Le journaliste-écrivain Lébry Léon Francis, ancien directeur général du Groupe de presse « Fraternité Matin », vient de faire paraître un livre intitulé : « La Côte d’Ivoire et le Vatican, 40 ans d’amitié fraternelle ». En spécialiste de l’actualité de l’Eglise catholique et familier des réalités vaticanes, il fait l’analyse de la récente visite effectuée par le chef de l’Etat auprès du Saint-Siège et les retombées pour la Côte d’Ivoire.
Votre livre faisant le point de la coopération entre la Côte d’Ivoire et le Vatican est paru à quelques jours seulement de la visite du Président Ouattara au Pape et semble avoir eu un écho favorable auprès de lui et Saint-Siège…
Mon éditeur, M. Guy Lambin, patron des NEI-CEDA et moi-même avons saisi cette bonne opportunité éditoriale et diplomatique pour mettre ce livre sur le marché, mais il a été écrit plusieurs mois auparavant. Depuis le 4 novembre 2011, je savais que le chef de l’Etat avait sollicité une audience auprès du pape Benoît XVI mais je ne savais pas quand cette audience lui serait accordée. J’ai donc remis au goût du jour mon projet de livre dans lequel je voulais retracer et célébrer les 40 ans de coopération et d’amitié entre l’Etat de Côte d’Ivoire et l’Etat du Vatican. Je considérais qu’une visite du Président Alassane Ouattara au souverain Pontife constituerait l’apothéose de cette célébration. Puis, j’ai appris, dès juillet dernier par des sources diplomatiques autorisées, que l’audience avait été acceptée et fixée au 16 novembre de la présente année. J’étais déjà confiant et convaincu que le Saint-Siège recevrait assez rapidement notre Président parce que lors de la présentation des lettres de créance du nouvel ambassadeur ivoirien au Vatican, fin 2011, il avait fait de nombreuses recommandations au nouveau chef de l’Etat ivoirien pour que la paix, la justice bien conduites, permettent à la Côte d’Ivoire de recoudre le tissu social déchiré par sa longue crise politico-militaire. Le pape ne pouvait que saisir l’occasion d’avoir rapidement un dialogue-direct avec le Président de ce pays. L’audience qu’il allait lui accorder devenait dès lors, une formidable opportunité pour les deux. Benoît XVI pourrait ainsi se faire expliquer de vive voix par le premier ivoirien, la situation de son pays, de même que ses ambitions pour la Côte d’Ivoire et le Président pourrait quant à lui, tirer tous les bénéfices diplomatiques et spirituels de sa rencontre avec une autorité morale et étatique mondialement respectée et vénérée.
Le voyage du chef de l’Etat a-t-il, selon vous, été positif à tous égards ?
Il a tenu toutes ses promesses. J’ai indiqué avant qu’il ne soit effectué, dans des interviews chez certains de vos confrères, les sujets que le Président Ouattara aurait à évoquer inévitablement avec le Saint-Père. Je savais en effet, par mes propres sources que celui-ci voudrait connaître la version officielle par le chef de l’Etat ivoirien. Je savais aussi que le Pape, au-delà de ses prières et de ses bénédictions en faveur de la Côte d’Ivoire et de son Président, insisterait sur la nécessité de rétablir le dialogue, la justice et les droits de l’Homme et de construire la réconciliation. J’étais convaincu qu’il encouragerait le Président Ouattara à poursuivre les actions qu’il a engagées à toutes ces fins et à accélérer le processus pour déboucher sur le retour de la paix nationale. Tout le monde sait qu’Alassane Ouattara en a fait la priorité de sa gouvernance, avant de dérouler celle-ci vers d’autres axes comme la sécurité, la reconstruction, l’investissement. Afin de réconcilier son pays avec son peuple, avec son image de pays d’hospitalité, de dialogue et de paix, avec son rang et sa respectabilité dans le concert des Nations. L’audience papale puis les entretiens avec d’éminents membres de la curie romaine dont j’ai fait l’énumération dans mon livre, puis les moments de convivialité partagés dans une ambiance amicale, fraternelle et chaleureuse comme l’ont rapporté les envoyés spéciaux de la presse, ont montré à profusion que ce voyage a satisfait toutes ses attentes.
