Deux décennies de conflits, plus de 5 millions de morts. Une population en souffrance dans une région trop fertile, gorgée de minerais… Pourquoi cette énième nouvelle flambée de violences ? Tous coupables, tous complices ; mais mention spéciale aux parrains : l’Ouganda, le Rwanda et l’oncle Sam !
Goma, le chef lieu de province du Nord-Kivu est tombé sans résistance. Cette ville de plus d’un million d’habitants est désormais contrôlée par les rebelles du M23. En à peine six mois, depuis leur offensive de leur base arrière du parc national de Virunga, ses quelques 500 soldats aguerris, dotés d’armements neufs (mitrailleuses lourdes montées sur des pick-up, roquettes anti-char) ont accompli leur premier objectif : conquérir les principales villes de la province de l’Est pour être en position de force en vue d’une négociation avec le président Joseph Kabila. Et pourquoi ne pas marcher sur Kinshasa, renverser la table comme au poker et ramasser entièrement la mise d’un pouvoir chancelant ?
Les discussions pour sortir de cette crise se jouent à Kampala. Lors de la grande première rencontre, le président rwandais Paul Kagamé a accepté de faire le déplacement. Il a ensuite laissé le soin de mener les pourparlers à son ministre des Affaires Etrangères Louise Mushikiwabo. La Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) ressemble à s’y méprendre à un bal de faux-culs ou de cocu. Les deux parrains – Yoweri Museveni et Paul Kagamé - du M23, mènent les discussions ; tandis que le président Joseph Kabila, à la tête du pays agressé, est obligé d’aller à Canossa. Accepter de s’asseoir à cette table, en la présence du représentant politique du M 23 Jean-Marie Runiga, est déjà une humiliation pour un chef d’Etat du plus grand pays du continent.
Que fait la MONUSCO ?
D’abord, l’Union Africaine et son silence assourdissant. Le Conseil de Paix et de Sécurité (CSP) de l’organisation continentale, si prompt à condamner les petits pays (Mali, Guinée, Madagascar) n’est sorti du bois qu’une semaine après la prise de la ville de Goma. Face à un casus belli du Rwanda sur la RDC, l’UA se contente d’acquiescer les déclarations de la CIRGL et envisager le déploiement d’une force neutre !
Dans cette conquête du M23 vers le Sud de la province, au fur et à mesure que les villes tombent, l’armée régulière congolaise (FARDC) adopte un repli stratégique pour ne pas dire un « sauve-qui-peut ». Certains soldats n’hésitent pas à déserter en essayant se mouvoir au sein de la population civile. La MONUSCO, elle, a préféré mettre à l’abri ses hélicoptères de combat. Elle est inattaquable car elle n’a pas failli à sa mission, entre autres «utiliser tous les moyens nécessaires… en vue d’assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les droits de l’homme se trouvant sous la menace imminente de violences physiques…». Oui, l’arche de Noé était surchargée ; on ne pouvait quand même pas évacuer entièrement une ville d’un million d’habitants. Seuls leur personnel non-essentiel et quelques personnalités autochtones furent évacués. Les casques bleus se sont ensuite contentés d’assurer des patrouilles sans que cela puisse éviter les violences, les exactions et les scènes de pillage. Hervé Ladsous, Secrétaire Général adjoint chargé du maintien de la paix aux Nations-Unies, comme Ponce Pilate, s’en lave les mains. Interrogé par nos confrères de RFI, il considère que « la prise de Goma est avant tout un échec de la FARDC qui n’arrive pas à défendre ses frontières. Mais également la faillite de son gouvernement. Car sa souveraineté est violée par des mouvements soutenus de l’étranger… »
La MONUSCO, en quelques chiffres, c’est : 1,5 milliard $ par an de budget, 17.000 hommes, peut-être 3.000 soldats supplémentaires d’ici la fin de l’année. Contingent de nationalité diverse (indienne, bangladaise…), spécialisé dans la police militaire, parfois cité dans des affaires de viols, les stratèges de l’ONU ne préfèrent-ils pas réduire cet effectif pléthorique, budgétivore et mettre des soldats d’élite de pays qui savent faire le boulot ? Et maintenant, il serait question d’envoyer quelques drones non-armés américains ou français pour surveiller le mouvement des rebelles. En tout cas, le sujet a été évoqué au sein du Conseil de Sécurité. Il ne faut pas être expert en renseignements militaires pour déduire que le M23 obtient des matériels militaires fournis par l’Ouganda et le Rwanda. A quoi peuvent servir des drones de surveillance au-dessus d’une végétation luxuriante ?
