Une visite dans des camps militaires à Adjamé, à Abobo, à Yopougon et à Marcory en compagnie des autorités ivoiriennes a permis de confronter les rapports d’Ong internationales qui allèguent des violations des droits humains avec la réalité du terrain.
26 octobre 2012, Amnesty international publie un rapport alléguant des arrestations arbitraires et des tortures dans des camps militaires d’Abidjan. En réponse, les autorités ivoiriennes visitent ces sites et refutent les accusations. Pourtant, en l’espace de trois semaines, deux autres documents de Human rights watch et de International crisis group embouchent la trompette de Amnesty. Où est la vérité ? Dans les camps incriminés, pourrait-on affirmer. En réaction donc, le gouvernement décide de laisser le terrain parler. Mercredi, les attachés de défense du Mali, du Ghana, du Sénégal et de l’Union africaine, des organisations de la société civile et des Ong internationales sont au cabinet du ministre auprès du président de la République chargé de la Défense, Koffi Koffi Paul (KKP). Tous les invités ont été informés la veille dans la nuit d’une visite des différents endroits régulièrement incriminés. Juste une heure et demie d’attente, le temps que le ministre de la Justice et des droits de l’Homme rallie le cabinet. Et le cap est mis sur la première caserne.
Au pas de course
10h47. Camp génie d’Adjamé, siège de la Police militaire. En l’absence du chef des lieux, le commandant Zakaria Koné en mission, le lieutenant Silué reçoit la délégation. Le ministre Paul Koffi qui n’en avait pas eu le temps en profite pour situer le contexte de la visite et indiquer que le souci du gouvernement, «c’est vraiment la transparence». Il engage les journalistes à ‘’signer’’ avec lui un «petit contrat» : pas d’images dans les cellules et pas de questions aux détenus. Le lt Silué informe que la ‘’prison’’ du camp est le local disciplinaire «de la police militaire qui inflige des peines disciplinaires (notamment) pour absences répétées et tenues non conformes.» Cinq individus sont détenus dans la cellule. L’adjoint du Cdt informe que ce sont tous des militaires. «Vous n’avez pas de civil ici ?», interroge KKP. «Non, ce sont exclusivement des militaires. Certains sont venus du camp commando d’Abobo», répond l’officier. Qui révèle que pour les sanitaires, ils reçoivent régulièrement du produit de nettoyage de la Croix-Rouge. Le ministre instruit que, selon la loi, des civils peuvent être détenus dans un camp militaire. Il précise cependant que les procédures les concernant doivent être accélérées afin qu’ils soient rapidement mis à la disposition de la police ou de la gendarmerie. Gnénéma Coulibaly exhorte les militaires à bien se comporter envers les détenus. «Nous sommes tous de potentiels prisonniers. Nous pouvons donc nous retrouver à la place des détenus. Ne leur faisons pas ce qu’on n’aimerait pas qu’on nous fasse. Si vous interrogez des gens, qu’ils ne veulent pas parler, c’est leur droit. Les juges sont-là pour poser les questions appropriées. Si vous avez des difficultés, référez vous à votre hiérarchie», conseille-t-il.
11h 23. Camp commando d’Abobo dirigé par le commandant Gaoussou Koné alias Jah Gao. Une des deux cellules est occupée par six individus. Tous des civils. Le Cdt Jah Gao explique que quatre d’entre eux ont été pris avec des armes blanches, un pistolet automatique et un canon scié lors d’une bagarre. «Dans un premier temps, nous les avons remis au commissariat. Mais le soir, le commissaire nous a appelé pour dire qu’il y a des mouvements supects autour du poste et qu’il craignait d’être attaqué par la bande des interpellés. C’est ainsi qu’il nous les a ramenés par précaution et a fait venir des officiers ce matin (hier, ndlr) pour les interroger», justifie-t-il la présence de ces hommes dans son camp. Les deux autres y sont pour une affaire de drogue, ajoute-t-il. L’officier des Forces spéciales précise qu’ils sont tous en transit et n’y résident pas plus de trois jours. Les autorités constatent qu’il fait trop sombre dans le cachot. «Augmentez les claustras pour qu’il y ait plus de lumière du jour. Personne ne peut s’enfuir par cette ouverture», ordonne le ministre Coulibaly.
11h 55. Caserne Bae de Yopougon. Trois notes de service placardées à la porte de la cellule ordonnent aux éléments de ne pas maltraiter les détenus et de ne garder personne illégalement. Ici, sept personnes, toutes des militaires qui purgent des sanctions disciplinaires. La délégation met le cap sur le site 1 d’encasernement toujours à Yopougon alors que le Garde des sceaux se retire. «Nous n’avons pas de lieu de détention ici», informe le sous-lieutenant Bakary Koné, cdt du camp. «Je le savais déjà. Mais il fallait que je vienne avec nos invités pour qu’ils le constatent eux-mêmes», répond KKP.
12h 54. La cellule à l’Etablissement général des services (Egs) basé à Marcory est très aérée. Une sorte d’entrepôt dans lequel croupissent quatre militaires indisciplinés : trois qui sont sortis avec le véhicule de patrouille sans permission et un pour absences répétées injustifiées, informe le lt Souleymane Tuo, cdt de l’Egs. Il révèle que les sanctions durent quatre à sept jours. «Où sont les présumés assaillants qui étaient incarcérés ici ?», interroge-t-on. «Ils étaient ici sur instruction de la Dst (Direction de la surveillance du territoire, ndlr). Nous les avons ramenés là-bas», réplique le lt. A la question de savoir s’il n’y a pas de tortures chez lui, le militaire répond : «Vous avez visité vous-mêmes. Vous avez constaté qu’il n’y a rien». Retour au cabinet pour le point avec le ministre.
