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Politique Publié le vendredi 1 mars 2013 | Nord-Sud

Confirmation des charges : Le témoignage du membre du commando invisible est un faux

© Nord-Sud Par DR
CPI : l’ex Président Laurent Gbagbo devant les juges
Mardi 19 février 2013. La Haye. L’ancien président ivoirien comparait à la Cour pénale internationale (CPI), pour crime contre l’humanité.
A l’issue de la dernière journée de l’audience de confirmation des charges, le bureau du procureur a produit de nouvelles preuves contre l’accusé. Et remis en cause le témoignage du membre du commando invisible.

Des extraits d’ouvrage en lieu et place de témoignages accablants. Le bureau du procureur a révélé hier, à l’issue de l’audience de confirmation des charges, l’origine des fameux témoignages attribués à un membre du commando invisible. Ce dernier, présenté comme étant le commandant des opérations, évoquait un «montage» au sujet des sept femmes tuées à Abobo le 3 mars 2011 par l’utilisation du «sang de mouton». En réalité, il s’agit d’une supercherie de la défense : les citations ont été extraites du livre «Le commando invisible raconte la bataille d’Abidjan» de Germain Séhoué et les passages cités retrouvés dans le chapitre intitulé «La guerre d’Abobo». Eric Mac Donald, premier substitut du procureur a confondu Me Emmanuel Altit et ses collaborateurs, au cours de la dernière session de cette audience démarrée le mardi 19 février. Le procureur a poursuivi en précisant d’ailleurs que le prétendu commandant Sékouba, membre du commando invisible, tel que mentionné dans le bouquin est inconnu des registres de la Maca (Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan) et serait donc un personnage fictif. Sinon, si ce dernier avait existé, pourquoi les avocats de M. Gbagbo n’ont-ils pas pris la peine de l’interroger, lui ce témoin capital? Au lieu de donner dans la facilité en se bornant à recopier in extenso un passage d’un livre aussi controversé que son auteur. A l’évocation de cette forme de manipulation, la défense est restée sans voix. Or, on sait qu’elle a bâti un pan entier de sa plaidoirie sur ce point clé contenu dans le document de confirmation des charges. Mardi dernier, Mme Natacha Fauveau Ivanovic avait construit sa démonstration sur le sujet, à l’aune des agissements «du commando invisible» qui se serait emparé de la commune, «mettant en déroute toutes les forces loyalistes», hormis celles cantonnées au camp commando d’Abobo. Cette argumentation a même justifié le fait que les forces pro-Gbagbo seraient étrangères aux tirs aux mortiers qui a fait des victimes le 17 mars 2011. Une manœuvre à peine voilée visant à braquer les projecteurs sur le commando invisible et lui faire porter le chapeau de ces tirs. Autre signe de la volonté farouche de l’accusation de traîner M. Gbagbo devant une chambre d’instance : la divulgation de nouvelles pièces qui présentaient l’organisation militaire mise en place par le système Gbagbo et qui «intégrait les jeunes miliciens et les mercenaires». Dans cet organigramme inédit, l’ex-général Dogbo Blé, selon Reinhold Gallmetzer, assurait la coordination et l’intégration des jeunes miliciens. La divulgation de ces nouvelles pièces à conviction a immédiatement fait bondir Me Altit qui s’est interrogé sur leur provenance et les raisons pour lesquelles elles sont versées au dossier à la dernière minute. Le bureau du procureur, citant des témoins, a maintenu ses accusations relatives au déploiement de l’armée contre les manifestants durant la période postélectorale et sur ordre de l’ex-président Laurent Gbagbo. «Les généraux ont exécuté les ordres même quand ils n’étaient pas d’accord. Ils lui ont déconseillé de faire appel à l’armée parce que les manifestants n’étaient pas armés », a cité le substitut du procureur. Ce dernier a conclu ses propos, confirmant l’existence d’un plan commun mis en place par l’accusé visant à conserver le pouvoir et à réprimer les partisans pro-Ouattara.

Visiblement sonné par les nouvelles preuves portées à la connaissance des juges de la chambre préliminaire I, le principal conseil de Laurent Gbagbo a répliqué en accusant Fatou Bensouda d’avoir « falsifié les faits et dépeint une réalité fantasmée ». Me Emmanuel Altit a estimé que pour mieux appréhender les événements douloureux qui se sont enchaînés au lendemain de l’élection présidentielle, il fallait nécessairement remonter aux événements du 19 septembre 2002. En outre, l’avocat a embrayé sur les quatre incidents retenus par l’accusation, s’attelant à apporter des précisions pour blanchir son client. Des manifestants tués au cours de la marche sur la Télévision le 16 décembre 2010? Me Altit répond et fait savoir que les seules victimes recensées ce jour-là étaient des membres des Fds tués à l’arme lourde. Idem pour les autres incidents mis invariablement sur le compte du «commando invisible ou des factions armées pro-Ouattara». Et d’asséner, comme pour attendrir les juges : «l’accusation est censée enquêter à charge et à décharge. Elle n’a utilisé aucun des nombreux éléments qui innocentent le président Gbagbo ». Au terme de 30heures de débat, la balle est désormais dans le camp de la juge Sylvia de Gurmendi. La chambre préliminaire I devrait rendre son verdict au plus tard à la fin du mois de mai 2013. Mais avant, le bureau du procureur et la défense ont l’obligation de déposer des observations écrites n’excédant pas quarante pages, respectivement les 14 et 28 mars 2013.

Le suspens reste entier quant à un éventuel procès de Laurent Gbagbo ou à sa relaxe pure et simple.


Karim Wally, envoyé spécial à La Haye

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