Débuté sur des chapeaux de roue fin 2011, le déguerpissement des grandes artères et des sites illégalement occupés a suscité beaucoup d’interrogations. Mais la principale reste celle-ci : que faire de ces espaces ? Un an après, on attend toujours une réponse à cette question.
Beaucoup ont pensé à une gare moderne, d’autres sont même allés jusqu’à avancer la thèse d’un jardin public. Mais non. Ce qui sortira de terre à l’ancienne gare d’Abobo, c’est un hypermarché. «Il y aura des escaliers roulants, comme à Sococé», détaille le service communication de la mairie d’Abobo avec engouement. La maquette de ce joyau avait déjà été présentée au maire, bien avant ce lundi noir où les bulldozers ont démoli Abobo-gare sous les balles et les jets de pierres. Selon les services du maire Adama Toungara, les travaux pourraient débuter dans les semaines à venir. Il faut enlever toute envie aux commerçants de recoloniser le site. Pour l’instant, la trouvaille du ministère de la Salubrité urbaine, c’est une barrière en morceaux de tôles. En face, devant l’ex-gare Utb, tenez-vous bien, ce sera un musée contemporain. On pourrait se demander ce qu’un musée de ce genre apporterait à une commune où le seul souci est de trouver la pitance quotidienne. Mais la mairie a une saine explication: «Abobo est l’une des communes qui regorgent le plus d’artistes. Cette réalisation leur permettra de s’exprimer et d’offrir en même temps de l’emploi aux jeunes». A environ 800 mètres de là, au rond-point de Samaké, une autre surprise attend les Abobolais. Ce n’est ni un hypermarché ni un musée contemporain, mais un allocodrome géant. Il s’agit d’un complexe de grillades, comme celui de Cocody ou du Plateau-Dokui.
On s’imagine que ces trois joyaux architecturaux changeront la face d’Abobo. Leur réalisation reste cependant une autre paire de manche. Car les commerçants ne chôment pas pendant ce temps-là. A la gare, par exemple, quelques uns reviennent squatter ce qui peut l’être au nez et à la barbe des autorités. Les vendeurs ambulants de Cd (compact disc) et d’articles divers, continuent d’inonder les trottoirs. Le désordre pourrait de nouveau emporter tous ces efforts. «Il faut que la ministre de la Salubrité urbaine installe une brigade de surveillance pour veiller à ce que les sites ne soient pas recolonisés», préconise Souleymane Sanogo, le président du Comité de gestion des déguerpis de la gare. On peut s’étonner que ces propos viennent de lui. Mais cet inconditionnel de la Société de gestion des gares routières en Côte d’Ivoire (Sogegar), la nouvelle station de véhicules d’Abobo, dit avoir longtemps renoué avec l’ordre. Il continue d’exhorter ses amis à rejoindre cette gare révolutionnaire. Mais Djakaridja Traoré, secrétaire général du Collectif des syndicats de commerçants, est catégorique: «Pas question d’aller à la Sogegar». Ils se sont réunis récemment et cherchent à rencontrer le maire, Adama Toungara. «Nous avons recensé des sites à Abobo que nous allons lui proposer». Le maire, qui s’est longuement investi pour la construction de la Sogegar, leur prêtera-t-il une oreille attentive ? Rien n’est moins sûr. D’autant que les bulldozers continuent de raser tout ce qui est box de commerces sur les voies d’Abobo. Fousseni Cissé, ancien vendeur de chaussures à la gare risque de s’étrangler de colère devant cette détermination des autorités. «Les magasins qu’on a cassés au bord des routes ne dérangeaient personne. Ces terrains sont vides et ce sont des ordures qui vont prendre nos places». En effet, aucune précision n’est faite sur la valorisation de ces espaces. «Normalement, cette opération est prévue pour dégager les voies et les