Dans le cadre de la lutte contre la cherté de la vie, le Gouvernement avait pris une mesure suspendant les taxes et droits d’entrée sur le riz. Durant trois mois (d’août à octobre 2012), tout le circuit commercial du riz a bénéficié de cette mesure pour permettre en aval, la réduction du prix du riz au kg. Les vrais bénéficiaires devant être les Consommateurs. Mais qu’en a-t-il été en réalité ? Dans cette interview qu’il nous a accordée récemment, M. Claude ASSOUAN, Président du Groupement des importateurs de riz et de denrées alimentaires de Côte d’Ivoire, relève que cette mesure n’a pas donné les résultats escomptés.
Le Nouveau Consommateur Hebdo (LNCH) : M. ASSOUAN, quelles sont aujourd’hui les conclusions que vous tirez de la mesure de suspension des droits de douanes sur le riz au terme des trois mois constituant le délai de grâce ?
Claude ASSOUAN (C.A) : Dans l’ensemble, nous disons que le résultat est mitigé. En ce sens que la mesure en question avait pour but d’alléger le fardeau des Consommateurs par rapport à la cherté du prix du riz sur le marché. Sur ce point, il faut reconnaître que l’objectif du Gouvernement a été atteint dans l’ensemble. Il y a eu deux éléments conjugués qui ont plaidé en faveur de l’Etat et des Consommateurs, c’est-à-dire qu’au moment où le Gouvernement prenait cette mesure de suspension, le prix au niveau international connaissait une baisse. Du coup, le prix du riz sur le marché national était abordable durant cette période surtout au niveau des grossistes.Mais curieusement, chez les détaillants, les prix sont restés inchangés. L’on a assisté à un remue-ménage où chaque commerçant a agi selon son bon vouloir. En plus, il n’y a eu ni recensement, ni contrôle. Pour une bonne application de ce genre de mesure, il fallait procéder ainsi. Dorénavant, le Gouvernement doit veiller au respect de ces dispositions pour éviter l’anarchie. Donc nous disons que certains commerçants ont tiré profit de ladite mesure par contre ce sont certains détaillants et les Consommateurs qui ont dû subir cette situation. Il faut aussi dire que depuis la suspension des taxes et droits d’entrée sur le riz, les importateurs que nous sommes, avons vu apparaître des importateurs occasionnels. Ces derniers ont ainsi bénéficié de cette mesure sans se soucier des Consommateurs. Et puis ils ont aussi cassé l’élan des importateurs classiques dont certains ont mis la clé sous le paillasson puisque l’Etat n’a pas pris la peine de voir la situation de ceux qui avaient déjà importé le riz avant la mise en œuvre de la mesure. Il faut par ailleurs noter que l’Etat, en collaboration avec le Groupement des importateurs, est en train d’importer du riz de très bonne qualité à un prix abordable ; le prix d’achat sera fixé de commun accord avec le Ministère du Commerce. Ce qui va permettre de soulager les Consommateurs dans les jours avenirs.
LNCH : Avez-vous été associé à cette mesure de suspension des droits de douane sur le riz ?
C. A : Non, nous n’avons pas été associés. C’était une mesure délicate et il ne fallait pas procéder comme l’Etat l’a fait. Nous souhaitons que désormais le Gouvernement consulte tous les opérateurs du secteur qui peuvent aussi faire des suggestions plus appropriées pour la réussite de toute action visant à réduire le coût de la vie.
LNCH : Quels sont justement vos points de suggestions qui auraient pu permettre d’aider à la réussite de cette mesure sur le riz ?
C.A : Nous avons fait la proposition suivante : au lieu de suspendre les droits de douane pendant trois mois, il fallait plutôt réduire le coût desdites taxes pendant un bon moment. Dès lors, l’Etat ne perd pas complètement puisque cette mesure a coûté cher à l’Etat, et, en plus, on aurait ainsi évité les concurrences déloyales faites aux importateurs classiques. En aval, ce sont les Consommateurs qui seraient alors les vrais bénéficiaires et non les importateurs occasionnels et les détaillants qui n’ont pas vraiment appliqué les prix découlant de cette mesure.
LNCH : L’ex Ministre du Commerce s’est pourtant dit globalement satisfait de cette décision.
C.A : Je vous ai dit que les résultats de cette mesure sont mitigés ; lui il était satisfait mais nous en tant qu’importateurs on n’était pas totalement satisfait.
LNCH : Est-ce que vous avez eu une rencontre bilan avec la tutelle pour tirer tous les enseignements de cette mesure ?
