«Ceux qui ont présidé aux destinées du football africain depuis plus de deux décennies ne comptent pas lâcher prise. Ils se battent avec tous les moyens possibles. Ils y sont. Ils y resteront. Après avoir accru le nombre d’équipes africaines à la coupe du monde et avoir réussi le rêve de faire organiser une coupe du monde en Afrique, quel autre défi peut-on réaliser si ce n’est le risque de salir ce glorieux palmarès par des scandales de corruption et d’autres petites élections calamiteuses ?» Ecrivait dans Frat-Mat N°14362, du 10 octobre 2012, le chroniqueur Vincent Toh Bi Irié. Ce regard, pour le moins acide, mais à tout point de vue objectif et pertinent, porté sur l’attitude des dirigeants actuels de la Confédération africaine de football (Caf), avec à leur tête Issa Hayatou en poste depuis 1988, traduit, malheureusement, la vérité implacable d’une annexion, sinon d’une expropriation du football dans le continent noir par un groupuscule de vieux dirigeants en perte d’inspiration. La question est d’actualité à quelques mois des élections à la présidence de la Caf. Ceux qui pensent et croient qu’il n’y a qu’en politique que les dirigeants s’accrochaient indéfiniment au pouvoir devraient se raviser. Il y a bien de nombreux domaines où pour avoir exercé un jour le pouvoir, l’on fait des pieds et des mains pour s’y maintenir à travers des montages aussi grossiers qu’avilissants comme la fameuse loi «Raouraoua» du nom du président de la Fédération algérienne de football, adoptée le 03 septembre 2012 aux Seychelles. Cette loi, taillée dans ses fondements sur mesure, pour maintenir le président sortant de la Caf au pouvoir, pour un énième mandat de quatre ans, est l’illustration parlante du manque de démocratie dans les institutions africaines où l’accession à la présidence se fait par élection. La loi «Raouraoua» est d’autant révoltante aussi bien dans le fond que dans la forme, qu’elle ne permet pas aux cadres du continent qui ne sont pas membres du Comité exécutif de la Caf de briguer le fauteuil d’Issa Hayatou, alors que ces derniers peuvent, s’ils le veulent, être candidats à la présidence de la Fifa, l’organe suprême du football mondial. Cette loi, nous l’avons dit, ne fait pas avancer le football africain. Bien au contraire, elle marque un recul qui consacre froidement un culte de la personnalité. Or, tout changement, bien que souvent chargé de mélancolie, apporte un plus, une valeur ajoutée, un pas qualitatif vers le développement et le progrès. Vraisemblablement, les auteurs de la disposition «Raouraoua» n’étaient pas guidés par un tel souci. Sinon, pourquoi exiger que tout candidat à la présidence de la Caf soit membre du comité exécutif de cette institution, sans exiger que celui-ci présente également un bulletin de santé qui démontre qu’il est apte aussi bien physiquement que mentalement à diriger le football africain ? Cela s’apparente à l’histoire d’un homme qui ne peut pas être président de son pays, mais qui peut cependant être le président d’un autre pays. Comment Issa Hayatou, membre honorifique du comité exécutif de la Fifa (parce qu’il n’a pas été élu comme les autres membres) aurait pu affronter Sepp Blater en 2002 si ce dernier avait fermé, balisé, restreint les libertés de choix des dirigeants du football mondial comme c’est le cas en ce moment à la Caf ? A quoi cela sert d’organiser des élections, parler de renouvellement des instances, si cela ne doit se faire qu’avec les membres d’une équipe dirigeante en place depuis 24 ans ? A quoi répond cette volonté de vouloir forcément faire du neuf avec du vieux alors que nous percevons clairement que face aux défis nouveaux auxquels le football africain est confronté, le moment est venu de régénérer ses organes, d’insuffler une nouvelle dynamique à la machine? Comment expliquer aujourd’hui à Issa Hayatou pour qu’il comprenne que les temps sont en train de changer, que l’immobilisme et le nombrilisme sont aux antipodes de l’éthique actuelle du sport en général et du football en particulier ? Comment lui faire comprendre qu’après avoir réalisé le parcours qui est le sien, passé environ un quart de siècle à la tête de la Caf, la meilleure façon de rester éternel dans les esprits et marquer l’histoire, c’est de sortir par la grande porte, celle des honneurs, de la dignité et de la grandeur et non par la plus petite porte qu’est celle des combines, ruses, et autres magouilles qu’empruntent ces politiciens vicieux et peu scrupuleux, qui n’ont de faim et de soif que de chercher à se maintenir coûte que coûte au pouvoir ? C’est cette attitude, tendant à monopoliser le pouvoir, sinon à le confisquer, qui favorise bien souvent les coups de force et autres révoltes populaires. Issa Hayatou serait-il mordu par le même virus que Paul Biya, le président camerounais à la tête de ce pays depuis 30 ans? Ou encore José Eduardo dos Santos au pouvoir en Angola depuis 33 ans ? On peut objectivement le penser. Il y a dix ans, l’autorité d’Hayatou ne pouvait être contestée. Il était vénéré par les dirigeants du football africain comme un demi-dieu. Aujourd’hui, il ne fait plus l’unanimité. Plus aucun consensus ne se dégage autour de lui. Il est même détesté. On peut dire que c’est la fin d'une époque. Quelle gloire peut-il y avoir, pour Issa Hayatou, à se battre contre des jeunes dont il a vu les premiers pas dans le football et qui, aujourd’hui, ont toute la compétence requise pour lui succéder? Jacques Anouma en Côte d’Ivoire, Me Senghor au Sénégal, Colonel Djibrilla Hima Hamidou dit Pelé au Niger, Musa Bility au Libéria, Hammadoun Kola Cissé au Mali ou encore cette dame de fer, Lydia Nsekera au Burundi, qui sont de grosses compétences africaines ont décidé de ne pas adopter la même posture que ceux qui ont choisi de se confiner éternellement dans l’allégeance parce que s'étant convaincus qu’ils sont des démiurges et les autres des obligés.
COULIBALY Vamara
COULIBALY Vamara