assainir», indique la mairie. Mais ce problème non résolu n’est pas l’apanage d’Abobo seulement. Depuis près d’un an, les abords du boulevard Latrille à Cocody ont été nettoyés au bulldozer. Mais ces trottoirs sont souvent recolonisés quelque temps après. Seuls quelques points-clés de la commune ont été revalorisés ou doivent l’être. Au Vallon par exemple, un centre commercial est prévu pour accueillir les vendeuses de fruits. Les alentours du lycée technique qui ont été rasés, et serviront à accueillir des restaurateurs pour alimenter les élèves. Il est prévu l’installation des services annexes tels que les photocopieurs. Pour autant, cette opération d’assainissement ne vise pas uniquement à construire sur les sites dégagés. Sur certaines artères telles que le boulevard Valéry Giscard d’Estaing (VGE), à Treichville, le déguerpissement est destiné à libérer la voie. La ministre de la Salubrité urbaine, Anne Ouloto, indiquait elle-même que le VGE est la façade de la capitale économique pour tous ceux qui viennent de l’aéroport Félix Houphouet-Boigny. Il faut donc qu’il soit dégagé et embelli. Ici, ce qu’on pourrait reprocher à la ministre, c’est de remettre à demain cette idée. La nature ayant horreur du vide, les vendeurs reviennent au galop à chaque fois qu’ils sont chassés des lieux. Contrairement à Abobo, Cocody et Treichville, le sort de certaines communes telles qu’Adjamé n’est pas encore déterminé. Les machines de ‘’Maman bulldozer’’ n’y ont pas encore laissé leurs empruntes. En septembre, l’opération de déguerpissement prévue sur le boulevard Nangui Abrogoua a été avortée in extrémis après que les commerçants s’en sont pris aux chauffeurs des gros engins. Suite à ce léger revers, les services d’Anne Ouloto ont décidé de jouer la prudence. Pour l’instant, on affûte les armes et on tente d’affiner une stratégie plus efficace pour repartir à la conquête d’Adjamé. Pourquoi pas l’armée ? Tout comme Adjamé, Bouaké, la capitale de la paix est au bas de la liste. Seule Yamoussoukro, parmi les villes de l’intérieur, s’est véritablement appropriée l’opération ‘’pays propre’’. Les autorités comptent, entre autres, faire pousser de la verdure aux abords de la lagune. Ce sont les caïmans qui vont s’en réjouir.
Raphaël Tanoh
Beaucoup ont pensé à une gare moderne, d’autres sont même allés jusqu’à avancer la thèse d’un jardin public. Mais non. Ce qui sortira de terre à l’ancienne gare d’Abobo, c’est un hypermarché. «Il y aura des escaliers roulants, comme à Sococé», détaille le service communication de la mairie d’Abobo avec engouement. La maquette de ce joyau avait déjà été présentée au maire, bien avant ce lundi noir où les bulldozers ont démoli Abobo-gare sous les balles et les jets de pierres. Selon les services du maire Adama Toungara, les travaux pourraient débuter dans les semaines à venir. Il faut enlever toute envie aux commerçants de recoloniser le site. Pour l’instant, la trouvaille du ministère de la Salubrité urbaine, c’est une barrière en morceaux de tôles. En face, devant l’ex-gare Utb, tenez-vous bien, ce sera un musée contemporain. On pourrait se demander ce qu’un musée de ce genre apporterait à une commune où le seul souci est de trouver la pitance quotidienne. Mais la mairie a une saine explication: «Abobo est l’une des communes qui regorgent le plus d’artistes. Cette réalisation leur permettra de s’exprimer et d’offrir en même temps de l’emploi aux jeunes». A environ 800 mètres de là, au rond-point de Samaké, une autre surprise attend les Abobolais. Ce n’est ni un hypermarché ni un musée contemporain, mais un allocodrome géant. Il s’agit d’un complexe de grillades, comme celui de Cocody ou du Plateau-Dokui.