Elle n’est même pas capable de contenir une rébellion de 1.000 hommes ? La vérité c’est que la MONUSCO n’a pas envie d’avoir des pertes au sein de son effectif. Se dédouaner sur une armée congolaise hétéroclite, fusse-t-elle composée de 75.000 hommes, n’est pas digne d’une institution aussi prestigieuse. Que la communauté internationale lève l’embargo qui interdit à la RDC d’importer des armes depuis 2005. L’état actuel de leurs équipements ne permet même pas à la FARDC de contenir les assaillants qui violent ses frontières.
Les pays occidentaux, eux, hésitent à dénoncer et à sanctionner les agissements du Rwanda. Comme s’ils étaient tétanisés par une culpabilité qui remonte au génocide de 1994. Ainsi le pays de Paul Kagamé, accusé par un rapport d’experts des Nations Unies de soutenir les rebelles du M23, siègera à partir du mois de janvier 2013 au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le Rwanda pourra ainsi bloquer toute décision prise par consensus et même celle qui relève de sanctions en son encontre.
FARDC, une armée mexicaine
On en viendrait presque à regretter le maréchal Mobutu. Le mot «armée» était encore pourvu de sens, et les soldats étaient fiers de porter leur uniforme. Aujourd’hui, la FARDC est un tigre de papier. Manque cruel de matériels, d’équipements et même de budget pour payer les soldes de cet effectif hétéroclite composé de soldats engagés, de miliciens recyclés à chaque fin de conflits depuis 20 ans. La dimension ethnique menace régulièrement la grande muette. Plusieurs officiers qui sont à la tête du M23 actuel ont obtenu leurs galons et leurs étoiles, à la faveur de leur intégration, au sein de la FARDC alors qu’ils étaient des seigneurs de guerre qui méritaient mille fois d’être traduits devant la CPI. Où sont les ex-CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) aujourd’hui : le général Bosco Ntaganda, le colonel Makenga ? Les militaires fraîchement intégrés après un conflit refusent systématiquement d’être mutés dans autre région. Non seulement, ils arrivent à s’enrichir rapidement en s’associant aux hommes d’affaires du coin ou en assurant la protection de compagnies minières étrangères. Mais en cas de mobilisation, il leur suffit de traverser les frontières des pays voisins pour préparer la prochaine offensive rebelle. Le colonel Albert Kahasha alias« Foka Mike » commandant du 808ème régiment des FARDC, basé au Nord-Kivu, a déserté en janvier 2012. Il emmena avec lui ses hommes lestés d’armes et munitions. Début novembre, il se rendit aux responsables de l’armée et au gouverneur du Sud-Kivu Marcellin Cishambo. Quelques jours après sa réédition, il fit à nouveau défection.
Le cas du général Gabriel Amisi est encore plus flagrant. Ancien officiel rebelle, il est devenu chef d’état-major des forces terrestres de la FARDC après son intégration. Fallait-il attendre la publication d’un rapport de l’ONU pour savoir qu’il se livrait à des trafics d’armes destinées aux mouvements rebelles de l’Est ? Immensément riche, devenu un notable, propriétaire d’un club de football, le président Joseph Kabila ne pouvait ignorer ses agissements. Pourquoi a-t-il fermé les yeux ? Ses officiers précédemment cités ne méritent-ils pas d’être traduits en cour martiale ? Ce manque d’autorité est le signe d’un pouvoir aux abois. A partir de là, l’hypothèse de la chute du régime n’est pas totalement exclu !
