Encore une occasion historique ratée pour prendre des décisions audacieuses pour notre maison commune. Les dirigeants des grands pays industrialisés, eux, ont préféré rester à la maison. Retenez quand même deux vocables en guise de viatique pour vos prochaines années : le green-business et les Objectifs du Développement Durable (ODD) !
Que retiendra-t-on de cette conférence ?
Le grand barnum planétaire a fait escale à Rio de Janeiro le mois de juin dernier. 20 ans après le premier Sommet du développement durable - tournant de la prise de conscience collective du danger de notre comportement vis-à-vis de la biodiversité – le Brésil, puissance invitante, se devait de réussir son Rio+20.
Si la réussite d’un Sommet se mesure à l’aune du nombre de participants, Rio+20 est une réussite. Pas moins 30.000 participants venus de 190 pays étaient présents à Rio ! Le prix des billets d’avion ont pratiquement doublés les derniers jours précédant l’ouverture de la conférence. Tandis que les chambres d’hôtel étaient prises d’assaut ; ce qui a fait le bonheur des loueurs de chambres d’hôtes et des pickpockets.
Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l’ONU a rappelé que « les discours sont terminés, maintenant le travail commence » ; avant de poursuivre : « Rio+20 a affirmé les principes fondamentaux, renouvelé les engagements essentiels et nous a fourni une nouvelle orientation ». Pour les promesses, une cagnotte de 513 milliards USD serait allouée, lors de cette conférence des Nations-Unies sur le développement durable. Selon toujours Ban Ki-Moon, ce financement permettra de résoudre les questions suivantes : l’énergie, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et la gestion des océans.
Outre les Nations-Unies, le pays hôte s’est également réjoui de la réussite de « son » Sommet. Et notamment de sa nouvelle méthode pour instaurer Les Dialogues pour le Développement Durable. Il s’agit d’un panel géant de plus d’un million de voix qui peuvent donner leur avis sur une dizaine de thèmes comme l’énergie, l’eau, la sécurité alimentaire. Les propositions issues de cette agora géante avaient nourri les synthèses sur lesquelles les chefs d’Etat et du gouvernement ont planché.
En substance, à l’instar de l’Agenda 21 – réduire de moitié la pauvreté dans le monde à l’horizon de 2015 - lancé il y a 20 ans au Sommet de Rio, tout comme l’Objectif du millénaire (OMD) de l’an 2000, les grands de ce monde ont sorti de leur chapeau un nouveau terme auquel il va falloir s’ habituer : les Objectifs du Développement Durable (ODD).
Barak Obama, Angela Merkel, David Cameron, Vladimir Poutine se sont tous portés pâles et séché le Sommet de Rio alors qu’ils avaient participé au G20 de Los Cabos (Mexique) 48 heures avant. Ces dirigeants n’ont pas jugé nécessaire de faire le déplacement. Cette absence ne fait que corroborer une vérité absolue : l’environnement ne fait pas encore partie des préoccupations des principaux pays industrialisés c’est-à-dire les plus grands pollueurs de la planète. La résolution de la crise financière qui mine leur économie les accapare davantage que de s’occuper de la Maison commune qui brûle pour plagier la formule du président Jacques Chirac lors du Sommet de Johannesburg de 2002. Encore échaudés par le fiasco du Sommet de Copenhague en 2009, ces chefs d’Etat ont préféré pratiquer la politique de la chaise vide plutôt que d’être accusés encore une fois de porter la lourde responsabilité d’un échec. Rappelons juste qu’il existe deux principaux points d’achoppement aux Accords Multilatéraux sur l’Environnement (AME) : d’une part, les pays dits industrialisés dénoncent la classification de certains pays émergents comme la Chine ou l’Inde parmi les victimes de la pollution ; une nomenclature devenue aujourd’hui obsolète à leur yeux. D’autre part, le montant de financement que les pays du Nord devraient verser aux pays du Sud.
L’avenir que nous voulons ?
C’est le titre éponyme du document final de Rio+20. En effet, le Brésil puissance invitante devait « sauver » son Sommet de la planète. Le conclave des négociateurs des 193 pays, réunis quelques jours avant, doit obligatoirement déboucher sur une déclaration commune. « Si vous voulez un texte plus ambitieux, débrouillez-vous pour trouver un accord » ; tels étaient les propos peu amènes et pas franchement diplomatiques que les brésiliens ont adressé à leurs hôtes européens. Finalement, on a accouché du fameux document. Et ce texte de 50 pages intitulé « l’avenir que nous voulons » servira de base de travail aux Chefs d’Etat et de gouvernement. Force est de constater que deux années de préparation et une nuit de négociation n’a pas permis aux délégués d’accoucher d’un consensus pour un enjeu aussi crucial.
