Au terme de la visite d’Etat sanctionnée par un Conseil des ministres extraordinaire tenu dans la Région du Tonkpi, le président de la République, Alassane Ouattara a animé, samedi dernier, une conférence de presse à sa Résidence de Man. Que ce soit les points liés à cette seconde visite dans la région, les questions de l’actualité nationale et internationale, le chef de l’Etat a donné pendant un peu plus d’une heure d’horloge, satisfaction aux préoccupations de l’ensemble des journalistes.
Propos liminaires
Je suis heureux à nouveau d’avoir cette rencontre avec vous. Notamment au lendemain de la journée de la presse. Puisque c’était hier, cette belle journée, cette grande journée. Je sais qu’elle a été célébrée à Abidjan par l’Union nationale des Journalistes de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, on me dit qu’il y aura une procession qui irait de la bibliothèque nationale à la maison de la presse, suivie d’une conférence de presse sur « la liberté de la presse et la responsabilité des journalistes». J’aurais bien souhaité être présent à Abidjan. Mais c’est une opportunité d’avoir aussi notre manière de célébrer cette belle journée. Vous savez à quel point je suis attaché à la presse. Je l’ai démontré au moment où j’étais Premier ministre, il y a 20 ans et par la suite dans l’opposition et depuis que je suis au pouvoir. Je suis heureux qu’une journée soit dédiée à la liberté de la presse et je voudrais me féliciter de l’évolution positive du journalisme dans notre pays. Notre presse a fait des progrès, les journalistes ont fait des progrès. Et bien évidemment, c’est le quatrième pouvoir et nous sommes très attentif à ce que la presse donne comme opinion. Même si parfois, nous ne sommes pas totalement en phase, c’est la liberté d’opinion, qui est l’un des piliers de la démocratie. Je souhaite évidemment qu’il y ait une plus grande responsabilité au niveau de la presse, des journalistes. C’est d’ailleurs cette situation qui doit devenir. Je voudrais que notre presse soit reconnue comme l’une des meilleures dans le monde. Et que ce faisant, nous soyons en conformité avec les progrès qui sont fait par ailleurs. En deuxième lieu, nous avons un pays qui est sorti de crise, une crise très grave qui a occasionné de milliers de morts, beaucoup de divisions, et de meurtrissures. Au regard de cela, il est également important de penser à la réconciliation. Je dis souvent que ce ne sont pas seulement les dirigeants ou les politiques qui sont responsables de la réconciliation. Mais également les journalistes. Je voudrais vous rassurer à nouveau que je ferai tout pour que les journalistes continuent de travailler en toute liberté. Car, je respecte la liberté de la presse. Bien évidemment, je constate qu’il y a eu quelques dérapages ici et là au niveau de certains qui sont journalistes. Mais qui avaient des activités parallèles qui leur ont causé quelques mois de prison. Mais, j’ai été heureux de constater que hier ou avant-hier, monsieur le ministre de l’Intérieur m’a informé que la justice avait donné la liberté provisoire à un de vos confrères. Ce qui est une excellente chose. Cette conférence de presse a pour objectif de vous parler de ma visite dans le Tonkpi. Bien évidemment, c’est une région importante. Je profite de l’occasion pour saluer le ministre d’Etat Mabri Toikeusse et le féliciter pour son élection à la tête de cette belle région. Cela confirme que nous aurions dû visiter les trois régions du District des Montagnes au mois d’avril de l’année dernière. Nous avons commencé par le Guémon, le Cavally et nous n’avions pas pu visiter le Tonkpi. C’est chose faite. Nous avons également mis en œuvre notre décision de tenir des Conseils de ministres de manière périodique, si possible tous les deux mois, à l’intérieur du pays, Yamoussoukro y compris. C’est ce que nous avons fait le jeudi 2 mai dans la matinée à Man. L’après-midi, nous sommes allés à Biankouma et hier matin (NDLR : le vendredi 3 mai), nous avons visité Zouan-Hounien puis Danané. J’aurais bien voulu visiter Sipilou également, cela n’a pas été possible pour le moment. Pour les nouveaux départements, ce sera pour une prochaine fois. C’est une visite que je considère avoir été vraiment fructueuse. Cela nous a permis de voir ce qui a été fait depuis avril 2012. L’année dernière, quand nous sommes venus, le choix de cette région a été fait par rapport à