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Société Publié le jeudi 7 juin 2012 | Le Nouveau Réveil

Koun-Fao : Pas de policiers depuis 2002, pas de grands voleurs

Koun-Fao, cité peu connue, est un lieu où il fait bon vivre. Située sur l’axe Agnibilékrou-Tanda, la ville avec ses rues propres est, selon ses habitants, un havre de paix et surtout de sécurité. «Nous ne connaissons pas de problèmes de sécurité ici» se plaisent à dire des habitants. Autrement dit, les vols à main armée, les braquages et autres crimes de bandits sans foi ni loi sont quasiment rares à Koun-Fao.

Et pourtant, reconnaissent ces derniers, «il n’y a pas de policiers dans la ville depuis 2002». Ces derniers seraient tous partis à la faveur d’un grave événement lié à la crise née à cette époque-là. Koun-Fao qui garde jalousement cette situation qui est loin d’être l’apanage de nombreuses villes en Côte d’Ivoire se plaint cependant des difficultés au niveau de l’administration. La préfecture qui existe bel et bien n’est pas opérationnelle pour manque d’électricité. Le devis, selon le préfet, se chiffre à 19 millions. Des directions de services de l’Etat sont sans locaux. C’est le cas de la Direction des Sports et loisirs qui est obligée de squatter les locaux du ministère de l’Agriculture. Mme le sous-préfet a démenagé dans les locaux du commissariat de police après que la préfecture l’eut délogée. Des contrastes qui s’ajoutent à des problèmes vécus dans toutes les villes de Côte d’Ivoire. Le courant est souvent interrompu entre 18h et 19h, l’eau, par moments, manque. La ville est mal éclairée, les loyers de maisons coûtent cher et de nombreux accidents de motos sont signalés. Par ailleurs, il n’y a pas de banques dans la ville hormis la Cecp. Ce département de 150 000 habitants vit au rythme de la réconciliation, disent ses résidents. Bien que l’un de ses fils, Augustin Comoé, ministre Lmp sous le régime de Laurent Gbagbo, soit en exil.

Les élèves doivent faire l’impossible pour réussir
Dongo Kouadio Félix est le proviseur du lycée Bad de Koun-Fao, l’unique lycée de la ville. Il sait mieux que quiconque, ce que coûte de se loger dans la ville. Pendant plus d’un mois, il a résidé à Tanda, distant de 47 Km, sur l’axe de Bondoukou. Le corps enseignant, comme les autres, peine à trouver un toit. Quand on en trouve, le loyer est à prix d’or. Il s’ensuit une « fuite » des profs, qui préfèrent migrer vers le sud. 9 demandes de départ ont atterri déjà sur la table du proviseur, qui les a adressées à sa hiérarchie. Les élèves, dans tous les cas, payent les pots cassés. Par exemple, le lycée n’a qu’un seul professeur de philosophie. En moyenne, les profs ont 21 heures de cours la semaine. Nonobstant la double vacation, les 2321 inscrits sont 80 par classe. Le sous-effectif des profs, notamment en français, crée un sureffectif d’élèves dans les 23 classes du lycée. Ce qui accroit le taux d’échecs, surtout que les encadreurs sont également en nombre insuffisant : 1 censeur au lieu de 3, 3 éducateurs au lieu de 8 et 2 inspecteurs d’orientation au lieu de 4. L’année dernière, le lycée a fait environ 22% au Bac et 8% au Bepc. L’autorité scolaire est obligée d’affecter en priorité des profs aux classes d’examens (3 è et Tle). Les gamins de 6è et 5è sont parfois purement et simplement sacrifiés. Ils passent en 5è, sans avoir suivi une seule leçon en Français. L’établissement n’a que 8 enseignants de Français, là où il en faudrait au moins 10, selon le proviseur. Ne parlons pas de bibliothèque. Elle n’existe que de nom. Et le bibliothécaire est un volontaire. Le laboratoire ? Il n’existe également que de nom, faute de matériel. Les ordinateurs ou les photocopieuses ? Ils sont au garage, hors d’usage. Venus des zones rurales, les l’élèves sont, une fois orientés au lycée de Koun-Fao, abandonnés par les parents.