La fin du Sommet s’est conclu sur la ratification par un compromis a minima. Le texte commence de la manière suivante : « Nous chefs d'Etat et de gouvernement (...) renouvelons notre engagement envers le développement durable et envers un avenir économiquement, socialement et écologiquement durable pour notre planète et pour les générations présentes et futures ». Il s’agit de relever le défi d’une transition vers une économie verte (green-business).
Cette nouvelle feuille de route des prochaines décennies sera balisée par la fameuse ODD ; un modèle de développement censé lutter contre la pauvreté tout en préservant les ressources naturelles de la planète qui accueillera 2,5 milliards d’humains de plus à l’horizon 2050.
Avec quels partenaires le Secrétaire Général de l’ONU a-t-il concocté son fameux budget estimé à la louche à 500 milliards $ ? Les pays riches, asphyxiés par la crise, ont déjà des difficultés à honorer les 0,7% de leur PNB destinés au développement des pays en voie de développement. Ils doivent, pour plusieurs années encore assainir leur économie ; ils ne pourront donc pas contribuer à l’effort de la promotion du green business. Le communiqué final insiste sur la recherche de mécanisme de financements innovants avec deux axes possibles : d’abord l’implication des entreprises mais aussi sur la mise en place de la taxe sur les transactions financières que plusieurs pays européens appellent de leur vœu.
Cette mutation vers le green-business exige un nouveau cadre institutionnel adapté des Nations-Unies en matière d’environnement. Pourquoi ne pas transformer le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en une sorte d’Agence Mondiale de l’Environnement (AME). Le Président congolais Denis Sassou Nguesso, porte-parole de ses homologues du continent, milite dans ce sens et souhaiterait que son siège soit à Nairobi. Les pays d’Europe sont en phase avec cette initiative parce qu’ils ont appelé de leurs vœux la création de cette instance de gouvernance mondiale pour l’Environnement.
Le contre-Sommet
Le monde entier ne peut vivre d’incantations et de déclarations lénifiantes. Rio de Janeiro a en fait accueilli deux Sommets pour le prix d’un. Pendant que les délégations officielles se réunissaient au Riocentro, le Sommet des Peuples composé d’ONG se déroulait au parc Alterro do Flamengo. Moins protocolaire, il se veut être une alternative à la voix officielle qui prône l’économie verte. Ce sont des termes de justice sociale, environnementale ou encore de code forestier qui sont mis en avant. Le jour de la clôture de Rio+20, une délégation du Sommet des Peuples a remis une déclaration officielle à Ban Ki-Moon. A-t-elle été prise en compte dans le communiqué final ? Toujours est-il que la société civile dénonce l’échec et le manque d’ambition de Rio+20 face au danger qui guette notre planète : crise financière, insécurité alimentaire, réchauffement planétaire. L’accent est surtout mis sur l’absence d’objectifs contraignants pour les pays ni de financement pour réaliser les ODD.
Encadré
Et l’Afrique ?
Le président sud-africain Jacob Zuma n’a pas daigné se ranger avec ses homologues du continent pour parler d’une seule voix. Il s’est contenté de déclarer que le « monde est confronté à de grands défis dans le développement économique durable ; que certaines d’entre eux dépassent nos frontières nationales ». Il plastronnait et s’affichait avec les dirigeants des pays émergents comme la Chine et l’Inde. Donc de son point de vue, l’Afrique du Sud traite d’égal à égal avec les pays du BRIC mais pas avec ses voisins continentaux.
Soyons tout de même positifs ; quelques initiatives méritent d’être citées. A Rio+20, les huit plus importantes Banques Multilatérales de Développement (BDM) du monde - la Banque Mondiale, la Banque asiatique de développement et la BAD entre autres - ont annoncé leur intention d'investir 175 milliards USD soit 138 milliards €uros dans des transports « verts » c’est-à-dire à faible émission de carbone dans les pays en voie de développement et surtout en zones périurbaines.
La Grande Muraille Verte répondant au nom barbare d’Initiative Africaine Grande Muraille Verte (IAGMV) reste le seul projet à la hauteur de l’événement. Il s’agit de lutte contre l’avancée inexorable du désert par la mise en valeur des zones saharo-sahéliennes. Déjà initiée quelques années auparavant mais cette fois-ci des fonds de l’ordre de 2 milliards USD ont été dégagés par le truchement du NEPAD.