la crise postélectorale, aux souffrances des populations, aux tueries et à la barbarie. Nous avions parlé surtout de pardon, de réconciliation, de la nécessité pour les uns et les autres de tourner la page. Mais cette fois-ci, je suis venu faire un point de ce que nous avons pu réaliser depuis un an. En matière d’engagements sur les questions d’eau, d’électricité, d’infrastructures et surtout voir aussi si la situation de paix et de sécurité que nous recevons comme indicateur sur Abidjan, à partir de nos structures décentralisées, est véritablement une réalité. Je me réjouis de constater que maintenant, cette région, ce District, est en paix et en sécurité. Nous avons d’ailleurs déployé des moyens très importants pour sécuriser l’Ouest, notamment la frontière avec le Libéria. Maintenant, nous considérons qu’avec les contacts et la coopération très étroite avec le Liberia et en plus entre la présidente Ellen Johnson et moi-même, la situation sécuritaire devra se renforcer davantage. Nous envisageons d’ailleurs dans les semaines qui viennent de tenir une grande réunion à la frontière avec les populations, avec les chefs traditionnels des deux pays, puisque c’est un peu les mêmes ethnies (NDLR : de part et d’autre), pour qu’ils s’insèrent aussi dans le processus de réconciliation. Nous avons également réalisé au cours de cette période d’un an huit mois de très belles réalisations en matière de voiries, d’approvisionnement de la ville de Man en eau. Ce qui est important. La réhabilitation du réseau électrique, la rénovation et l’équipement de certains hôpitaux, la rénovation et la construction de nombreuses salles de classes, la couverture de tout l’Ouest par les médias d’Etat. C’est une promesse qui avait été faite, et maintenant elle est réalisée. Il y a l’assainissement des villes du District des Montagnes. Ce sont des avancées importantes. Tout cela, nous avons pu le réaliser à partir du Programme présidentiel d’urgence (PPU) qui a permis de dépenser treize milliards en 2011 et 2012 dans le District des Montagnes. Quatre milliards en 2011 et neuf milliards en 2012. A l’occasion de ma campagne, j’avais, dans mon programme de gouvernement, indiqué que normalement nous investirions 1055 milliards de FCFA dans le District des Montagnes. Nous sommes sur la bonne voie, puisque les projets concernés sont quasiment à maturation. C’est ainsi que l’université de Man pourra ouvrir l’année prochaine. Cela va nécessiter des investissements importants. Pour le chemin de fer Man-San Pedro, un opérateur est désigné, les études sont en cours, une convention sera bientôt signée. Cette convention parlera également de l’exploitation des minerais de fer du mont Klaoyo et du mont Glao. Rien que ces deux investissements, c’est déjà plus de mille milliards (1200 milliards de F CFA). Nous avons la mine de Nickel de Sipilou qui sera également mise en œuvre. Nous aurons des rénovations de CHR et des hôpitaux, constructions de centres de santé proche des populations, l’électrification, y compris l’électrification rurale, l’énergie solaire, le bitumage de la route Danané frontière de la Guinée. Une chose quasiment certaine. Puisqu’à Monrovia, mardi dernier, nous avons signé une convention de base entre le Liberia, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone et la Guinée. 200 milliards de F CFA, 400 millions de dollars pour le bitumage de la route Danané-frontière de la Guinée. C’est donc dire que nous avons quasiment la certitude d’atteindre nos objectifs et il faut surveiller ces travaux. Les aspects financement ne posent pas problème, les études également montrent que cela peut se faire. Le délai dépend évidemment de la mise en œuvre de ces grands projets. Tout cela est très bien, mais nous devons nous concentrer sur le développement de meilleures conditions de vie pour les populations. Quand on dit meilleures conditions de vie, cela concerne bien sûr, non seulement l’école, pour que les parents puissent envoyer leurs enfants à l’école, la santé, quand il y a des problèmes de santé, notamment les questions d’accouchement. Mais également les questions relatives au réceptacle universitaire pour permettre d’envoyer les enfants à l’université, sans que tout le monde soit obligé de se ruer sur Abidjan. D’ailleurs, cette année, en octobre 2013, les universités de Korhogo et Daloa vont pouvoir ouvrir et l’année prochaine, l’université de