Le Président a déclaré à son retour à Abidjan, qu’il a invité le Pape à venir en Côte d’Ivoire, l’année prochaine. Il vous a donc entendu ?
Sûrement. En effet, j’avais modestement mais avec conviction, suggéré à notre Président sur le plateau du journal télévisé de la télévision nationale, le samedi 10 novembre, ainsi que dans les quotidiens «Soir infos» du mercredi 14 novembre,S et «Fraternité matin» du 16 novembre, d’inviter le Pape à venir faire une visite apostolique en Côte d’Ivoire. Et je signalais aussitôt le fait que l’achèvement et la livraison de l’hôpital Saint-Joseph Moscati construit à quelques mètres de la Basilique Notre Dame de la paix à Yamoussoukro, constitueraient une raison idéale, d’autant que le Pape pourrait procéder à sa bénédiction comme l’a fait son vénéré prédécesseur pour la Basilique. Je suis donc heureux et je ressens comme un honneur que le Président ait été attentif et sensible à mon humble proposition. L’argument était de taille car cet établissement hospitalier est un des points considérables des relations diplomatiques entre la Côte d’Ivoire et le Saint-Siège. Il touche en effet à la fois au spirituel (la promotion humaine) et au développement (la santé, un des droits majeurs de l’homme). Je remercie du fond du cœur le Président Ouattara d’avoir osé. Car le pape a entendu cette invitation et sans doute son bien fondé. Et le Vatican va envisager une visite prochaine de son Chef en Côte d’Ivoire. Le prétexte est désormais tout trouvé. C’est le pays tout entier qui sera fier et heureux de recevoir la quatrième visite d’un pape en moins de vingt Cinq ans. La dernière date de Septembre 1990.
Dans votre livre qui est une mine d’or d’informations à la fois sur ces relations ivoiro-vaticanes et sur la fonctionnement du Saint-Siège et de son Gouvernement, vous décrivez avec un luxe de détails, ces voyages pontificaux et les retombées dont la Côte d’Ivoire a déjà bénéficié….
Je rappelle qu’à partir du troisième trimestre de l’année 1978, la Côte d’Ivoire plus importante, dans le cœur du pape régnant, à savoir Jean Paul II et dans les relations diplomatiques du Saint-Siège avec des Etats. La Côte d’Ivoire est devenue la fille aimée (africaine) du Vatican et de l’Eglise à cause de la sollicitude particulière que lui a témoigné ce pape jusqu’à son décès en Avril 2005. Dès lors, notre pays a beaucoup reçu du Vatican, non pas sous la forme d’une ‘’pluie’’ de milliards de francs mais sous la forme d’actes et actions symboliques qui placent l’homme au centre de son développement intégral, aux plans spirituel, matériel et parfois financier. La Côte d’Ivoire a fait la fierté de ses voisins pour les résultats excellents de sa coopération exemplaire avec l’Etat du Vatican (les exemples sont cités abondamment dans mon livre). Et elle a été souvent enviée par les mêmes ou certains autres pour ce privilège. Tous les gestes de cette coopération étatique et ecclésiale sont vérifiables.
Quelles pourraient être pour la Côte d’Ivoire, les premières retombées du voyage du Président Ouattara au Vatican ?
Dès son retour à Abidjan, le samedi 17 novembre 2012, le Président a affirmé qu’il a bénéficié des prières et des bénédictions du pape. J’ajoute qu’il a surtout bénéficié, comme il l’a mentionné également, des conseils et recommandations du Vicaire du Christ. On peut aisément imaginer que Benoît XVI a encouragé Alassane Ouattara au cours de leur «conclave» à deux dans sa bibliothèque, à faire davantage qu’il ne l’a déjà fait, pour désarmer et pacifier les cœurs des Ivoiriens après les divisions et antagonismes créés consécutivement à la longue crise de ces dernières années. Ne rien négliger donc pour atteindre ces objectifs en amplifiant les actes déjà passés et engager de nouveaux chantiers susceptibles d’assurer le succès attendu. Le chantier de la paix sinon totale, au moins générale dans le pays est aussi important que le succès économique. Le Président Félix Houphouët-Boigny, père de la nation ivoirienne, qui avait le sens des formules fortes répétait à l’envie que «la paix n’est pas un vain mot mais un comportement». Décryptage : avoir un comportement de paix, créer les conditions de la paix et donner tout à la paix. Le Président Ouattara, fils spirituel et disciple d’Houphouët-Boigny dont il a été un très proche collaborateur, sait donc ce que paix veut dire. Il ne vous aura pas échappé que depuis son accession à la magistrature suprême, la paix ce petit mot de quatre lettres mais ayant une grande signification, est énormément présent dans tous ses discours.