C.A : Oui, nous avons eu une rencontre avec le Ministre Banzio pour tirer les conclusions et nous avons suggéré que désormais il faut qu’on nous associe à ce genre d’opération. Nous avons également demandé que le réseau des importateurs de riz en Côte d’Ivoire soit organisé ; figurez-vous que nous importons quand même dans l’ordre de 700 à 800 mille tonnes par an ; c’est énorme et c’est beaucoup d’argent. Lorsque les droits de douane ont été levés par l’Etat, des personnes ont fait irruption dans notre secteur pour importer au maximum le riz ici puis sont allés le vendre dans des pays de la sous- région. Ce sont des actes de perturbation de notre secteur. Lorsque ça se passe ainsi, les importateurs classiques que nous sommes, subissons des pertes car confrontés à une concurrence déloyale. C’est pourquoi nous comptons rencontrer le nouveau Ministre du Commerce pour lui faire part de nos préoccupations. Il est important que le ministère collabore avec les partenaires permanents et non les partenaires d’un jour.
LNCH : Vous nous faites comprendre là qu’au niveau de votre structure vous avez un problème d’organisation puisque du jour au lendemain n’importe qui peut exercer dans votre secteur.
C.A : Non, il ne se pose pas un problème d’organisation. Il y a des difficultés à la base. Vous savez aujourd’hui, quelqu’un se rend à la justice, il prend un registre de commerce et, du coup, il devient commerçant. Ce n’est pas normal et c’est ce que nous voulons corriger. Il faut que l’Etat trouve des mesures pour protéger les importateurs ; cela est même bénéfique à l’Etat. Bientôt, nous comptons rencontrer le Ministre du Commerce pour lui faire part de nos suggestions. Nous avions déjà engagé le débat avec l’ancien Ministre du Commerce. Nous avons la chance d’avoir comme interlocuteur M. Billon (le nouveau Ministre du commerce) qui était l’ancien président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire. Il connaît très bien nos problèmes.
LNCH : Les brebis galeuses, il y en a dans vos rangs. Ne pensez-vous pas qu’elles contribuent à créer des dysfonctionnements dans vos activités ?
C.A : (Rires). On ne peut contredire cela mais nous faisons l’effort de ne pas arriver à observer des dérapages dans notre écurie et de faire en sorte que nos rapports avec le Gouvernement soient de bons rapports marqués par le respect des obligations des parties. Nous voulons travailler en bonne intelligence avec l’Etat et, cela passe par des échanges permanents.
LNCH : Il est de plus en plus question de la perte de conteneurs de riz au port
C.A : C’est vrai, il y a eu des vols. C’est fréquent. Nous avons rencontré les autorités portuaires avec qui nous sommes en train de trouver des solutions pour contrer ces cas de vol. Deux contrevenants ont été déjà interpellés dans le cadre de cette vigilance. Nous continuons d’y travailler.
LNCH : Il y a aussi le phénomène des produits prohibés qui menacent la vie des Consommateurs. Le riz n’est pas en reste. Qu’est-ce que les importateurs font pour éviter à la Côte d’Ivoire du riz avarié ?
C.A : Tout le riz qui entre sur le territoire ivoirien est de bonne qualité. Obligation est faite de mentionner sur ce riz, la date de production et la date de péremption. La vente doit intervenir dans un intervalle de trois ans. Jusqu’ici ces dispositions sont respectées.
LNCH : Il y a également une arnaque qui a cours dans la vente du riz. Le nom et la qualité du riz inscrits sur le sac n’a souvent rien à voir avec le riz contenu dans le sac en question. Les Consommateurs ainsi dupés s’en plaignent.
C.A : Vous posez là un problème réel. Il faut avoir le courage de dire la vérité. En fait, tous ceux qui opèrent dans notre milieu ont une marque. Le problème ne devait donc pas se poser puisque chacun est identifié à une marque donné. Malheureusement certains commerçants véreux vont acheter un riz ‘‘x’’ puis font imiter des sacs ‘‘y’’ pour les faire fabriquer auprès de certains opérateurs de la place et y mette le riz qui n’a aucun lien avec le sac en question. Nous avons déjà mis la main sur un vendeur de sac qui nous donné quelques informations sur cette filière. Nous entendons démanteler ce réseau avec le soutien des Forces de l’Ordre. Il faut toutefois préciser que ces actes ne sont pas le fait des importateurs mais bien ceux de commerçants véreux.
