L’audience de confirmation des charges retenues contre le président Laurent Gbagbo était, hier, à son deuxième jour. Et, comme la veille, la défense conduite par l’avocat français Emmanuel Altit n’a eu aucune difficulté à démonter le dossier de l’accusation. Tellement les arguments de la procureure Fatou Bensouda se sont révélé une pâle copie des récriminations des adversaires du président Gbagbo, dictée par les autorités ivoiriennes et leurs soutiens nationaux et internationaux. Ce qui a fait dire à Me Altit que le dossier des charges rédigé par le bureau de la procureure était «une revue de la presse engagée contre le président Gbagbo». La défense a surtout tenu à l’entame de la procédure à montrer la collusion manifeste qu’il y a eu entre le parquet et les autorités ivoiriennes et françaises dans le seul objectif d’incriminer le président Gbagbo. A ce sujet, Me Altit a dénoncé le fait que la procureure n’a, par exemple, jamais pris la peine d’entrer en contact avec le président Gbagbo et son gouvernement alors qu’elle ou son prédécesseur était constamment avec le clan Ouattara.
Sur le travail même du parquet, la défense a insisté sur l’absence d’une enquête sérieuse de la part du parquet. Ce dernier se contentant de prendre à son compte les accusations des adversaires du président Gbagbo. Ce qui explique que, nulle part, dans le dossier d’accusation, il n’est fait cas des rebelles et de tous les crimes dont ils se sont rendus coupables depuis l’éclatement de la rébellion en septembre 2002. Me Altit s’est ainsi appesanti sur les massacres de Duékoué de 2005 (Guitrozon et Petit Duékoué) et 2011 (Carrefour) qui, selon les Nations unies elles-mêmes, ont fait plus d’un millier de morts. Non sans évoquer le massacre des gendarmes à Bouaké, les assassinats dans les conteneurs à Korhogo, les tueries perpétrées par les rebelles en zone occupée, l’épuration ethnique qui a cours en ce moment dans l’ouest de la Côte d’Ivoire etc.
Pour bien montrer toute absence d’enquête sérieuse dans le travail du procureur, Me Altit est notamment revenu sur la supposée marche des militants du Rdr sur le siège de la télévision, qui constitue un des éléments des charges retenues contre le président Gbagbo. «Le procureur n’a pas pris la peine de faire un minimum d’enquête. Sinon il aurait su que, ce jour-là, il n’y a pas eu de marche. Et qu’au contraire, ce sont des hommes lourdement armés qui se sont attaqués aux forces de sécurité ivoiriennes, ainsi que nous le montrerons», a expliqué Me Altit dans une démonstration quasi scientifique. Le chef de file de la défense du président Laurent Gbagbo s’est aussi employé à montrer que le document de charge du parquet était assez vague et même évasif sur la responsabilité personnelle du président Gbagbo dans les faits retenus par le parquet. C’est ainsi qu’il s’est étonné que tous ceux qui étaient supposés avoir exécuté les ordres du président Gbagbo aient été promus comme l’ont été l’ancien chef d’état-major, Philippe Mangou, celui qui était alors commandant supérieur de la gendarmerie, Kassaraté Tiapé Edouard, et le commandant des forces terrestres de l’époque, le général Detoh Léto, devenu depuis le chef d’état-major en second des Frci.
Sur ce chapitre de la responsabilité personnelle du président Gbagbo, son avocat a conclu que, dans le document de l’accusation, il n’existe « aucune base factuelle et des motifs substantiels de croire que le président Gbagbo a commis les faits incriminés».
En définitive, la défense a promis de démontrer, au cours de ses prochaines interventions, que le procureur n’a fait qu’adhérer au récit des adversaires du président Gbagbo en succombant à la tentation de la facilité. Une tentation de la facilité qui a conduit le procureur à joindre à ses dossiers des images de violences commises au Kenya comme étant celles commises en Côte d’Ivoire.
En tout état de cause, pour Me Altit, son client est simplement coupable d’avoir cherché à émanciper son pays, d’avoir choisi la liberté contre la servitude. «Il n’est donc qu’un bouc émissaire là où les vrais auteurs de crimes graves depuis 2002, qui sont connus et cités dans de nombreux rapports d’Ong et même de l’Onu, circulent librement à Abidjan. Il faut un autre procès des vrais responsables de la destruction du pays depuis une décennie », a plaidé Me Altit. Qui n’a pas manqué de pointer du doigt le rôle néfaste de la France qui, selon lui, est intervenue militairement une quarantaine de fois en Afrique, mais qui, pour le cas de la Côte d’Ivoire, s’est complètement fourvoyée. «L’offensive militaire contre le Président Gbagbo était préparée de longue date par la France et l’Onu», a-t-il notamment insisté.