On s’imagine que ces trois joyaux architecturaux changeront la face d’Abobo. Leur réalisation reste cependant une autre paire de manche. Car les commerçants ne chôment pas pendant ce temps-là. A la gare, par exemple, quelques uns reviennent squatter ce qui peut l’être au nez et à la barbe des autorités. Les vendeurs ambulants de Cd (compact disc) et d’articles divers, continuent d’inonder les trottoirs. Le désordre pourrait de nouveau emporter tous ces efforts. «Il faut que la ministre de la Salubrité urbaine installe une brigade de surveillance pour veiller à ce que les sites ne soient pas recolonisés», préconise Souleymane Sanogo, le président du Comité de gestion des déguerpis de la gare. On peut s’étonner que ces propos viennent de lui. Mais cet inconditionnel de la Société de gestion des gares routières en Côte d’Ivoire (Sogegar), la nouvelle station de véhicules d’Abobo, dit avoir longtemps renoué avec l’ordre. Il continue d’exhorter ses amis à rejoindre cette gare révolutionnaire. Mais Djakaridja Traoré, secrétaire général du Collectif des syndicats de commerçants, est catégorique: «Pas question d’aller à la Sogegar». Ils se sont réunis récemment et cherchent à rencontrer le maire, Adama Toungara. «Nous avons recensé des sites à Abobo que nous allons lui proposer». Le maire, qui s’est longuement investi pour la construction de la Sogegar, leur prêtera-t-il une oreille attentive ? Rien n’est moins sûr. D’autant que les bulldozers continuent de raser tout ce qui est box de commerces sur les voies d’Abobo. Fousseni Cissé, ancien vendeur de chaussures à la gare risque de s’étrangler de colère devant cette détermination des autorités. «Les magasins qu’on a cassés au bord des routes ne dérangeaient personne. Ces terrains sont vides et ce sont des ordures qui vont prendre nos places». En effet, aucune précision n’est faite sur la valorisation de ces espaces. «Normalement, cette opération est prévue pour dégager les voies et les assainir», indique la mairie. Mais ce problème non résolu n’est pas l’apanage d’Abobo seulement. Depuis près d’un an, les abords du boulevard Latrille à Cocody ont été nettoyés au bulldozer. Mais ces trottoirs sont souvent recolonisés quelque temps après. Seuls quelques points-clés de la commune ont été revalorisés ou doivent l’être. Au Vallon par exemple, un centre commercial est prévu pour accueillir les vendeuses de fruits. Les alentours du lycée technique qui ont été rasés, et serviront à accueillir des restaurateurs pour alimenter les élèves. Il est prévu l’installation des services annexes tels que les photocopieurs. Pour autant, cette opération d’assainissement ne vise pas uniquement à construire sur les sites dégagés. Sur certaines artères telles que le boulevard Valéry Giscard d’Estaing (VGE), à Treichville, le déguerpissement est destiné à libérer la voie. La ministre de la Salubrité urbaine, Anne Ouloto, indiquait elle-même que le VGE est la façade de la capitale économique pour tous ceux qui viennent de l’aéroport Félix Houphouet-Boigny. Il faut donc qu’il soit dégagé et embelli. Ici, ce qu’on pourrait reprocher à la ministre, c’est de remettre à demain cette idée. La nature ayant horreur du vide, les vendeurs reviennent au galop à chaque fois qu’ils sont chassés des lieux. Contrairement à Abobo, Cocody et Treichville, le sort de certaines communes telles qu’Adjamé n’est pas encore déterminé. Les machines de ‘’Maman bulldozer’’ n’y ont pas encore laissé leurs empruntes. En septembre, l’opération de déguerpissement prévue sur le boulevard Nangui Abrogoua a été avortée in extrémis après que les commerçants s’en sont pris aux chauffeurs des gros engins. Suite à ce léger revers, les services d’Anne Ouloto ont décidé de jouer la prudence. Pour l’instant, on affûte les armes et on tente d’affiner une stratégie plus efficace pour repartir à la conquête d’Adjamé. Pourquoi pas l’armée ? Tout comme Adjamé, Bouaké, la capitale de la paix est au bas de la liste. Seule Yamoussoukro, parmi les villes de l’intérieur, s’est véritablement appropriée l’opération ‘’pays propre’’. Les autorités comptent, entre autres, faire pousser de la verdure aux abords de la lagune. Ce sont les caïmans qui vont s’en réjouir.
Raphaël Tanoh