x Télécharger l'application mobile Abidjan.net Abidjan.net partout avec vous
Télécharger l'application
INSTALLER
PUBLICITÉ

Politique Publié le jeudi 25 avril 2013 | L’intelligent d’Abidjan

Interview / Le Président du PIT, Ahizi Aka Daniel - ‘‘Gbagbo à la Haye, c’est une honte pour nous tous’’

Le Parti ivoirien des travailleurs (PIT), après l’élection de son nouveau président, Ahizi Aka Daniel, a célébré par des actions de solidarité son 23ème anniversaire, le 8 avril dernier. Depuis son élection à la tête de son parti, il annonce un PIT fort et prêt à jouer le rôle d’un vrai parti de gauche. Dans cette interview, il passe en revue la vie politique de son parti et celle de la Côte d’Ivoire de 1990 à aujourd’hui.
Vous avez récemment célébré le 23ème anniversaire du PIT. Quelle est la première personne à féliciter ? Wodié, Gnonsoa… ou vous-même Ahizi Daniel ?
Vous l’avez dit ! La première personne à féliciter, c’est le président Wodié. C’est le président fondateur du parti. S’il n’avait pas pris l’initiative de créer ce parti. Nous ne serons pas là. Je pense qu’après 23 ans, il s’est retiré pour d’autres missions, pour d’autres fonctions de l’Etat. Il nous a confié le parti. Donc, c’est à lui, qu’il faut traduire toute notre reconnaissance et notre profonde gratitude.

Quelles ont été les motivations qui vous ont amené à présenter votre candidature à la présidence du PIT ?
J’ai été candidat. J’ai été élu. J’ai été appelé à un certain moment, depuis la création du parti, à donner mon point de vue et à réfléchir également sur le positionnement du parti. Je pensais que, à partir d’un certain moment, au moment où, les membres fondateurs de ce parti s’éloignent un peu, il était bon que je prenne la relève. Parce que je pense être, de ceux là, qui ont compris l’idéologie fondamentale de ce parti.

Lors d’une conférence récemment, vous prôniez la solidarité afin de promouvoir les idéaux de votre parti. Est-ce que, cela traduit une volonté de Monsieur Ahizi Aka Daniel à être un autre président du PIT ?
Je ne veux pas être un autre président du PIT. Je veux tout simplement traduire dans la réalité, nos valeurs. Ce sont les valeurs de solidarité, les valeurs d’égalité de chance, les valeurs d’équité, les valeurs de partage, les valeurs de concertation. Nous voulons marquer les ivoiriens par ces valeurs. Nous voulons insister sur ces valeurs. Peut-être qu’on ne l’a pas suffisamment fait dans le passé. Ou bien, l’environnement dans lequel nous vivions ne donnait pas la possibilité de l’affirmer au quotidien. Aujourd’hui, nous avons décidé de le faire. Et d’insister sur ces valeurs. Je crois que le PIT, jusque-là, était mal compris. On ne peut pas vivre en société, s’il n’y a pas de solidarité. On ne peut pas vivre en société, s’il n’y a pas d’équité. On ne peut pas vivre dans une société où les hommes sont égaux, si on ne nous donne pas les mêmes chances au départ. Voilà un peu, pourquoi nous insistons depuis un certain moment sur ces valeurs.

Vous êtes aux commandes du PIT. Quels sont les axes stratégiques que vous aborderez pour permettre à votre parti d’avoir une grande audience ? Quant on sait que le PIT n’est pas bien implanté à Abidjan et à l’intérieur du pays.
Je pense que la démarche ou les stratégies d’implantation ont été certainement, quelque peu insuffisantes dans leur approche, avec les populations. Dorénavant, nous seront plus proches des populations pour mieux nous faire comprendre. Il y a un autre aspect qui a manqué, sur lequel nous allons mettre l’accent. C’est la formation des militants. Il faut pour que nous puissions diffuser nos valeurs, nos militants eux-mêmes doivent s’approprier ces valeurs et les comprendre. Voilà les axes sur lesquels nous allons orienter nos actions futures.

Peut-on attendre du PIT une attitude sérieuse dans le paysage politique ?
On a dit qu’on est toujours sérieux. C’est le parti certainement le plus sérieux. Qui a toujours existé, depuis 1990. Donc, vous ne pouvez pas parler d’attitude sérieuse. Nous avons été toujours sérieux. Mais, je pense que nous n’étions pas très compris tout simplement, parce que, nous n’avons pas voulu instrumentalisé les communautés pour les monter les unes contre les autres. Et dans cet environnement politique, il était difficile de se faire comprendre. Je pense que nous avons toujours été sérieux. Nous allons continuer d’être sérieux. Nous allons faire passer nos idées avec beaucoup plus de force qu’avant.