La genèse de ce conflit
Les experts militaires définissent ce genre de conflit de « basse intensité » car il ne défraye plus les chroniques que de manière sporadique. Déjà plus de 5 millions de morts en deux décennies ; sans compter les victimes de viols, des millions de réfugiés. Cette région des Grands Lacs est une pétaudière sujette à des éruptions violentes périodiques.
Pourquoi la Tanzanie ayant une frontière commune avec la RDC vit-elle en bon voisinage alors qu’au Nord, sur une ligne qui limite les pays de part et d’autre des lacs Kivu (RDC, Burundi, Rwanda) et Edouard (RDC et l’Ouganda), l’instabilité est une donné constante ? Bien avant l’existence des frontières, par brassage successif et de migrations qui remontent à plusieurs centaines d’années, des rwandais se sont installés vers l’Ouest c’est-à-dire dans l’actuelle RDC. Ensuite pendant la colonisation, les belges ont également poussé ce peuple nomade et pasteur à migrer. Et enfin à chaque guerre inter-ethnique (entre Tutsis et Hutus) au Rwanda ou au Burundi, le réflexe naturel des réfugiés est de traverser les frontières pour s’installer côté congolais. Si bien que lorsque l’herbe était encore grasse en 1960, le Zaïre fut accueillant et octroya même la nationalité à ces migrants en 1972 – avant de la retirer dix ans plus tard -. Les rwandophones ont toujours été traités avec condescendance et ne pouvaient jamais prétendre à accéder à la vie politique du Zaïre. Et lorsque, vers la fin des années 90, la croissance démographique provoqua la raréfaction des terres arables, les migrants sont devenus des boucs émissaires.
Pourquoi les rwandais et les ougandais tournent-ils autour du pot ?
Il existe également une dimension économique qui engendre cette situation inextricable : l’énorme ressource minière que regorge le sous-sol de la province Est. Elle suscite la convoitise de ses voisins (rwandais, ougandais et burundais) mais également des multinationales.
Elles sont une puissance financière et un lobbying à l’échelle mondial si efficace qu’elles sont capables de dicter leur volonté aux dirigeants politiques occidentaux et même de renverser un chef d’Etat en Afrique. Au début des années 1990, parmi toutes les compagnies internationales qui souhaitaient investir dans la région des Grands Lacs, l’American Minerals Fields Inc. (AMFI) se révèle être la plus opportuniste et la plus entreprenante. L’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), une coalition dissidente au maréchal Mobutu, créée de toutes pièces par les trois chefs d’Etat (Paul Kagamé Yoweri Museveni et le burundais Pierre Buyoya) aurait été soutenue financièrement par l’AMFI. Ils ont signé un pacte avec Laurent Désiré Kabila : aider ce dernier à conquérir le pouvoir contre une nouvelle configuration des frontières en faveur de l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Dès 1997, la société AMFI ouvrira une agence à Goma. Quelques semaines avant la marche sur Kinshasa et la chute de Mobutu, un deal a été signé entre l’AFDL et l’AMFI ; Il s’agit de la future exploitation de concessions de cuivre et de cobalt dont le montant de l’investissement couterait la bagatelle de 1,5 milliard $. 250 millions revenant à l’AFDL qui touchait d’emblée 25% du montant. La fin tragique du président Laurent Désiré Kabila en 2001, ne serait que la conséquence de sa double trahison : non seulement il aurait remis en cause les accords territoriaux avec ceux qui l`ont aidé à accéder au pouvoir suprême mais également les concessions minières préalablement attribuées à l’AMFI.
Exiger le retrait sans conditions de ses positions acquises sur le terrain ; telle est l’injonction formulée par la CIRGL et l’ONU auprès du M23 dirigé par le colonel Makenga et ses hommes. Les médiations antérieures ont déjà abouti d’une part à l’intégration des anciens rebelles au sein de la FARDC ; d’autre part le CNDP faisait partie de la plate-forme englobant la Majorité Présidentielle (MP) aux dernières élections présidentielles en RDC. La paix et la stabilité de la région des Grands Lacs dépendront en grande partie du bon vouloir des parrains du mouvement et de l’Oncle Sam.
