Le dernier Rapport de Human Rights Watch (Hrw), en son point 51, mentionne l’impuissance de Ouattara face à ses hommes en armes. «51. Un haut diplomate s’est inquiété du fait que même les poursuites contre de simples soldats ou des commandants de rang inférieur des Frci pourraient menacer la sécurité…» La note est cinglante : Alassane Ouattara n’a aucune emprise, ni aucune influence sur son armée y compris, même sur «des simples soldats ou des commandants de rang inférieur». C’est un diplomate en poste à Abidjan, qui fait un constat froid de la situation sécuritaire en Côte d’Ivoire. Et qui tente d’expliquer ce qui pourrait être la cause de l’impunité qui règne depuis avril 2011, sous le régime Ouattara. Pour Hrw, la justice impartiale réclamée à cor et à cri par la communauté internationale et psalmodiée depuis son investiture, le 21 mai 2011, à Yamoussoukro, Ouattara est toujours attendu. Et Alassane Ouattara est invité à respecter son engagement au respect de cette justice. Seulement, le peut-il ? «45. Il n’en demeure pas moins qu’à ce jour, aucune des personnes inculpées de crimes postélectoraux ne provient des forces pro-Ouattara. 46. L’absence de poursuites à l’encontre des forces pro-Ouattara est d’autant plus lourde de sens que la commission d’enquête internationale, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire, la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme, Human Rights Watch, Amnesty International, le Regroupement des Acteurs Ivoiriens des Droits de l’Homme, et même la Commission nationale d’enquête du Président Ouattara sont arrivés à la conclusion qu’il était probable que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité aient été perpétrés par les forces pro-Ouattara. 47. Cette approche tronquée de la lutte contre l’impunité adoptée à ce jour étaye le sentiment largement répandu en Côte d’Ivoire que le gouvernement ne veut poursuivre que des membres du camp Gbagbo. 48. Les deux derniers rapports de l’expert indépendant de l’ONU sur la situation des droits de l’homme en Côte d’Ivoire s’inquiètent également de l’absence d’impartialité lorsqu’il s’agit de justice pour les crimes post-électoraux. 49. La justice à sens unique exercée à ce jour en Côte d’Ivoire contraste radicalement avec les promesses fréquentes de justice impartiale formulées par le gouvernement du Président Ouattara et des forces pro-Ouattara», déplorent les rapporteurs. Plus cinglant, le point 51 met à nu la fébrilité d’Alassane Ouattara et sa peur d’engager des poursuites dans son propre camp. «51. Un haut diplomate s’est inquiété du fait que même les poursuites contre de simples soldats ou des commandants de rang inférieur des FRCI pourraient menacer la sécurité.» De fait, Ouattara n’a pas peur que des hauts responsables de la hiérarchie militaire. Mais, il a aussi et surtout peur des auteurs des crimes qui pullulent au sein des rangs «de simples soldats». Lui, le ministre de la Défense et chef suprême des armées Frci. C’est cette fébrilité que dénonce précisément Human Rights Watch qui s’appuie sur des témoignages de personnalités qu’on ne peut qualifier de partisans de Laurent Gbagbo. En 2012, dans la commune d’Abobo, le ministre délégué à la Défense et celui de la Salubrité urbaine, avaient été pris à partie et contraints de quitter les lieux après qu’ils aient échappé à un lynchage. A plusieurs reprises, ces soldats du rang Frci ont manifesté contre le Président Ouattara, soit pour libérer un des leurs emprisonné, soit pour réclamer leurs dus.
S. Allard
S. Allard