Alex ZAKA
Que retiendra-t-on de cette conférence ?
Le grand barnum planétaire a fait escale à Rio de Janeiro le mois de juin dernier. 20 ans après le premier Sommet du développement durable - tournant de la prise de conscience collective du danger de notre comportement vis-à-vis de la biodiversité – le Brésil, puissance invitante, se devait de réussir son Rio+20.
Si la réussite d’un Sommet se mesure à l’aune du nombre de participants, Rio+20 est une réussite. Pas moins 30.000 participants venus de 190 pays étaient présents à Rio ! Le prix des billets d’avion ont pratiquement doublés les derniers jours précédant l’ouverture de la conférence. Tandis que les chambres d’hôtel étaient prises d’assaut ; ce qui a fait le bonheur des loueurs de chambres d’hôtes et des pickpockets.
Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l’ONU a rappelé que « les discours sont terminés, maintenant le travail commence » ; avant de poursuivre : « Rio+20 a affirmé les principes fondamentaux, renouvelé les engagements essentiels et nous a fourni une nouvelle orientation ». Pour les promesses, une cagnotte de 513 milliards USD serait allouée, lors de cette conférence des Nations-Unies sur le développement durable. Selon toujours Ban Ki-Moon, ce financement permettra de résoudre les questions suivantes : l’énergie, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et la gestion des océans.
Outre les Nations-Unies, le pays hôte s’est également réjoui de la réussite de « son » Sommet. Et notamment de sa nouvelle méthode pour instaurer Les Dialogues pour le Développement Durable. Il s’agit d’un panel géant de plus d’un million de voix qui peuvent donner leur avis sur une dizaine de thèmes comme l’énergie, l’eau, la sécurité alimentaire. Les propositions issues de cette agora géante avaient nourri les synthèses sur lesquelles les chefs d’Etat et du gouvernement ont planché.
En substance, à l’instar de l’Agenda 21 – réduire de moitié la pauvreté dans le monde à l’horizon de 2015 - lancé il y a 20 ans au Sommet de Rio, tout comme l’Objectif du millénaire (OMD) de l’an 2000, les grands de ce monde ont sorti de leur chapeau un nouveau terme auquel il va falloir s’ habituer : les Objectifs du Développement Durable (ODD).
Barak Obama, Angela Merkel, David Cameron, Vladimir Poutine se sont tous portés pâles et séché le Sommet de Rio alors qu’ils avaient participé au G20 de Los Cabos (Mexique) 48 heures avant. Ces dirigeants n’ont pas jugé nécessaire de faire le déplacement. Cette absence ne fait que corroborer une vérité absolue : l’environnement ne fait pas encore partie des préoccupations des principaux pays industrialisés c’est-à-dire les plus grands pollueurs de la planète. La résolution de la crise financière qui mine leur économie les accapare davantage que de s’occuper de la Maison commune qui brûle pour plagier la formule du président Jacques Chirac lors du Sommet de Johannesburg de 2002. Encore échaudés par le fiasco du Sommet de Copenhague en 2009, ces chefs d’Etat ont préféré pratiquer la politique de la chaise vide plutôt que d’être accusés encore une fois de porter la lourde responsabilité d’un échec. Rappelons juste qu’il existe deux principaux points d’achoppement aux Accords Multilatéraux sur l’Environnement (AME) : d’une part, les pays dits industrialisés dénoncent la classification de certains pays émergents comme la Chine ou l’Inde parmi les victimes de la pollution ; une nomenclature devenue aujourd’hui obsolète à leur yeux. D’autre part, le montant de financement que les pays du Nord devraient verser aux pays du Sud.
L’avenir que nous voulons ?
C’est le titre éponyme du document final de Rio+20. En effet, le Brésil puissance invitante devait « sauver » son Sommet de la planète. Le conclave des négociateurs des 193 pays, réunis quelques jours avant, doit obligatoirement déboucher sur une déclaration commune. « Si vous voulez un texte plus ambitieux, débrouillez-vous pour trouver un accord » ; tels étaient les propos peu amènes et pas franchement diplomatiques que les brésiliens ont adressé à leurs hôtes européens. Finalement, on a accouché du fameux document. Et ce texte de 50 pages intitulé « l’avenir que nous voulons » servira de base de travail aux Chefs d’Etat et de gouvernement. Force est de constater que deux années de préparation et une nuit de négociation n’a pas permis aux délégués d’accoucher d’un consensus pour un enjeu aussi crucial.