LNCH : Quel est l’impact de tels actes sur la filière ?
C.A : Il est clair qu’un tel acte frauduleux contribue à la mévente des vrais produits et donc une perte pour les importateurs. Il en va de même pour le Consommateur qui se voit ainsi grugé sur son choix.
LNCH : C’est une atteinte au droit au choix du Consommateur qui est l’un de ses droits fondamentaux.
C.A : Bien sûr. Il faut condamner et faire cesser de tels comportements qui ne feront que nuire à l’image des marques. Ma structure a été victime de cette arnaque. Un cas patent a fait récemment l’objet d’une instruction à la police économique. Quant aux Consommateurs, ils doivent dénoncer aux autorités ces actes qui leur causent des désagréments. Mais je pense que toutes ces activités de ces commerçants véreux prospèrent parce que le caractère libéral de notre économie est sans limite. Il faut revoir la nécessité de certaines restrictions dans l’activité commerciale.
LNCH : La meilleure façon de nourrir les Ivoiriens, c’est l’option de l’autosuffisance en riz. Vous y pensez ? Il est souhaitable de passer de la place d’importateur à celle d’exportateur.
C.A : Nous y pensons. La Côte d’Ivoire consomme 50 mille tonnes de riz par mois. Des efforts sont à faire dans le cadre de la production. Il y a certains opérateurs dans nos rangs qui font déjà la culture du riz en Côte d’Ivoire. En réalité, nous sommes importateurs, mais nous sommes aussi exportateurs. L’un n’exclut pas l’autre. Je suis l’un des défenseurs de l’autosuffisance alimentaire et ce serait une bonne chose d’engager ce projet. On peut déjà commencer avec les produits classiques comme la banane, l’igname, le manioc, le fonio, le maïs, etc.
LNCH : Quel est votre programme d’activités immédiat ?
C.A : Nous sommes en train de travailler sur un livre blanc pour protéger les droits des importateurs. Pour qu’il y ait des importateurs permanents en vue de faire en sorte que la concurrence soit plus saine. L’objectif est d’éviter des surcoûts et des pénuries sur le marché.
LNCH : C’est curieux ; mais en parlant de vos intérêts, vous pensez aux Consommateurs. Ce n’est pas toujours évident pour un opérateur économique de se préoccuper de la situation des Consommateurs.
C.A : Si des opérateurs économiques ne se soucient pas des problèmes des Consommateurs, je leur dit que c’est une erreur. Lorsque vous vendez un produit à quelqu’un ; si la personne à qui vous vendez le produit n’est pas contente, cela va agir négativement sur vous. Si l’acheteur est content et que vous en tant que vendeur vous êtes content, c’est que vous avez fait une bonne affaire, parce que demain il reviendra chez vous.
LNCH : L’entrepreneuriat, la question est d’actualité aujourd’hui avec la crise économique et les limites de l’Etat. Selon vous comment valoriser le secteur de l’entrepreneuriat dans le cadre de l’autosuffisance alimentaire ?
C.A : Nous pensons que l’Etat doit subventionner la culture du riz et créer une structure pour l’achat. Dès cet instant, les producteurs regroupés dans des coopératives soutenus par des techniciens, seront motivés pour une production de masse. Il en est de même pour les autres cultures vivrières. Il faut à la base, remettre en selle les Fonds sociaux pour aider tous les Ivoiriens qui veulent travailler. Il faut surtout éviter l’expérience passée où les Fonds étaient mis à la disposition du premier venu. L’Etat doit faire suivre les projets par des agences comptables agréées pendant au moins un ou deux ans. Ensuite, il faut que l’Etat crée ce que j’appelle la Banque Foncière. Ça existe en Europe et on peut bien le faire ici. Cette Banque doit créer les conditions pour prêter de l’argent. L’Etat doit veiller à cela. Aujourd’hui aucune Banque de la place ne prête de l’argent à un entrepreneur. On peut prêter en s’affichant de plusieurs garanties. L’Etat doit par ailleurs éviter le libéralisme sauvage et encourager les initiatives privées à travers des distinctions diverses. Voilà ce qu’il faut faire pour impulser le développement.
LNCH : Nous sommes au terme de cet entretien, votre mot de fin ?
C.A : Il y a beaucoup de choses à faire en Côte d’Ivoire dans le secteur agricole, pourtant on n’est pas autosuffisant dans plusieurs domaines. Il faut corriger cela. La lutte contre la cherté de la vie ne connaîtra un succès que lorsque la production locale de produits vivriers va suffire aux populations. A ce niveau, votre journal constitue un excellent ambassadeur auprès des pouvoirs publics et des Consommateurs en termes d’information. Merci d’être venu nous rencontrer pour aborder un sujet vital comme le riz. Je le répète, l’Etat doit aider à une production de masse des cultures vivrières.