Croyez-vous que la pape Benoît XVI viendra en Côte d’Ivoire et répondra donc à l’invitation du Président ?
La diplomatie a ses codes et ses secrets. Le pape ne répond jamais directement et séance tenante à une invitation. Il l’enregistre et la Curie fait le reste, sur ses instructions a posteriori. Benoît ne méconnaît pas la place que tient la Côte d’Ivoire au Vatican. Il connaît la vitalité du pays, de son Eglise catholique et plus généralement de sa communauté de croyants et les gestes de coopération, de foi et d’amour qu’ils ont déjà posé en direction de la papauté. Depuis le début de son pontificat, le Saint-Père a probablement déjà songé à visiter lui aussi la Côte d’Ivoire, en tant que Pape. Et plus probablement encore depuis qu’il s’est trouvé l’année dernière, à quelques heures et kilomètres seulement de notre pays, lorsqu’il a rendu visite à l’Etat du Bénin, proche voisin de la Côte d’Ivoire. Mais il lui faillait attendre le moment favorable pour venir chez nous : un climat social apaisé et un acte fort à poser. En 2013 s’ouvrira une nouvelle année pleine de promesse pour la Côte d’Ivoire. Le pape viendra, j’en suis convaincu et certain. Il viendra en Côte d’Ivoire, davantage en messager de la paix mais aussi comme guide spirituel que comme chef d’Etat. Mais si au cours de son audience avec notre Président, il n’a pas répondu formellement «oui», il donnera sa réponse à la Curie qui ouvrira ce dossier, traitera cette éventualité et préparera le voyage dans tous ses aspects et contours, avec le concours de l’Etat ivoirien. Je connaîs les usages de la diplomatie pontificale. Le Cardinal Bernard Agré disait publiquement à l’occasion de la parution en 2005 de mon livre intitulé «Jean-Paul II notre ami», écrit après la disparition du pape, que je suis «familier de certaines réalités ecclésiales et vaticanes». Ce qui, dans la bouche d’un cardinal de son envergure, est un grand hommage à ma très modeste personne et à mon travail de journaliste et d’écrivain. Selon ces usages donc, l’accord à la visite papale sera donné et sa préparation se fera d’abord dans la discrétion jusqu’à ce que toutes ses conditions soient remplies pour qu’elle s’effectue. Le pape Benoît XVI viendra donc en Côte d’Ivoire probablement à la fin du premier trimestre 2013. La rallonge financière constituant la dernière tranche du financement nécessaire à l’achèvement de l’hôpital sera débloquée par l’Etat ivoirien, d’autant plus rapidement que le pape viendra pour bénir cet hôpital Saint- Joseph Moscavi. Ce voyage Papal est à la fois un défi pour la Côte d’Ivoire et la finition de l’hôpital autant que la construction de la paix et du pays, un challenge.
Certains journaux ivoiriens ont prétendu que ce voyage n’a pas été un grand succès. Vous semblez dire le contraire….