Sur la même lancée, Me Agathe Barouan, membre de la défense du président Gbagbo, a insisté sur l’obligation morale qui pèse sur la Cour de prendre en compte toutes les victimes de la tragédie ivoirienne. Et non une infime partie comme le veut maladroitement la représentante légale des victimes dont les affirmations reprenaient dans les grandes lignes celles de l’accusation. Tentant de faire croire que les victimes de la crise postélectorale ne se trouvaient que dans le camp Ouattara. Me Barouan est donc opportunément revenue sur les victimes de la rébellion, mais aussi sur les victimes d’Anonkoua-Kouté, les éléments des forces de l’ordre tués à Abobo et un peu partout en Côte d’Ivoire du fait des mercenaires payés par Ouattara et incorporés dans l’armée. Elle n’a pas non plus oublié les victimes de la barbarie des forces françaises à l’Hôtel Ivoire en 2004.
Cette mise au point était devenue cruciale, d’autant plus que la représentante légale des victimes, qui a présenté la crise post-électorale comme la continuité de la politique de l’ivoirité, n’a pas trouvé mieux que de laisser croire que toutes les victimes étaient des gens du nord. Pour soutenir son argumentation, elle a, par exemple, déclaré que le cri de rassemblement «Y a rien en face, c’est maïs » visait à conditionner les partisans du président Gbagbo pour qu’ils tuent les gens du nord, parce que ce sont ces populations qui mangent le maïs en Côte d’Ivoire. Une présentation des faits, bien entendu, balayée du revers de la main par Me Barouan, qui a clairement montré qu’une telle vision ne correspondait à aucune réalité en Côte d’Ivoire. Puisque tous les peuples ivoiriens cultivent et mangent le maïs.
Après ces différentes déclarations de la défense qui ont clairement mis en lumière le parti-pris flagrant de la procureure et les insuffisances grossières de son dossier, la parole est revenue à l’accusation qui s’est employée à montrer que le président Gbagbo avait engagé sa responsabilité directe dans la commission des crimes retenus dans le dossier des charges. Pour convaincre la Cour, elle s’est appuyée sur 45 incidents survenus au cours de la période retenue. Pointant essentiellement du doigt des attaques qui auraient été conduites par les Fds et des jeunes patriotes contre des partisans de Ouattara et du Rhdp. Une vidéo complètement floue dont personne ne peut dire exactement où elle a été réalisée a même été produite comme document de preuve. Par la suite, elle s’est employée à décrire le plan qui aurait été mis en place par le président Gbagbo pour se maintenir au pouvoir. La démonstration de l’accusation devrait se poursuivre aujourd’hui avant de céder la parole à la défense à partir de demain pour commencer réellement sa défense.
Curieusement, tous les médias internationaux qui font la gorge chaude sur le cas Gbagbo depuis de longues années se sont abstenus de retransmettre les débats. On ne parle même pas de la radio-télévision nationale qui a décidé de rester sourde et muette. Comme si nos dirigeants ne voulaient pas écouter la vérité de la Cpi qu’ils ont pourtant appelée de tous leurs vœux. Le temps est un autre nom de Dieu, aimait à dire le président Gbagbo. Ce qui se passe à la Cpi est peut-être en train de lui donner raison. Croisons les doigts.
Guillaume T. Gbato
Sur le travail même du parquet, la défense a insisté sur l’absence d’une enquête sérieuse de la part du parquet. Ce dernier se contentant de prendre à son compte les accusations des adversaires du président Gbagbo. Ce qui explique que, nulle part, dans le dossier d’accusation, il n’est fait cas des rebelles et de tous les crimes dont ils se sont rendus coupables depuis l’éclatement de la rébellion en septembre 2002. Me Altit s’est ainsi appesanti sur les massacres de Duékoué de 2005 (Guitrozon et Petit Duékoué) et 2011 (Carrefour) qui, selon les Nations unies elles-mêmes, ont fait plus d’un millier de morts. Non sans évoquer le massacre des gendarmes à Bouaké, les assassinats dans les conteneurs à Korhogo, les tueries perpétrées par les rebelles en zone occupée, l’épuration ethnique qui a cours en ce moment dans l’ouest de la Côte d’Ivoire etc.
Pour bien montrer toute absence d’enquête sérieuse dans le travail du procureur, Me Altit est notamment revenu sur la supposée marche des militants du Rdr sur le siège de la télévision, qui constitue un des éléments des charges retenues contre le président Gbagbo. «Le procureur n’a pas pris la peine de faire un minimum d’enquête. Sinon il aurait su que, ce jour-là, il n’y a pas eu de marche. Et qu’au contraire, ce sont des hommes lourdement armés qui se sont attaqués aux forces de sécurité ivoiriennes, ainsi que nous le montrerons», a expliqué Me Altit dans une démonstration quasi scientifique. Le chef de file de la défense du président Laurent Gbagbo s’est aussi employé à montrer que le document de charge du parquet était assez vague et même évasif sur la responsabilité personnelle du président Gbagbo dans les faits retenus par le parquet. C’est ainsi qu’il s’est étonné que tous ceux qui étaient supposés avoir exécuté les ordres du président Gbagbo aient été promus comme l’ont été l’ancien chef d’état-major, Philippe Mangou, celui qui était alors commandant supérieur de la gendarmerie, Kassaraté Tiapé Edouard, et le commandant des forces terrestres de l’époque, le général Detoh Léto, devenu depuis le chef d’état-major en second des Frci.
