Les étudiants de l’Institut national des arts et de l’action culturelle (Insaac) ne savent plus à quel saint se vouer. Il y a 9 mois qu’ils n’ont pas perçu leurs bourses d’études. Ils se trouvent dans le désarroi total. Au moment où ils doivent faire face à leurs examens.
Etre étudiant, c’est bien beau. Mais étudier sans toucher le moindre mois de bourse, alors que l’Etat l’avait promis, cela relève d’un calvaire. Et quand sonne l’heure des examens de fin d’année, c’est le cauchemar. C’est ce que vivent les étudiants de l’Institut national des arts et de l’action culturelle (Insaac). En effet, depuis la rentrée des classes, en octobre 2012, filles et garçons bousiers de l’Ecole nationale de musique (Enm), l’Ecole nationale de théâtre et de danse (Entd), l’Ecole des beaux arts (Eba), l’Ecole de formation des animateurs culturels (Efac), le Centre de formation pédagogique à l’action culturelle (Cfpac)… n’ont pas perçu le moindre mois de leurs bourses. A ce jour, ce qui devait revenir tous les mois à chacun d’entre eux, c’est-à-dire 20 mille Fcfa pour le premier cycle (1ère et 2ème année), 40 mille Fcfa pour le deuxième cycle (3ème et 4ème année) et 50 mille Fcfa concernant le troisième cycle (Efac, Cfpac et doctorants), restent impayés. Au total, on estime à 401 millions Fcfa, le montant de leurs arriérés. Ils ont beau grogner pour attirer l’attention de la Côte d’Ivoire nouvelle sur leur sort, ils restent presque inaudibles auprès des décideurs directs.
Nous avons fait en sorte qu’il n’y ait pas notrde rupture
«On avait pensé que les bourses octroyées aux étudiants était un moyen pour assurer nos études, faire nos recherches et nos créations. On avait pensé recevoir nos bourses avant d’entrer en examen. Hélas, ce n’est pas le cas. Cela fait aujourd’hui 9 mois que nous n’avons pas reçu un seul centime. Et nous sommes pratiquement en vacances. Moi, par exemple, je compose le mardi 17 juillet prochain. Au mois de juin dernier, on a exposé nos problèmes devant la direction générale de l’établissement. On voulait notre argent avant d’aller à l’examen. Le directeur général de l’Insaac, M. Tiburce Koffi, nous a signifié qu’il n’y avait pas d’argent. De ce fait, il nous a suppliés de ne pas engager un quelconque mouvement de révolte, le temps que le gouvernement remédie à notre situation dans les meilleurs délais. Mais jusque-là, rien. Ce n’est que la semaine dernière qu’il nous a informés que, seulement, les arriérés de nos bourses du mois de décembre de la saison 2010-2011, seront payés. Actuellement, avec la comptabilité de l’Insaac, nous sommes en train de procéder à la vérification de nos numéros de compte, puisque certains d’entre nous ont changé de banque», note Onil Tangui Gnahoré, délégué général-adjoint des étudiants.
Avant d’en arriver à ce décaissement extrêmement minime, Tiburce Koffi, nommé fin décembre 2011, a dû réagir à l’ampleur de la grogne des étudiants. En effet, le nouveau patron de l’Insaac a reçu les délégués des différentes écoles, le vendredi 6 juillet 2012, de 11 h 30 à 12 h 30. «Et ce n’était pas la première fois, dit-il. 48h avant, j’ai eu un échange avec deux ou trois membres de leur bureau. Il y a un mois, on était ensemble au cours de leur assemblée générale, à l’auditorium de l’établissement», assure-t-il. En somme, Tiburce Koffi se félicite d’avoir traité, au plan administratif, le dossier des bourses impayées des étudiants avec beaucoup d’attention : «Nous avons fait en sorte qu’il n’y ait pas de rupture au plan de la communication sur le sujet et la vie de l’établissement, convaincu que le manque d’information peut entraîner une révolte en pareille situation.» Pour le directeur général de l’Insaac, pour une fois, s’il n’y a pas eu de rupture de cours tout au long de l’année, une raison fondamentale demeure : «On les a impliqués dans toutes les démarches. C’est ainsi qu’on a pu éviter des grèves, malgré les 9 mois sans bourse.» Et Tiburce Koffi de féliciter ses étudiants d’être disciplinés. «Malgré toutes les difficultés qu’ils traversent, ils se sont même impliqués dans l’organisation de chaque grand événement heureux comme malheureux organisés par l’Insaac. Notamment les obsèques de Zadi Zaourou, l’enregistrement d’émissions dédiées à l’écrivain Bernard B. Dadié, aux musiciens Bailly Spinto et Manu Galo», fait-il observer.