Ce voyage et cette visite au Vatican ont clairement été un succès si l’on en juge par le raffinement du protocole et des attentions réservées au Président Ouattara, par la convivialité et la teneur des entretiens, par l’intérêt porté par les interlocuteurs à la situation ivoirienne, par les gestes diplomatiques de haut niveau posés au sein de l’Etat du Vatican que dans l’Etat d’Italie. J’ai lu chez tel ou tel de vos confrères que le pape n’aurait eu des échanges avec le Président de la République que pendant dix minutes seulement. Connaissant assez bien les usages du Vatican, je ne peux qu’infirmer ce timing. D’abord parce que, je le crois, Alassane Ouattara était très attendu au Vatican depuis que l’audience lui a été accordée. Car son pays est important et par le fait que les discussions le concernant le sont autant. Ensuite, parce que les tête-à-tête (discussions à huis-clos) d’un pape avec un chef d’Etat ont toujours excédé dix minutes. C’est généralement au moins le double, parfois même s’y ajoutent quelques minutes. Le temps pour le visiteur d’entrer dans la bibliothèque papale où se déroulera l’audience, de saluer le pape en posant les gestes de courtoisie, d’échanger quelques civilités avant que les deux hommes ne s’asseyent l’un en face de l’autre, plus de cinq minutes sont facilement passées. Le temps ensuite, que le pape dise à son visiteur les mots de bienvenue puis lui laisse la parole et que celui-ci aborde quelques points choisis de son exposé, cinq autres minutes et davantage peuvent être également passées. Enfin, le temps que le Pape parle à son tour, selon l’importance et la densité des sujets qu’il lui tient à son tour d’évoquer devant son visiteur. Le temps qu’à la fin de sa reprise de parole , il offre ses bénédictions et ses prières à l’invité, pour une bonne gouvernance, le temps que, sortis de la bibliothèque avec le pape, les deux retrouvent la délégation présidentielle et les collaborateurs du pape pour faire les dernières photos officielles et échanger les cadeaux qui mettent fin à l’audience. On atteint facilement la trentaine de minutes. On la dépasse même légèrement parfois. Et tout cela fait partie du temps de la réception par le pape. J’ai personnellement déjà été témoin de ce type de réception au deuxième étage du Palais apostolique où se tiennent ces audiences. il y a aussi l’audience que le visiteur peut se voir accorder par le Premier ministre du pape le Cardinal Secrétaire d’Etat, ou que le Chef d’Etat en visite peut lui accorder. Elle dure quasiment le même temps et elle a également une grande importance pour le suivi du dossier concernant le pays. Puis le déjeuner généralement offert par le pays visiteur aux membres les plus éminents de la Curie romaine, notamment les chefs des grands dicastères ou leurs substituts ou certains préfets de conseils pontificaux. Ce moment de partage est une opportunité diplomatique de grande importance. Car autour de la table, sont échangés des toasts précédés de discours prononcés au nom de leurs Etats par les deux représentants de l’Etat invité et de l’Etat invitant. Les relations bilatérales sont alors évaluées, exaltées et leur dynamisation nouvelle est annoncée. Il en est quasiment de même lorsque le Chef d’Etat en visite est reçu également par les autorités de l’Etat d’Italie ou par des organisations internationales d’envergure. Le Président Alassane Ouattara a bénéficié des deux opportunités. Les retombées de sa visite sont donc au profit de la Côte d’ivoire.
Interview réalisée par Charles Kouassi
Votre livre faisant le point de la coopération entre la Côte d’Ivoire et le Vatican est paru à quelques jours seulement de la visite du Président Ouattara au Pape et semble avoir eu un écho favorable auprès de lui et Saint-Siège…
Mon éditeur, M. Guy Lambin, patron des NEI-CEDA et moi-même avons saisi cette bonne opportunité éditoriale et diplomatique pour mettre ce livre sur le marché, mais il a été écrit plusieurs mois auparavant. Depuis le 4 novembre 2011, je savais que le chef de l’Etat avait sollicité une audience auprès du pape Benoît XVI mais je ne savais pas quand cette audience lui serait accordée. J’ai donc remis au goût du jour mon projet de livre dans lequel je voulais retracer et célébrer les 40 ans de coopération et d’amitié entre l’Etat de Côte d’Ivoire et l’Etat du Vatican. Je considérais qu’une visite du Président Alassane Ouattara au souverain Pontife constituerait l’apothéose de cette célébration. Puis, j’ai appris, dès juillet dernier par des sources diplomatiques autorisées, que l’audience avait été acceptée et fixée au 16 novembre de la présente année. J’étais déjà confiant et convaincu que le Saint-Siège recevrait assez rapidement notre Président parce que lors de la présentation des lettres de créance du nouvel ambassadeur ivoirien au Vatican, fin 2011, il avait fait de nombreuses recommandations au nouveau chef de l’Etat ivoirien pour que la paix, la justice bien conduites, permettent à la Côte d’Ivoire de recoudre le tissu social déchiré par sa longue crise politico-militaire. Le pape ne pouvait que saisir l’occasion d’avoir rapidement un dialogue-direct avec le Président de ce pays. L’audience qu’il allait lui accorder devenait dès lors, une formidable opportunité pour les deux. Benoît XVI pourrait ainsi se faire expliquer de vive voix par le premier ivoirien, la situation de son pays, de même que ses ambitions pour la Côte d’Ivoire et le Président pourrait quant à lui, tirer tous les bénéfices diplomatiques et spirituels de sa rencontre avec une autorité morale et étatique mondialement respectée et vénérée.
