«… Quelquefois, je me croyais hors de la Côte d’Ivoire, tellement les questions qu’on posait étaient loin de ce que nous avons vécu. Je me suis dit pourquoi dans la justice moderne, y a-t-il des temps retranchés ? Parce que sur beaucoup de questions, aussi bien l’accusation que la représentante des victimes que vous-mêmes, vous aurez pu m’appeler. J’aurai pu donner des informations, ne serai-ce que des informations que vous aurez pu vérifier après. Mais pour fructifier le raisonnement. J’aurais pu dire beaucoup de choses sur des petites questions. Par exemple qu’on me dise : ‘’ il a signé un papier pour déployer l’armée’’. Jamais ! J’ai signé un décret pour que tous les FDS soient mobilisés. Mais c’est une pratique qui date de 1961, qui date de l’époque où l’armée a été créée. Le chef de l’Etat peut, en cas de trouble, signer un décret. Parce que la police, c’est la police. Il y a la police et ensuite la gendarmerie, mais si ces deux forces sont totalement submergées, elles peuvent appeler l’armée en renfort. Donc pour cela que le Président de la République signe un décret qu’il donne aux différents chefs qui l’utilisent, selon ce qu’ils pensent de la situation. Ce sont des choses pratiques et simples qu’on aurait pu expliquer. Quand le chef des FDS est venu me dire que la situation à Abobo, avec la présence des hommes d’IB et du commando invisible, était devenue difficile et qu’il a dit : « nous ne savons pas comment ça va aller ? », j’ai dit : « qu’est ce qu’ont fait ?». Il dit : « bon ! signez toujours un décret et puis on va garder ça. Si on n’en a pas besoin, on en a pas besoin, mais si on en a besoin, on l’utilise ». Donc il y a plein de choses comme cela. Et puis, il ne faut pas me donner des parents que je n’ai pas. Je crois qu’on veut faire comme on le fait en Europe pour dire, les Africains, c’est comme cela qu’ils gouvernent. Je ne gouverne pas avec ma famille. Moi, je suis chef de l’Etat, Président de la République. Ma femme, elle, elle est député et Kadet n’est pas mon neveu. Le mot neveu, est un mot français. J’ai des neveux ici qui sont dans cette salle. Mais Kadet n’est pas mon neveu. Il a été ministre délégué à la Défense. Il était mon conseiller. Je ne gouverne pas avec ma famille. Peut-être que ça ce fait ainsi ailleurs en Afrique, mais pas en Côte d’Ivoire, au temps de Gbagbo. Vous savez, il y a des petites choses, on sait qu’on aurait pu éviter ça pour ne pas alourdir l’atmosphère. Cela nous empêche d’aller directement au fond du problème. Madame la présidente Toute ma vie, et cela se sait, non seulement en Côte d’Ivoire, mais dans toute l’Afrique et dans toute la France politique, j’ai lutté pour la démocratie. J’ai demandé à mes avocats la semaine dernière de vous faire parvenir tous les livres que j’ai écrits sur mon parcours. Ils ont dit qu’il était trop tard pour les introduire. Mais, quand ont aura tout fini, quel que soit le résultat, quel que soit ce que vous aurez décidé, j’enverrai un lot des livres de Gbagbo au bureau du procureur, parce qu’en fait, c’est cela l’homme. Il marche, il marche, mais il laisse des traces sur le chemin qu’il parcourt. On peut ainsi le retrouver. J’ai lutté pour la démocratie. Je l’ai fait à l’époque où nous ne savions même pas que le mur de Berlin allait s’écrouler. Nous ne le savions pas. J’ai lutté avec un courage, mais étions convaincus que nous même n’allions pas voir la démocratie triompher. Le mur de Berlin s’est écroulé et cela nous a aidés à gagner la victoire du multipartisme et de la démocratie. C’est pourquoi, je voudrais simplement dire et je ne veux pas aller plus loin dire que, Mme la procureure, puisque ça existe maintenant en français, on met un ‘’e’’ à la fin, (rire, ndlr), madame la procureure, à dire vrai, ce qui m’a un peu choqué, c’est de dire que nous ne sommes pas là pour voir qui a gagné les élections et qui ne les a pas gagnées. On ne peut pas parler de la crise postélectorale et ne pas savoir comment les élections se sont passées. Qui a gagné les élections ? Parce que c’est celui qui ne les a pas gagnées qui a semé les troubles. Je crois que c’est cela la logique. La question est là. Qui a gagné les élections ? Quand j’ai demandé qu’on recompte les voix, ce n’était pas une phrase en l’air. Vous avez vu vous-même les documents dont dispose l’accusation et sur lesquelles les voix des électeurs sont reportées. On a vu que dans la seule