Interview réalisée par Samuel Guelah
Le Nouveau Consommateur Hebdo (LNCH) : M. ASSOUAN, quelles sont aujourd’hui les conclusions que vous tirez de la mesure de suspension des droits de douanes sur le riz au terme des trois mois constituant le délai de grâce ?
Claude ASSOUAN (C.A) : Dans l’ensemble, nous disons que le résultat est mitigé. En ce sens que la mesure en question avait pour but d’alléger le fardeau des Consommateurs par rapport à la cherté du prix du riz sur le marché. Sur ce point, il faut reconnaître que l’objectif du Gouvernement a été atteint dans l’ensemble. Il y a eu deux éléments conjugués qui ont plaidé en faveur de l’Etat et des Consommateurs, c’est-à-dire qu’au moment où le Gouvernement prenait cette mesure de suspension, le prix au niveau international connaissait une baisse. Du coup, le prix du riz sur le marché national était abordable durant cette période surtout au niveau des grossistes.Mais curieusement, chez les détaillants, les prix sont restés inchangés. L’on a assisté à un remue-ménage où chaque commerçant a agi selon son bon vouloir. En plus, il n’y a eu ni recensement, ni contrôle. Pour une bonne application de ce genre de mesure, il fallait procéder ainsi. Dorénavant, le Gouvernement doit veiller au respect de ces dispositions pour éviter l’anarchie. Donc nous disons que certains commerçants ont tiré profit de ladite mesure par contre ce sont certains détaillants et les Consommateurs qui ont dû subir cette situation. Il faut aussi dire que depuis la suspension des taxes et droits d’entrée sur le riz, les importateurs que nous sommes, avons vu apparaître des importateurs occasionnels. Ces derniers ont ainsi bénéficié de cette mesure sans se soucier des Consommateurs. Et puis ils ont aussi cassé l’élan des importateurs classiques dont certains ont mis la clé sous le paillasson puisque l’Etat n’a pas pris la peine de voir la situation de ceux qui avaient déjà importé le riz avant la mise en œuvre de la mesure. Il faut par ailleurs noter que l’Etat, en collaboration avec le Groupement des importateurs, est en train d’importer du riz de très bonne qualité à un prix abordable ; le prix d’achat sera fixé de commun accord avec le Ministère du Commerce. Ce qui va permettre de soulager les Consommateurs dans les jours avenirs.
LNCH : Avez-vous été associé à cette mesure de suspension des droits de douane sur le riz ?
C. A : Non, nous n’avons pas été associés. C’était une mesure délicate et il ne fallait pas procéder comme l’Etat l’a fait. Nous souhaitons que désormais le Gouvernement consulte tous les opérateurs du secteur qui peuvent aussi faire des suggestions plus appropriées pour la réussite de toute action visant à réduire le coût de la vie.
LNCH : Quels sont justement vos points de suggestions qui auraient pu permettre d’aider à la réussite de cette mesure sur le riz ?
C.A : Nous avons fait la proposition suivante : au lieu de suspendre les droits de douane pendant trois mois, il fallait plutôt réduire le coût desdites taxes pendant un bon moment. Dès lors, l’Etat ne perd pas complètement puisque cette mesure a coûté cher à l’Etat, et, en plus, on aurait ainsi évité les concurrences déloyales faites aux importateurs classiques. En aval, ce sont les Consommateurs qui seraient alors les vrais bénéficiaires et non les importateurs occasionnels et les détaillants qui n’ont pas vraiment appliqué les prix découlant de cette mesure.
LNCH : L’ex Ministre du Commerce s’est pourtant dit globalement satisfait de cette décision.
C.A : Je vous ai dit que les résultats de cette mesure sont mitigés ; lui il était satisfait mais nous en tant qu’importateurs on n’était pas totalement satisfait.
LNCH : Est-ce que vous avez eu une rencontre bilan avec la tutelle pour tirer tous les enseignements de cette mesure ?