Il y a plusieurs années où vous avez revendiqué la conférence nationale comme seule source du règlement de la crise ivoirienne. Pensez-vous la même chose aujourd’hui ?
C’est plus fort que jamais. On ne parle plus de conférence nationale mais, on parle de concertation nationale. On ne sort jamais d’une crise s’il n’y a pas de discussion. Il faut qu’on passe par la discussion. Il faut que les Ivoiriens apprennent à se parler. On va beau faire, si on ne s’assoit pas tous autour d’une table pour qu’on puisse se parler et voir les problèmes que nous avons, pour qu’ensemble, on trouve les solutions, on n’ira jamais à la paix. On n’ira jamais à la réconciliation. Votre vérité est votre vérité, la mienne est la mienne. Mais, c’est la vérité acceptée par tous, qui devient la vérité. Donc, il faut que nous puissions échanger. Les Ivoiriens doivent apprendre à se parler. Et c’est nécessaire. Aujourd’hui la concertation nationale est plus que jamais nécessaire.

Depuis le début de la démocratie et des élections libres en Côte d’Ivoire, le PIT a présenté 3 fois un candidat aux élections présidentielles qui a perdu devant Bédié, Gbagbo et Ouattara... le PIT sera-t-il présent encore en 2015?
Nous serons toujours présents. Nous serons toujours présents aux différentes échéances. Nous avons fait une grave erreur en 1990.

Laquelle ?
Nous ne sommes pas allés aux élections en 1990. On a préféré soutenir le candidat Gbagbo et cela nous a desservis. Puisque, c’est celui qui est apparu comme l’unique leader face au président Houphouët, à partir de ce moment. Cela a été une erreur historique que nous ne voulons plus répéter. Nous serons maintenant présents à toutes les élections. Mais, nous serons présents en 2015 dans une approche totalement différente que les autres partis politiques. Une approche qu’on n’aurait jamais connue en Côte d’ Ivoire. Le président du PIT ne sera pas forcément le candidat du PIT aux élections présidentielles. Nous avons dit que nous allons faire des primaires. Et ce n’est pas évident que ce soit le président du PIT qui soit candidat. Et ces primaires seront ouvertes à des personnes qui sont des sympathisants. Qui épousent nos valeurs, qui épousent nos principes. Mais qui ne sont pas forcément du PIT. Mais qui peuvent défendre nos valeurs et nos couleurs si éventuellement elles sont élues. Le président du PIT, peut être le candidat du PIT s’il gagne les élections primaires. Cela sera une première en Côte d’Ivoire.

Comment jugez-vous aujourd’hui le rôle du parlement ivoirien ‘‘monocolore’’ RHDP, surtout dans la préparation des lois?
Bon, quand on est épris de démocratie, c’est une chose qu’on peut déplorer. Il ne faudra pas qu’on soit dans un environnement politique de pensée unique. Où, il y a un seul parti qui décide tout. Le pays est aujourd’hui pris en otage par le RHDP qui contrôle tout. Qui est l’exécutif et qui contrôle aussi l’assemblée nationale. Ce n’est pas sain pour la démocratie. Il faut espérer que les choses évoluent autrement. Pour le moment, c’est ce que nous pouvons dire. On glisse dangereusement vers la réitère d’un parti unique. C’est grave pour nous. C’est comme si, il y avait une tentative de retour en arrière. C’est ce qu’il faut déplorer.

Que pensez-vous de ceux qui disent que la sortie de crise dépend automatiquement d’une amnistie générale ou bien de la libération des prisonniers politiques?
Nous sommes pour une justice impartiale. Si la justice impartiale s’instaure en Côte d’Ivoire, alors il n’y a pas lieu qu’il y ait une amnistie. Ceux qui ont commis les atrocités doivent répondre de leurs actes. Qu’ils soient d’un côté ou d’un autre. Les amnisties, on en a eu ici. Elles ont crée l’impunité et les mêmes personnes continuent également de commettre les mêmes méfaits. On ne va pas toujours continuer à répéter ce qui a pu se faire jusque-là. Donc, pas d’amnistie. Mais, nous revendiquons, une justice équitable. Une justice équitable pour tous. Pour que tous ceux qui ont commis des méfaits, des atrocités répondent de leurs actes.

Que pensez-vous des audiences entamées à la CPI pour confirmer les charges engager contre l’ex-Président Gbagbo ?
C’est dommage pour la Côte d’Ivoire et même pour toute l’Afrique d’avoir transféré le Président Gbagbo à la Cpi. C’est une chose qu’il faut éviter à l’avenir, car c’est une honte pour nous tous. Plus jamais ça.

La Côte d’Ivoire a-t-elle la politique économique des Etats comme l’Inde, le Brésil, la Chine ou la Russie, pour atteindre l’émergence tant prônée en 2020 ?
Le pouvoir parle d’une Côte d’Ivoire émergente en 2020. Je suis économiste. Pour le moment, on n’a pas défini les critères d’un pays émergent. On ne sait pas à quel moment un pays est dit émergeant ? Je ne sais pas. Et puis, on ne nous a pas précisé les critères. Comme aussi le sous-développement, on ne nous a jamais dit à quel moment on est sous-développé, on est en voie de développement ou on est développé. On ne nous a pas précisé les critères de pays émergents. Mais, on peut faire par comparaison certainement. Alors, on dit les pays émergents c’est la Chine, le Brésil, l’Inde, la Corée du Sud… Alors, je me pose les questions. Est ce qu’en 2020, nous serons comparables à la Corée du Sud ? Au pays de Samsung ? Au pays de KIA… ce sont les meilleurs. Est-ce qu’on sera à ce niveau ? Pour aller à un pays émergent, il faut certains facteurs essentiels : la formation, la recherche. Si on ne met pas l’accent sur ces deux éléments, on ne sera jamais un pays émergent. Et, je suis même sceptique de savoir qu’on puisse devenir un pays émergent en 2020. Ce n’est pas mauvais de se fixer des objectifs. Mais, faut-il encore être réaliste, quand on fixe les objectifs. Parce que, je ne vois pas la Côte d’Ivoire devenir la Corée du Sud en 2020 ou bien devenir le Brésil qui est maintenant, en termes de création de richesse, avant l’Angleterre. Je ne vois par la Côte d’Ivoire en 2020 devenir un pays émergent. Dans combien de temps serons-nous en 2020 ? Sachez que nous sommes en 2013. Alors, il nous reste sept ans. Non, je ne pense pas qu’on puisse être un pays émergent en 2020, sincèrement. Il ne faut pas qu’on fasse de fausses promesses. C’est toutes ces fausses promesses qui entrainent des palabres. Cela fait que les populations deviennent impatientes. Après, elles vont traiter les hommes politiques de menteurs… il faut faire très attention aux promesses qu’on fait.

Parlons des grèves syndicales qui ont secouées le pays, ces derniers temps. Quelle altitude selon vous, devrait adopter le gouvernement du Président Alassane Ouattara ?
Je vous ai dit tant tôt que pour être un pays émergent, il faut mettre l’accent sur la formation et la recherche. Alors, quand les enseignants qui sont chargés de la formation réclament de meilleures conditions d’existence et qu’on s’est fixé pour cap d’être un pays émergent en 2020, on doit être attentif aux revendications des enseignants. On doit être attentif aux revendications des chercheurs. Je pense que ce n’est pas une bonne chose, d’arrêter les enseignants qui revendiquent pour leurs conditions de vie et pour leur bien-être. Vous savez que, je suis moi-même universitaires. Tout comme mon collègue (Dr Joseph Abo Kobi, secrétaire chargé à la communication du PIT, Ndlr) qui est là, nous sommes tous des universitaire, et dans le système LMD que nous avons mis en place, que nous sommes entrain d’adopter dans le cadre de l’UEMOA, il y a des décisions qui ont été prises pour mettre au même niveau, les salaires. Vous serez surpris, si je vous dis que les enseignants du supérieur au Burkina sont mieux payés que les enseignants du supérieur en Côte d’Ivoire. Au Sénégal, ils sont mieux payés que ceux du Mali parce qu’ils commencent déjà à appliquer les dispositions de l’UEMOA et nous, nous sommes à la traine. Je pense que toutes ses revendications ne sont pas pour embêter quelqu’un. Mais, c’est pour que les conditions de travail soit les meilleures dans le cadre de l’enseignement, dans le cadre de la formation pour qu’on se prépare au mieux pour aller vers un pays émergent. C’est une très mauvaise chose d’arrêter les enseignants. Il faut mieux avoir raison garder et les écouter. C’est pourquoi, nous réclamons à chaque fois, la concertation. Il n’y a pas deux solutions. Il faut se parler. Et ensemble, on trouve les solutions.

Lors de votre récente conférence de presse, vous avez annoncé que vous vous désolidarisez du Président Ouattara. Certains pensent que, c’est parce que vous êtes ‘‘un pion’’ de Monsieur Laurent Gbagbo…
Ce n’est pas un revirement rapide. Il faut que vous compreniez que dans un environnement qui se veut démocratique, il faut laisser celui qui gouverne, gouverner. Et laisser les autres dans l’opposition jouer leurs rôles. Et, j’ai précisé le rôle de l’opposition. Un rôle de veille. Un rôle d’alerte et un rôle de proposition. Le président a été élu sur un programme. Il y a lieu de veiller à ce que ce programme soit appliqué. C’est notre mission. La population l’a élu pour ce programme. Il faut que ça soit appliqué. Donc, nous suivons. Si c’est appliqué, nous disons bravo ! Si ce n’est pas appliqué, on l’interpellera. Et s’il refuse de les faire appliquer, nous allons nous adresser à la population. C’est le rôle de l’opposition. Il faut qu’on nous laisse jouer ce rôle. Et ne pas penser que nous ne sommes pas solidaires. On n’a pas besoin d’être solidaire. S’il travaille, qu’il applique correctement ce qu’il a dit, ce pourquoi il a été élu, nous allons applaudir. Maintenant, s’il s’oriente dans d’autres considérations où la population n’est pas concernée, nous allons l’interpeller. C’est le jeu normal de la démocratie.