Le voyage du chef de l’Etat a-t-il, selon vous, été positif à tous égards ?
Il a tenu toutes ses promesses. J’ai indiqué avant qu’il ne soit effectué, dans des interviews chez certains de vos confrères, les sujets que le Président Ouattara aurait à évoquer inévitablement avec le Saint-Père. Je savais en effet, par mes propres sources que celui-ci voudrait connaître la version officielle par le chef de l’Etat ivoirien. Je savais aussi que le Pape, au-delà de ses prières et de ses bénédictions en faveur de la Côte d’Ivoire et de son Président, insisterait sur la nécessité de rétablir le dialogue, la justice et les droits de l’Homme et de construire la réconciliation. J’étais convaincu qu’il encouragerait le Président Ouattara à poursuivre les actions qu’il a engagées à toutes ces fins et à accélérer le processus pour déboucher sur le retour de la paix nationale. Tout le monde sait qu’Alassane Ouattara en a fait la priorité de sa gouvernance, avant de dérouler celle-ci vers d’autres axes comme la sécurité, la reconstruction, l’investissement. Afin de réconcilier son pays avec son peuple, avec son image de pays d’hospitalité, de dialogue et de paix, avec son rang et sa respectabilité dans le concert des Nations. L’audience papale puis les entretiens avec d’éminents membres de la curie romaine dont j’ai fait l’énumération dans mon livre, puis les moments de convivialité partagés dans une ambiance amicale, fraternelle et chaleureuse comme l’ont rapporté les envoyés spéciaux de la presse, ont montré à profusion que ce voyage a satisfait toutes ses attentes.
Le Président a déclaré à son retour à Abidjan, qu’il a invité le Pape à venir en Côte d’Ivoire, l’année prochaine. Il vous a donc entendu ?
Sûrement. En effet, j’avais modestement mais avec conviction, suggéré à notre Président sur le plateau du journal télévisé de la télévision nationale, le samedi 10 novembre, ainsi que dans les quotidiens «Soir infos» du mercredi 14 novembre,S et «Fraternité matin» du 16 novembre, d’inviter le Pape à venir faire une visite apostolique en Côte d’Ivoire. Et je signalais aussitôt le fait que l’achèvement et la livraison de l’hôpital Saint-Joseph Moscati construit à quelques mètres de la Basilique Notre Dame de la paix à Yamoussoukro, constitueraient une raison idéale, d’autant que le Pape pourrait procéder à sa bénédiction comme l’a fait son vénéré prédécesseur pour la Basilique. Je suis donc heureux et je ressens comme un honneur que le Président ait été attentif et sensible à mon humble proposition. L’argument était de taille car cet établissement hospitalier est un des points considérables des relations diplomatiques entre la Côte d’Ivoire et le Saint-Siège. Il touche en effet à la fois au spirituel (la promotion humaine) et au développement (la santé, un des droits majeurs de l’homme). Je remercie du fond du cœur le Président Ouattara d’avoir osé. Car le pape a entendu cette invitation et sans doute son bien fondé. Et le Vatican va envisager une visite prochaine de son Chef en Côte d’Ivoire. Le prétexte est désormais tout trouvé. C’est le pays tout entier qui sera fier et heureux de recevoir la quatrième visite d’un pape en moins de vingt Cinq ans. La dernière date de Septembre 1990.
Dans votre livre qui est une mine d’or d’informations à la fois sur ces relations ivoiro-vaticanes et sur la fonctionnement du Saint-Siège et de son Gouvernement, vous décrivez avec un luxe de détails, ces voyages pontificaux et les retombées dont la Côte d’Ivoire a déjà bénéficié….