C.A : Oui, nous avons eu une rencontre avec le Ministre Banzio pour tirer les conclusions et nous avons suggéré que désormais il faut qu’on nous associe à ce genre d’opération. Nous avons également demandé que le réseau des importateurs de riz en Côte d’Ivoire soit organisé ; figurez-vous que nous importons quand même dans l’ordre de 700 à 800 mille tonnes par an ; c’est énorme et c’est beaucoup d’argent. Lorsque les droits de douane ont été levés par l’Etat, des personnes ont fait irruption dans notre secteur pour importer au maximum le riz ici puis sont allés le vendre dans des pays de la sous- région. Ce sont des actes de perturbation de notre secteur. Lorsque ça se passe ainsi, les importateurs classiques que nous sommes, subissons des pertes car confrontés à une concurrence déloyale. C’est pourquoi nous comptons rencontrer le nouveau Ministre du Commerce pour lui faire part de nos préoccupations. Il est important que le ministère collabore avec les partenaires permanents et non les partenaires d’un jour.
LNCH : Vous nous faites comprendre là qu’au niveau de votre structure vous avez un problème d’organisation puisque du jour au lendemain n’importe qui peut exercer dans votre secteur.
C.A : Non, il ne se pose pas un problème d’organisation. Il y a des difficultés à la base. Vous savez aujourd’hui, quelqu’un se rend à la justice, il prend un registre de commerce et, du coup, il devient commerçant. Ce n’est pas normal et c’est ce que nous voulons corriger. Il faut que l’Etat trouve des mesures pour protéger les importateurs ; cela est même bénéfique à l’Etat. Bientôt, nous comptons rencontrer le Ministre du Commerce pour lui faire part de nos suggestions. Nous avions déjà engagé le débat avec l’ancien Ministre du Commerce. Nous avons la chance d’avoir comme interlocuteur M. Billon (le nouveau Ministre du commerce) qui était l’ancien président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire. Il connaît très bien nos problèmes.
LNCH : Les brebis galeuses, il y en a dans vos rangs. Ne pensez-vous pas qu’elles contribuent à créer des dysfonctionnements dans vos activités ?
C.A : (Rires). On ne peut contredire cela mais nous faisons l’effort de ne pas arriver à observer des dérapages dans notre écurie et de faire en sorte que nos rapports avec le Gouvernement soient de bons rapports marqués par le respect des obligations des parties. Nous voulons travailler en bonne intelligence avec l’Etat et, cela passe par des échanges permanents.
LNCH : Il est de plus en plus question de la perte de conteneurs de riz au port
C.A : C’est vrai, il y a eu des vols. C’est fréquent. Nous avons rencontré les autorités portuaires avec qui nous sommes en train de trouver des solutions pour contrer ces cas de vol. Deux contrevenants ont été déjà interpellés dans le cadre de cette vigilance. Nous continuons d’y travailler.
LNCH : Il y a aussi le phénomène des produits prohibés qui menacent la vie des Consommateurs. Le riz n’est pas en reste. Qu’est-ce que les importateurs font pour éviter à la Côte d’Ivoire du riz avarié ?
C.A : Tout le riz qui entre sur le territoire ivoirien est de bonne qualité. Obligation est faite de mentionner sur ce riz, la date de production et la date de péremption. La vente doit intervenir dans un intervalle de trois ans. Jusqu’ici ces dispositions sont respectées.
LNCH : Il y a également une arnaque qui a cours dans la vente du riz. Le nom et la qualité du riz inscrits sur le sac n’a souvent rien à voir avec le riz contenu dans le sac en question. Les Consommateurs ainsi dupés s’en plaignent.
C.A : Vous posez là un problème réel. Il faut avoir le courage de dire la vérité. En fait, tous ceux qui opèrent dans notre milieu ont une marque. Le problème ne devait donc pas se poser puisque chacun est identifié à une marque donné. Malheureusement certains commerçants véreux vont acheter un riz ‘‘x’’ puis font imiter des sacs ‘‘y’’ pour les faire fabriquer auprès de certains opérateurs de la place et y mette le riz qui n’a aucun lien avec le sac en question. Nous avons déjà mis la main sur un vendeur de sac qui nous donné quelques informations sur cette filière. Nous entendons démanteler ce réseau avec le soutien des Forces de l’Ordre. Il faut toutefois préciser que ces actes ne sont pas le fait des importateurs mais bien ceux de commerçants véreux.
LNCH : Quel est l’impact de tels actes sur la filière ?
C.A : Il est clair qu’un tel acte frauduleux contribue à la mévente des vrais produits et donc une perte pour les importateurs. Il en va de même pour le Consommateur qui se voit ainsi grugé sur son choix.
LNCH : C’est une atteinte au droit au choix du Consommateur qui est l’un de ses droits fondamentaux.
