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Économie Publié le lundi 26 novembre 2012 | Cote d’Ivoire Economie

Une politique du logement à réinventer

Ces dix dernières années, le secteur immobilier s’est enrichi de nombreux programmes. Mais les faibles investissements publics observés et la cession quasi absolue du secteur aux particuliers et aux opérateurs privés ne correspondent pas aux besoins des ménages à faible revenus, livrés à la spéculation.


Après avoir acquis sa souveraineté nationale et conquis sa place dans le concert des nations, la Côte d’Ivoire avait décidé de mettre un accent particulier sur la modernisation de son espace urbain. Ainsi, plusieurs infrastructures économiques devaient être construites et des logements garantissant un cadre de vie décent pour les Ivoiriens devaient voir le jour. Le premier président de la République, Félix Houphouët Boigny décide alors de mettre sur pied une politique en faveur de la promotion du logement en créant des sociétés d’Etat : la Société ivoirienne de construction et de gestion immobilière (Sicogi, une société d’économie mixte) en 1962, et la Société de gestion et de financement de l’habitat (Sogefiha) l’année suivante. Ces deux entités deviennent de véritables déclencheurs de la politique d’habitats sociaux, avec comme articulation la location-vente. Elles ont comme objectifs assignés la réalisation, à bon marché, d’un habitat de qualité en direction des populations a revenus moyens. Il s’agit-là d’une véritable politique à caractère social visant à satisfaire la volonté des ménages à faibles revenus d’acquérir des logements convenables. Et des dizaines de milliers de logements sont construits au grand bonheur de cette catégorie de la population ivoirienne.

Heurs et malheurs des sociétés d’Etat
Mais pour des raisons financières, la Sogefiha a cessé, dès 1979, de construire des logements pour se consacrer à la gestion de son patrimoine. En ce qui concerne la Sicogi, à partir de 1980, 80% de sa production a été tournée vers les logements économiques devant désormais être loués. Un programme qui connaîtra un appui soutenu de l’Etat pour la production de terrain urbains aménagés, ainsi que d’institutions financières multiples (Caisse autonome d’amortissement, Banque nationale pour l’Epargne et de crédit, Agence française de développement, CCCE, l’Usaid…). La Sicogi fut ainsi bien confortée dans la position, devant produire jusqu’à 36 000 logements évalués à 54 millions de nos francs. Mais cette dynamique prendra malheureusement un autre tournant avec le désengagement de l’Etat et des partenaires financiers institutionnels en 1980. De ce fait, la Sicogi va alors s’appuyer sur les banques commerciales en Côte d’Ivoire pour produire des logements économiques d’accession directe et à la propriété. En vingt-cinq ans, soit de 1960 à 1985, quelque 125 000 logements ont été produits. Mais aujourd’hui, si la Sogephia a été mise en liquidation, la privatisation totale de la Socogi n’est qu’une question de temps.

Les métropoles ivoiriennes en déficit absolu
Récemment, le ministre de la Promotion du logement, Kaba Nialé, révélait que le relais n’était pas assuré, si bien que les besoins en logements se sont accumulés au fil des années. Si des mesures d’incitation fiscales et financières en direction des opérateurs du secteur – aussi bien en ce qui concerne la production que l’acquisition – ont été prises, on a aussi accompagné les ménages à faibles revenus qui voulaient acquérir des maisons en aidant le système bancaire à la retransformation de la politique des financements à leur disposition. Ce sont des incitations qui concernent les logements sociaux et économiques. Plutôt que de produire des maisons de 5 à 6 millions de nos francs, des maisons de 20 millions de francs CFA ont été construites pour bénéficier des mesures d’incitation de même nature. Mais cela s’est soldé cependant par une insuffisance bien visible, puisque au-delà des incitations, l’Etat n’a pas suivi financièrement. Aucune incitation directe n’a eu lieu alors que le coût des matériaux a augmenté, induisant donc l’augmentation des prix des maisons. Le stock global en termes de déficit est donc d’environ 400 000 logements : 200 000 à Abidjan et 200 000 à l’intérieur du pays. Ramené à l’année, ce déficit est de 20 000 logements pour l’intérieur et plus de 20 000 pour Abidjan, la capitale économique. En fait, la réalité, c’est que depuis le retrait de la Sogefiha et la Sicogi dans la production des maisons, l’essentiel des logements construits, aussi bien pour être vendus que pour être loués, relèvent des investissements de particuliers qui ont pris l’ascendant sur les promotions immobilières. Et ces particuliers attendent, bien entendu, rentabiliser leurs investissements.

