La baie lagunaire de Cocody enregistre depuis peu, des travaux de dépollution et de désensablement. Le directeur du centre ivoirien antipollution, Diby Niangne Martin, donne dans cet entretien, des précisions sur les opérations en cours.
Le Patriote : Peut-on commencer par un rappel des missions du Centre ivoirien antipollution ?
Diby Niangne Martin : Le centre ivoirien antipollution est un établissement public à caractère administratif créé en 1991, par le décret 91 - 662. Le CIAPOL a quatre principales missions. Il s’agit du suivi de la qualité des milieux récepteurs. J’entends par milieux récepteurs, l’eau, le sol et l’air. La deuxième mission principale, c’est la surveillance continue des milieux marrais et lagunaires à travers des patrouilles régulières et la lutte contre les pollutions de ce milieu. La troisième mission, c’est le contrôle régulier des établissements industriels et la quatrième mission, la décontamination ou la dépollution des sites pollués par des produits dangereux.
LP : Justement, on note que la baie lagunaire de Cocody est actuellement en plein chantier. Quelle est la nature des travaux en cours ?
DNM : Il faut rappeler que les baies lagunaires d’Abidjan sont des milieux récepteurs qui reçoivent toutes les eaux usées d’Abidjan. La baie de Cocody n’est pas de ce fait épargnée. Par le passé, vous vous êtes rendus compte qu’à chaque saison des pluies, le carrefour de l’indénié est toujours inondé. Le gouvernement a donc décidé qu’il n’y ait plus d’inondation à ce carrefour. Et vous avez remarqué qu’il y a des chantiers qui sont ouverts en amont de cette baie. Ces travaux visent à retenir les eaux pluviales et les sédiments venant d’Abobo, en passant par Williamsville et le Plateau Dokui. Pour avoir donc une solution durable, il faut aussi dépolluer la baie de Cocody. C’est ce qui est en cours.
LP : Comment en est-on arrivé à cette étape?
DNM : Il faut rappeler que le gouvernement avait mis en son temps, un comité interministériel de suivi des travaux de dépollution, présidé par le Premier ministre Guillaume Soro avec pour Secrétaire, le ministre Allah Kouadio Rémi. Le gouvernement a donc instruit le ministre Allah Kouadio Rémi d’aller chercher des partenaires pour une solution au problème de la baie lagunaire. Il est donc allé en Suède pour rencontrer des partenaires.
LP : Pourquoi la Suède ?
DNM : La Suède parce qu’en matière d’assainissement et de traitement des eaux, ce pays a une expertise mondialement reconnue. Même les Américains ont recours souvent à la Suède. Le ministre a donc rencontré le gouvernement suédois pour demander son expertise et des financements. Les experts suédois sont donc venus en Côte d’Ivoire faire des prélèvements de sédiments et d’eau avec le CIAPOL. Les résultats ont révélé un niveau de pollution très avancée. Les métaux détectés sont au dessus des normes. C’est donc sur cette base qu’ils ont conçu un plan de dépollution qui a consisté à acquérir une machine de dragage et une unité de traitement des eaux. Depuis le 20 février dernier, la machine de dragage est arrivée et tout cela a été ponctué de deux semaines de formation de base du personnel ivoirien. La dépollution a donc commencé la semaine dernière.
LP : En quoi va consister concrètement cette dépollution?
DNM : Elle consiste d’abord à faire le désherbage sur le plan d’eau, ensuite à extraire tous les déchets solides. Je vous précise que la baie lagunaire contient des pneus, la ferraille et toutes sortes de déchets. La machine va donc enlever des eaux, tous ces déchets. Quand cette phase sera terminée, il sera question d’excaver la partie consolidée de la baie. C’est après cela que la machine de traitement des eaux rentrera en action pour faire le dragage et traiter les sédiments. Quand on drague, l’eau sort par la machine de traitement et elle est ainsi débarrassée à 80% des impuretés. Les sédiments qui seront traités vont subir un autre traitement. Ce sera le traitement biologique. On va aménager une plateforme où on aura des batteries qui vont réduire le volume des sédiments traités. Le dernier produit va servir à la fabrication des briquettes. Voilà les différentes étapes de la dépollution.
LP : A combien revient le coût des opérations?
DNM : Le plan de dépollution présenté par les experts suédois est de 10, 5 milliards FCFA. La part de l’Etat est de 10% et les 90% financés par les Suédois. La dépollution coûtera donc 10,5 milliards FCFA.
LP : L’Etat s’est-il déjà exécuté ?
DNM : Oui, l’Etat a déjà décaissé sa part. C’est cet argent qui a servi à l’achat des deux machines. La machine de dragage et la machine de traitement. C’était les conditions du démarrage de la dépollution. Mais je voudrais préciser que les machines restent le patrimoine de l’Etat ivoirien.
