C’est la honte. C’est aussi une révélation. Personne ne doit s’en offusquer. Bien au contraire. C’est une occasion d’applaudir des deux mains et par des hourras. Les résultats des examens scolaires ici et ailleurs, sur le contient, montrent, on ne peut plus, que les pays africains ont décidé d’aller vers l’excellence. Je ne sais pas si cette prise de conscience est dictée par les bailleurs de fonds, mais depuis deux ans environ, les échecs scolaires sur le contient sont à des taux très élevés. Que se passait-il donc pour que les années passées les résultats soient positifs ? Inutile de tourner autour du pot. Il faut le dire. Que de tricheries se passaient dans les examens et concours dans les pays africains. Sacrilège ! Malgré la campagne, cette année, pour combattre la tricherie, des enseignants ont demandé à des candidats de l’argent à des oraux ou à des écrits. Des professeurs, des instituteurs ont tenté d’arranger leurs copines. Tout le monde le sait. Le piège n’a pas fonctionné parfaitement. Beaucoup ont réussi à passer à travers les mailles. Malgré la vigilance de cette année on se pose alors la question de savoir combien de candidats ont réussi « brillamment », disons, frauduleusement les années passées ? Tout est à revoir dans nos pays. C’est impossible de continuer ainsi avec des millions de « faux » diplômés installés dans tous les rouages de l’administration et du privé. Déjà en 1999, le Président Nicéphore Soglo tirait la sonnette d’alarme : « Le désastre est non seulement économique et financier, mais également moral, spirituel. Les gens ont perdu l’habitude de travailler. Ils sont dans les bureaux, ils se lèvent -c’est l’expression- et vont faire autre chose pendant les heures de service…Reconstruire une nation n’est pas seulement un problème matériel. Il s’agit aussi de refaire la personnalité des hommes. Malheureusement en Afrique, on fait du quantitatif en matière de formation. Les gens ont des licences, des maîtrises partout. Mais beaucoup ont le titre, pas la substance. On les appelle même des infirmes intellectuels. » Nicéphore Soglo fait partie des africains dont le père et la mère se levaient à quatre heures du matin. Il fait partie d’une génération où les parents ne pouvaient même pas imaginer qu’on puisse donner de l’argent à son fils pour corrompre l’enseignant à un examen. Il faisait partie d’une génération d’Africains qui ont vu leurs parents se sacrifier pour le travail, gagner leur pain par la sueur de leur front. Comment et quand presque toute l’Afrique a basculé dans la paresse, la fainéantise et la corruption ? Comment et pourquoi un parent d’élève donne les moyens à son fils pour tricher et non étudier ? Tout cela a-t-il commencé en quelles années ? Le désastre actuel a pour cause principale les parents. Il suffit de se rendre dans certaines familles pour faire le constat. Les enfants sont dans une grande liberté dans les maisons. Les parents n’ont plus d’autorité. Les mamans, gardiennes du foyer, sont devenues des copines de leurs enfants. Elles osent parler des copains de leurs filles en rigolant. On ne prive pas les enfants de nombreuses choses dès la rentrée scolaire. La télévision remplace les exercices. Que de candidats perdent toute énergie dans les études après des heures assises devant la télé ? Dans tous les cas, étudier n’a plus d’importance. « Tout le monde sait qu’on paie les diplômes. » Pour avoir un travail, de nombreux responsables offrent un emploi et la promotion en échange du sexe. Et puis pourquoi étudier, des exemples d’analphabètes devenus riches par le commerce, le sport et la musique ne poussent pas au travail scolaire. Tout ce qui compte c’est l’argent. L’argent n’a pas d’odeur. Il faut tricher. J’accuse les parents et la télévision. Le drame est d’une gravité incroyable. Il faut absolument passer par un acte de rédemption durant des décennies écoulées pour sortir du marasme qu’il faut arrêter. Désigner des experts venus de l’occident pour travailler sur les copies et les résultats des examens de ces quinze dernières années. Pour dire tout simplement combien de candidats avaient été réellement admis ? Toute l‘Afrique doit le savoir. Il ne s’agit plus d’arracher des diplômes mais de dire tout simplement que beaucoup de personnes, en pourcentage, n’ont pas été admis. Qu’ils sachent qu’ils ont commis des crimes intellectuels. En marchant dans la rue ou assis dans leurs bureaux, ils doivent se juger en âme et conscience. Ainsi ils ne reproduiront plus les mêmes erreurs avec leurs enfants. La tâche est hyper immense de faire de nos états des pays émergents. Il faut repartir à la base pour diagnostiquer les maux et trouver une solution rapide à la formation continue de millions de personnes qui n’ont pas été formées pour l’emploi qu’ils exercent. Comment arriver à couper l’Africain de sa passion maladive du matériel, de l’argent et du sexe qui sont les causes de tous ces malaises qui ont créé les tricheries aux examens. Assurément il ne s’agit pas de solutions cosmétiques. Pour le moment, applaudissons aux résultats des examens et concours dans nos pays. Pas à se larmoyer. Mais cette rigueur va-t-elle durer à Bamako, Conakry, Abidjan, Ndjamena ? Pourvu que ça dure car l’Afrique est presque sans espoir avec tout le boulet qu’elle traîne par une éducation dévoyée depuis des années. Ainsi va l’Afrique, à la semaine prochaine.
Par Isaïe Biton Koulibaly
Par Isaïe Biton Koulibaly