Certains parcourent 4 km, par jour, voire plus, pour joindre l’établissement. En saison de pluies, il ne faut pas leur demander l’impossible. Ils sèchent les cours. D’autres sont contraints à exercer de petits contrats pendant les week-ends pour joindre les deux bouts. D’autant que se loger pour les élèves n’est pas moins coûteux, faute de foyer scolaire dans la ville. Autres handicaps : les grossesses précoces. L’école en dénombre déjà une dizaine. «C’est un problème général au Zanzan. J’ai servi comme censeur au Zanzan. Je sers encore comme proviseur au Zanzan. Et quand j’étais censeur, mon mémoire de fin de stage a porté sur les grossesses en milieu scolaire. La cause principale, c’est la pauvreté. Il y en a même qui n’arrivent pas à avoir deux repas par jour ! La deuxième cause, ce sont les crises d’adolescence. L’enfant veut toucher à tout. Mais la méconnaissance des mesures contraceptives amène à tout cela», explique le proviseur. Sa conclusion : «l’Etat doit jouer sa partition en construisant des cantines dans chaque établissement, à défaut de créer des internats». Ce qui ne dédouane pas les parents également appelés à jouer leur partition.

Hôpital cherche infirmiers, malades cherchent médicaments
Une chose frappe le visiteur qui arrive, pour la première fois, à l’hôpital général de Koun-Fao. C’est la faible lumière distillée par les ampoules électriques. L’impression de pénombre résulte de la baisse de tension électrique. Des dizaines de villages du département sont électrifiés, mais les centres de santé n’ont pas encore d’électricité. Une situation générale qui pose un véritable problème, en matière de conservation des vaccins et autres matériels de laboratoire. Et d’ailleurs, le matériel biomédical manque cruellement. Pas de pince, de table de pansement, de charriot, de chaises, etc. Les salles sont rongées par le temps. Les bâtiments aussi. Le matériel technique manque depuis l’instauration des soins gratuits, puis des soins ciblés. Les 25 centres de santé du département attendent un renfort en personnel. D’ici-là, l’hôpital général de Koun-Fao se contente d’un seul médecin mal payé, de deux sages-femmes et deux infirmiers. D’ici-là aussi, il n’y a pas de services de pédiatrie, gynécologie et chirurgie. Les urgences sont évacuées à Agnibilékrou ou à Abengourou. Ce n’est pas la distance qui constitue le problème. C’est d’abord, la route. Il faut mettre 3 heures pour parcourir une cinquantaine de Kilomètres. Ensuite, le département ne dispose que de deux ambulances.

Déjà confronté à un problème d’entretien de ses ambulances, l’hôpital doit aussi faire face à la pauvreté des malades pendant des évacuations. «Dans le cadre de la gratuité ciblée des soins, les populations ne comprennent et acceptent difficilement quand on leur demande de contribuer à l’évacuation, par exemple, des malades dans des cas d’urgences», explique le directeur départemental de l’hôpital, Dr Kouamé Gnamien. Comme partout dans le Zanzan, les soins gratuits ont provoqué des ruptures de stocks en médicaments. Avec les soins ciblés, la situation ne s’est pas améliorée dans cette partie du pays où le paludisme et les maladies infantiles sont le gros des soucis du personnel soignant. Avec 34.6% et 18.9%, les pathologies liées aux enfants de moins de cinq ans et le palu constituent, respectivement, les plus forts taux de morbidité, suivis des infections respiratoires aigües provoquées par les saisons pluvieuses (4.3%) et aux maladies diarrhéiques liées à l’absence d’eau potable. Les 25 formations que compte le département ont plus de 20 ans. Pourtant, 80% n’ont pas connu de réhabilition depuis leur création. On le voit, améliorer la santé des populations à Koun-Fao est un vaste chantier. Peut-être faudrait-il commencer par les urgences : un groupe électrogène, du mobilier, des infirmiers et des sages-femmes. Cela contribuerait déjà à sauver des vies.

Diarrassouba Sory et Benoit HILI
Envoyés spéciaux
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