Aucune disposition juridique ne l’autorise
Si l’on en croit le patron de l’Insaac, trois causes sont liées au non payement des bourses des étudiants. Il y a la crise postélectorale, explique-t-il, qui a beaucoup pesé dans le traitement des bourses à partir d’avril 2011. Au plan administratif, poursuit-il, l’établissement est placé sous une double tutelle, le ministère de l’Enseignement supérieur de Cissé Bacongo et le ministère de la Culture et de la Francophonie emmené par Maurice Kouakou Bandaman. Certes, c’est le ministère de l’Enseignement qui gère l’Insaac au plan administratif, souligne Tiburce, mais l’établissement est dévolu aux arts et à la culture, si l’on s’en tient au contenu de l’enseignement, ce qui le place sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Francophonie. Jusque-là, rappelle-t-il, au nom d’un accord tacite, c’est le ministère de l’Enseignement supérieur qui abritait les bourses des étudiants. Selon lui, Cissé Bacongo s’y est opposé parce que le ministre a argué qu’aucune disposition juridique ne l’autorise à procéder ainsi. C’est donc fort de cela que l’autorité a adressé un courrier à la direction générale de l’Insaac pour lui signifierqu’elle ne pourrait plus remplir cette mission et que désormais, il reviendra au ministère de la Culture d’abriter les bourses des étudiants. «Cette situation nous embarrasse, dans la mesure où en cas de mutation, il va falloir un certain nombre de démarches susceptibles de coûter un à deux ans au ministère de la Culture. C’est pourquoi, j’ai interpellé M. Maurice Bandaman, sur le dossier afin que son collègue du mi-nistère de l’Enseignement supérieur et lui harmonisent leur position dans l’intérêt supérieur des étudiants. C’est ce qui s’est passé en mars dernier, où les deux hommes se sont rencontrés. Et, en définitive, M. Cissé Bacongo est revenu sur sa décision», confie le directeur général de l’Insaac.
De plus, relève le dg de l’Insaac, il y a des lenteurs accusées par les étudiants eux-mêmes, dans la constitution de leurs dossiers relatifs à la demande des bourses. Jusqu’à ce jour, il se trouve que certains d’entre eux les ont tout simplement mal remplis. Conséquences, ces dossiers sont renvoyés à l’Insaac. «Presque toutes les anomalies, à 98 %, sont aujourd’hui réglées. La direction générale n’a donc rien à voir avec cette question de bourse. J’ai signé tous les documents relatifs aux bourses des étudiants. Nous avons donc rempli notre tâche», tranche Tiburce Koffi.
Ce qu’il faut attendre maintenant en matière d’administration, affirme-t-il, c’est l’approvisionnement qui doit venir du Trésor public, donc du ministère de l’Economie et des Finances, qui vire l’argent des étudiants sur le compte de l’Insaac. Lequel, à son tour, le reverse sur leurs comptes individuels, puisque c’est ce qu’a décidé l’ancien régime pour éviter des détournements et braquage organisés.
«Nous avons rempli notre tâche»
S’il soutient que «rien ne dépend plus» de lui, il s’engage en revanche de s’impliquer dans toutes les démarches, jusqu’à la réparation du crime étatique contre l’avenir des futurs créateurs.
