«Les émotions profondes nous rendent stériles» disait Pierre Baillargeon. Le peuple ivoirien a intérêt à croiser les doigts afin d’éviter que les émotions de leur chef d’Etat, Alassane Ouattara, ne le rendent stérile, mais prier plutôt pour être fécond. Un communiqué de la présidence lu par le Secrétaire général de cette institution a mis fin, depuis mercredi 14 novembre aux activités du gouvernement Ahoussou Kouadio. Cette décision est plus émotionnelle que raisonnable. Comme Amadou Gon Coulibaly tente de la justifier au moment où elle tombe comme un cheveu sur la soupe : «Cela pose (…) un problème au niveau de la solidarité à l’intérieur de l’alliance et du soutien de l’alliance au Gouvernement». Voilà donc la source de cette ire. Pour si peu, Alassane Ouattara est allé jusqu’à mettre fin aux activités de son gouvernement.
Pour connaître l’origine de ce saut d’humeur, il faut retourner au projet de loi sur le mariage, adopté en commission, le même mardi 13 novembre par le parlement ivoirien, du moins grâce à un forcing du Rdr qui a pu compter sur sa majorité à l’hémicycle que sur ses alliés du Pdci, de l’Udpci et du groupe Solidarité. Il s’agit du projet de loi portant abrogation de l’article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n°64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage, telle que modifiée par la loi n°83-800 du 2 août 1983. Cette loi est présentée à l’initiative du Rdr le parti d’Alassane Ouattara, par Mato Loma Cissé et Raymonde Goudou respectivement ministres de la Justice et de la Femme, Famille et Enfant. Et dit ceci :
- Article 58 : «La famille est gérée conjointement par les époux dans l’intérêt du ménage et des enfants. Ils assurent ensemble la direction morale et matérielle».
- Article 59 : «si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, l’autre époux peut obtenir, par ordonnance du président du tribunal du lieu de résidence, l’autorisation de saisir-arrêter et de percevoir dans la proportion des besoins du ménage, une part du salaire, du produit du travail ou des revenus de son conjoint».
Sur un totale de 34 députés présents et membres de la Commission des affaires générales et institutionnelles, 18 députés ont voté pour, 12 ont voté contre, et il y a eu 3 abstentions. Les débats ont tourné autour de la notion «chef de famille», une notion qui n’est pas incluse dans les articles nouveaux. Pour la simple et bonne raison que les députés soutenus par quelques uns de l’Udpci et du groupe Solidarité, ont estimé que la responsabilité de l’homme en tant que chef de famille est édulcorée ou n’est pas suffisamment mentionnée dans le projet nouveau. Ceux-ci, dirigés par le Secrétaire général du Pdci et député de Saïoua, Alphonse Djédjé Mady, ont donc proposé des amendements avant toute adoption. Ce à quoi s’est opposé le Rdr par la voix du député de Séguéla Amadou Soumahoro par ailleurs Secrétaire général du Rdr. C’est une guerre des tranchées. Les députés du Pdci, Udpci et Solidarité ont privilégié la persuasion face à la faiblesse du texte défendu par les deux commises du Gouvernement que sont Mato Loma Cissé et Koffi Goudou, texte attaquable à tout point de vue. D’abord sociologique puis culturel - étant donné que dans la plupart des cultures et même dans les livres saints, l’homme a toujours occupé le rang de chef de famille -, mais surtout il y a cette pauvreté des arguments avancés par des députés du Rdr. Ceux-ci ayant préféré plutôt jouer sur la fibre émotionnelle que celle du droit, de la justesse, la pertinence et la perspicacité avec des arguments du genre «sous réserve de la prise en compte de la modification, le Rdr marque son accord pour l’adoption de la suite du texte qui reste inchangée». Cette guerre de tranchée a fait sortir Alphonse Djédjé Mady de ses gongs : «c’est inconcevable que dans une famille l’on n’ait pas un chef, même les animaux ont un chef». De ces joutes oratoires le Rdr, par manque d’arguments pertinents, sortira balloté et affaibli. Pour le parti d’Alassane Ouattara, le bouc-émissaire est tout trouvé. C’est le Pdci-Rda de Henri Konan Bédié, son allié dans la Rhdp qui n’a pas suffisamment de courage de lui déclarer la guerre et qui passe par des chemins détournés, comme par exemple à l’Assemblée nationale, pour lui mettre les bâtons dans les roues. «Alassane Ouattara considère que le manque de soutien de ses alliés à un projet de loi présenté de surcroît par une ministre [Raymonde Goudou Koffi, ministre de la Famille, NDLR] issue des rangs du PDCI est une trahison. Il fallait tirer les conséquences de cette situation», explique un collaborateur du chef de l’État à la presse. Cette accusation a été entendue dans les bulletins d’informations de la télévision nationale à l’annonce de la décision de la dissolution du gouvernement. La majorité des militants et partisans du Rdr d’Alassane Ouattara sont du nord et musulmans. Sociologiquement ces derniers sont plus favorables à la position privilégiée accordée à l’homme dans la famille. Mais au-delà des partis politiques, il en est de même dans toutes les sociétés. Mais aussi curieux que cela paraît, c’est le Rdr qui met l’homme et la femme sur un même pied d’égalité, stricto sensu au sein du foyer. Un fait auquel se sont justement opposés le Pdci et l’Udpci certainement pour rester dans les limites du sacré. Qu’en souffre l’alliance avec le Rdr.