Alex ZAKA
Goma, le chef lieu de province du Nord-Kivu est tombé sans résistance. Cette ville de plus d’un million d’habitants est désormais contrôlée par les rebelles du M23. En à peine six mois, depuis leur offensive de leur base arrière du parc national de Virunga, ses quelques 500 soldats aguerris, dotés d’armements neufs (mitrailleuses lourdes montées sur des pick-up, roquettes anti-char) ont accompli leur premier objectif : conquérir les principales villes de la province de l’Est pour être en position de force en vue d’une négociation avec le président Joseph Kabila. Et pourquoi ne pas marcher sur Kinshasa, renverser la table comme au poker et ramasser entièrement la mise d’un pouvoir chancelant ?
Les discussions pour sortir de cette crise se jouent à Kampala. Lors de la grande première rencontre, le président rwandais Paul Kagamé a accepté de faire le déplacement. Il a ensuite laissé le soin de mener les pourparlers à son ministre des Affaires Etrangères Louise Mushikiwabo. La Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL) ressemble à s’y méprendre à un bal de faux-culs ou de cocu. Les deux parrains – Yoweri Museveni et Paul Kagamé - du M23, mènent les discussions ; tandis que le président Joseph Kabila, à la tête du pays agressé, est obligé d’aller à Canossa. Accepter de s’asseoir à cette table, en la présence du représentant politique du M 23 Jean-Marie Runiga, est déjà une humiliation pour un chef d’Etat du plus grand pays du continent.
Que fait la MONUSCO ?
D’abord, l’Union Africaine et son silence assourdissant. Le Conseil de Paix et de Sécurité (CSP) de l’organisation continentale, si prompt à condamner les petits pays (Mali, Guinée, Madagascar) n’est sorti du bois qu’une semaine après la prise de la ville de Goma. Face à un casus belli du Rwanda sur la RDC, l’UA se contente d’acquiescer les déclarations de la CIRGL et envisager le déploiement d’une force neutre !
Dans cette conquête du M23 vers le Sud de la province, au fur et à mesure que les villes tombent, l’armée régulière congolaise (FARDC) adopte un repli stratégique pour ne pas dire un « sauve-qui-peut ». Certains soldats n’hésitent pas à déserter en essayant se mouvoir au sein de la population civile. La MONUSCO, elle, a préféré mettre à l’abri ses hélicoptères de combat. Elle est inattaquable car elle n’a pas failli à sa mission, entre autres «utiliser tous les moyens nécessaires… en vue d’assurer la protection des civils, du personnel humanitaire et du personnel chargé de défendre les droits de l’homme se trouvant sous la menace imminente de violences physiques…». Oui, l’arche de Noé était surchargée ; on ne pouvait quand même pas évacuer entièrement une ville d’un million d’habitants. Seuls leur personnel non-essentiel et quelques personnalités autochtones furent évacués. Les casques bleus se sont ensuite contentés d’assurer des patrouilles sans que cela puisse éviter les violences, les exactions et les scènes de pillage. Hervé Ladsous, Secrétaire Général adjoint chargé du maintien de la paix aux Nations-Unies, comme Ponce Pilate, s’en lave les mains. Interrogé par nos confrères de RFI, il considère que « la prise de Goma est avant tout un échec de la FARDC qui n’arrive pas à défendre ses frontières. Mais également la faillite de son gouvernement. Car sa souveraineté est violée par des mouvements soutenus de l’étranger… »
La MONUSCO, en quelques chiffres, c’est : 1,5 milliard $ par an de budget, 17.000 hommes, peut-être 3.000 soldats supplémentaires d’ici la fin de l’année. Contingent de nationalité diverse (indienne, bangladaise…), spécialisé dans la police militaire, parfois cité dans des affaires de viols, les stratèges de l’ONU ne préfèrent-ils pas réduire cet effectif pléthorique, budgétivore et mettre des soldats d’élite de pays qui savent faire le boulot ? Et maintenant, il serait question d’envoyer quelques drones non-armés américains ou français pour surveiller le mouvement des rebelles. En tout cas, le sujet a été évoqué au sein du Conseil de Sécurité. Il ne faut pas être expert en renseignements militaires pour déduire que le M23 obtient des matériels militaires fournis par l’Ouganda et le Rwanda. A quoi peuvent servir des drones de surveillance au-dessus d’une végétation luxuriante ?
