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Économie Publié le mercredi 20 février 2013 | Le Patriote

Enquête / 16 ans après la peste porcine en Côte d’ivoire - Quand la viande du porc s’impose à nouveau sur le marché

Décimée par une épidémie de peste, la production locale de porc en Côte d’Ivoire a connu une véritable crise en 1997. Mais depuis, la filière a repris son essor au grand bonheur des producteurs, des vendeurs mais surtout des consommateurs.

1997. Une année noire pour la filière porcine en Côte d’ivoire. Une épidémie de peste qui s’est déclarée cette année-là, avait contraint les autorités à ordonner l’abattage systématique des milliers de porcs sur tout le territoire national. Un coup dur pour un secteur qui, en 1990, avait commencé à bénéficier du soutien du gouvernement et enclencher son développement. «Les autorités avaient compris que ce secteur, associé à la volaille, pouvait assurer une autosuffisance de la population en matière de protéine animale», précise T. Kouassi , vétérinaire de profession. Selon les données que nous avons pu glaner à la direction des ressources animales, direction des productions d’élevage, le cheptel national ivoirien en 1997 était de 271.000 porcins. Malheureusement, cette peste s’est invitée à un moment où l’on s’y attendait le moins, causant des pertes énormes aux producteurs et en envoyant au chômage des milliers de vendeuses qui en avaient fait leur principale activité. C’est que dans le cadre d’une politique d’appui à ce secteur, les autorités ivoiriennes, en partenariat avec la Grande Bretagne avaient dans les années 90, financé la construction de sites de ventes de la viande du porc dans presque toutes les communes d’Abidjan. Un apport qui a fait la prospérité de cette filière qui a constitué en un laps de temps, un secteur pourvoyeur d’emplois. Jean Baptiste Nacoulma, était l’un de ses producteurs que la peste porcine a ruinée. Il avait à lui seul une centaine de têtes dans une ferme du côté de Vridi quand la peste s’est déclarée. «Je n’ai même pas pu sauver un seul porc», raconte t-il avec une pointe de tristesse. «Ça n’a pas été facile parce que le porc, c’était ma vie. Et voir toutes les bêtes de ma ferme être abattues sans aucune mesure compensatoire, j’étais au bord de la dépression», concède-t-il.