Sur ce chapitre de la responsabilité personnelle du président Gbagbo, son avocat a conclu que, dans le document de l’accusation, il n’existe « aucune base factuelle et des motifs substantiels de croire que le président Gbagbo a commis les faits incriminés».
En définitive, la défense a promis de démontrer, au cours de ses prochaines interventions, que le procureur n’a fait qu’adhérer au récit des adversaires du président Gbagbo en succombant à la tentation de la facilité. Une tentation de la facilité qui a conduit le procureur à joindre à ses dossiers des images de violences commises au Kenya comme étant celles commises en Côte d’Ivoire.
En tout état de cause, pour Me Altit, son client est simplement coupable d’avoir cherché à émanciper son pays, d’avoir choisi la liberté contre la servitude. «Il n’est donc qu’un bouc émissaire là où les vrais auteurs de crimes graves depuis 2002, qui sont connus et cités dans de nombreux rapports d’Ong et même de l’Onu, circulent librement à Abidjan. Il faut un autre procès des vrais responsables de la destruction du pays depuis une décennie », a plaidé Me Altit. Qui n’a pas manqué de pointer du doigt le rôle néfaste de la France qui, selon lui, est intervenue militairement une quarantaine de fois en Afrique, mais qui, pour le cas de la Côte d’Ivoire, s’est complètement fourvoyée. «L’offensive militaire contre le Président Gbagbo était préparée de longue date par la France et l’Onu», a-t-il notamment insisté.
Sur la même lancée, Me Agathe Barouan, membre de la défense du président Gbagbo, a insisté sur l’obligation morale qui pèse sur la Cour de prendre en compte toutes les victimes de la tragédie ivoirienne. Et non une infime partie comme le veut maladroitement la représentante légale des victimes dont les affirmations reprenaient dans les grandes lignes celles de l’accusation. Tentant de faire croire que les victimes de la crise postélectorale ne se trouvaient que dans le camp Ouattara. Me Barouan est donc opportunément revenue sur les victimes de la rébellion, mais aussi sur les victimes d’Anonkoua-Kouté, les éléments des forces de l’ordre tués à Abobo et un peu partout en Côte d’Ivoire du fait des mercenaires payés par Ouattara et incorporés dans l’armée. Elle n’a pas non plus oublié les victimes de la barbarie des forces françaises à l’Hôtel Ivoire en 2004.
Cette mise au point était devenue cruciale, d’autant plus que la représentante légale des victimes, qui a présenté la crise post-électorale comme la continuité de la politique de l’ivoirité, n’a pas trouvé mieux que de laisser croire que toutes les victimes étaient des gens du nord. Pour soutenir son argumentation, elle a, par exemple, déclaré que le cri de rassemblement «Y a rien en face, c’est maïs » visait à conditionner les partisans du président Gbagbo pour qu’ils tuent les gens du nord, parce que ce sont ces populations qui mangent le maïs en Côte d’Ivoire. Une présentation des faits, bien entendu, balayée du revers de la main par Me Barouan, qui a clairement montré qu’une telle vision ne correspondait à aucune réalité en Côte d’Ivoire. Puisque tous les peuples ivoiriens cultivent et mangent le maïs.
Après ces différentes déclarations de la défense qui ont clairement mis en lumière le parti-pris flagrant de la procureure et les insuffisances grossières de son dossier, la parole est revenue à l’accusation qui s’est employée à montrer que le président Gbagbo avait engagé sa responsabilité directe dans la commission des crimes retenus dans le dossier des charges. Pour convaincre la Cour, elle s’est appuyée sur 45 incidents survenus au cours de la période retenue. Pointant essentiellement du doigt des attaques qui auraient été conduites par les Fds et des jeunes patriotes contre des partisans de Ouattara et du Rhdp. Une vidéo complètement floue dont personne ne peut dire exactement où elle a été réalisée a même été produite comme document de preuve. Par la suite, elle s’est employée à décrire le plan qui aurait été mis en place par le président Gbagbo pour se maintenir au pouvoir. La démonstration de l’accusation devrait se poursuivre aujourd’hui avant de céder la parole à la défense à partir de demain pour commencer réellement sa défense.
Curieusement, tous les médias internationaux qui font la gorge chaude sur le cas Gbagbo depuis de longues années se sont abstenus de retransmettre les débats. On ne parle même pas de la radio-télévision nationale qui a décidé de rester sourde et muette. Comme si nos dirigeants ne voulaient pas écouter la vérité de la Cpi qu’ils ont pourtant appelée de tous leurs vœux. Le temps est un autre nom de Dieu, aimait à dire le président Gbagbo. Ce qui se passe à la Cpi est peut-être en train de lui donner raison. Croisons les doigts.
Guillaume T. Gbato