Je rappelle qu’à partir du troisième trimestre de l’année 1978, la Côte d’Ivoire plus importante, dans le cœur du pape régnant, à savoir Jean Paul II et dans les relations diplomatiques du Saint-Siège avec des Etats. La Côte d’Ivoire est devenue la fille aimée (africaine) du Vatican et de l’Eglise à cause de la sollicitude particulière que lui a témoigné ce pape jusqu’à son décès en Avril 2005. Dès lors, notre pays a beaucoup reçu du Vatican, non pas sous la forme d’une ‘’pluie’’ de milliards de francs mais sous la forme d’actes et actions symboliques qui placent l’homme au centre de son développement intégral, aux plans spirituel, matériel et parfois financier. La Côte d’Ivoire a fait la fierté de ses voisins pour les résultats excellents de sa coopération exemplaire avec l’Etat du Vatican (les exemples sont cités abondamment dans mon livre). Et elle a été souvent enviée par les mêmes ou certains autres pour ce privilège. Tous les gestes de cette coopération étatique et ecclésiale sont vérifiables.
Quelles pourraient être pour la Côte d’Ivoire, les premières retombées du voyage du Président Ouattara au Vatican ?
Dès son retour à Abidjan, le samedi 17 novembre 2012, le Président a affirmé qu’il a bénéficié des prières et des bénédictions du pape. J’ajoute qu’il a surtout bénéficié, comme il l’a mentionné également, des conseils et recommandations du Vicaire du Christ. On peut aisément imaginer que Benoît XVI a encouragé Alassane Ouattara au cours de leur «conclave» à deux dans sa bibliothèque, à faire davantage qu’il ne l’a déjà fait, pour désarmer et pacifier les cœurs des Ivoiriens après les divisions et antagonismes créés consécutivement à la longue crise de ces dernières années. Ne rien négliger donc pour atteindre ces objectifs en amplifiant les actes déjà passés et engager de nouveaux chantiers susceptibles d’assurer le succès attendu. Le chantier de la paix sinon totale, au moins générale dans le pays est aussi important que le succès économique. Le Président Félix Houphouët-Boigny, père de la nation ivoirienne, qui avait le sens des formules fortes répétait à l’envie que «la paix n’est pas un vain mot mais un comportement». Décryptage : avoir un comportement de paix, créer les conditions de la paix et donner tout à la paix. Le Président Ouattara, fils spirituel et disciple d’Houphouët-Boigny dont il a été un très proche collaborateur, sait donc ce que paix veut dire. Il ne vous aura pas échappé que depuis son accession à la magistrature suprême, la paix ce petit mot de quatre lettres mais ayant une grande signification, est énormément présent dans tous ses discours.
Croyez-vous que la pape Benoît XVI viendra en Côte d’Ivoire et répondra donc à l’invitation du Président ?
La diplomatie a ses codes et ses secrets. Le pape ne répond jamais directement et séance tenante à une invitation. Il l’enregistre et la Curie fait le reste, sur ses instructions a posteriori. Benoît ne méconnaît pas la place que tient la Côte d’Ivoire au Vatican. Il connaît la vitalité du pays, de son Eglise catholique et plus généralement de sa communauté de croyants et les gestes de coopération, de foi et d’amour qu’ils ont déjà posé en direction de la papauté. Depuis le début de son pontificat, le Saint-Père a probablement déjà songé à visiter lui aussi la Côte d’Ivoire, en tant que Pape. Et plus probablement encore depuis qu’il s’est trouvé l’année dernière, à quelques heures et kilomètres seulement de notre pays, lorsqu’il a rendu visite à l’Etat du Bénin, proche voisin de la Côte d’Ivoire. Mais il lui faillait attendre le moment favorable pour venir chez nous : un climat social apaisé et un acte fort à poser. En 2013 s’ouvrira une nouvelle année pleine de promesse pour la Côte d’Ivoire. Le pape viendra, j’en suis convaincu et certain. Il viendra en Côte d’Ivoire, davantage en messager de la paix mais aussi comme guide spirituel que comme chef d’Etat. Mais si au cours de son audience avec notre Président, il n’a pas répondu formellement «oui», il donnera sa réponse à la Curie qui ouvrira ce dossier, traitera cette éventualité et préparera le voyage dans tous ses aspects et contours, avec le concours de l’Etat ivoirien. Je connaîs les usages de la diplomatie pontificale. Le Cardinal Bernard Agré disait publiquement à l’occasion de la parution en 2005 de mon livre intitulé «Jean-Paul II notre ami», écrit après la disparition du pape, que je suis «familier de certaines réalités ecclésiales et vaticanes». Ce qui, dans la bouche d’un cardinal de son envergure, est un grand hommage à ma très modeste personne et à mon travail de journaliste et d’écrivain. Selon ces usages donc, l’accord à la visite papale sera donné et sa préparation se fera d’abord dans la discrétion jusqu’à ce que toutes ses conditions soient remplies pour qu’elle s’effectue. Le pape Benoît XVI viendra donc en Côte d’Ivoire probablement à la fin du premier trimestre 2013. La rallonge financière constituant la dernière tranche du financement nécessaire à l’achèvement de l’hôpital sera débloquée par l’Etat ivoirien, d’autant plus rapidement que le pape viendra pour bénir cet hôpital Saint- Joseph Moscavi. Ce voyage Papal est à la fois un défi pour la Côte d’Ivoire et la finition de l’hôpital autant que la construction de la paix et du pays, un challenge.