Elle n’est même pas capable de contenir une rébellion de 1.000 hommes ? La vérité c’est que la MONUSCO n’a pas envie d’avoir des pertes au sein de son effectif. Se dédouaner sur une armée congolaise hétéroclite, fusse-t-elle composée de 75.000 hommes, n’est pas digne d’une institution aussi prestigieuse. Que la communauté internationale lève l’embargo qui interdit à la RDC d’importer des armes depuis 2005. L’état actuel de leurs équipements ne permet même pas à la FARDC de contenir les assaillants qui violent ses frontières.
Les pays occidentaux, eux, hésitent à dénoncer et à sanctionner les agissements du Rwanda. Comme s’ils étaient tétanisés par une culpabilité qui remonte au génocide de 1994. Ainsi le pays de Paul Kagamé, accusé par un rapport d’experts des Nations Unies de soutenir les rebelles du M23, siègera à partir du mois de janvier 2013 au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le Rwanda pourra ainsi bloquer toute décision prise par consensus et même celle qui relève de sanctions en son encontre.
FARDC, une armée mexicaine
On en viendrait presque à regretter le maréchal Mobutu. Le mot «armée» était encore pourvu de sens, et les soldats étaient fiers de porter leur uniforme. Aujourd’hui, la FARDC est un tigre de papier. Manque cruel de matériels, d’équipements et même de budget pour payer les soldes de cet effectif hétéroclite composé de soldats engagés, de miliciens recyclés à chaque fin de conflits depuis 20 ans. La dimension ethnique menace régulièrement la grande muette. Plusieurs officiers qui sont à la tête du M23 actuel ont obtenu leurs galons et leurs étoiles, à la faveur de leur intégration, au sein de la FARDC alors qu’ils étaient des seigneurs de guerre qui méritaient mille fois d’être traduits devant la CPI. Où sont les ex-CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple) aujourd’hui : le général Bosco Ntaganda, le colonel Makenga ? Les militaires fraîchement intégrés après un conflit refusent systématiquement d’être mutés dans autre région. Non seulement, ils arrivent à s’enrichir rapidement en s’associant aux hommes d’affaires du coin ou en assurant la protection de compagnies minières étrangères. Mais en cas de mobilisation, il leur suffit de traverser les frontières des pays voisins pour préparer la prochaine offensive rebelle. Le colonel Albert Kahasha alias« Foka Mike » commandant du 808ème régiment des FARDC, basé au Nord-Kivu, a déserté en janvier 2012. Il emmena avec lui ses hommes lestés d’armes et munitions. Début novembre, il se rendit aux responsables de l’armée et au gouverneur du Sud-Kivu Marcellin Cishambo. Quelques jours après sa réédition, il fit à nouveau défection.
Le cas du général Gabriel Amisi est encore plus flagrant. Ancien officiel rebelle, il est devenu chef d’état-major des forces terrestres de la FARDC après son intégration. Fallait-il attendre la publication d’un rapport de l’ONU pour savoir qu’il se livrait à des trafics d’armes destinées aux mouvements rebelles de l’Est ? Immensément riche, devenu un notable, propriétaire d’un club de football, le président Joseph Kabila ne pouvait ignorer ses agissements. Pourquoi a-t-il fermé les yeux ? Ses officiers précédemment cités ne méritent-ils pas d’être traduits en cour martiale ? Ce manque d’autorité est le signe d’un pouvoir aux abois. A partir de là, l’hypothèse de la chute du régime n’est pas totalement exclu !
