Me Altit et ses confrères chargés de défendre le président Laurent Gbagbo, au 4è jour de cette audience à la Cour pénale internationale (Cpi), ont encore administré un cours magistral de droit à l’accusation incarnée par le bureau du procureur. Lequel bureau a, en premier mis les pieds dans le plat de la manière la plus maladroite et amatrice qui soit. Heureusement que la défense a mis les pendules à l’heure. Non sans renvoyer l’accusation à ses cours de droit. D’abord selon Me Altit, il faut restituer les faits dans leur contexte historique. «Nous vous renverrons tous ces éléments que vous avez déjà. Mais, il est important de savoir les tenants et aboutissants de cette crise en Côte d’Ivoire. Afin d’éviter une vue parcellaire et biaisée comme vous l’avez fait dans votre présentation. Alors qu’il faut rétablir la vérité. Donc nous faisons à votre place l’exposé des faits que vous avez refusé de faire. Il y va de l’intérêt de tout le monde», a asséné Me Emmanuel Altit. Il a répondu à l’accusation qui prétend ne pas voir de lien entre l’exposé des faits et leur grossier dossier d’accusation. Cet exposé des faits a montré à la face du monde le visage hideux de l’ex rébellion rebaptisée Frci par Ouattara en 2011. La défense apprend aux juges que pour comprendre la crise postélectorale de 2010, il faut remonter aux premiers troubles du 24 décembre 1999. Feu Ibrahim Coulibaly dit Ib, bras droit et garde de corps de Ouattara à cette époque, a été l’auteur de coup d’Etat afin de mettre feu Robert Guéi au pouvoir, assène une des avocats de la défense. Le coup qui est réussi installe effectivement Guéi au pouvoir, mais celui-ci se retourne contre ceux qui l’ont installé. Dans leur repli, ils se retrouvent au Burkina Faso, qui devient leur base-arrière. Moins d’un an, la défense explique que les mêmes soldats séditieux reviennent pour renverser Guéi, mais ils échouent. En octobre 2000, le président Gbagbo est élu lors des élections démocratiques organisées par feu Guéi. «La tâche sera lourde pour le président Gbagbo qui devait panser les plaies, reconstruire un pays en lambeaux, combattre la gabegie et mettre fin au désordre. Mais les éternels séditieux basés au Burkina Faso où ils ont été formés reviennent pour tenter de prendre le pouvoir pour le compte de Ouattara», martèle la défense. Pour corroborer ses dires, la défense sort un joker pour clouer le bec à l’accusation. Elle montre une vidéo dans laquelle, on voit Koné Zakaria lors d’un rassemblement à Bouaké, avouant que Ouattara est celui qui a acheté des armes et les a entretenus pendant des années au Burkina Faso. Il dit ouvertement en malinké que lui et ses amis ont pris les armes pour le compte de Ouattara. Ces propos sont encore plus clairs lorsque le dénommé Abdoulaye Traoré soutient que Ouattara leur envoyait 25 millions de Fcfa par mois. L’avocate de la défense démontre que par tous les moyens, une campagne de dénigrement et de déligitimation du président Gbagbo est mise en œuvre par Ouattara et ses hommes. «…notamment par voies de presse avant et après septembre 2002. Il y a eu l’existence de l’escadron de la mort montée de toute pièce. Mais le journal Le Monde qui a accusé le président Gbagbo et son épouse comme étant les commanditaires de cet escadron de la mort a été condamné pour diffamation à Paris. Il en a été de même pour le journal L’Express condamné pour diffamation par la cour d’appel de Paris le 15 juin 2006», révèle la défense. L’objectif visé par ces médias français, était de délégitimer le président Gbagbo et le chasser du pouvoir. Cependant, confie la défense cette campagne n’a pas eu l’effet escompté. Il fallait donc avoir recours à la force. Ce qui était facile pour ses ennemis. Détail que n’a pas négligé le président Gbagbo. Pourtant, pendant que ses opposants cherchaient à le chasser du pouvoir, le président Gbagbo a accepté d’intégrer certains d’entre eux dans son gouvernement. Toujours dans leur logique de déstabilisation, ses ennemis, éclaire la défense tentent un nouveau coup d’Etat en septembre 2002, alors que le président Gbagbo était en visite en Italie. Aidés par des forces burkinabés, libériennes, maliennes et autres, les ex-rebelles attaquent le pays en septembre 2002. Ils vont s’adonner à d’innombrables massacres sans merci contre les représentants de l’Etat et les partisans du président Gbagbo dans le nord du pays, enfonce la défense. A Duékoué, des villages entiers ont été mis à feu et à sang, des milliers de Wè ont été tués par balles, égorgés, brûlés vifs par ces ex-rebelles. Entre le 06 et le 09 octobre 2002, un charnier est découvert au cimetière de Daresalam à Bouaké. On y a trouvé plus de 40 corps de gendarmes et de plusieurs de leurs parents parmi les victimes, insiste les avocats