La fin du Sommet s’est conclu sur la ratification par un compromis a minima. Le texte commence de la manière suivante : « Nous chefs d'Etat et de gouvernement (...) renouvelons notre engagement envers le développement durable et envers un avenir économiquement, socialement et écologiquement durable pour notre planète et pour les générations présentes et futures ». Il s’agit de relever le défi d’une transition vers une économie verte (green-business).
Cette nouvelle feuille de route des prochaines décennies sera balisée par la fameuse ODD ; un modèle de développement censé lutter contre la pauvreté tout en préservant les ressources naturelles de la planète qui accueillera 2,5 milliards d’humains de plus à l’horizon 2050.
Avec quels partenaires le Secrétaire Général de l’ONU a-t-il concocté son fameux budget estimé à la louche à 500 milliards $ ? Les pays riches, asphyxiés par la crise, ont déjà des difficultés à honorer les 0,7% de leur PNB destinés au développement des pays en voie de développement. Ils doivent, pour plusieurs années encore assainir leur économie ; ils ne pourront donc pas contribuer à l’effort de la promotion du green business. Le communiqué final insiste sur la recherche de mécanisme de financements innovants avec deux axes possibles : d’abord l’implication des entreprises mais aussi sur la mise en place de la taxe sur les transactions financières que plusieurs pays européens appellent de leur vœu.
Cette mutation vers le green-business exige un nouveau cadre institutionnel adapté des Nations-Unies en matière d’environnement. Pourquoi ne pas transformer le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) en une sorte d’Agence Mondiale de l’Environnement (AME). Le Président congolais Denis Sassou Nguesso, porte-parole de ses homologues du continent, milite dans ce sens et souhaiterait que son siège soit à Nairobi. Les pays d’Europe sont en phase avec cette initiative parce qu’ils ont appelé de leurs vœux la création de cette instance de gouvernance mondiale pour l’Environnement.
Le contre-Sommet
Le monde entier ne peut vivre d’incantations et de déclarations lénifiantes. Rio de Janeiro a en fait accueilli deux Sommets pour le prix d’un. Pendant que les délégations officielles se réunissaient au Riocentro, le Sommet des Peuples composé d’ONG se déroulait au parc Alterro do Flamengo. Moins protocolaire, il se veut être une alternative à la voix officielle qui prône l’économie verte. Ce sont des termes de justice sociale, environnementale ou encore de code forestier qui sont mis en avant. Le jour de la clôture de Rio+20, une délégation du Sommet des Peuples a remis une déclaration officielle à Ban Ki-Moon. A-t-elle été prise en compte dans le communiqué final ? Toujours est-il que la société civile dénonce l’échec et le manque d’ambition de Rio+20 face au danger qui guette notre planète : crise financière, insécurité alimentaire, réchauffement planétaire. L’accent est surtout mis sur l’absence d’objectifs contraignants pour les pays ni de financement pour réaliser les ODD.
Encadré
Et l’Afrique ?
Le président sud-africain Jacob Zuma n’a pas daigné se ranger avec ses homologues du continent pour parler d’une seule voix. Il s’est contenté de déclarer que le « monde est confronté à de grands défis dans le développement économique durable ; que certaines d’entre eux dépassent nos frontières nationales ». Il plastronnait et s’affichait avec les dirigeants des pays émergents comme la Chine et l’Inde. Donc de son point de vue, l’Afrique du Sud traite d’égal à égal avec les pays du BRIC mais pas avec ses voisins continentaux.
Soyons tout de même positifs ; quelques initiatives méritent d’être citées. A Rio+20, les huit plus importantes Banques Multilatérales de Développement (BDM) du monde - la Banque Mondiale, la Banque asiatique de développement et la BAD entre autres - ont annoncé leur intention d'investir 175 milliards USD soit 138 milliards €uros dans des transports « verts » c’est-à-dire à faible émission de carbone dans les pays en voie de développement et surtout en zones périurbaines.
La Grande Muraille Verte répondant au nom barbare d’Initiative Africaine Grande Muraille Verte (IAGMV) reste le seul projet à la hauteur de l’événement. Il s’agit de lutte contre l’avancée inexorable du désert par la mise en valeur des zones saharo-sahéliennes. Déjà initiée quelques années auparavant mais cette fois-ci des fonds de l’ordre de 2 milliards USD ont été dégagés par le truchement du NEPAD.
Alex ZAKA