Certains journaux ivoiriens ont prétendu que ce voyage n’a pas été un grand succès. Vous semblez dire le contraire….
Ce voyage et cette visite au Vatican ont clairement été un succès si l’on en juge par le raffinement du protocole et des attentions réservées au Président Ouattara, par la convivialité et la teneur des entretiens, par l’intérêt porté par les interlocuteurs à la situation ivoirienne, par les gestes diplomatiques de haut niveau posés au sein de l’Etat du Vatican que dans l’Etat d’Italie. J’ai lu chez tel ou tel de vos confrères que le pape n’aurait eu des échanges avec le Président de la République que pendant dix minutes seulement. Connaissant assez bien les usages du Vatican, je ne peux qu’infirmer ce timing. D’abord parce que, je le crois, Alassane Ouattara était très attendu au Vatican depuis que l’audience lui a été accordée. Car son pays est important et par le fait que les discussions le concernant le sont autant. Ensuite, parce que les tête-à-tête (discussions à huis-clos) d’un pape avec un chef d’Etat ont toujours excédé dix minutes. C’est généralement au moins le double, parfois même s’y ajoutent quelques minutes. Le temps pour le visiteur d’entrer dans la bibliothèque papale où se déroulera l’audience, de saluer le pape en posant les gestes de courtoisie, d’échanger quelques civilités avant que les deux hommes ne s’asseyent l’un en face de l’autre, plus de cinq minutes sont facilement passées. Le temps ensuite, que le pape dise à son visiteur les mots de bienvenue puis lui laisse la parole et que celui-ci aborde quelques points choisis de son exposé, cinq autres minutes et davantage peuvent être également passées. Enfin, le temps que le Pape parle à son tour, selon l’importance et la densité des sujets qu’il lui tient à son tour d’évoquer devant son visiteur. Le temps qu’à la fin de sa reprise de parole , il offre ses bénédictions et ses prières à l’invité, pour une bonne gouvernance, le temps que, sortis de la bibliothèque avec le pape, les deux retrouvent la délégation présidentielle et les collaborateurs du pape pour faire les dernières photos officielles et échanger les cadeaux qui mettent fin à l’audience. On atteint facilement la trentaine de minutes. On la dépasse même légèrement parfois. Et tout cela fait partie du temps de la réception par le pape. J’ai personnellement déjà été témoin de ce type de réception au deuxième étage du Palais apostolique où se tiennent ces audiences. il y a aussi l’audience que le visiteur peut se voir accorder par le Premier ministre du pape le Cardinal Secrétaire d’Etat, ou que le Chef d’Etat en visite peut lui accorder. Elle dure quasiment le même temps et elle a également une grande importance pour le suivi du dossier concernant le pays. Puis le déjeuner généralement offert par le pays visiteur aux membres les plus éminents de la Curie romaine, notamment les chefs des grands dicastères ou leurs substituts ou certains préfets de conseils pontificaux. Ce moment de partage est une opportunité diplomatique de grande importance. Car autour de la table, sont échangés des toasts précédés de discours prononcés au nom de leurs Etats par les deux représentants de l’Etat invité et de l’Etat invitant. Les relations bilatérales sont alors évaluées, exaltées et leur dynamisation nouvelle est annoncée. Il en est quasiment de même lorsque le Chef d’Etat en visite est reçu également par les autorités de l’Etat d’Italie ou par des organisations internationales d’envergure. Le Président Alassane Ouattara a bénéficié des deux opportunités. Les retombées de sa visite sont donc au profit de la Côte d’ivoire.
Interview réalisée par Charles Kouassi