La genèse de ce conflit
Les experts militaires définissent ce genre de conflit de « basse intensité » car il ne défraye plus les chroniques que de manière sporadique. Déjà plus de 5 millions de morts en deux décennies ; sans compter les victimes de viols, des millions de réfugiés. Cette région des Grands Lacs est une pétaudière sujette à des éruptions violentes périodiques.
Pourquoi la Tanzanie ayant une frontière commune avec la RDC vit-elle en bon voisinage alors qu’au Nord, sur une ligne qui limite les pays de part et d’autre des lacs Kivu (RDC, Burundi, Rwanda) et Edouard (RDC et l’Ouganda), l’instabilité est une donné constante ? Bien avant l’existence des frontières, par brassage successif et de migrations qui remontent à plusieurs centaines d’années, des rwandais se sont installés vers l’Ouest c’est-à-dire dans l’actuelle RDC. Ensuite pendant la colonisation, les belges ont également poussé ce peuple nomade et pasteur à migrer. Et enfin à chaque guerre inter-ethnique (entre Tutsis et Hutus) au Rwanda ou au Burundi, le réflexe naturel des réfugiés est de traverser les frontières pour s’installer côté congolais. Si bien que lorsque l’herbe était encore grasse en 1960, le Zaïre fut accueillant et octroya même la nationalité à ces migrants en 1972 – avant de la retirer dix ans plus tard -. Les rwandophones ont toujours été traités avec condescendance et ne pouvaient jamais prétendre à accéder à la vie politique du Zaïre. Et lorsque, vers la fin des années 90, la croissance démographique provoqua la raréfaction des terres arables, les migrants sont devenus des boucs émissaires.
Pourquoi les rwandais et les ougandais tournent-ils autour du pot ?
Il existe également une dimension économique qui engendre cette situation inextricable : l’énorme ressource minière que regorge le sous-sol de la province Est. Elle suscite la convoitise de ses voisins (rwandais, ougandais et burundais) mais également des multinationales.
Elles sont une puissance financière et un lobbying à l’échelle mondial si efficace qu’elles sont capables de dicter leur volonté aux dirigeants politiques occidentaux et même de renverser un chef d’Etat en Afrique. Au début des années 1990, parmi toutes les compagnies internationales qui souhaitaient investir dans la région des Grands Lacs, l’American Minerals Fields Inc. (AMFI) se révèle être la plus opportuniste et la plus entreprenante. L’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo (AFDL), une coalition dissidente au maréchal Mobutu, créée de toutes pièces par les trois chefs d’Etat (Paul Kagamé Yoweri Museveni et le burundais Pierre Buyoya) aurait été soutenue financièrement par l’AMFI. Ils ont signé un pacte avec Laurent Désiré Kabila : aider ce dernier à conquérir le pouvoir contre une nouvelle configuration des frontières en faveur de l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. Dès 1997, la société AMFI ouvrira une agence à Goma. Quelques semaines avant la marche sur Kinshasa et la chute de Mobutu, un deal a été signé entre l’AFDL et l’AMFI ; Il s’agit de la future exploitation de concessions de cuivre et de cobalt dont le montant de l’investissement couterait la bagatelle de 1,5 milliard $. 250 millions revenant à l’AFDL qui touchait d’emblée 25% du montant. La fin tragique du président Laurent Désiré Kabila en 2001, ne serait que la conséquence de sa double trahison : non seulement il aurait remis en cause les accords territoriaux avec ceux qui l`ont aidé à accéder au pouvoir suprême mais également les concessions minières préalablement attribuées à l’AMFI.
Exiger le retrait sans conditions de ses positions acquises sur le terrain ; telle est l’injonction formulée par la CIRGL et l’ONU auprès du M23 dirigé par le colonel Makenga et ses hommes. Les médiations antérieures ont déjà abouti d’une part à l’intégration des anciens rebelles au sein de la FARDC ; d’autre part le CNDP faisait partie de la plate-forme englobant la Majorité Présidentielle (MP) aux dernières élections présidentielles en RDC. La paix et la stabilité de la région des Grands Lacs dépendront en grande partie du bon vouloir des parrains du mouvement et de l’Oncle Sam.
Alex ZAKA