C.A : Bien sûr. Il faut condamner et faire cesser de tels comportements qui ne feront que nuire à l’image des marques. Ma structure a été victime de cette arnaque. Un cas patent a fait récemment l’objet d’une instruction à la police économique. Quant aux Consommateurs, ils doivent dénoncer aux autorités ces actes qui leur causent des désagréments. Mais je pense que toutes ces activités de ces commerçants véreux prospèrent parce que le caractère libéral de notre économie est sans limite. Il faut revoir la nécessité de certaines restrictions dans l’activité commerciale.
LNCH : La meilleure façon de nourrir les Ivoiriens, c’est l’option de l’autosuffisance en riz. Vous y pensez ? Il est souhaitable de passer de la place d’importateur à celle d’exportateur.
C.A : Nous y pensons. La Côte d’Ivoire consomme 50 mille tonnes de riz par mois. Des efforts sont à faire dans le cadre de la production. Il y a certains opérateurs dans nos rangs qui font déjà la culture du riz en Côte d’Ivoire. En réalité, nous sommes importateurs, mais nous sommes aussi exportateurs. L’un n’exclut pas l’autre. Je suis l’un des défenseurs de l’autosuffisance alimentaire et ce serait une bonne chose d’engager ce projet. On peut déjà commencer avec les produits classiques comme la banane, l’igname, le manioc, le fonio, le maïs, etc.
LNCH : Quel est votre programme d’activités immédiat ?
C.A : Nous sommes en train de travailler sur un livre blanc pour protéger les droits des importateurs. Pour qu’il y ait des importateurs permanents en vue de faire en sorte que la concurrence soit plus saine. L’objectif est d’éviter des surcoûts et des pénuries sur le marché.
LNCH : C’est curieux ; mais en parlant de vos intérêts, vous pensez aux Consommateurs. Ce n’est pas toujours évident pour un opérateur économique de se préoccuper de la situation des Consommateurs.
C.A : Si des opérateurs économiques ne se soucient pas des problèmes des Consommateurs, je leur dit que c’est une erreur. Lorsque vous vendez un produit à quelqu’un ; si la personne à qui vous vendez le produit n’est pas contente, cela va agir négativement sur vous. Si l’acheteur est content et que vous en tant que vendeur vous êtes content, c’est que vous avez fait une bonne affaire, parce que demain il reviendra chez vous.
LNCH : L’entrepreneuriat, la question est d’actualité aujourd’hui avec la crise économique et les limites de l’Etat. Selon vous comment valoriser le secteur de l’entrepreneuriat dans le cadre de l’autosuffisance alimentaire ?
C.A : Nous pensons que l’Etat doit subventionner la culture du riz et créer une structure pour l’achat. Dès cet instant, les producteurs regroupés dans des coopératives soutenus par des techniciens, seront motivés pour une production de masse. Il en est de même pour les autres cultures vivrières. Il faut à la base, remettre en selle les Fonds sociaux pour aider tous les Ivoiriens qui veulent travailler. Il faut surtout éviter l’expérience passée où les Fonds étaient mis à la disposition du premier venu. L’Etat doit faire suivre les projets par des agences comptables agréées pendant au moins un ou deux ans. Ensuite, il faut que l’Etat crée ce que j’appelle la Banque Foncière. Ça existe en Europe et on peut bien le faire ici. Cette Banque doit créer les conditions pour prêter de l’argent. L’Etat doit veiller à cela. Aujourd’hui aucune Banque de la place ne prête de l’argent à un entrepreneur. On peut prêter en s’affichant de plusieurs garanties. L’Etat doit par ailleurs éviter le libéralisme sauvage et encourager les initiatives privées à travers des distinctions diverses. Voilà ce qu’il faut faire pour impulser le développement.
LNCH : Nous sommes au terme de cet entretien, votre mot de fin ?
C.A : Il y a beaucoup de choses à faire en Côte d’Ivoire dans le secteur agricole, pourtant on n’est pas autosuffisant dans plusieurs domaines. Il faut corriger cela. La lutte contre la cherté de la vie ne connaîtra un succès que lorsque la production locale de produits vivriers va suffire aux populations. A ce niveau, votre journal constitue un excellent ambassadeur auprès des pouvoirs publics et des Consommateurs en termes d’information. Merci d’être venu nous rencontrer pour aborder un sujet vital comme le riz. Je le répète, l’Etat doit aider à une production de masse des cultures vivrières.
Interview réalisée par Samuel Guelah