Fait rare en Afrique de l'Ouest, où l'homosexualité est violemment réprimée, il existe bien à Abidjan, une boîte de nuit gay très prisée, située dans une rue calme du quartier de Bietry, à une centaine de mètres du siège d’un célèbre concessionnaire automobile. Assis dans des fauteuils en similicuir, serrés les uns contre les autres par manque de place, ou dansant sur la piste sous la boule à facettes et devant un grand miroir, des hommes et quelques femmes ne craignent pas d'afficher leur homosexualité, dans un pays qui stigmatise pourtant les gays. Ce bar ne désemplit pas. Habillé dans un boubou bleu et blanc, Jean, 23 ans, y vient au moins quatre fois par semaine. ‘‘ Ici, nous sommes tranquilles et en sécurité. Il y a un mois ou deux, des éléments disant appartenir aux Frci sont entrés dans un autre bar où nous étions à Abobo, nous ont frappés et nous ont pris nos téléphones portables et argent’’. Dans un rapport, plusieurs organisations de défense des droits des homosexuels dénoncent d'ailleurs les violences perpétrées par les forces de l'ordre à l'encontre des gays. ‘‘ Depuis avril 2011, des éléments de patrouille nocturne des Frci ont débarqué dans un bar fréquenté en majorité par la communauté gay d'Abidjan. Ils ont ordonné à tous ceux qui étaient efféminés ou travestis de monter à bord de leur cargo. La propriétaire du bar a payé la 25 000 Fcfa par individu pour qu'ils soient relâchés’’, précise ce même document. ‘‘ Nous voulions un coin où nous pourrions être libres. Il n'est pas prudent d'aller dans les bars lambda’’, confie Ousmane, qui travaille dans l'établissement. Jean-Marc, un cadre de banque de 35 ans, bière à la main et look classique, s'inquiète pour les plus jeunes. ‘‘ Ici, on n'est pas obligé de se cacher. Moi, si j'ai envie, je peux aller dans des bars gay-friendly, où les homosexuels sont tolérés sans que ce soit affiché comme tel. J'ai les moyens financiers d'aller ailleurs. Mais les autres, les petits qui se travestissent, où vont-ils aller ? Ici, la bière ne coute que 1000 francs Ccfa’’. Marco, transsexuel de 19 ans, porte ce soir-là, un haut moulant léopard laissant apparaître son nombril et une fleur rose dans ses cheveux tissés. ‘‘Il n'y a qu'ici que je me sens en sécurité, car il n'y a que des homosexuels. On apprend que notre bar va fermer parce qu’il a été racheté. Quand ce drame va se produire, je ne saurai plus où aller pour m'amuser’’, s’inquiète-t-il. Non loin de lui, des jeunes travestis, cigarette à la main, s’entrelacent en devisant joyeusement.
Sehi Brice (lhebdoivoirien@yahoo.fr)
Sehi Brice (lhebdoivoirien@yahoo.fr)