Porcs aux fours,
porcs braisés…

La soixantaine révolue aujourd’hui, l’homme avoue n’avoir pas su se reconvertir après ces pertes. Il n’était qu’une victime parmi tant d’autres à qui le gouvernement d’alors n’avait pas accordé la moindre indemnité.
A Gabriel gare dans la commune de Yopougon, les pionnières du réseau de la viande du porc n’oublient pas non plus cette parenthèse de leur parcours professionnel. Elles qui étaient pour la plupart propriétaires de fermes avec un cheptel important qui alimentait le marché de Gabriel gare et bien d’autres sites de vente de la viande de porc, dans le district d’Abidjan. «Ça marchait très bien avant que la peste n’arrive», se souviennent-elles. C’est que la filière porcine, contrairement aux autres viandes, a une clientèle régulière. Un marché populaire. Les consommateurs friands de cette viande sont très nombreux. A Gabriel gare, au niveau de ce site vieux de 23 ans (Inauguré le 5 juillet 1990), ce ne sont pas les mêmes vendeuses de 90 qu’on retrouve aujourd’hui. Mais, le relais des pionnières qui tiennent aujourd’hui ce lieu. Sur le site, nous avons rencontré, la vice-présidente de la coopérative des charcutiers et vendeuses de viande du porc de Côte d’Ivoire, Mme Faya Antoinette. Celle-ci nous raconte comment, après la peste porcine, elle et ses camarades se sont battues pour tenir leurs activités, sans aucune subvention et sans l’aide de personne. «Nous étions obligées d’aller chercher les porcs au Burkina et au Mali. Puisqu’on en trouvait presque plus. Ni au nord ni à l’ouest, ni à Abidjan», raconte t- elle. Et de faire remarquer, le cœur un peu serré: «Nous constatons aujourd’hui qu’on subventionne les femmes qui vendent les aubergines et du piment dans les marchés. Et on n’oublie que sans la viande on ne peut pas faire une bonne sauce».
Selon elle, après la peste porcine, la filière a de nouveau été éprouvée pendant la longue crise ivoirienne. «Les différentes crises que le pays a traversées nous ont pénalisés. Il y a eu la peste porcine mais sous la crise post-électorale, nous avons perdu les bêtes que nous avons abattues et qui étaient en chambres froides à la zone industrielle. Parce que des gens sont allez ouvrir les chambres froides et la viande s’est gâtée. Ça été des pertes énormes pour nous», déplore t- elle. Mais en dépit de ces difficultés, Gabriel gare reste la plaque tournante de la vente de la viande du porc à Abidjan. C’est que les 21 grossistes de ce marché, armées de courage, parce que la plupart d’entre elles sont des mères célibataires, continuent d’animer quotidiennement le réseau de vente. Selon Mme Faya, ce sont entre 1000 et 1200 porcs qu’elles font abattre par semaine à la zone industrielle de Yopougon, sous contrôle vétérinaire. «Nous avons des clients qui viennent de partout acheter la viande pour aller la revendre», explique t- elle. Seulement, les effets conjugués de la crise et la faible production locale du porc, estimé à 6.129 Tonnes équivalent carcasse (TEC), selon le Centre National de Recherche Agronomique (CNRA), ont provoqué un renchérissement du prix du kilogramme qui coûte désormais 1400 FCFA. Il faut rappeler qu’initialement fixé à 900 FCFA, le prix du kilogramme est passé progressivement à 1000, 1300 pour se stabiliser aujourd’hui à 1400 FCFA. «La semaine dernière, j’ai vendu un porc à 361.000 FCFA, il pesait 278 kg. C’est pour vous dire que ce commerce nourrit son homme. Mais nous avons beaucoup de problèmes », reconnaît Mme Faya. Ces problèmes sont entre autres, la cherté des bêtes, le coût du transport, des fermes vers le lieu d’abattage et de vente, etc. Faut-il le préciser, quatre régions de la Côte d’ Ivoire, à savoir, les Savanes, les Montagnes, le Moyen Cavally et les Lagunes, représentent 40% de l’effectif total des porcs en Côte d’Ivoire. A l’association des producteurs de porc en Côte d’Ivoire, ce sont plus de 800 éleveurs qui sont inscrits.

…Un marché populaire

Pour autant, le réseau de vente de la viande de porc est aussi vaste qu’on peut l’imaginer. Dans la seule commune d’Abobo, ce sont environs 300 femmes qui vivent de cette activité. Que ce soit au grand marché d’Abobo, en face du dépôt de la Sotra après Avocatier où encore sur le site le plus populaire de Samanké qui a été malheureusement déguerpi lors de l’opération d’assainissement de la commune, la viande de porc s’impose sur le marché. Si à Gabriel Gare, à Yopougon, on vend beaucoup plus des quartiers de viandes entiers et des pattes au Kilogramme, à Koumassi, au niveau du carrefour Kahira ou encore dans bien de maquis «plein air» d’Abidjan, ce sont les abats et les tripes bouillis et bien assaisonnés qui retiennent la clientèle. A ces endroits, il faut l’avouer, les morceaux alléchants font saliver plus d’un. C’est que la commercialisation de la viande repose sur un marché populaire.
Mme T. Madeleine qui tient un petit commerce de porc au marché de nuit de Port-Bouët reconnaît en cette viande, de grandes qualités. «C’est une viande facile à cuir, facile à digérer et qui s’accompagne bien … », déclare-t- elle. Sur ce fait, un tenancier de maquis dans les environs du quartier Abattoir de la cité balnéaire, soutient que la viande du porc est «dessaoulant» pour les buveurs. Seulement, en dépit de la santé apparente de la filière, les produits porcins qui ne couvrent que 16% de la consommation manquent d’une réelle politique de promotion. Manque de financement, pas d’appui à l’élevage, déficit d’aliments, aucune aide à la commercialisation sur les marchés terminaux. La Côte d’Ivoire a du pain sur la planche pour le redécollage de cette filière. Qui reste fortement pénalisée par les importations massives de viande congelée. «On espère qu’un jour, l’Etat se souviendra de nous, de notre secteur», plaide Mme Faya Antoinette, en guise de conclusion.
Alexandre Lebel Ilboudo (Photos. ALI)
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