Dans sa prestation empreinte de dignité et de sérénité, au 8e jour de l’audience de confirmation ou d’infirmation des charges contre lui, le Président Laurent Gbagbo a posé une question centrale : «Qui a gagné les élections ?» Cette question est d’autant plus importante que, selon lui, elle détermine la suite des événements, c’est-à-dire qui a intérêt à créer des troubles ? Mais de même, et surtout parce que cette question est fondamentale, il a été choqué par le fait que Mme la Procureure a dit à l’entame de l’audience, que la question en ce lieu n’était pas de savoir qui a gagné les élections. On le voit, près de deux ans après sa chute, même dans les liens de la détention, l’homme d’Etat chevronné tient au respect de l’équité et de la transparence. Qui a gagné les élections dont les conséquences l’ont éloigné de son pays ? Et il en profite pour donner un détail, une piste importante, selon laquelle, «on a donné 100 mille voix à mon adversaire à Bouaké», Bouaké, en zone sous contrôle des Forces nouvelles, armée privée en armes de son rival Alassane Ouattara pendant ces élections. Qui a gagné les élections ? Comment peut-on donc occulter cet aspect du conflit et avancer comme si de rien n’était ? 100 mille voix en plus pour un candidat. Il ne s’agit pas de 200 ou 500 voix, mais de 100 mille voix. Et cela, pour Bouaké seulement. Et lorsque nous savons que toute la zone Centre Nord et Ouest, sous le contrôle de combattants en armes des Forces nouvelles, des bourrages d’urnes ont été opérés de façon outrancière, imagez l’étendue de la fraude ! Alors la question n’est pas à évacuer du revers de la main. Parce qu’on devine que, c’est celui qui a perdu les élections, qui voudra s’engager dans les troubles et la violence. Or, si le recomptage des voix qu’il avait proposé avait été retenu, comme ailleurs dans d’autres pays, les choses se seraient clarifiées et l’on n’en serait pas arrivé à autant de violences et de crimes. Malheureusement, même le Secrétaire général de l’Onu, Ban-Ki Moon a estimé que le recomptage des voix indiqué par le Président Gbagbo serait de « l’injustice». Mais « injustice » contre qui ? On le devine : son candidat Ouattara. La coalition, confiante en sa force brutale, a donc opté pour l’affrontement militaire, sans avoir convaincu les deux parties de la régularité des résultats du scrutin présidentiel du 28 novembre 2010. Alors le fait que son adversaire, Alassane Ouattara, avec le soutien militaire de la France et de l’Onu, est au pouvoir depuis le 11 avril 2011, n’enlève rien à cette question, ne clôt en rien ce débat : Qui a gagné les élections ? Cette question restera pendante à la conscience du monde, tant qu’elle ne sera pas clarifiée. Qui a gagné les élections ? Voir Ouattara dans le fauteuil présidentiel ne répond en rien à notre préoccupation. Surtout lorsque nous vivons dans un monde où, à l’opposé du droit et de la démocratie, des gens ou des réseaux d’intérêts puissants imposent la loi ou la raison du plus fort. Qui a donc gagné les élections ? La Cpi devra répondre à cette question afin que pour les Ivoiriens et les générations à venir, l’on apprenne à respecter les lois, les règles que l’on s’est données pour aller à des compétitions, sans en arriver au sang et aux larmes. Qui a gagné les élections ? Oui, Laurent Gbagbo tient à cette question. L’Ump de Nicolas Sarkozy a été prise à son propre piège de fraudes électorales. Presque disloquée par le venin de cette fraude, elle en est à cette interrogation : Qui a gagné les élections ? On peut tenir tous les discours et théoriser sur les crimes allégués. Mais de cette question se dégagent toutes les vraies responsabilités méritant un séjour à la Cour pénale internationale Cpi ou une digne présence au Palais présidentiel. Car si l’on recomptait les voix sereinement, dans la transparence, en tenant compte des fraudes et qu’on se rendait compte qu’Alassane Ouattara n’avait pas gagné les élections, alors on réaliserait que la place de Gbagbo n’est pas à la Cpi. Mais dans son pays, au milieu de son peuple qui, hier était heureux de le voir et l’entendre dans la dignité et son humour légendaire. Ce, dans un discours apaisant, un discours d’espoir d’homme d’Etat.
Germain Séhoué
Germain Séhoué