Mais pourquoi le directeur général de l’Insaac a-t-il maintenu les examens, en dépit du dysfonctionnement de l’appareil gouvernemental ? «Je n’ai pas opté pour le report des examens en raison du fait que l’Insaac est inscrit dans un circuit universitaire où nous devons être dans le même timing que des universités de l’espace francophone. Nous avons donc voulu éviter des préjudices académiques», explique-t-il, avant de renchérir : «Il y a aussi le corps professoral qui estime que le non payement des bourses des étudiants ne pouvait justifier le report des examens. Sauf catastrophe. Voilà comment, à mon corps défendant, j’ai maintenu les examens.»
Sur cette question du coup de poignard du gouvernement dans le dos des étudiants, la version de la délégation générale des étudiants laisse perplexe. «On a dit qu’il n’y a pas d’argent parce le pays sort à peine d’une crise. On nous a dit aussi que les universités de Côte d’Ivoire étant fermées, les bourses sont suspendues jusqu’à nouvel ordre et que d’ailleurs, ces bourses ne sont pas une priorité pour le gouvernement. L’information est partie de nos tutelles, à savoir les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture et de la Francophonie», confie un membre qui a requis l’anonymat.
Quant à Onil Tangui Gnahoré, adjoint à la délégation, il ne nie pas la part de responsabilité de certains étudiants dans leurs demandes de bourses jugées irrecevables. «Oui, dans la précipitation, il s’est trouvé que des étudiants ont mal rempli leurs dossiers de demande bourses», reconnaît-il, estimant quand même que cela ne doit pas constituer une excuse pour le gouvernement. «Il faut dire que les fiches de demande ne sont pas arrivées à temps au cours de cette année académique. Elles n’ont été mises à notre disposition que fin janvier-début février, alors que la rentrée s’est effectuée en octobre. Habituellement, on les remplit bien avant d’aller en vacances. Au plus tard le 31 juillet, tout est bouclé», nuance-t-il.
Ils se voient obligés de veiller au sein de l’Insaac
Depuis la fin juin dernier, les étudiants composent. Certains d’entre eux ont le sentiment d’avoir été oubliés ou sacrifiés par un système. Ils portent des fardeaux de dettes dans leur âme, faute d’avoir perçus leurs bourses sous le drapeau d’un pays où l’on a pourtant décrété des pluies de milliards. Dans un souci de mieux préparer leurs examens, ils se voient obligés de veiller au sein de l’Insaac pour profiter du peu de matériel que l’établissement leur offre et qui est d’ailleurs insuffisant et obsolète comme tiré du fond des âges. Issus de familles pauvres ou aux revenus modestes, ces étudiants d’une Côte d’Ivoire nouvelle déjà vieille de plus d’un an n’ont pas le minimum pour s’acheter ce qu’il leur fallait pour se préparer tranquillement chez eux, en famille. Or ils doivent composer pour avoir leur diplôme et aider leurs parents à se relever, tout en songeant à assurer leur propre futur.
Tirant les conséquences de cette situation pour le moins surprenant dans un pays aux solutions magiques, un enseignant, estime que cela ne doit pas continuer comme ça. «Les étudiants ont besoin d’acheter leur matériel d’études. Les bourses, c’est pour ça. Aujourd’hui, ils vont à l’examen diminués parce qu’il n’y pas eu la part de l’Etat», condamne cet autre témoin du drame des étudiants de l’Insaac.
«On est fatigué avec ces histoires interminables de bourses impayées qui s’accumulent de mois en mois. On est fatigués parce que depuis le début de l’année, nos parents ne font que se saigner à blanc, alors que ces bourses devaient permettre de les soutenir dans le financement de nos études vraiment coûteuses. Nous étudiants de la quatrième année, composons du 15 au 20 juillet prochain. Nos amis de l’Enm ont déjà commencé, ceux de l’Entd…également. Nous sommes livrés à nous-mêmes dans des conditions calamiteuses. A quoi nous serviront ces bourses si l’on doit nous les payer à la fin de l’année académique ?». Cri de détresse d’un autre étudiant de l’Ecole des beaux arts.
