Les Kabila père et fils ont sans doute fait entrer le loup dans la bergerie congolaise. Comme on le dit prosaïquement, le Rwanda se paie sur la bête et ce depuis plus de 20 ans. L’Est de la RDC : richesse minière, objet de convoitise des voisins et des rapaces internationaux sans compter la dimension ethnique. Equation insolvable ?
Du CNDP au M23
Comme en 2008, le Nord Kivu est de nouveau rentré en éruption. Cela fait maintenant quatre mois que le Mouvement du 23 mars 2009 (M23) a repris le chemin des armes le long des frontières que la RDC a en partage avec ses voisins : l’Ouganda et le Rwanda.
Comme un volcan en sommeil et qui se réveille aujourd’hui, cette guerre charrie son cortège d’horreurs : des centaines de morts dont des civils, des femmes violées, des centaines de millier de réfugiés sur les routes pour tenter de s’éloigner des zones de combat. Plus le conflit se durcit et s’étire en longueur, les défections de part et d’autre obligent les belligérants à élargir leur base de recrutement ; ainsi la tentation est grande de vouloir recruter des enfants soldats ou de faire des appels de pied aux anciennes milices.
Le M23 est une émanation du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) dirigé par le général Laurent Nkunda. Dans cette région du Kivu vivent depuis fort longtemps des rwandais en majorité des tutsis qui ont revendiqué la nationalité congolaise, au lendemain de l’Indépendance du Zaïre, que le maréchal Mobutu finit par leur donner en 1972. Bien qu’ils se considèrent comme des congolais à part entière, il existe toujours chez eux cet élan de patriotisme, cette fibre tutsie car ils sont toujours jugés comme des citoyens de seconde zone en RDC. Et aussi cette fierté qui les rattachent au pays ; donc du pouvoir de Paul Kagamé à Kigali.
D’ailleurs, Laurent Nkunda est un pur produit du Front Patriotique Rwandais (FPR) tout en étant membre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). L’enfant du Nord-Kivu faisait partie de l’armée de Paul Kagamé qui a marché sur Kigali en juillet 1994. Les réfugiés hutus en RDC qui ont créée l’Armée de Libération du Rwanda (ALR) – devenue en 2000 FDLR – et les milices Interahamwes sont ses principaux ennemis. En 1997, il participa activement au triomphe de Laurent Désiré Kabila (Mzee) qui débouta Mobutu de son trône. Laurent Nkunda ne marcha pas jusqu’à Kinshasa mais on lui confia le contrôle de la province orientale et surtout de couver un certain Joseph Kabila.
A l’arrivée au pouvoir de Mzee, les combattants rwandais sont intégrés au sein des Forces Armées Congolaises. Mais Mzee s’est senti envahi par ses anciens alliés et finît par rompre avec le président Paul Kagamé. Ce fût la 2nde guerre civile de 1998 qui opposa les soldats congolais et ses supplétifs pour essayer de repousser les rwandais hors de la RDC. Militaire aguerri, Laurent Nkunda « le général renégat » est soupçonné d’être le responsable de plusieurs exactions, d’enrôlement d’enfants-soldats et de crimes contre l’humanité dans la province Est. Mais il a toujours le soutien du Rwanda. Il a donné du fil à retordre aux congolais jusqu’en 2004 et même au-delà c’est-à-dire en 2009. Il créa alors le CNDP qui contrôlait le Nord-Kivu. Il avait de l’ambition pour ce mouvement militaro-politique qui à terme, selon lui, deviendrait autonome et revendiquerait un territoire : un « tutsi land ». Le CNDP est structuré administrativement et se finançait par les gabelles prélevées sur le commerce, le cheptel ainsi que d’exploitation clandestine de minerais de la région. En 2007, à son apogée, fort de 5 à 7.000 hommes le général Nkunda voulait s’emparer de ville de Goma avec ses lieutenants sanguinaires et réputés comme Kakokele et Bosco Ntaganda qui l’ont rejoint en 2000.
L’ombre portée par le CNDP et la réputation sulfureuse de « terminator » Bosco Ntaganda finirent par inquiéter la communauté internationale. Car, mieux équipés et très aguerris, ses hommes pouvaient réellement menacer le pouvoir central en RDC. Les Etats-Unis ont dû exercer une amicale pression auprès de leur protégé Paul Kagamé. Donc le temps était venu pour celui-ci de donner un sens à sa fameuse phrase proférée en 2008 : « si Nkunda devenait un problème pour le Rwanda, je saurais ce qu’il faut faire ». Ce dernier finît par lâcher son lieutenant. Concomitamment, la CPI lança un mandat d’arrêt international contre Bosco Ntaganda pour enrôlement d’enfants-soldats en Ituri. Pour échapper à ce triste sort, ce dernier négocia secrètement son intégration au sein de l’armée congolaise. A la faveur de ce brusque renversement d’alliance, il y eût une migration d’une grande majorité d’officiers du CNDP qui penchèrent vers Bosco Ntaganda.
Dès lors, privé de son état-major, les jours de Laurent Nkunda étaient comptés. Une coalition des deux armées - congolaise et rwandaise - commençait à traquer celui-ci ; jusqu’à son arrestation en janvier 2009.
L’accord entre le CNDP et le gouvernement de Joseph Kabila pour mettre fin à la rébellion par l’intégration du mouvement politico-militaire dans la société congolaise fut signé le 23 mars 2009 dans la capitale de la province, Goma !
La résurgence de la violence actuelle
Les soldats rebelles furent ainsi intégrer au sein de la FARDC et la branche politique du CNDP rallie l’écurie de l’Alliance pour la Majorité Présidentielle de Joseph Kabila. Cet attelage marcha cahin-caha car dès septembre 2010, les officiers de l’ancien mouvement paramilitaire faisaient état du peu de considérations à leurs égards pour dénoncer une sorte de tribaliste au sein de la grande muette. Et surtout les moyens promis pour leur permettre de chasser leurs ennemis jurés, les hutus du FDLR, n’ont pas été à la hauteur de ce qu’ils attendaient.
Après les élections présidentielles et législatives de novembre 2011, le président Joseph Kabila avait sans doute commis les mêmes erreurs que son père. Reconduit pour un nouveau mandat de cinq ans, il a voulu se débarrasser de cet allié encombrant. La communauté internationale et la CPI ont exercé une pression sur le gouvernement congolais lequel se voyait reprocher une protection bienveillante à l’égard du général Bosco Ntaganda.
Mais l’enclavement de cette région de l’Est (Masisi) a également empêché le bon déroulement du scrutin. Les matériels électoraux (isoloirs, bulletins de vote) n’ont pas pu être acheminés à temps. Les élections ont été entachées d’irrégularités et même des foyers de tension se sont alors embrasés faisant plusieurs blessés.
Résultat : la CENI a purement annulé les résultats des élections législatives dans cette région de l’Est. Le CNDP soupçonne alors le président sortant d’une part d’avoir gagné grâce aux fraudes et d’autre part de leur avoir surtout privé de représentants au sein de l’Assemblée Nationale.
Le M23 joue désormais sur deux tableaux : d’abord politique en demandant au gouvernement congolais de respecter les accords passés ; ensuite sur le terrain militaire.
Plutôt que d’attendre de se faire livrer par les autorités congolaises à la CPI, le général Bosco Ntaganda a préféré prendre le maquis en se retirant dans le parc des Virunga. L’endroit est pour le moins stratégique. Limitrophe des frontières de l’Ouganda et du Rwanda, de plus il est difficile d’accès, il sert aussi de base-arrière pour acheminer des armes, des pick-ups et du matériel neuf des deux voisins de la RDC. Les FARDC en guenilles, mal équipées ne font pas le poids face à des soldats déterminés et qui sont rompus à ce genre de guérilla. En juillet dernier, les hélicoptères de la MONUSCO ont été obligés de se déployer pour freiner l’avancée des mutins à Kibumba, verrou stratégique avant la ville de Goma.
Le M23 comme sa branche aînée le CNDP essaye d’avoir le cœur de la population dans les villes qu’il occupe au fur et à mesure de leur conquête. A coup de déclarations, il annonce l’instauration d’une administration qui se substituerait à l’Etat central défaillant.
Paul Kagamé mis au ban des nations ?
Les Nations-Unies ont enfin eu le courage de dénoncer le soutien de Kigali aux forces rebelles du M23. Lorsque Joseph Kabila qualifie de « secret de polichinelle » le soutien du Rwanda à la création du M23, son homologue Paul Kagamé rétorque qu’il ferait mieux de gérer les problèmes internes au Congo que de trouver un bouc-émissaire.
A quoi sert la Conférence Internationale sur les Grands Lacs (CIRGL) ? Les ministres des Affaires Etrangères et les chefs d’Etats de la région des Grands Lacs voguent de réunion en réunion pour évoquer la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Cette question a même fait l’objet d’une session extraordinaire en marge du Sommet de l’UA en juillet dernier à Addis-Abeba. La CIRGL a décidé de l’envoi d’une force neutre financé par l’UA et les Nations-Unies alors que l’Ouganda et le Rwanda, membres de ladite CIRGL ne cessent d’envoyer des nouveaux moyens logistiques pour affaiblir encore plus la RDC. Chercher l’erreur !
Et la MONUSCO ? Si les Nations-Unies avaient voulu en finir avec ce conflit qui, en deux décennies, a fait des millions de morts elles se seraient prises autrement. Ce qui laisse toujours penser qu’il y a des intérêts des puissances industrielles occidentales à cette situation humanitaire désastreuse.
La condamnation unanime de Paul Kagamé est assez inédite pour qu’elle mérite d’être mentionnée. Du Conseil de Sécurité de l’ONU à la Belgique en passant par la Grande-Bretagne, tous dénoncent aujourd’hui, l’attitude du Rwanda qui ne cesse d’entretenir un foyer d’insurrection pour arriver à ses fins : avoir la main mise sur la richesse minière d’une partie de la province orientale de la RDC. Historiquement, Kigali considère qu’elle lui appartient. Désolé, mais votre serviteur sera encore obligé de vous ressasser sa marotte sur le partage du continent africain par les puissances coloniales lors de la conférence de Berlin en 1885. Cette intangibilité des frontières fût ensuite gravée dans le marbre par l’OUA en 1963. Le Rwanda et le Burundi étaient rattachés à la Tanzanie qui était une possession allemande. La défaite de l’Allemagne lors de la 1ère Guerre Mondiale a permis au Royaume de Belgique de récupérer le Rwanda et le Burundi. Et les rwandais souhaitent recouvrer une partie de leur terre qui aurait été passée de l’autre côte de la frontière zaïroise.
Signe du temps : la secrétaire d’Etat américain Hillary Clinton, lors de sa tournée estivale chez les « alliés » et les « démocrates » africains n’a pas fait escale à Kigali. Les Etats-Unis, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont décidé de geler leurs aides au développement en faveur du Rwanda. Le président Paul Kagamé réplique par la fameuse Agaciro (littéralement la dignité). Cette initiative fait appel au sens du patriotisme pour les rwandais de l’intérieur comme de l’extérieur. Il s’agit de lancement d’un fonds de solidarité pour s’affranchir des aides étrangères. Même si cette initiative était déjà dans les cartons depuis un an, elle s’apparente plutôt à une campagne de communication car les moyens et les objectifs à moyen terme ne sont pas encore définis.
La poudrière de l’Afrique Centrale
Voilà plus de 20 ans déjà que cette région-là de l’Afrique n’a pas connu une paix durable. L’axe des Grands Lacs est sujet à de tensions permanentes en raison de facteurs ethniques, économiques et géopolitiques. Une accalmie à court terme est dans l’ordre du possible. Le désarmement des différentes factions rebelles encore moins les médiations internationales et autres tentatives de règlements frontaliers n’ont jamais pu juguler définitivement le conflit. La RDC finira peut-être un jour par se faire « balkaniser » ?
Lamine THIAM
Du CNDP au M23
Comme en 2008, le Nord Kivu est de nouveau rentré en éruption. Cela fait maintenant quatre mois que le Mouvement du 23 mars 2009 (M23) a repris le chemin des armes le long des frontières que la RDC a en partage avec ses voisins : l’Ouganda et le Rwanda.
Comme un volcan en sommeil et qui se réveille aujourd’hui, cette guerre charrie son cortège d’horreurs : des centaines de morts dont des civils, des femmes violées, des centaines de millier de réfugiés sur les routes pour tenter de s’éloigner des zones de combat. Plus le conflit se durcit et s’étire en longueur, les défections de part et d’autre obligent les belligérants à élargir leur base de recrutement ; ainsi la tentation est grande de vouloir recruter des enfants soldats ou de faire des appels de pied aux anciennes milices.
Le M23 est une émanation du Congrès National pour la Défense du Peuple (CNDP) dirigé par le général Laurent Nkunda. Dans cette région du Kivu vivent depuis fort longtemps des rwandais en majorité des tutsis qui ont revendiqué la nationalité congolaise, au lendemain de l’Indépendance du Zaïre, que le maréchal Mobutu finit par leur donner en 1972. Bien qu’ils se considèrent comme des congolais à part entière, il existe toujours chez eux cet élan de patriotisme, cette fibre tutsie car ils sont toujours jugés comme des citoyens de seconde zone en RDC. Et aussi cette fierté qui les rattachent au pays ; donc du pouvoir de Paul Kagamé à Kigali.
D’ailleurs, Laurent Nkunda est un pur produit du Front Patriotique Rwandais (FPR) tout en étant membre du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). L’enfant du Nord-Kivu faisait partie de l’armée de Paul Kagamé qui a marché sur Kigali en juillet 1994. Les réfugiés hutus en RDC qui ont créée l’Armée de Libération du Rwanda (ALR) – devenue en 2000 FDLR – et les milices Interahamwes sont ses principaux ennemis. En 1997, il participa activement au triomphe de Laurent Désiré Kabila (Mzee) qui débouta Mobutu de son trône. Laurent Nkunda ne marcha pas jusqu’à Kinshasa mais on lui confia le contrôle de la province orientale et surtout de couver un certain Joseph Kabila.
A l’arrivée au pouvoir de Mzee, les combattants rwandais sont intégrés au sein des Forces Armées Congolaises. Mais Mzee s’est senti envahi par ses anciens alliés et finît par rompre avec le président Paul Kagamé. Ce fût la 2nde guerre civile de 1998 qui opposa les soldats congolais et ses supplétifs pour essayer de repousser les rwandais hors de la RDC. Militaire aguerri, Laurent Nkunda « le général renégat » est soupçonné d’être le responsable de plusieurs exactions, d’enrôlement d’enfants-soldats et de crimes contre l’humanité dans la province Est. Mais il a toujours le soutien du Rwanda. Il a donné du fil à retordre aux congolais jusqu’en 2004 et même au-delà c’est-à-dire en 2009. Il créa alors le CNDP qui contrôlait le Nord-Kivu. Il avait de l’ambition pour ce mouvement militaro-politique qui à terme, selon lui, deviendrait autonome et revendiquerait un territoire : un « tutsi land ». Le CNDP est structuré administrativement et se finançait par les gabelles prélevées sur le commerce, le cheptel ainsi que d’exploitation clandestine de minerais de la région. En 2007, à son apogée, fort de 5 à 7.000 hommes le général Nkunda voulait s’emparer de ville de Goma avec ses lieutenants sanguinaires et réputés comme Kakokele et Bosco Ntaganda qui l’ont rejoint en 2000.
L’ombre portée par le CNDP et la réputation sulfureuse de « terminator » Bosco Ntaganda finirent par inquiéter la communauté internationale. Car, mieux équipés et très aguerris, ses hommes pouvaient réellement menacer le pouvoir central en RDC. Les Etats-Unis ont dû exercer une amicale pression auprès de leur protégé Paul Kagamé. Donc le temps était venu pour celui-ci de donner un sens à sa fameuse phrase proférée en 2008 : « si Nkunda devenait un problème pour le Rwanda, je saurais ce qu’il faut faire ». Ce dernier finît par lâcher son lieutenant. Concomitamment, la CPI lança un mandat d’arrêt international contre Bosco Ntaganda pour enrôlement d’enfants-soldats en Ituri. Pour échapper à ce triste sort, ce dernier négocia secrètement son intégration au sein de l’armée congolaise. A la faveur de ce brusque renversement d’alliance, il y eût une migration d’une grande majorité d’officiers du CNDP qui penchèrent vers Bosco Ntaganda.
Dès lors, privé de son état-major, les jours de Laurent Nkunda étaient comptés. Une coalition des deux armées - congolaise et rwandaise - commençait à traquer celui-ci ; jusqu’à son arrestation en janvier 2009.
L’accord entre le CNDP et le gouvernement de Joseph Kabila pour mettre fin à la rébellion par l’intégration du mouvement politico-militaire dans la société congolaise fut signé le 23 mars 2009 dans la capitale de la province, Goma !
La résurgence de la violence actuelle
Les soldats rebelles furent ainsi intégrer au sein de la FARDC et la branche politique du CNDP rallie l’écurie de l’Alliance pour la Majorité Présidentielle de Joseph Kabila. Cet attelage marcha cahin-caha car dès septembre 2010, les officiers de l’ancien mouvement paramilitaire faisaient état du peu de considérations à leurs égards pour dénoncer une sorte de tribaliste au sein de la grande muette. Et surtout les moyens promis pour leur permettre de chasser leurs ennemis jurés, les hutus du FDLR, n’ont pas été à la hauteur de ce qu’ils attendaient.
Après les élections présidentielles et législatives de novembre 2011, le président Joseph Kabila avait sans doute commis les mêmes erreurs que son père. Reconduit pour un nouveau mandat de cinq ans, il a voulu se débarrasser de cet allié encombrant. La communauté internationale et la CPI ont exercé une pression sur le gouvernement congolais lequel se voyait reprocher une protection bienveillante à l’égard du général Bosco Ntaganda.
Mais l’enclavement de cette région de l’Est (Masisi) a également empêché le bon déroulement du scrutin. Les matériels électoraux (isoloirs, bulletins de vote) n’ont pas pu être acheminés à temps. Les élections ont été entachées d’irrégularités et même des foyers de tension se sont alors embrasés faisant plusieurs blessés.
Résultat : la CENI a purement annulé les résultats des élections législatives dans cette région de l’Est. Le CNDP soupçonne alors le président sortant d’une part d’avoir gagné grâce aux fraudes et d’autre part de leur avoir surtout privé de représentants au sein de l’Assemblée Nationale.
Le M23 joue désormais sur deux tableaux : d’abord politique en demandant au gouvernement congolais de respecter les accords passés ; ensuite sur le terrain militaire.
Plutôt que d’attendre de se faire livrer par les autorités congolaises à la CPI, le général Bosco Ntaganda a préféré prendre le maquis en se retirant dans le parc des Virunga. L’endroit est pour le moins stratégique. Limitrophe des frontières de l’Ouganda et du Rwanda, de plus il est difficile d’accès, il sert aussi de base-arrière pour acheminer des armes, des pick-ups et du matériel neuf des deux voisins de la RDC. Les FARDC en guenilles, mal équipées ne font pas le poids face à des soldats déterminés et qui sont rompus à ce genre de guérilla. En juillet dernier, les hélicoptères de la MONUSCO ont été obligés de se déployer pour freiner l’avancée des mutins à Kibumba, verrou stratégique avant la ville de Goma.
