La défaite ressemble au décès d’un proche. Elle est inoubliable. Elle colle au corps et à l’âme pour de nombreuses années. Chaque individu tente, par tous les moyens, d’y échapper. Hélas, il n’existe pas de vie sans défaite. Un enfant ne peut pas marcher sans avoir fait plusieurs chutes. L’essentiel c’est de pouvoir se relever et continuer son chemin. La défaite tout comme la victoire existe dans tous les milieux. Elle permet de se voir comme dans un miroir et de bien corriger son image, ses erreurs. En politique, la défaite est salutaire.
Elle permet de mieux connaître ses amis et ses ennemis et surtout de connaître ceux qui profitaient de votre position pour se faire passer pour des alliés inflexibles. Quand on est au pouvoir, dans tous les domaines, les pieds sont rarement au sol. On vit dans un certain nuage. Les flagorneries vous élèvent vers le firmament. Le pouvoir n’est pas que politique. Le pouvoir se trouve à tous les étages de la société. Le chef garagiste a un pouvoir. De même que le directeur d’une troupe de théâtre. La traîtrise d’un sien, une médisance, des calomnies sont des défaites qui permettent de mieux réussir dans son travail. C’est, évidemment en politique que la défaite fait le plus mal et laisse des traces difficiles à effacer. J’ai connu un ami, politicien et grand directeur d’une grande entreprise financière. Tout lui souriait.
La rue qui conduisait à sa maison était remplie, chaque jour, matin et soir, de voitures. La maison ne pouvait plus contenir les visiteurs. Ses adversaires politiques étaient vilipendés par ses visiteurs. Tous lui étaient soumis comme des anges avec Dieu. Moi qui le voyais auparavant tous les jours, il décida qu’on ne se voie plus qu’une fois par semaine durant une heure de temps. Il était impossible de lui dire de se méfier de son intuition ou des sondages. Il ne pouvait qu’être le messie de la région. Les cars, remplis d’électeurs, venaient des villages pour le saluer et lui apporter leur soutien inébranlable. Il me donnait son score minimum aux élections à venir. Il ne pouvait que gagner que par un score écrasant. Dans son livre : «Devenez un grand leader», Steven Sample recommandait avec insistance la lecture des ouvrages classiques, ceux qui ont marqué les siècles pour mieux comprendre les hommes, la comédie humaine comme le disait Honoré de Balzac. Un homme politique en Afrique n’a plus le temps de lire un ouvrage.
Comment lui demander avec insistance de lire et relire, absolument et d’en faire même un livre de chevet, l’ouvrage monumental de Robert Greene : «Power, les 48 lois du pouvoir. » Les « suiveurs » représentaient pour mon ami tous les classiques réunis. Ils donnaient de l’argent à profusion, permettaient à certains de bénéficier de crédits pour créer des entreprises. Durant la campagne électorale, les hommes et les femmes étaient nombreux à ces meetings. Personne ne se posait la question de savoir si ceux qui y venaient étaient des électeurs ou étaient tout simplement venus attirés par l’ambiance, la musique ou la présence de stars de la chanson, sans parler des cadeaux distribués. Le résultat, quoique serré, était clair et net. Il a perdu l’élection et a été remplacé, quelques semaines plus tard, de son poste si lucratif. Une semaine, après sa défaite retentissante, la rue qui conduisait à sa maison était devenue comme un cimetière en pleine nuit étoilée. La défaite fait mal, mais pour l’homme politique elle est, comme on le voit, incontournable et salutaire. Elle permet d’avoir plus de discernement pour l’avenir. Voir ses ennemis danser et ceux qui se disaient amis rigoler de son infortune ou aller vers l’adversaire d’hier sont des leçons qui font sécher les armes. Et si on pardonne et met Dieu comme le juge on peut dormir tranquille. Chaque fossoyeur aura son compte. Se moquer et danser pour la chute d’un adversaire se paye individuellement.
La justice immanente est implacable. Mon ami se prépare pour aller à d’autres élections avec une très grande expérience des autres. Ses plus grands lieutenants ne se recrutent plus parmi les militants politiques, mais désormais, il ne choisit que parmi les croyants qui ont la foi, pas ceux qui vont seulement à l’église le dimanche ou le vendredi à la mosquée. Il sait désormais que les personnes sures sont celles qui savent que tout acte posé, en bien ou en mal, a des conséquences. On disait que Félix Houphouët-Boigny devant la popularité de ses fidèles les limogeaient brutalement afin de leur permettre de comprendre comment était véritablement leur entourage. L’adage qui dit qu’on connait mieux ses amis qu’en cas de malheur est une vérité de tous les jours et de tous les siècles. Tous ces enseignements sont aussi valables pour les vrais supporteurs des vaincus. On y tire de grands enseignements qui poussent toujours vers plus haut. Mais sur toutes les branches d’un arbre dans lequel le destin vous portera, et cela dans tous les domaines, il faut toujours méditer les propos de Amadou Hampaté Ba : «C’est quand on est au sommet de la gloire qu’il faut préparer à se frayer un chemin le jour de la défaite». Ainsi va l’Afrique.