du président Gbagbo. La défense rappelle aux juges de la Cpi que les ex-rebelles ont massacré plus de 35 civils dans le village de Sémian. «A chaque tentative de prendre le pouvoir coûte que coûte, ce sont les mêmes personnes qui ont fait tomber Bédié, qui ont attaqué le président Gbagbo», précise la défense. Qui va évoquer la division du pays suite au repli des ex-rebelles sur la partie nord du pays. Des ex chefs de guerre sont alors maîtres de cette grande partie du pays grâce bien sûr à leurs armes. En tête de ces hommes de guerre à la solde de Ouattara, on retrouve Soro Guillaume, qui pour la défense est le secrétaire général du Mpci à cette époque. Toutes les organisations internationales de défense des droits de l’Homme ont accusé ces chefs de guerre de plusieurs crimes contre l’humanité et de génocides, révèle les avocats du président Gbagbo. «Soro lui-même reconnait les tueries de 2002, mais il soutient que la loi d’amnistie a fait annuler tous ses crimes. Il était informé des nombreuses exactions dans le nord de la Côte d’Ivoire. il a été nommé premier ministre et ministre de la défense vers la fin de la crise postélectorale. C’est donc sous sa responsabilité et ses ordres que les Frci ont tué plus de 800 civils à Duékoué. Aujourd’hui président de l’Assemblée nationale, il jouit de l’immunité parlementaire. Il y a également, Coulibaly Ibrahim dit Ib, bras droit et garde de corps de Ouattara est au cœur de la rébellion en 2002. La rivalité entre lui et Soro va faire de nombreux morts dans le nord de la Côte d’Ivoire. à la tête du commando invisible de janvier, février à mars 2011, a commis de nombreux meurtres et exécutions sommaires. Le troisième homme se nomme Soumaila Bakayoko, chef d’Etat major des forces nouvelles avait sous son commandement dix zones, où les ex-rebelles tuaient, pillaient, massacraient. Il a été nommé par Ouattara Cemag des Frci en 2011. Vient après Ousmane Coulibaly dit Ben Laden. Chef à Man et ancien comzone d’Odienné, il est cité par Human Rights Watch (Hrw), International crisis group (Icg) et Amnesty international dans plusieurs graves crimes commis en 2002 par lui et ses hommes à Man. Ils ont également violé des centaines de femmes. Ancien commandant du camp de la Bae, il a torturé et assassiné des civils non sans leur avoir extorqué au préalable des fonds. Il est aujourd’hui préfet de San-Pedro grâce à Ouattara. Parmi eux, se trouve Shérif Ousmane dit le nettoyeur très intime à Ouattara, pour qui il effectue les sales besognes. Ex comzone de Bouaké, il est impliqué selon Hrw dans d’innombrables assassinats de civils et corps habillés. En 2011, un témoin raconte qu’il a été impliqué dans la mort de 29 civils à Yopougon. Malgré cela, il a été promu commandant en second du groupement de sécurité présidentielle de Ouattara. Nous citons également Issiaka Ouattara dit Wattao, fidèle de Soro, Cema adjoint des forces nouvelles, il est impliqué dans les trafics de diamants, de cacao, d’or à Séguéla et Vavoua lorsqu’il était comzone. Zone d’où il a évincé Zakaria. Selon des câbles des services de renseignements français, il a mis en place son propre système de racket et de pillage. Il est soupçonné par Icg d’avoir commis des massacres à Bouaké en 2007. Il est aujourd’hui commandant en second de la Garde républicaine. Losséni Fofana dit Loss est à la base de trafics dans l’ouest montagneux. Ses hommes ont abattu et massacré des civils à Duekoué en mars 2011. Il a été promu responsable des forces spéciales de Ouattara. Selon Hrw, il est toujours commandant des Frci. Quant à Fofié Kouakou, il est considéré comme le pilier de l’ex-rébellion et loyal à Soro. En 2004, selon l’Onu, plus de 100 personnes ont été tuées par ses hommes et lui dans des containers. Il est sous sanction de l’Onu depuis 2006 pour avoir recruté des enfants soldats, violé des femmes et être responsable d’exécutions extrajudiciaires. Il s’est enrichi grâce à la corruption et au racket. Il a été le geôlier du président Gbagbo. Nous en venons à Koné Zakaria, très proche de Ouattara, qui était comzone de Séguéla, mais il a été chassé par Wattao de cette zone. Chef dozo, il en dirige plus de 1500. Il est au cœur de plusieurs trafics. De nombreux civils ont été tués dans son camp à Adjamé. Il est commandant de la police militaire», a expliqué la défense avec des détails à l’appui. C’est une panoplie d’éléments très poignants que les avocats du président Gbagbo, ont mis en exergue devant les juges. A qui ils ont du expliquer l’origine de la crise postélectorale. Dans nos prochaines éditions, nous aborderons autres arguments de la défense concernant l’élection présidentielle et les implications de puissances étrangères dans la guerre contre le président Gbagbo.
Fabrice Tété
Fabrice Tété