Tout un programme symptomatique d’un pouvoir imprévisible.
Schadé Adédé
schadeci@yahoo.fr
Etre étudiant, c’est bien beau. Mais étudier sans toucher le moindre mois de bourse, alors que l’Etat l’avait promis, cela relève d’un calvaire. Et quand sonne l’heure des examens de fin d’année, c’est le cauchemar. C’est ce que vivent les étudiants de l’Institut national des arts et de l’action culturelle (Insaac). En effet, depuis la rentrée des classes, en octobre 2012, filles et garçons bousiers de l’Ecole nationale de musique (Enm), l’Ecole nationale de théâtre et de danse (Entd), l’Ecole des beaux arts (Eba), l’Ecole de formation des animateurs culturels (Efac), le Centre de formation pédagogique à l’action culturelle (Cfpac)… n’ont pas perçu le moindre mois de leurs bourses. A ce jour, ce qui devait revenir tous les mois à chacun d’entre eux, c’est-à-dire 20 mille Fcfa pour le premier cycle (1ère et 2ème année), 40 mille Fcfa pour le deuxième cycle (3ème et 4ème année) et 50 mille Fcfa concernant le troisième cycle (Efac, Cfpac et doctorants), restent impayés. Au total, on estime à 401 millions Fcfa, le montant de leurs arriérés. Ils ont beau grogner pour attirer l’attention de la Côte d’Ivoire nouvelle sur leur sort, ils restent presque inaudibles auprès des décideurs directs.
Nous avons fait en sorte qu’il n’y ait pas notrde rupture
«On avait pensé que les bourses octroyées aux étudiants était un moyen pour assurer nos études, faire nos recherches et nos créations. On avait pensé recevoir nos bourses avant d’entrer en examen. Hélas, ce n’est pas le cas. Cela fait aujourd’hui 9 mois que nous n’avons pas reçu un seul centime. Et nous sommes pratiquement en vacances. Moi, par exemple, je compose le mardi 17 juillet prochain. Au mois de juin dernier, on a exposé nos problèmes devant la direction générale de l’établissement. On voulait notre argent avant d’aller à l’examen. Le directeur général de l’Insaac, M. Tiburce Koffi, nous a signifié qu’il n’y avait pas d’argent. De ce fait, il nous a suppliés de ne pas engager un quelconque mouvement de révolte, le temps que le gouvernement remédie à notre situation dans les meilleurs délais. Mais jusque-là, rien. Ce n’est que la semaine dernière qu’il nous a informés que, seulement, les arriérés de nos bourses du mois de décembre de la saison 2010-2011, seront payés. Actuellement, avec la comptabilité de l’Insaac, nous sommes en train de procéder à la vérification de nos numéros de compte, puisque certains d’entre nous ont changé de banque», note Onil Tangui Gnahoré, délégué général-adjoint des étudiants.
Avant d’en arriver à ce décaissement extrêmement minime, Tiburce Koffi, nommé fin décembre 2011, a dû réagir à l’ampleur de la grogne des étudiants. En effet, le nouveau patron de l’Insaac a reçu les délégués des différentes écoles, le vendredi 6 juillet 2012, de 11 h 30 à 12 h 30. «Et ce n’était pas la première fois, dit-il. 48h avant, j’ai eu un échange avec deux ou trois membres de leur bureau. Il y a un mois, on était ensemble au cours de leur assemblée générale, à l’auditorium de l’établissement», assure-t-il. En somme, Tiburce Koffi se félicite d’avoir traité, au plan administratif, le dossier des bourses impayées des étudiants avec beaucoup d’attention : «Nous avons fait en sorte qu’il n’y ait pas de rupture au plan de la communication sur le sujet et la vie de l’établissement, convaincu que le manque d’information peut entraîner une révolte en pareille situation.» Pour le directeur général de l’Insaac, pour une fois, s’il n’y a pas eu de rupture de cours tout au long de l’année, une raison fondamentale demeure : «On les a impliqués dans toutes les démarches. C’est ainsi qu’on a pu éviter des grèves, malgré les 9 mois sans bourse.» Et Tiburce Koffi de féliciter ses étudiants d’être disciplinés. «Malgré toutes les difficultés qu’ils traversent, ils se sont même impliqués dans l’organisation de chaque grand événement heureux comme malheureux organisés par l’Insaac. Notamment les obsèques de Zadi Zaourou, l’enregistrement d’émissions dédiées à l’écrivain Bernard B. Dadié, aux musiciens Bailly Spinto et Manu Galo», fait-il observer.