Man. Quand on parle de meilleures conditions de vie, il faut également penser aux infrastructures, les pistes notamment pour permettre l’évacuation des produits. Tout cela est en cours par, non seulement le gouvernement. Mais aussi par le Conseil du Café-cacao qui reçoit des dotations importantes pour améliorer les pistes pour l’évacuation des produits. Quand on parle de meilleures conditions de vie pour les populations, Cela veut dire aussi meilleur pouvoir d’achat. C’est ainsi qu’avec la réforme agricole, nous avons pu augmenter les prix reçus effectivement par les paysans pour le café, le cacao et d’autres produits. L’amélioration des conditions de vie, c’est mettre un peu plus à l’aise les fonctionnaires. C’est ce que nous avons tenté de faire en payant les indemnités qui étaient dues à l’éducation. Et pour la santé, les choses sont en cours. L’amélioration des conditions de vie veut dire non seulement augmenter le pouvoir d’achat. Mais aussi veiller à ce que les prix ne dérapent pas. Nous avons la chance d’être arrimés à l’euro. Ce qui fait que le taux d’inflation chez nous est à peu près équivalent au taux d’inflation en Europe. Vous prenez un pays comme le Ghana, ce sont les taux d’inflation à deux chiffres. A 10, 11 et 12 %. Chez nous, l’année dernière, le taux d’inflation a été de 1,5%. Là également, nous devons faire des efforts, c’est pour cela que nous avons pris des décisions sur le prix du gaz. Mais, nous ne pouvons pas absorber ou payer toute la subvention tout de suite. Alors, il faut une reforme globale du secteur. Mais vous avez vu l’effort qui a été fait par le gouvernement, notamment sur les bouteilles B28 et même sur les B6 et B12. La péréquation permettra aux populations hors d’Abidjan de payer moins cher que ce qu’elles paient maintenant. Quand on parle d’amélioration de conditions de vie, c’est qu’au niveau du carburant (je sais que vous avez tous à peu près ici des véhicules), on a essayé de tenir compte de l’évolution des prix du marché pour que le prix du Super puisse être réduit de 28 francs environ. Je ne voudrais pas faire un monologue, mais c’est pour vous dire que nous sommes essentiellement axé sur l’amélioration des conditions de vie à la fin de ce que nous faisons. Cela doit être l’objectif de la politique économique, l’objectif de notre programme. Nous voulons que les Ivoiriens vivent mieux, l’environnement soit meilleur. Mais également que le pouvoir d’achat s’améliore et que les Ivoiriens à la fin disent qu’on est content, ça va mieux dans notre pays. Je ne parlerai pas du passé, mais je suis confiant que nous allons réussir.
Questions-réponses
Lance Touré (Le Nouveau Réveil) :
M. le président, est-ce qu’à la suite des élections municipales et régionales, vous envisagez un remaniement ministériel surtout que des membres du gouvernement ont été élus, pour certains, dans leurs régions?
Alassane Ouattara : En général c’est le cas. Mais cela ne veut pas dire que ce soit généralement le cas. Donc je me concerterai avec le Premier ministre et nous verrons les décisions à prendre si c’est nécessaire ou pas. J’ai une très bonne équipe. Mais, certains ministres peuvent souhaiter, par exemple, d’aller diriger des conseils régionaux. C’est tout cela que nous devons réviser. Mais l’équipe actuelle me donne satisfaction.
Doua Gouly (Fraternité Matin):
Qu’est-ce que le gouvernement entend faire pour lutter contre l’occupation des aires protégés et des forêts classées, notamment dans l’Ouest du pays où le phénomène a pris de l’ampleur?
AO : L’occupation des aires protégées, c’est vrai, est un problème difficile, surtout dans cette région. Nous sommes en train de traiter cette question au niveau du Conseil national de Sécurité. Cette question est également liée à la question du foncier.
Vous avez raison de dire que cette question est liée à la question foncière. C’est pour cela qu’elle est assez complexe. D’ores et déjà, nous voulons commencer à être très ferme sur des dispositions à prendre au plan sécuritaire et au plan du droit. Par conséquent le ministère de la Sécurité et le ministère de la Défense ont instruction de veiller à ce que les cas connus soient réglés.
Saly Silué Konaté (Radio Côte d’Ivoire) :
Toujours sur la question foncière, vous avez un ambitieux programme pour l’Ouest. Que comptez-vous faire pour apporter des réponses appropriées à la lancinante question du foncier dans cette zone ?