La relance manquée
L’Etat a compris qu’il y avait urgence à agir dans ce secteur sinistré. Il a mis en place un Programme d’appui à la politique de l’habitat (Paph), et des programmes tests d’aménagement de terrains urbains ont été initiés par l’agence de gestion foncière (Agef). Mais en raison fait de la crise politico-militaire, ils ont été arrêtés. Les promoteurs immobiliers ont pris moins de risque alors que la demande, elle, a connu une véritable envolée. Une situation à laquelle il fallait faire face malgré le tassement des ressources financières. L’Etat décline alors un plan stratégique dans le cadre d’états généraux dont l’objectif est de loger décemment les Ivoiriens. Il entend inventer une nouvelle politique de la ville. Ainsi, plusieurs exonérations sont faites dans le cadre de l’annexe fiscale de la loi de finances de 2002 et l’annexe fiscale de la loi de finances de 2007 afin de favoriser le logement économique. Ces annexes fiscales sont complétées par de nombreux décrets qui ont créé des taxes parafiscales pour financer l’habitat.
La politique de l’habitat s’est également traduite par un début d’application du projet du « Grand Abidjan », une œuvre de grande envergure. Les opérations de construction de logements économiques de la Sicogi, de fait, ont été relancées par la réalisation de 17 programmes de 8 000 logements et un autre programme de 2 600 logements à Abobo PK 18. La politique de l’habitat, ces dix dernières années, a pris en compte le foncier urbain. Ainsi 362 hectares de réserve foncière ont été créés et repartis entre Abidjan, Yamoussoukro et Bouaké. Cinquante-trois hectares ont été aménagés à Cocody et cinq hectares à Yopougon sous la houlette de l’Agef, qui a succédé en 1999 à la Société d’équipement des terrains (Setu), à la Direction et contrôle des grands travaux (DCGTX) et au Service des ventes immobilières (SVI).
Mais malgré cette volonté politique affichée ces dernières années, le déficit en logement ne sera pas pour autant résolu. Le problème est pourtant devenu crucial avec la forte concentration des populations dans les grandes villes, phénomène du en partie à la crise. Conséquence : les Ivoiriens semblent condamner à payer à vie des loyers – souvent excessifs – sans aucune perspective d’accéder à la propriété.

Le partenariat public-privé à la rescousse
Lueur d’espoir, depuis 2010, l’Etat a décliné un autre programme d’habitat relativement accessible à une partie importante de la population : une maison à 5 millions de francs CFA (Maisons Ado), via un emprunt équivalent remboursé sur une période de vingt-cinq ans et dont la mensualité n’excédera pas 25 000 FCFA. Pour répondre aux attentes, l’Etat a donc prévu de construire des vagues successives de logements sociaux : 10 000 dans un premier temps, 20 000 puis 30 000, pour atteindre finalement 40 000 et 50 000 logements d’ici à 2015. Ces maisons seront réalisées à Abidjan et à l’intérieur du pays, en mettant toujours au cœur du dispositif la Sicogi et l’Agef. Mais également en optant pour un partenariat public-privé sur la base de la maîtrise du foncier, de la viabilisation des terrains des programmes immobiliers socio-économiques, de l’amélioration des mécanismes de financement, des nouvelles techniques de construction rapide en privilégiant les constructions en hauteur.
Cette politique nouvelle intègre surtout l’accessibilité à ces logements par les plus pauvres. Ainsi, le ministère de la Promotion du logement, qui est le maître d’ouvrage, a la charge d’identifier des guichets de financement afin de mettre à la disposition du Compte de mobilisation pour l’habitat (CDMH) les ressources nécessaires pour le refinancement des crédits acquéreurs, la présélection des preneurs afin de limiter les risques d’acquisition spéculative des logements sociaux, et la validation des attributions des logements sociaux.

Germain Tanoh
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