Aucune disposition juridique ne l’autorise
Si l’on en croit le patron de l’Insaac, trois causes sont liées au non payement des bourses des étudiants. Il y a la crise postélectorale, explique-t-il, qui a beaucoup pesé dans le traitement des bourses à partir d’avril 2011. Au plan administratif, poursuit-il, l’établissement est placé sous une double tutelle, le ministère de l’Enseignement supérieur de Cissé Bacongo et le ministère de la Culture et de la Francophonie emmené par Maurice Kouakou Bandaman. Certes, c’est le ministère de l’Enseignement qui gère l’Insaac au plan administratif, souligne Tiburce, mais l’établissement est dévolu aux arts et à la culture, si l’on s’en tient au contenu de l’enseignement, ce qui le place sous la tutelle du ministère de la Culture et de la Francophonie. Jusque-là, rappelle-t-il, au nom d’un accord tacite, c’est le ministère de l’Enseignement supérieur qui abritait les bourses des étudiants. Selon lui, Cissé Bacongo s’y est opposé parce que le ministre a argué qu’aucune disposition juridique ne l’autorise à procéder ainsi. C’est donc fort de cela que l’autorité a adressé un courrier à la direction générale de l’Insaac pour lui signifierqu’elle ne pourrait plus remplir cette mission et que désormais, il reviendra au ministère de la Culture d’abriter les bourses des étudiants. «Cette situation nous embarrasse, dans la mesure où en cas de mutation, il va falloir un certain nombre de démarches susceptibles de coûter un à deux ans au ministère de la Culture. C’est pourquoi, j’ai interpellé M. Maurice Bandaman, sur le dossier afin que son collègue du mi-nistère de l’Enseignement supérieur et lui harmonisent leur position dans l’intérêt supérieur des étudiants. C’est ce qui s’est passé en mars dernier, où les deux hommes se sont rencontrés. Et, en définitive, M. Cissé Bacongo est revenu sur sa décision», confie le directeur général de l’Insaac.
De plus, relève le dg de l’Insaac, il y a des lenteurs accusées par les étudiants eux-mêmes, dans la constitution de leurs dossiers relatifs à la demande des bourses. Jusqu’à ce jour, il se trouve que certains d’entre eux les ont tout simplement mal remplis. Conséquences, ces dossiers sont renvoyés à l’Insaac. «Presque toutes les anomalies, à 98 %, sont aujourd’hui réglées. La direction générale n’a donc rien à voir avec cette question de bourse. J’ai signé tous les documents relatifs aux bourses des étudiants. Nous avons donc rempli notre tâche», tranche Tiburce Koffi.
Ce qu’il faut attendre maintenant en matière d’administration, affirme-t-il, c’est l’approvisionnement qui doit venir du Trésor public, donc du ministère de l’Economie et des Finances, qui vire l’argent des étudiants sur le compte de l’Insaac. Lequel, à son tour, le reverse sur leurs comptes individuels, puisque c’est ce qu’a décidé l’ancien régime pour éviter des détournements et braquage organisés.
«Nous avons rempli notre tâche»
S’il soutient que «rien ne dépend plus» de lui, il s’engage en revanche de s’impliquer dans toutes les démarches, jusqu’à la réparation du crime étatique contre l’avenir des futurs créateurs.