Bamba K. Inza
26 octobre 2012, Amnesty international publie un rapport alléguant des arrestations arbitraires et des tortures dans des camps militaires d’Abidjan. En réponse, les autorités ivoiriennes visitent ces sites et refutent les accusations. Pourtant, en l’espace de trois semaines, deux autres documents de Human rights watch et de International crisis group embouchent la trompette de Amnesty. Où est la vérité ? Dans les camps incriminés, pourrait-on affirmer. En réaction donc, le gouvernement décide de laisser le terrain parler. Mercredi, les attachés de défense du Mali, du Ghana, du Sénégal et de l’Union africaine, des organisations de la société civile et des Ong internationales sont au cabinet du ministre auprès du président de la République chargé de la Défense, Koffi Koffi Paul (KKP). Tous les invités ont été informés la veille dans la nuit d’une visite des différents endroits régulièrement incriminés. Juste une heure et demie d’attente, le temps que le ministre de la Justice et des droits de l’Homme rallie le cabinet. Et le cap est mis sur la première caserne.
Au pas de course
10h47. Camp génie d’Adjamé, siège de la Police militaire. En l’absence du chef des lieux, le commandant Zakaria Koné en mission, le lieutenant Silué reçoit la délégation. Le ministre Paul Koffi qui n’en avait pas eu le temps en profite pour situer le contexte de la visite et indiquer que le souci du gouvernement, «c’est vraiment la transparence». Il engage les journalistes à ‘’signer’’ avec lui un «petit contrat» : pas d’images dans les cellules et pas de questions aux détenus. Le lt Silué informe que la ‘’prison’’ du camp est le local disciplinaire «de la police militaire qui inflige des peines disciplinaires (notamment) pour absences répétées et tenues non conformes.» Cinq individus sont détenus dans la cellule. L’adjoint du Cdt informe que ce sont tous des militaires. «Vous n’avez pas de civil ici ?», interroge KKP. «Non, ce sont exclusivement des militaires. Certains sont venus du camp commando d’Abobo», répond l’officier. Qui révèle que pour les sanitaires, ils reçoivent régulièrement du produit de nettoyage de la Croix-Rouge. Le ministre instruit que, selon la loi, des civils peuvent être détenus dans un camp militaire. Il précise cependant que les procédures les concernant doivent être accélérées afin qu’ils soient rapidement mis à la disposition de la police ou de la gendarmerie. Gnénéma Coulibaly exhorte les militaires à bien se comporter envers les détenus. «Nous sommes tous de potentiels prisonniers. Nous pouvons donc nous retrouver à la place des détenus. Ne leur faisons pas ce qu’on n’aimerait pas qu’on nous fasse. Si vous interrogez des gens, qu’ils ne veulent pas parler, c’est leur droit. Les juges sont-là pour poser les questions appropriées. Si vous avez des difficultés, référez vous à votre hiérarchie», conseille-t-il.
11h 23. Camp commando d’Abobo dirigé par le commandant Gaoussou Koné alias Jah Gao. Une des deux cellules est occupée par six individus. Tous des civils. Le Cdt Jah Gao explique que quatre d’entre eux ont été pris avec des armes blanches, un pistolet automatique et un canon scié lors d’une bagarre. «Dans un premier temps, nous les avons remis au commissariat. Mais le soir, le commissaire nous a appelé pour dire qu’il y a des mouvements supects autour du poste et qu’il craignait d’être attaqué par la bande des interpellés. C’est ainsi qu’il nous les a ramenés par précaution et a fait venir des officiers ce matin (hier, ndlr) pour les interroger», justifie-t-il la présence de ces hommes dans son camp. Les deux autres y sont pour une affaire de drogue, ajoute-t-il. L’officier des Forces spéciales précise qu’ils sont tous en transit et n’y résident pas plus de trois jours. Les autorités constatent qu’il fait trop sombre dans le cachot. «Augmentez les claustras pour qu’il y ait plus de lumière du jour. Personne ne peut s’enfuir par cette ouverture», ordonne le ministre Coulibaly.
11h 55. Caserne Bae de Yopougon. Trois notes de service placardées à la porte de la cellule ordonnent aux éléments de ne pas maltraiter les détenus et de ne garder personne illégalement. Ici, sept personnes, toutes des militaires qui purgent des sanctions disciplinaires. La délégation met le cap sur le site 1 d’encasernement toujours à Yopougon alors que le Garde des sceaux se retire. «Nous n’avons pas de lieu de détention ici», informe le sous-lieutenant Bakary Koné, cdt du camp. «Je le savais déjà. Mais il fallait que je vienne avec nos invités pour qu’ils le constatent eux-mêmes», répond KKP.
12h 54. La cellule à l’Etablissement général des services (Egs) basé à Marcory est très aérée. Une sorte d’entrepôt dans lequel croupissent quatre militaires indisciplinés : trois qui sont sortis avec le véhicule de patrouille sans permission et un pour absences répétées injustifiées, informe le lt Souleymane Tuo, cdt de l’Egs. Il révèle que les sanctions durent quatre à sept jours. «Où sont les présumés assaillants qui étaient incarcérés ici ?», interroge-t-on. «Ils étaient ici sur instruction de la Dst (Direction de la surveillance du territoire, ndlr). Nous les avons ramenés là-bas», réplique le lt. A la question de savoir s’il n’y a pas de tortures chez lui, le militaire répond : «Vous avez visité vous-mêmes. Vous avez constaté qu’il n’y a rien». Retour au cabinet pour le point avec le ministre.
Bamba K. Inza