LP : Combien de temps vont durer ces travaux?
DNM : Le plan de dépollution est prévu sur quatre ans. Mais pour le ministre de l’environnement et du développement durable, ce délai est long. Il faut aller vite. Et le CIAPOL a une machine qu’elle va mettre à contribution pour réduire le temps des travaux.
LP : Le démarrage des travaux de dépollution de la baie a eu comme conséquence, le déguerpissement des fleuristes installés sur le site depuis des décennies. Quel arrangement a-t-on trouvé avec ces travailleurs ?
DNM : C’est une question délicate. Et si vous me permettez, je voudrais vous renvoyer la question. Imaginez que vous avez un terrain qui vous appartient. N’ayant pas les moyens de bâtir votre maison, quelqu’un vient s’installer pour faire du maraîcher pendant dix, voire quinze ans sans votre consentement. Le moment où vous êtes prêts à construire votre maison, accepteriez-vous de vous asseoir avec quelqu’un pour négocier quoi que ce soit ? Ou pour parler d’un dédommagement ? Si vous répondez à cette question, je pense que vous aurez trouvé la réponse.
LP : Mais l’Etat peut proposer quelque chose au moins à ces pères de familles ?
DNM : J’ai rencontré ici même les responsables du syndicat des fleuristes. Ils m’ont fait savoir qu’il y a eu une étude environnementale et sociale qui a été diligentée l’année dernière. Et que cette étude a conclu qu’ils doivent être dédommagés ou relogés parce qu’il y avait des bailleurs de fonds qui venaient. Je leur ai dit que ce projet est un projet ivoirien avec un financement ivoirien. Je leur ai dit que s’ils voulaient que cette baie soit dépolluée, ils doivent partir. Je leur ai clairement dit que l’Etat n’a pas prévu de dédommager quelqu’un dans le cadre de ce projet. Et sur ce point, nous nous sommes entendus.
LP : Un appel à l’endroit de la population ?
DNM : Mon appel s’adresse à la population qui a fait des branchements anarchiques dont les déchets continuent d’atterrir dans la baie de Cocody. C’est vrai que le gouvernement est en train de prendre des dispositions pour mettre fin à ces branchements. Mais les caniveaux d’eau pluviale ne sont pas faits pour recevoir des déchets solides. Il faut mettre les ordures ménagères dans les poubelles et non dans les caniveaux.
Par ALI
Le Patriote : Peut-on commencer par un rappel des missions du Centre ivoirien antipollution ?
Diby Niangne Martin : Le centre ivoirien antipollution est un établissement public à caractère administratif créé en 1991, par le décret 91 - 662. Le CIAPOL a quatre principales missions. Il s’agit du suivi de la qualité des milieux récepteurs. J’entends par milieux récepteurs, l’eau, le sol et l’air. La deuxième mission principale, c’est la surveillance continue des milieux marrais et lagunaires à travers des patrouilles régulières et la lutte contre les pollutions de ce milieu. La troisième mission, c’est le contrôle régulier des établissements industriels et la quatrième mission, la décontamination ou la dépollution des sites pollués par des produits dangereux.
LP : Justement, on note que la baie lagunaire de Cocody est actuellement en plein chantier. Quelle est la nature des travaux en cours ?
DNM : Il faut rappeler que les baies lagunaires d’Abidjan sont des milieux récepteurs qui reçoivent toutes les eaux usées d’Abidjan. La baie de Cocody n’est pas de ce fait épargnée. Par le passé, vous vous êtes rendus compte qu’à chaque saison des pluies, le carrefour de l’indénié est toujours inondé. Le gouvernement a donc décidé qu’il n’y ait plus d’inondation à ce carrefour. Et vous avez remarqué qu’il y a des chantiers qui sont ouverts en amont de cette baie. Ces travaux visent à retenir les eaux pluviales et les sédiments venant d’Abobo, en passant par Williamsville et le Plateau Dokui. Pour avoir donc une solution durable, il faut aussi dépolluer la baie de Cocody. C’est ce qui est en cours.
LP : Comment en est-on arrivé à cette étape?
DNM : Il faut rappeler que le gouvernement avait mis en son temps, un comité interministériel de suivi des travaux de dépollution, présidé par le Premier ministre Guillaume Soro avec pour Secrétaire, le ministre Allah Kouadio Rémi. Le gouvernement a donc instruit le ministre Allah Kouadio Rémi d’aller chercher des partenaires pour une solution au problème de la baie lagunaire. Il est donc allé en Suède pour rencontrer des partenaires.
LP : Pourquoi la Suède ?