Le S.G du RDR, Amadou Soumahoro a menacé, lors de l’une de ses sorties, toutes les personnes qui se mettraient sur le chemin du Président. N’avez-Vous pas peur d’y laisser votre peau?
On n’est pas sur le chemin du Président. On lui dit, tu as dit ça, voilà ton programme, il faut l’appliquer. C’est tout. Est-ce qu’on est sur son chemin. Au contraire, c’est nous qui disons attention, voilà ce que tu avais dit que tu allais faire, on constate que tu t’éloignes. Donc, il faut faire ce que tu dois faire. Par ces critiques, nous sommes en train de lui rendre service. Peut-être, ceux qui sont autour de lui n’osent pas lui dire. C’est notre chance à nous d’être dans l’opposition, voilà ce que tu devrais faire et tu ne le fais pas. Maintenant, si les autres interprètent cela autrement, c’est aussi la loi de la démocratie.

Après deux ans d’exercice du pouvoir du président Alassane Ouattara, la Côte d’Ivoire subit des attaques surprises à Abidjan et surtout à l’ouest. Quel regard portez-vous sur la situation sécuritaire ?
C’est un réel problème. Il faut que nous prenions le temps.Surtout, il faut que le gouvernement prenne le temps de regarder avec toute la lucidité ce problème. C’est un problème complexe. Il ne faut pas seulement voir les pro-Gbagbo, je ne sais pas si c’est véritablement encore eux. Mais, il faut voir toutes les choses avec la grande lucidité qu’il faut. Il y a eu des armes qui ont été distribuées dans ce pays. Les armes ont circulé dans les mains de n’importe qui. Et ceux-là, est-ce qu’on les a tous désarmés. Le problème reste posé. Je ne parle pas des commissariats qui sont attaqués. Mais, parlons de l’ouest aujourd’hui. Ce n’est pas dit forcement que ce sont les pro-Gbagbo qui attaquent. Il y a des problèmes fonciers qu’il faut poser avec toute la lucidité. Et voir, comment régler ce problème en urgence. Il y a des problèmes fonciers réels qui ont leurs répercussions sur le marché. C’est une grande zone de production qui ne produit plus à cause de toutes ces attaques. Et on est surpris que nos marchés coûtent chère. Mais, si ceux qui produisent, ne produisent plus, et que ça ne vient plus sur le marché, forcément tout va couter cher. Il y a tout ça qu’il faut regarder. Ce sont des problèmes assez complexes. Il ne faut pas prendre, les raccourcies aussi simpliste pour nous dire, ce sont les pro-Gbagbo. Ils sont combien encore dans ce pays, capables de déstabiliser ce régime ? Il y a des gens qui devraient être intégrés dans l’armée qui ne le sont pas. Ils sont mécontents. Est-ce que ceux-là ne constituent pas un danger ? Il y a tout ça ! Je ne nie pas le fait qu’il y ait des pro-Gbagbo, c’est possible. Rien, n’est impossible. Je crois que, au-delà des pro-Gbagbo, il y a beaucoup de problèmes sérieux. En toute lucidité, il faudrait qu’on regarde toutes ces attaques.

Quel est votre meilleur souvenir politique en Côte d’Ivoire et au PIT ?
Meilleur souvenir ! C’est véritablement une colle. Je dirai que cela n’allait 1990, à la création du multipartisme. Parce qu’on a pensé que, ça ne l’ai jamais arriver. Et, c’est arrivé. Le multipartisme qui est la porte d’entrée vers la démocratie. Donc, ça a été une longue bataille menée par nos devanciers. Nous autres, nous n’étions pas dans cette bataille-là. Mais, je pense que nous l’avons enregistrée. Et si aujourd’hui, nous sommes entrain de nous parler, c’est grâce à la lutte des devanciers.

Et au PIT ?
Je dirai, c’est la création du PIT (rire). Avec au départ, notre emblématique président fondateur qui est un homme de grande valeur et qui est d’une grande intelligence.
Réalisée par Ogou Dama
PUBLICITÉ
PUBLICITÉ

Playlist Politique

Toutes les vidéos Politique à ne pas rater, spécialement sélectionnées pour vous

PUBLICITÉ