et l’aptitude de l’Etat à honorer les engagements financiers restants s’améliore. On entend très souvent que l’initiative PPTE aidera la Côte d’Ivoire à remplir ses caisses de sommes colossales. Ce n’est pas vrai. En dehors de la réduction des ratios d’endettement, la Côte d’Ivoire ne bénéficiera pas tant de cet allègement de la dette car le mécanisme néocolonial français, le " contrat de désendettement et de développement, C2D " est à la fois contraignant et infantilisant pour les pays bénéficiaires. Il s’agit d’abord de rembourser effectivement la dette au trésor français.Dans le cas ivoirien, l'annulation de la dette s'effectuera dans le cadre de contrats dits de Désendettement et Développement (C2D), négociés entre la France et le Côte d’Ivoire. Dans le cadre des C2D, le gouvernement ivoirien continuera de rembourser ses prêts à chaque échéance, mais dès le remboursement constaté, le Trésor Français reverserala somme correspondante dansun compte spécifique ouvert à la BCEAO. Ces fonds, considérés comme desdonsdevraientservir à financer des programmes de lutte contre la pauvreté.Un fait très important est à noter : la gestion du processus d’allocation des ressources est faite par un Comité de Pilotage C2D basé à Paris (Comité ad hoc Ppte Mae/Minefi/AFD), un Comité d’Orientation et de Suivi. En général, les financements seront diligentés par l ’Agence Française de Développement. On voit bien que le mécanisme du C2D est la forme la plus achevée des entraves à l’utilisation des ressources du PPTE. La lourdeur et les contraintes de ce mécanisme expliquent que de nombreux pays qui ont franchi le point d’achèvement depuis des années peinent à utiliser les ressources du C2D. C’est le cas du Mali, de la Mauritanie, du Cameroun. En dehors de ces limites, l’exemple Ougandais est édifiant puisqu’il est souvent cité comme un élève modèle. Entre1995et1997, l’ Ouganda élabore un« Poverty Eradication Action Plan » à travers une vaste consultation populaire. Il sert de modèle au PRSP (Poverty Reduction Strategy Papers ) adopté par les bailleurs de fonds.Lesprincipauxdomainesconcernésparleplansont la santé et l’éducation, mais aussi les infrastructures, le gouvernement local etc. Mais les résultats macroéconomiques sont mitigés. En effet, l’Ouganda a bénéficiéd’unallègementduservicedeladettetrèsimportant entre 1998 et 2002, ainsi qu’une baisse du service de la dette par rapport aux exportations.

A court terme, on a constaté une stabilisation macroéconomique avec une maîtrise de l’inflation et des dépenses budgétaires puis une diversification des exportations. L’économie ougandaise croît à un rythme supérieur à 5% par an. Mais le succès n’est qu’éphémère.

L’endettement a repris sa progression et en 2005, la dette du pays est devenue à nouveau insoutenable. Alors qu’en 2000, la dette était retombée à 1,7 Mrds de $, en 2003, la detteougandaiseétaitde4,2Mrds de $ !Le ratio dette(enVAN)sur exportations, dont la cible était de 150% aurait atteint plus de 300% en juin 2003 (contre 250 en 1997). Les raisons de ce échec sont multiples : la baisse des cours du café, principale recette d’exportation, reprise de l’endettement(1,5Mrdsdepuis2000) permise par un meilleur rating du pays et le fait qu’un certain nombre de créanciers n’a pas accordé les allègements de dette prévus. La dépendance budgétaire à l’aide est passée de 20% en 1998 à 36% du budget de l’Etat en 2002/2003. L’Etat ne contrôlait pas ses dépenses militaires. La pauvreté s’est accrue, notamment en raison d’un fort taux d’accroissement naturel. Le coefficient de Gini, qui mesure les inégalités ,a lui aussi augmenté, passant de 0.35 en 1997 à 0.43 en 2003.