Simplice Allard
Pour connaître l’origine de ce saut d’humeur, il faut retourner au projet de loi sur le mariage, adopté en commission, le même mardi 13 novembre par le parlement ivoirien, du moins grâce à un forcing du Rdr qui a pu compter sur sa majorité à l’hémicycle que sur ses alliés du Pdci, de l’Udpci et du groupe Solidarité. Il s’agit du projet de loi portant abrogation de l’article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n°64-375 du 7 octobre 1964 relative au mariage, telle que modifiée par la loi n°83-800 du 2 août 1983. Cette loi est présentée à l’initiative du Rdr le parti d’Alassane Ouattara, par Mato Loma Cissé et Raymonde Goudou respectivement ministres de la Justice et de la Femme, Famille et Enfant. Et dit ceci :
- Article 58 : «La famille est gérée conjointement par les époux dans l’intérêt du ménage et des enfants. Ils assurent ensemble la direction morale et matérielle».
- Article 59 : «si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, l’autre époux peut obtenir, par ordonnance du président du tribunal du lieu de résidence, l’autorisation de saisir-arrêter et de percevoir dans la proportion des besoins du ménage, une part du salaire, du produit du travail ou des revenus de son conjoint».
Sur un totale de 34 députés présents et membres de la Commission des affaires générales et institutionnelles, 18 députés ont voté pour, 12 ont voté contre, et il y a eu 3 abstentions. Les débats ont tourné autour de la notion «chef de famille», une notion qui n’est pas incluse dans les articles nouveaux. Pour la simple et bonne raison que les députés soutenus par quelques uns de l’Udpci et du groupe Solidarité, ont estimé que la responsabilité de l’homme en tant que chef de famille est édulcorée ou n’est pas suffisamment mentionnée dans le projet nouveau. Ceux-ci, dirigés par le Secrétaire général du Pdci et député de Saïoua, Alphonse Djédjé Mady, ont donc proposé des amendements avant toute adoption. Ce à quoi s’est opposé le Rdr par la voix du député de Séguéla Amadou Soumahoro par ailleurs Secrétaire général du Rdr. C’est une guerre des tranchées. Les députés du Pdci, Udpci et Solidarité ont privilégié la persuasion face à la faiblesse du texte défendu par les deux commises du Gouvernement que sont Mato Loma Cissé et Koffi Goudou, texte attaquable à tout point de vue. D’abord sociologique puis culturel - étant donné que dans la plupart des cultures et même dans les livres saints, l’homme a toujours occupé le rang de chef de famille -, mais surtout il y a cette pauvreté des arguments avancés par des députés du Rdr. Ceux-ci ayant préféré plutôt jouer sur la fibre émotionnelle que celle du droit, de la justesse, la pertinence et la perspicacité avec des arguments du genre «sous réserve de la prise en compte de la modification, le Rdr marque son accord pour l’adoption de la suite du texte qui reste inchangée». Cette guerre de tranchée a fait sortir Alphonse Djédjé Mady de ses gongs : «c’est inconcevable que dans une famille l’on n’ait pas un chef, même les animaux ont un chef». De ces joutes oratoires le Rdr, par manque d’arguments pertinents, sortira balloté et affaibli. Pour le parti d’Alassane Ouattara, le bouc-émissaire est tout trouvé. C’est le Pdci-Rda de Henri Konan Bédié, son allié dans la Rhdp qui n’a pas suffisamment de courage de lui déclarer la guerre et qui passe par des chemins détournés, comme par exemple à l’Assemblée nationale, pour lui mettre les bâtons dans les roues. «Alassane Ouattara considère que le manque de soutien de ses alliés à un projet de loi présenté de surcroît par une ministre [Raymonde Goudou Koffi, ministre de la Famille, NDLR] issue des rangs du PDCI est une trahison. Il fallait tirer les conséquences de cette situation», explique un collaborateur du chef de l’État à la presse. Cette accusation a été entendue dans les bulletins d’informations de la télévision nationale à l’annonce de la décision de la dissolution du gouvernement. La majorité des militants et partisans du Rdr d’Alassane Ouattara sont du nord et musulmans. Sociologiquement ces derniers sont plus favorables à la position privilégiée accordée à l’homme dans la famille. Mais au-delà des partis politiques, il en est de même dans toutes les sociétés. Mais aussi curieux que cela paraît, c’est le Rdr qui met l’homme et la femme sur un même pied d’égalité, stricto sensu au sein du foyer. Un fait auquel se sont justement opposés le Pdci et l’Udpci certainement pour rester dans les limites du sacré. Qu’en souffre l’alliance avec le Rdr.
Simplice Allard