A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Elle permet de mieux connaître ses amis et ses ennemis et surtout de connaître ceux qui profitaient de votre position pour se faire passer pour des alliés inflexibles. Quand on est au pouvoir, dans tous les domaines, les pieds sont rarement au sol. On vit dans un certain nuage. Les flagorneries vous élèvent vers le firmament. Le pouvoir n’est pas que politique. Le pouvoir se trouve à tous les étages de la société. Le chef garagiste a un pouvoir. De même que le directeur d’une troupe de théâtre. La traîtrise d’un sien, une médisance, des calomnies sont des défaites qui permettent de mieux réussir dans son travail. C’est, évidemment en politique que la défaite fait le plus mal et laisse des traces difficiles à effacer. J’ai connu un ami, politicien et grand directeur d’une grande entreprise financière. Tout lui souriait.
La rue qui conduisait à sa maison était remplie, chaque jour, matin et soir, de voitures. La maison ne pouvait plus contenir les visiteurs. Ses adversaires politiques étaient vilipendés par ses visiteurs. Tous lui étaient soumis comme des anges avec Dieu. Moi qui le voyais auparavant tous les jours, il décida qu’on ne se voie plus qu’une fois par semaine durant une heure de temps. Il était impossible de lui dire de se méfier de son intuition ou des sondages. Il ne pouvait qu’être le messie de la région. Les cars, remplis d’électeurs, venaient des villages pour le saluer et lui apporter leur soutien inébranlable. Il me donnait son score minimum aux élections à venir. Il ne pouvait que gagner que par un score écrasant. Dans son livre : «Devenez un grand leader», Steven Sample recommandait avec insistance la lecture des ouvrages classiques, ceux qui ont marqué les siècles pour mieux comprendre les hommes, la comédie humaine comme le disait Honoré de Balzac. Un homme politique en Afrique n’a plus le temps de lire un ouvrage.
Comment lui demander avec insistance de lire et relire, absolument et d’en faire même un livre de chevet, l’ouvrage monumental de Robert Greene : «Power, les 48 lois du pouvoir. » Les « suiveurs » représentaient pour mon ami tous les classiques réunis. Ils donnaient de l’argent à profusion, permettaient à certains de bénéficier de crédits pour créer des entreprises. Durant la campagne électorale, les hommes et les femmes étaient nombreux à ces meetings. Personne ne se posait la question de savoir si ceux qui y venaient étaient des électeurs ou étaient tout simplement venus attirés par l’ambiance, la musique ou la présence de stars de la chanson, sans parler des cadeaux distribués. Le résultat, quoique serré, était clair et net. Il a perdu l’élection et a été remplacé, quelques semaines plus tard, de son poste si lucratif. Une semaine, après sa défaite retentissante, la rue qui conduisait à sa maison était devenue comme un cimetière en pleine nuit étoilée. La défaite fait mal, mais pour l’homme politique elle est, comme on le voit, incontournable et salutaire. Elle permet d’avoir plus de discernement pour l’avenir. Voir ses ennemis danser et ceux qui se disaient amis rigoler de son infortune ou aller vers l’adversaire d’hier sont des leçons qui font sécher les armes. Et si on pardonne et met Dieu comme le juge on peut dormir tranquille. Chaque fossoyeur aura son compte. Se moquer et danser pour la chute d’un adversaire se paye individuellement.
La justice immanente est implacable. Mon ami se prépare pour aller à d’autres élections avec une très grande expérience des autres. Ses plus grands lieutenants ne se recrutent plus parmi les militants politiques, mais désormais, il ne choisit que parmi les croyants qui ont la foi, pas ceux qui vont seulement à l’église le dimanche ou le vendredi à la mosquée. Il sait désormais que les personnes sures sont celles qui savent que tout acte posé, en bien ou en mal, a des conséquences. On disait que Félix Houphouët-Boigny devant la popularité de ses fidèles les limogeaient brutalement afin de leur permettre de comprendre comment était véritablement leur entourage. L’adage qui dit qu’on connait mieux ses amis qu’en cas de malheur est une vérité de tous les jours et de tous les siècles. Tous ces enseignements sont aussi valables pour les vrais supporteurs des vaincus. On y tire de grands enseignements qui poussent toujours vers plus haut. Mais sur toutes les branches d’un arbre dans lequel le destin vous portera, et cela dans tous les domaines, il faut toujours méditer les propos de Amadou Hampaté Ba : «C’est quand on est au sommet de la gloire qu’il faut préparer à se frayer un chemin le jour de la défaite». Ainsi va l’Afrique.
A la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly