L’aventure, dit-on, a ses réalités, et celles-ci ne sont pas parfois très plaisantes. C’est le cas pour les étudiants ivoiriens partis chercher le savoir en Inde. De passage à Abidjan, le président de leur association M. Yves Moro Kacou s’est rendu dans nos locaux pour égrener leurs difficultés. Entretien.
Le Patriote : Combien d’Ivoiriens étudient en Inde ?
Yves Moro Kacou : Nous sommes environ 1200 étudiants ivoiriens en Inde. Beaucoup sont dans des universités affiliées à Bangalore University. C’est l’instance décisionnelle qui gère toutes les questions concernant l’éducation en Inde. Lorsque l’université est affiliée à Bangalore University, l’étudiant peut rester en Inde pour faire tous ses papiers de police et étendre son visa pour une durée de quatre ans minimum. Lorsque ce n’est pas le cas, l’étudiant est obligé de revenir chaque année en Côte d’Ivoire pour prendre un nouveau visa.
LP : Tous ces étudiants bénéficient-ils de bourses de l’Etat ivoirien ?
YMK : Non, seul un petit nombre d’entre eux bénéficient de bourses octroyées par l’Etat ivoirien. 80% des étudiants ont été envoyés par leurs parents, dans l’espoir d’avoir une formation de qualité. Étant donné que l’Inde est un pays où l’informatique est très développée.
LP : Pourquoi avoir senti le besoin de créer une association d’étudiants ivoiriens en Inde ?
YMK : L’association existe depuis 2000, bien avant notre arrivée en Inde. Elle a été créée dans l’optique de permettre à l’étudiant ivoirien d’aplanir ses difficultés, mais aussi de s’intégrer en Inde et de mieux s’orienter. En effet, il y a des personnes qui font croire qu’elles peuvent trouver les meilleures universités pour les nouveaux bacheliers. Elles prennent de l’argent avec les parents, mais, en réalité, c’est du faux. Ces personnes font du profit sur le dos des étudiants. Elles s’arrangent avec les universités. Par exemple, l’université ou l’école peut lui verser 500 000FCFA pour chaque étudiant envoyé. Mais, une fois que l’étudiant arrive et qu’il se rend compte que l’école choisie n’est pas une bonne école, il est impossible pour lui de changer d’établissement. Il y a des écoles en Inde où lorsque l’étudiant n’arrive pas à payer la scolarité avant le 05 du mois, on lui inflige une pénalité de 10 000 FCFA par jour. De telle sorte que l’étudiant se retrouve à payer une scolarité qui ne finit jamais. Nous avons répertorié ces écoles. C’est pourquoi, nous demandons à tous ceux qui veulent aller étudier en Inde de s’adresser à l’Ambassade de Côte d’Ivoire, qui, à son tour, lui donne les contacts de l’association et nous le guidons dans ses choix.
LP : Au quotidien quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
YMK: Elles sont énormes. Les boursiers de l’Etat ont des difficultés du fait que les bourses arrivent en retard. Actuellement où je vous parle (ndlr l’interview a été réalisée le lundi 10 septembre dernier), les bourses au titre de l’année académique 2010-2011 ne sont pas encore arrivées. Les étudiants, qui sont partis à leurs propres frais, ont également des problèmes. Du fait de la crise postélectorale, beaucoup de parents n’arrivent plus à envoyer de l’argent à leurs enfants. Ceux-ci ont donc été renvoyés de leur université et de leur maison. Grâce à la solidarité qui règne en notre sein, nous les logeons chez d’autres étudiants ivoiriens. Mais, au bout de trois à cinq jours, ces derniers à leur tour sont obligés de les lâcher car les charges sont élevées. Il y a également le cas de certains étudiants qui ont fini les études et veulent revenir au pays, mais n’ont même pas l’argent pour s’acheter le billet d’avion.
LP : Et au niveau de l’intégration dans la vie sociopolitique en Inde ?
YMK : Nous avons vraiment des difficultés à ce niveau. C’est difficile et même honteux à dire, mais nous sommes parfois battus dans les rues en Inde. C’est pourquoi, nous voulons que les autorités ivoiriennes approchent leurs homologues de l’Inde afin que des mesures soient prises pour nous protéger. Lorsqu’un Indien percute, par exemple, la voiture ou la moto d’un étudiant ivoirien, les Indiens battent l’étudiant ivoirien et lui font payer les frais de dédommagement au profit de leur compatriote même s’il est coupable. Nous avons recueilli des étudiants qui ont été battus et jetés dans des caniveaux. Il y a également le problème de loyer. En Inde, il faut payer onze mois de caution avant d’obtenir les clefs d’une maison. Et, dans la plupart des cas, lorsqu’ils font les inventaires, il y a des abus, et on nous présente de fausses factures. Nous ne pouvons nous plaindre car la police collabore avec ces personnes. Nous ne pouvons citer toutes les humiliations.
LP : L’Ambassade ne vous aide t-elle pas ?
YMK : Chaque fois que nous saisissons l’Ambassade, l’ambassadeur, son Excellence Sainy Tiémélé répond toujours qu’il n’a pas de fonds pour les cas sociaux. Le cas qui nous a vraiment marqué, est celui d’un étudiant ivoirien qui a eu des problèmes psychiques. J’étais en classe lorsqu’on m’a appelé. L’étudiant ne se souvenait de rien. Il était devenu fou. Son propriétaire l’a vidé de sa maison. Il était également dans une situation d’irrégularité. Nous avons saisi l’Ambassadeur pour lui exposer le problème. Il a répondu qu’il n’y avait pas de fonds dans la caisse pour nous aider. J’ai dû le recueillir chez moi pendant trois mois. Le temps de faire ses papiers pour son rapatriement en Côte d’Ivoire. Mais, pendant tout le temps qu’il était chez moi, il piquait des crises, il cassait tout, des témoins sont là pour attester les faits. J’étais obligé de cacher les couteaux afin qu’il ne me fasse pas du mal. Nous avons dû cotiser pour l’interner et appeler à la rescousse les parents afin qu’ils envoient de l’argent pour son rapatriement. Mais, les parents qui ne s’attendaient pas à une telle situation, nous ont demandé de le garder quelques jours encore.
LP : Vu les difficultés auxquelles vous êtes confrontés, quel message lancez-vous à l’endroit du gouvernement ivoirien ?
YMK : Avant toute chose, je voudrais féliciter le Président de la République. J’étais à l’ouverture de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Il n’y a rien à dire, c’est époustouflant. Je n’ai jamais imaginé que l’Université pouvait être aussi belle et bien encadrée de la sorte. Le Chef de l’Etat a dit que la formation de la jeunesse est sa priorité. Nous sommes allés en Inde dans l’espoir d’avoir une formation de qualité, comme il l’a fait en partant aux Etats-Unis. Nous espérons mettre notre compétence au service de notre pays. Beaucoup d’entre nous sont qualifiés en SISCO, en Net Working, en base de données, en ORACLE, etc. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement. Nous demandons au chef de l’Etat d’accorder une oreille attentive aux étudiants ivoiriens qui sont en Inde. C’est un pays différent des autres. En France, on peut travailler et payer ses études. Cela n’est pas possible en Inde. Tous ceux qui travaillaient ont été rapatriés, sous prétexte qu’ils doivent toucher au moins un salaire d’un million de FCFA par mois. Nous demandons à l’Etat de nous aider à mettre en place une assurance. Pour qu’au moins, les problèmes d’accidents soient réglés. Nous demandons également au gouvernement d’octroyer des bourses aux étudiants partis de leurs propres frais, mais qui n’ont plus les moyens pour poursuivre leurs études. Nous sommes là-bas avec les étudiants congolais, éthiopiens et tanzaniens. Nous voyons comment leurs Ambassades s’occupent d’eux quand ils ont des problèmes. Par exemple quand un étudiant congolais n’arrive plus à payer sa scolarité, l’Ambassade lui vient en aide en payant le reste de la scolarité.
Aujourd’hui, le Président de la République appelle tous les Ivoiriens à rentrer pour mettre leur savoir au service du pays, mais comment un étudiant peut rentrer travailler dans son pays, si lorsqu’il avait besoin de son pays, le pays n’était pas là. Ceux, qui ont fini leurs études, partent travailler en Afrique du Sud, d’autres vont aux Philippines ou à Dubaï.
DM
Le Patriote : Combien d’Ivoiriens étudient en Inde ?
Yves Moro Kacou : Nous sommes environ 1200 étudiants ivoiriens en Inde. Beaucoup sont dans des universités affiliées à Bangalore University. C’est l’instance décisionnelle qui gère toutes les questions concernant l’éducation en Inde. Lorsque l’université est affiliée à Bangalore University, l’étudiant peut rester en Inde pour faire tous ses papiers de police et étendre son visa pour une durée de quatre ans minimum. Lorsque ce n’est pas le cas, l’étudiant est obligé de revenir chaque année en Côte d’Ivoire pour prendre un nouveau visa.
LP : Tous ces étudiants bénéficient-ils de bourses de l’Etat ivoirien ?
YMK : Non, seul un petit nombre d’entre eux bénéficient de bourses octroyées par l’Etat ivoirien. 80% des étudiants ont été envoyés par leurs parents, dans l’espoir d’avoir une formation de qualité. Étant donné que l’Inde est un pays où l’informatique est très développée.
LP : Pourquoi avoir senti le besoin de créer une association d’étudiants ivoiriens en Inde ?
YMK : L’association existe depuis 2000, bien avant notre arrivée en Inde. Elle a été créée dans l’optique de permettre à l’étudiant ivoirien d’aplanir ses difficultés, mais aussi de s’intégrer en Inde et de mieux s’orienter. En effet, il y a des personnes qui font croire qu’elles peuvent trouver les meilleures universités pour les nouveaux bacheliers. Elles prennent de l’argent avec les parents, mais, en réalité, c’est du faux. Ces personnes font du profit sur le dos des étudiants. Elles s’arrangent avec les universités. Par exemple, l’université ou l’école peut lui verser 500 000FCFA pour chaque étudiant envoyé. Mais, une fois que l’étudiant arrive et qu’il se rend compte que l’école choisie n’est pas une bonne école, il est impossible pour lui de changer d’établissement. Il y a des écoles en Inde où lorsque l’étudiant n’arrive pas à payer la scolarité avant le 05 du mois, on lui inflige une pénalité de 10 000 FCFA par jour. De telle sorte que l’étudiant se retrouve à payer une scolarité qui ne finit jamais. Nous avons répertorié ces écoles. C’est pourquoi, nous demandons à tous ceux qui veulent aller étudier en Inde de s’adresser à l’Ambassade de Côte d’Ivoire, qui, à son tour, lui donne les contacts de l’association et nous le guidons dans ses choix.
LP : Au quotidien quelles sont les difficultés que vous rencontrez ?
YMK: Elles sont énormes. Les boursiers de l’Etat ont des difficultés du fait que les bourses arrivent en retard. Actuellement où je vous parle (ndlr l’interview a été réalisée le lundi 10 septembre dernier), les bourses au titre de l’année académique 2010-2011 ne sont pas encore arrivées. Les étudiants, qui sont partis à leurs propres frais, ont également des problèmes. Du fait de la crise postélectorale, beaucoup de parents n’arrivent plus à envoyer de l’argent à leurs enfants. Ceux-ci ont donc été renvoyés de leur université et de leur maison. Grâce à la solidarité qui règne en notre sein, nous les logeons chez d’autres étudiants ivoiriens. Mais, au bout de trois à cinq jours, ces derniers à leur tour sont obligés de les lâcher car les charges sont élevées. Il y a également le cas de certains étudiants qui ont fini les études et veulent revenir au pays, mais n’ont même pas l’argent pour s’acheter le billet d’avion.
LP : Et au niveau de l’intégration dans la vie sociopolitique en Inde ?
YMK : Nous avons vraiment des difficultés à ce niveau. C’est difficile et même honteux à dire, mais nous sommes parfois battus dans les rues en Inde. C’est pourquoi, nous voulons que les autorités ivoiriennes approchent leurs homologues de l’Inde afin que des mesures soient prises pour nous protéger. Lorsqu’un Indien percute, par exemple, la voiture ou la moto d’un étudiant ivoirien, les Indiens battent l’étudiant ivoirien et lui font payer les frais de dédommagement au profit de leur compatriote même s’il est coupable. Nous avons recueilli des étudiants qui ont été battus et jetés dans des caniveaux. Il y a également le problème de loyer. En Inde, il faut payer onze mois de caution avant d’obtenir les clefs d’une maison. Et, dans la plupart des cas, lorsqu’ils font les inventaires, il y a des abus, et on nous présente de fausses factures. Nous ne pouvons nous plaindre car la police collabore avec ces personnes. Nous ne pouvons citer toutes les humiliations.
LP : L’Ambassade ne vous aide t-elle pas ?
YMK : Chaque fois que nous saisissons l’Ambassade, l’ambassadeur, son Excellence Sainy Tiémélé répond toujours qu’il n’a pas de fonds pour les cas sociaux. Le cas qui nous a vraiment marqué, est celui d’un étudiant ivoirien qui a eu des problèmes psychiques. J’étais en classe lorsqu’on m’a appelé. L’étudiant ne se souvenait de rien. Il était devenu fou. Son propriétaire l’a vidé de sa maison. Il était également dans une situation d’irrégularité. Nous avons saisi l’Ambassadeur pour lui exposer le problème. Il a répondu qu’il n’y avait pas de fonds dans la caisse pour nous aider. J’ai dû le recueillir chez moi pendant trois mois. Le temps de faire ses papiers pour son rapatriement en Côte d’Ivoire. Mais, pendant tout le temps qu’il était chez moi, il piquait des crises, il cassait tout, des témoins sont là pour attester les faits. J’étais obligé de cacher les couteaux afin qu’il ne me fasse pas du mal. Nous avons dû cotiser pour l’interner et appeler à la rescousse les parents afin qu’ils envoient de l’argent pour son rapatriement. Mais, les parents qui ne s’attendaient pas à une telle situation, nous ont demandé de le garder quelques jours encore.
LP : Vu les difficultés auxquelles vous êtes confrontés, quel message lancez-vous à l’endroit du gouvernement ivoirien ?
YMK : Avant toute chose, je voudrais féliciter le Président de la République. J’étais à l’ouverture de l’Université Félix Houphouët-Boigny. Il n’y a rien à dire, c’est époustouflant. Je n’ai jamais imaginé que l’Université pouvait être aussi belle et bien encadrée de la sorte. Le Chef de l’Etat a dit que la formation de la jeunesse est sa priorité. Nous sommes allés en Inde dans l’espoir d’avoir une formation de qualité, comme il l’a fait en partant aux Etats-Unis. Nous espérons mettre notre compétence au service de notre pays. Beaucoup d’entre nous sont qualifiés en SISCO, en Net Working, en base de données, en ORACLE, etc. Nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement. Nous demandons au chef de l’Etat d’accorder une oreille attentive aux étudiants ivoiriens qui sont en Inde. C’est un pays différent des autres. En France, on peut travailler et payer ses études. Cela n’est pas possible en Inde. Tous ceux qui travaillaient ont été rapatriés, sous prétexte qu’ils doivent toucher au moins un salaire d’un million de FCFA par mois. Nous demandons à l’Etat de nous aider à mettre en place une assurance. Pour qu’au moins, les problèmes d’accidents soient réglés. Nous demandons également au gouvernement d’octroyer des bourses aux étudiants partis de leurs propres frais, mais qui n’ont plus les moyens pour poursuivre leurs études. Nous sommes là-bas avec les étudiants congolais, éthiopiens et tanzaniens. Nous voyons comment leurs Ambassades s’occupent d’eux quand ils ont des problèmes. Par exemple quand un étudiant congolais n’arrive plus à payer sa scolarité, l’Ambassade lui vient en aide en payant le reste de la scolarité.
Aujourd’hui, le Président de la République appelle tous les Ivoiriens à rentrer pour mettre leur savoir au service du pays, mais comment un étudiant peut rentrer travailler dans son pays, si lorsqu’il avait besoin de son pays, le pays n’était pas là. Ceux, qui ont fini leurs études, partent travailler en Afrique du Sud, d’autres vont aux Philippines ou à Dubaï.
DM