DNM : La Suède parce qu’en matière d’assainissement et de traitement des eaux, ce pays a une expertise mondialement reconnue. Même les Américains ont recours souvent à la Suède. Le ministre a donc rencontré le gouvernement suédois pour demander son expertise et des financements. Les experts suédois sont donc venus en Côte d’Ivoire faire des prélèvements de sédiments et d’eau avec le CIAPOL. Les résultats ont révélé un niveau de pollution très avancée. Les métaux détectés sont au dessus des normes. C’est donc sur cette base qu’ils ont conçu un plan de dépollution qui a consisté à acquérir une machine de dragage et une unité de traitement des eaux. Depuis le 20 février dernier, la machine de dragage est arrivée et tout cela a été ponctué de deux semaines de formation de base du personnel ivoirien. La dépollution a donc commencé la semaine dernière.
LP : En quoi va consister concrètement cette dépollution?
DNM : Elle consiste d’abord à faire le désherbage sur le plan d’eau, ensuite à extraire tous les déchets solides. Je vous précise que la baie lagunaire contient des pneus, la ferraille et toutes sortes de déchets. La machine va donc enlever des eaux, tous ces déchets. Quand cette phase sera terminée, il sera question d’excaver la partie consolidée de la baie. C’est après cela que la machine de traitement des eaux rentrera en action pour faire le dragage et traiter les sédiments. Quand on drague, l’eau sort par la machine de traitement et elle est ainsi débarrassée à 80% des impuretés. Les sédiments qui seront traités vont subir un autre traitement. Ce sera le traitement biologique. On va aménager une plateforme où on aura des batteries qui vont réduire le volume des sédiments traités. Le dernier produit va servir à la fabrication des briquettes. Voilà les différentes étapes de la dépollution.
LP : A combien revient le coût des opérations?
DNM : Le plan de dépollution présenté par les experts suédois est de 10, 5 milliards FCFA. La part de l’Etat est de 10% et les 90% financés par les Suédois. La dépollution coûtera donc 10,5 milliards FCFA.
LP : L’Etat s’est-il déjà exécuté ?
DNM : Oui, l’Etat a déjà décaissé sa part. C’est cet argent qui a servi à l’achat des deux machines. La machine de dragage et la machine de traitement. C’était les conditions du démarrage de la dépollution. Mais je voudrais préciser que les machines restent le patrimoine de l’Etat ivoirien.
LP : Combien de temps vont durer ces travaux?
DNM : Le plan de dépollution est prévu sur quatre ans. Mais pour le ministre de l’environnement et du développement durable, ce délai est long. Il faut aller vite. Et le CIAPOL a une machine qu’elle va mettre à contribution pour réduire le temps des travaux.
LP : Le démarrage des travaux de dépollution de la baie a eu comme conséquence, le déguerpissement des fleuristes installés sur le site depuis des décennies. Quel arrangement a-t-on trouvé avec ces travailleurs ?
DNM : C’est une question délicate. Et si vous me permettez, je voudrais vous renvoyer la question. Imaginez que vous avez un terrain qui vous appartient. N’ayant pas les moyens de bâtir votre maison, quelqu’un vient s’installer pour faire du maraîcher pendant dix, voire quinze ans sans votre consentement. Le moment où vous êtes prêts à construire votre maison, accepteriez-vous de vous asseoir avec quelqu’un pour négocier quoi que ce soit ? Ou pour parler d’un dédommagement ? Si vous répondez à cette question, je pense que vous aurez trouvé la réponse.
LP : Mais l’Etat peut proposer quelque chose au moins à ces pères de familles ?
DNM : J’ai rencontré ici même les responsables du syndicat des fleuristes. Ils m’ont fait savoir qu’il y a eu une étude environnementale et sociale qui a été diligentée l’année dernière. Et que cette étude a conclu qu’ils doivent être dédommagés ou relogés parce qu’il y avait des bailleurs de fonds qui venaient. Je leur ai dit que ce projet est un projet ivoirien avec un financement ivoirien. Je leur ai dit que s’ils voulaient que cette baie soit dépolluée, ils doivent partir. Je leur ai clairement dit que l’Etat n’a pas prévu de dédommager quelqu’un dans le cadre de ce projet. Et sur ce point, nous nous sommes entendus.
LP : Un appel à l’endroit de la population ?
DNM : Mon appel s’adresse à la population qui a fait des branchements anarchiques dont les déchets continuent d’atterrir dans la baie de Cocody. C’est vrai que le gouvernement est en train de prendre des dispositions pour mettre fin à ces branchements. Mais les caniveaux d’eau pluviale ne sont pas faits pour recevoir des déchets solides. Il faut mettre les ordures ménagères dans les poubelles et non dans les caniveaux.
Par ALI