Créé en 1946, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire, élément du Rassemblement démocratique africain (Pdci-Rda), a célébré mardi 30 avril 2013 ses 67 ans d’existence, à l’Hôtel Ivoire. Parti véritablement Etat, après la mort de son fondateur Félix Houphouët-Boigny, premier Président de la République de Côte d’Ivoire en 1993, c’est le 24 décembre 1999 que le Pdci perd le pouvoir sous Henri Konan Bédié, par le coup d’Etat militaire conduit par le Général Robert Guéi. Mais au moment où il fête ses 67 ans, dans quelle posture nationale se trouve ce parti ? A 67 ans, le Pdci n’est que le faire-valoir du Rassemblement des républicains (Rdr), le parti d’Alassane Ouattara. C’est quoi un faire-valoir ? C’est dans notre contexte, un personnage de second plan, effacé ou peu brillant, chargé selon le Dictionnaire Encarta, par un effet de contraste, de mettre en valeur le rôle principal. On le voit. Depuis le deuxième tour des présidentielles 2010, le parti dirigé par Henri Konan Bédié sert de faire-valoir aux ambitions d’Alassane Ouattara et de ses amis du Rdr. Si une bonne partie de l’opinion nationale et internationale a cru à une élection de Ouattara après le 28 novembre 2010, et si la coalition franco-onusienne a été encouragée à bomber la Côte d’Ivoire pour chasser le Président Laurent Gbagbo, c’est à cause du soutien de Bédié et du Pdci-Rda au candidat du Rdr. Le Pdci s’était alors gardé de critiquer et de se plaindre des pratiques frauduleuses et violentes qui l’ont scandalisé aujourd’hui, lors des scrutins des 11 décembre 2011 et 21 avril 2013. Il avait opté soutenir Ouattara et le Rdr, persuadé qu’en périphérie du pouvoir, il ferait peau neuve et que, par effet de contagion, le pouvoir lui permettrait d’avoir véritablement bonne mine. Mais la direction du parti a négligé un détail. Même s’il donne l’impression ou déclare avoir oublié la «guerre» que Bédié lui avait faite pendant qu’il était au pouvoir, Alassane Ouattara, tel que la Côte d’Ivoire le pratique depuis des décennies, se venge toujours, même d’un autre houphouëtiste. A défaut de le faire avec des armes comme contre le régime de Gbagbo, qui n’est pas héritier d’Houphouët, il le fait en utilisant le Pdci, Bédié et ses soutiens, avec une contrepartie quasi inexistante ou humiliante. La Primature avec Ahoussou Kouadio Jeannot, puis avec Kablan Duncan, octroyée au Pdci, ne l’est que de nom, pour l’apparence de la tenue d’une promesse de campagne devenue un poids. Le Pdci n’a pas la possibilité de caser ses militants dans les structures où ses rares cadres sont positionnés. Et ce, comme il connait cette réalité à la Primature après le départ aux forceps de Guillaume Soro. Parti bientôt septuagénaire, malgré l’expérience de ses cadres et ses dirigeants, le Pdci a du mal à se faire respecter par son allié du Rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp). Il découvre que dans cette alliance, il n’a pas le droit d’exprimer sa différence et d’émettre une opinion qui contredise la pensée de Ouattara. Au sein de l’Assemblée nationale, le pouvoir attend de ses députés, non des partenaires critiques, mais un soutien aveugle et une élection mécanique de ses projets de loi. Faute de quoi le gouvernement sera dissout, avec les seuls intérêts du Pdci en fumée. De plus en plus, au regard de cette réalité, les militants étouffent. Ils disent vivre une dictature. Ils ne peuvent pas parler. Parce que Ouattara tient la direction de leur parti, « alors que le parti ne gagne véritablement rien dans cette alliance ». Cette grogne a été le plus perceptible pendant la campagne électorale des municipales et régionales au cours de laquelle les militants du Pdci n’ont pas hésité à appeler ceux du Front populaire ivoirien au secours, en vue de neutraliser le Rdr, un parti devenu le problème de la Côte d’Ivoire. A 67 ans, le Pdci fait vivre Ouattara et le Rdr. Mais le plus remarquable, c’est qu’il n’est pas fier d’être le faire-valoir du Rdr. Comment pourrait-il l’être, si ce régime s’illustre dans la violation répétée des Droits de l’Homme et le soutien flagrant de l’expropriation des populations de leurs terres et de leurs biens au profit de ressortissants de la Cedeao ? Comment si l’Ivoirité est un concept de Bédié et que des ressortissants burkinabé sont naturalisés à la pelle, d’une façon équivoque ? Comment si le « rattrapage » ethnique assombrit l’image et l’économie du pays désormais la risée du monde ? Comment si le régime Ouattara même n’a pas bonne presse, sauf chez les courtisans ? A 67 ans, le Pdci fête ses vieux os, sans être fier de célébrer un bilan glorieux.
Germain Séhoué
Germain Séhoué