ville de Bouaké, on a ajouté 100000 voix à mon adversaire. Madame, C’est cela le fond de la question. On nous a attaqués en 2002. J’ai fait mon travail. C’est-à-dire que je n’ai jamais cru que la Côte d’Ivoire allait s’en sortir par la guerre. Je ne l’ai jamais cru. J’ai toujours cru qu’on s’en sortirait par la discussion, même si je sais qu’ils ont tort. Mais pour s’en sortir, j’ai toujours cru à la discussion. Alors, j’ai parcouru toute l’Afrique. On a fait les négociations de Lomé. Ils ont fait les négociations de Marcoussis, je laisse cela de côté parce que… Nous avons les négociations d’Accra 1,2 et 3 sous la présidence de John Kuffor. Nous avons fait les négociations à partir de juin 2005 de Pretoria 1 et de Pretoria 2, sous la présidence de Taboh MBeki. Nous avons tous fait pour que la discussion avance. C’est à Pretoria que j’ai demandé à Taboh MBeki de m’aider à trouver une solution légale pour qu’Alassane soit candidat, parce que çà empoisonne la situation. C’est à Pretoria en 2005. Nous sommes retrouvés, Taboh MBeki, Konan Bédié, Ouattara et moi-même. J’ai demandé à Ouattara de faire la traduction entre Ouattara et moi. C’est là que je leur ai dit que ça ne me gênait pas que Ouattara soit candidat. Mais, comme mon électorat aussi est là, il fallait que Taboh MBeki écrive à nous tous à Abidjan, pour que après je puisse prendre une décision. Je n’aimais pas l’article 48 de la Constitution. C’est comme l’article 16 de la Constitution française. Ça donne énormément de pouvoir. Mais ce jour là, j’ai pris l’article 48 de la Constitution et j’ai permis à Ouattara et à Konan Bédié d’être candidat. Donc madame, voilà ce que je voulais vous dire. Nos pays, nos Etats et ce sera mon dernier point, sont fragiles. Nos Etats sont fragiles. Chaque fois qu’un chef d’Etat européen ou occidental me disait : « faites la démocratie en Afrique », je disais : « nous avons besoin de la démocratie, non pas parce que vous, vous le dites mais parce que nous-mêmes, en avons effectivement besoin pour construire nos Etats. Madame, regardez la Côte d’Ivoire, si nous ne pratiquons pas la démocratie, comment allons nous choisir le chef de l’Etat ? il y a l’est, adossé à la frontière ghanéenne, les Akan qui ont un mode à eux pour choisir leur chef de village ou de canton ou leur roi. Nous avons à l’ouest un pouvoir éparpillé. Nous avons au nord, le Malinké, islamisés qui se regroupent autour des mosquées et à côté d’eux, les Sénoufo qui se retrouvent dans les bois sacrés. Quel mode électoral alors nous prendre ? La démocratie nous aide, parce qu’elle fait table rase de tout cela et elle donne à chaque individu, reconnu comme citoyen une voix. C’est pourquoi, je me suis engagé dans la lutte pour la démocratie. Aidez-nous. Nous qui venons des familles modestes, sans la démocratie, jamais on aurait des postes élevés. Moi, les gens avec qui j’étais à l’école, n’étaient pas étonnés de mon élection en tant que Président de la République, parce qu’ils savaient mon engagement, mais ils sont venus me saluer pour saluer mon courage. Parce que je n’étais pas le plus intelligent, je n’étais pas le plus riche. Nous avons besoin de la démocratie, madame. Mais la démocratie, ce n’est pas seulement le vote. C’est qui dit le résultat du vote, c’est cela aussi la démocratie. Quand on s’en va prendre une nuit, le président de…(il hésité, ndlr), du groupement électoral, qu’on l’amène dans le QG électoral d’un candidat, qu’on invite une télévision étrangère, on lui dit de parler et on le filme et on diffuse ça dès le lendemain matin, ce n’est pas très démocratique cela, ce n’est pas la démocratie. La démocratie, c’est le respect des textes à commencer par la plus grande de note en droit qui est la Constitution. Celui qui ne respecte pas la constitution, n’est pas démocrate. Madame, c’est parce que j’ai respecté la Constitution qu’on m’a amené ici. Je suis là, mais je compte sur vous. Je compte sur vous parce que je souhaite que tous les Africains qui me soutiennent et qui sont tout le temps ici, devant la cour, devant la prison, qui sont dans leur pays en train de manifester, en train de marcher, tous ces Africains là qu’ils comprennent que la salut pour les Etats africains, c’est le respect des Constitutions que nous nous donnons et des lois qui en découlent. Je vous remercie madame Retranscrit par Thiery Latt
Politique Publié le vendredi 1 mars 2013 | Le Patriote