Mais pourquoi le directeur général de l’Insaac a-t-il maintenu les examens, en dépit du dysfonctionnement de l’appareil gouvernemental ? «Je n’ai pas opté pour le report des examens en raison du fait que l’Insaac est inscrit dans un circuit universitaire où nous devons être dans le même timing que des universités de l’espace francophone. Nous avons donc voulu éviter des préjudices académiques», explique-t-il, avant de renchérir : «Il y a aussi le corps professoral qui estime que le non payement des bourses des étudiants ne pouvait justifier le report des examens. Sauf catastrophe. Voilà comment, à mon corps défendant, j’ai maintenu les examens.»
Sur cette question du coup de poignard du gouvernement dans le dos des étudiants, la version de la délégation générale des étudiants laisse perplexe. «On a dit qu’il n’y a pas d’argent parce le pays sort à peine d’une crise. On nous a dit aussi que les universités de Côte d’Ivoire étant fermées, les bourses sont suspendues jusqu’à nouvel ordre et que d’ailleurs, ces bourses ne sont pas une priorité pour le gouvernement. L’information est partie de nos tutelles, à savoir les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture et de la Francophonie», confie un membre qui a requis l’anonymat.
Quant à Onil Tangui Gnahoré, adjoint à la délégation, il ne nie pas la part de responsabilité de certains étudiants dans leurs demandes de bourses jugées irrecevables. «Oui, dans la précipitation, il s’est trouvé que des étudiants ont mal rempli leurs dossiers de demande bourses», reconnaît-il, estimant quand même que cela ne doit pas constituer une excuse pour le gouvernement. «Il faut dire que les fiches de demande ne sont pas arrivées à temps au cours de cette année académique. Elles n’ont été mises à notre disposition que fin janvier-début février, alors que la rentrée s’est effectuée en octobre. Habituellement, on les remplit bien avant d’aller en vacances. Au plus tard le 31 juillet, tout est bouclé», nuance-t-il.
Ils se voient obligés de veiller au sein de l’Insaac
Depuis la fin juin dernier, les étudiants composent. Certains d’entre eux ont le sentiment d’avoir été oubliés ou sacrifiés par un système. Ils portent des fardeaux de dettes dans leur âme, faute d’avoir perçus leurs bourses sous le drapeau d’un pays où l’on a pourtant décrété des pluies de milliards. Dans un souci de mieux préparer leurs examens, ils se voient obligés de veiller au sein de l’Insaac pour profiter du peu de matériel que l’établissement leur offre et qui est d’ailleurs insuffisant et obsolète comme tiré du fond des âges. Issus de familles pauvres ou aux revenus modestes, ces étudiants d’une Côte d’Ivoire nouvelle déjà vieille de plus d’un an n’ont pas le minimum pour s’acheter ce qu’il leur fallait pour se préparer tranquillement chez eux, en famille. Or ils doivent composer pour avoir leur diplôme et aider leurs parents à se relever, tout en songeant à assurer leur propre futur.
Tirant les conséquences de cette situation pour le moins surprenant dans un pays aux solutions magiques, un enseignant, estime que cela ne doit pas continuer comme ça. «Les étudiants ont besoin d’acheter leur matériel d’études. Les bourses, c’est pour ça. Aujourd’hui, ils vont à l’examen diminués parce qu’il n’y pas eu la part de l’Etat», condamne cet autre témoin du drame des étudiants de l’Insaac.
«On est fatigué avec ces histoires interminables de bourses impayées qui s’accumulent de mois en mois. On est fatigués parce que depuis le début de l’année, nos parents ne font que se saigner à blanc, alors que ces bourses devaient permettre de les soutenir dans le financement de nos études vraiment coûteuses. Nous étudiants de la quatrième année, composons du 15 au 20 juillet prochain. Nos amis de l’Enm ont déjà commencé, ceux de l’Entd…également. Nous sommes livrés à nous-mêmes dans des conditions calamiteuses. A quoi nous serviront ces bourses si l’on doit nous les payer à la fin de l’année académique ?». Cri de détresse d’un autre étudiant de l’Ecole des beaux arts.
Tout un programme symptomatique d’un pouvoir imprévisible.
Schadé Adédé
schadeci@yahoo.fr