L’initiative PPTE ne sera jamais un programme de développement. Les pays africains et l’initiative PPTE La dette extérieure de la Côte d’Ivoire est passée de 3232 milliards de FCFA en 1990 (110% du PIB) à 7789 milliards en 1994 (183% du PIB) puis à 8986 milliards en 1997 (150% du PIB). Elle est de 6257 milliards en 2008. Les causes de cet endettement sont multiples : la mauvaise conjoncture internationale, la mauvaise gestion des gouvernants et la complicité des occidentaux. De 1960 à 1993, la gestion des affaires par le président Félix Houphouët Boigny était lapidaire, pompeuse et légère. Le ministre de l`Economie et des Finances de 1966 à 1977, Konan Bédié avait marqué son passage au ministère ivoirien de l`Economie et des Finances par un véritable scandale financier. C`est l`affaire des “complexes sucriers”, révélée par la presse. Le “surfactureur d`usines”, on l’appelait à l’époque. Les «douze travaux de l’éléphant d’Afrique» du président Bédié, basés essentiellement sur des projets d’infrastructures nécessitaient un large recours soit à l’endettement public, générant de lourdes charges, soit au système de la concession de longue durée à des entreprises étrangères. Le redressement durable de la situation financière du pays était donc hypothéqué par la persistance de comportements prédateurs et par une politique de grands projets aux retombées très incertaines pour l’économie nationale. Dès 1994, les prêts des bailleurs de fonds atteignent la coquette somme de 556 milliards de F CFA, consécutivement à la dévaluation du franc CFA. Sur la période 1994-1997, le régime de Bédié reçoit au total plus de 1 368 milliards de FCFA. Ajouter à cette somme colossale 1 063 milliards de gains engrangés grâce aux rééchelonnements obtenus devant le Club de Paris sur quatre ans. Le régime de Bédié gagne un flux total de 2 431 milliards. En 1998, la charge de la dette restait extrêmement élevée: ses seuls intérêts représentaient près du quart des autres dépenses de l’État. Le Président Alassane OUATTARA, lui aussi, est très porté sur l’endettement extérieur. Il est incapable de mobiliser des fonds internes à tel point que la dette extérieure est devenue la seule source de revenu depuis sa prise de pouvoir. Aujourd’hui, son seul espoir demeure le point d’achèvement de l’initiative PPTE : « Nous poursuivrons l'assainissement de la gestion de nos finances publiques pour atteindre le point d'achèvement de l'initiative PPTE qui permettra d'alléger le fardeau de la dette extérieure (6 300milliardsdeFCFA)devenue insupportable avec un service de plus 400 milliards de FCFA par an. » (Page 28 de son programme). Pendant que d’autres pays se développent sans l’aide extérieure, la Côte d’Ivoire en fait une condition de son développement. Depuis des années, un effort est fait pour ramener le stock de la dette extérieure ivoirienne à un niveau soutenable. Mais avec les nouvelles autorités ivoiriennes, l’économie de la Côte d’Ivoire est sous « assistante respiratoire », il suffit d’un tarissement des flux financiers extérieurs pour que l’équilibre macroéconomique du pays se brise. Notre opinion sur l’endettement, est que le binôme infernal aide-crédit concessionnel (par essence un outil de promotion des intérêts du bailleur de fonds) constitue pour les pays membres de l’Ocde en général et les pays du G7 en particulier, un instrument privilégié et efficace d’exercice et d’entretien de leur domination permanente sur les pays en développement et plus spécifiquement sur les pays africains au sud du Sahara. D’ailleurs, il semble que ce sont les effets négatifs et corrosifs multiformes de ce binôme financier infernal qui contribuent largement à maintenir nos pays dans le cercle vicieux du sous-développement et du surendettement improductif. En Côte d’Ivoire, les aides n’ont pas fait défaut, ainsi que les programmes d’ajustement, mais le pays ne s’est pas développé. Dans ce pays, les programmes d’ajustement structurels (PAS) ont duré en longueur sur la période 1981-1993.

Il est temps de construire une économie autocentrée car de plus en plus, les pays en développement commencent à prendre conscience de l’impérieuse nécessité de sortir du cycle cynique et pernicieux du binôme aide-crédit concessionnel. L’économie du développement est marquée à la fin des années 2000 par le modèle de l’aide extérieure qui devient le seul vecteur de changement social dans le monde en développement. Dans ce modèle, la transformation ne peut provenir que de l’extérieur et les sociétés ne peuvent pas secréter en leur sein les conditions des dynamiques historiques. Or, les gouvernements très sensibles à l’aide extérieure doivent s’interdire de rêver car les missions messianiques de bienfaisance sont intimement des missions colonisatrices. L’aide sans limites aux gouvernements africains a créé la dépendance, encouragé la corruption et enfin perpétué la mal-gouvernance et la pauvreté. Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire va mal car tous les indicateurs macroéconomiques et sociaux sont au rouge. La réconciliation n’est pas une réalité et le Président de la république pense que c’est l’initiative PPTE qui résoudra le problème ivoirien. Cette initiative PPTE permet juste à la trésorerie exsangue d’un Etat de souffler pendant un certain temps. Pour son développement, il faudra pour tout pays, des politiques économiques axées sur les investissements productifs, l’industrialisation, la réduction du chômage, pour parler véritablement de développement.C’est donc dire que les aides de ces institutions financières internationales ont d’autres objectifs que le développement des pays en développement. Il leur revient d’échafauder des programmes de développement et des politiques économiques clairs pour sortir leur pays du sous-développement. En définitive, tant que les pays en développement n’auront pas une croissance endogène, et ne seront pas débarrassés de toutes emprises extérieures, l’annulation de la dette ne sera jamais un médicament aux maux dont souffrent les pays pauvres mais un cautère sur une jambe de bois. Par Dr PRAO Yao Séraphin, délégué national au système financier et monétaire à LIDER.
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