Le M23 comme sa branche aînée le CNDP essaye d’avoir le cœur de la population dans les villes qu’il occupe au fur et à mesure de leur conquête. A coup de déclarations, il annonce l’instauration d’une administration qui se substituerait à l’Etat central défaillant.
Paul Kagamé mis au ban des nations ?
Les Nations-Unies ont enfin eu le courage de dénoncer le soutien de Kigali aux forces rebelles du M23. Lorsque Joseph Kabila qualifie de « secret de polichinelle » le soutien du Rwanda à la création du M23, son homologue Paul Kagamé rétorque qu’il ferait mieux de gérer les problèmes internes au Congo que de trouver un bouc-émissaire.
A quoi sert la Conférence Internationale sur les Grands Lacs (CIRGL) ? Les ministres des Affaires Etrangères et les chefs d’Etats de la région des Grands Lacs voguent de réunion en réunion pour évoquer la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC. Cette question a même fait l’objet d’une session extraordinaire en marge du Sommet de l’UA en juillet dernier à Addis-Abeba. La CIRGL a décidé de l’envoi d’une force neutre financé par l’UA et les Nations-Unies alors que l’Ouganda et le Rwanda, membres de ladite CIRGL ne cessent d’envoyer des nouveaux moyens logistiques pour affaiblir encore plus la RDC. Chercher l’erreur !
Et la MONUSCO ? Si les Nations-Unies avaient voulu en finir avec ce conflit qui, en deux décennies, a fait des millions de morts elles se seraient prises autrement. Ce qui laisse toujours penser qu’il y a des intérêts des puissances industrielles occidentales à cette situation humanitaire désastreuse.
La condamnation unanime de Paul Kagamé est assez inédite pour qu’elle mérite d’être mentionnée. Du Conseil de Sécurité de l’ONU à la Belgique en passant par la Grande-Bretagne, tous dénoncent aujourd’hui, l’attitude du Rwanda qui ne cesse d’entretenir un foyer d’insurrection pour arriver à ses fins : avoir la main mise sur la richesse minière d’une partie de la province orientale de la RDC. Historiquement, Kigali considère qu’elle lui appartient. Désolé, mais votre serviteur sera encore obligé de vous ressasser sa marotte sur le partage du continent africain par les puissances coloniales lors de la conférence de Berlin en 1885. Cette intangibilité des frontières fût ensuite gravée dans le marbre par l’OUA en 1963. Le Rwanda et le Burundi étaient rattachés à la Tanzanie qui était une possession allemande. La défaite de l’Allemagne lors de la 1ère Guerre Mondiale a permis au Royaume de Belgique de récupérer le Rwanda et le Burundi. Et les rwandais souhaitent recouvrer une partie de leur terre qui aurait été passée de l’autre côte de la frontière zaïroise.
Signe du temps : la secrétaire d’Etat américain Hillary Clinton, lors de sa tournée estivale chez les « alliés » et les « démocrates » africains n’a pas fait escale à Kigali. Les Etats-Unis, la Suède, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont décidé de geler leurs aides au développement en faveur du Rwanda. Le président Paul Kagamé réplique par la fameuse Agaciro (littéralement la dignité). Cette initiative fait appel au sens du patriotisme pour les rwandais de l’intérieur comme de l’extérieur. Il s’agit de lancement d’un fonds de solidarité pour s’affranchir des aides étrangères. Même si cette initiative était déjà dans les cartons depuis un an, elle s’apparente plutôt à une campagne de communication car les moyens et les objectifs à moyen terme ne sont pas encore définis.
La poudrière de l’Afrique Centrale
Voilà plus de 20 ans déjà que cette région-là de l’Afrique n’a pas connu une paix durable. L’axe des Grands Lacs est sujet à de tensions permanentes en raison de facteurs ethniques, économiques et géopolitiques. Une accalmie à court terme est dans l’ordre du possible. Le désarmement des différentes factions rebelles encore moins les médiations internationales et autres tentatives de règlements frontaliers n’ont jamais pu juguler définitivement le conflit. La RDC finira peut-être un jour par se faire « balkaniser » ?
Lamine THIAM