AO : En 1998, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité d’ailleurs, le code foncier. Évidement, l’application n’a pas été faite dans les délais. Nous avons entrepris de reprendre ce code foncier et de le renforcer. Le gouvernement est en train de travailler sur ce dossier du foncier. Et nous sommes convenus avec le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre que nous enverrons à l’Assemblée au cours de la session budgétaire en octobre prochain un projet concernant la question foncière. Donc j’espère que cette question foncière sera examinée par l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année. Mais vous savez, la question foncière elle-même est liée également à la question de la nationalité. Et la question de la nationalité n’a pas été totalement réglée. Le gouvernement enverra dans les prochaines semaines toute une série de texte sur la nationalité conformément aux décisions prises à Marcoussis. Donc, des accords de sortie de crise et qui n’avaient pas été appliqués, c’est-à-dire les accords de Marcoussis et de Ouaga. Ce sera donc une série de projets de loi pour clarifier la question de la nationalité. Ces textes doivent aller à l’Assemblée nationale qui doit statuer et confirmer ces décisions pour la session qui se tient actuellement, d’avril à juillet. Nous allons donc considérer que l’année 2013 avec la fin du cycle électoral doit être l’année pour régler cette question de nationalité et de foncier.
Kra Bernard (L’Expression) :
Lors de la tenue du dernier Conseil des ministres à Man, il a été question de la nomination des gouverneurs de Districts. Quels sont, M. le président, les critères qui vont prévaloir dans la nomination de ces gouverneurs ?
AO : Je compte effectivement procéder à leur nomination. Nous avons adopté les textes ici même à Man le 2 mai, au Conseil des ministres. Ce qui m’importe, c’est de trouver des personnes compétentes et d’expérience pour gérer ces gouvernorats. C’est important que les Districts aient des personnes de qualité, qui ont fait leurs preuves et qui ne seront pas contestées et qui n’auront pas de casseroles par rapport à leur passé de gestion de l’Etat. Par conséquent, cela prendra plusieurs mois, parce qu’on ne pourra pas nommer tout le monde. Ce n’est pas un gouvernement qu’on met en place. On le fera au fur et à mesure des possibilités et de la nécessité que tout soit prêt pour procéder aux nominations. Les gouverneurs des Districts autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro sont déjà nommés. Donc eux, ils continueront, ce sont des districts autonomes. Il restera à nommer les gouverneurs des douze (12) Districts. Cela se fera sur une période qui pourra prendre même une année. Je ne suis pas pressé de le faire. Je veux choisir des hommes et des femmes de qualité pour exercer ces fonctions. D’autant que ces personnes auront rang de ministre pour l’exercice de leur fonction. C’est la suite de notre politique de décentralisation. Cela s’insère dans notre volonté d’avoir une décentralisation effective avec des structures qui ont les moyens de fonctionner et qui sont adéquation avec les présidents de région, les maires et ainsi de suite.
Yacouba Doumbia (L’Inter)
Est-ce que vous avez connaissance du dernier rapport de l’Onu qui relève des tentatives de déstabilisation, mais qui d’autre part évoque un trafic de diamant de certains chefs de guerre ?
AO : Par rapport à son rapport, l’Onu nous interpelle et j’ai demandé au ministre de la Défense et au ministre des Affaires étrangères de prendre attache avec l’Onu pour que nous en soyons destinataires et que nous puissions l’analyser pour en tirer les conclusions et les décisions. Donc, nous attendons que ce rapport nous parvienne. Je signale que c’est un rapport d’experts. Je ne mets pas en doute la compétence des experts. Mais notre volonté, c’est de clarifier les choses et de prendre les décisions qui sont nécessaires. Je note par exemple, quand il y a eu le rapport de Human Rights Watch, nous avons demandé à avoir le rapport. Parce que les déclarations ont été faites avant même que nous ayions le rapport pour faire un commentaire. Le rapport nous ayant été envoyé, nous venons d’envoyer à Human Rights Watch, notre position sur les différentes questions qui ont été évoquées. Et j’ai demandé d’ailleurs que Human Rights Watch publie notre réponse. Donc, il en sera de même du rapport de l’Onu sur cette question.
Touré Abdoulaye (L’Intelligent d’Abidjan) :
Lors de votre meeting à Zouan-Hounien, vous avez annoncé le vote électronique pour remédier aux violences électorales. Cette proposition a suscité la polémique dans les réseaux sociaux. On vous soupçonnerait de préparer la fraude pour les élections à venir. Quelle réaction?
AO : Le vote électronique. Vous savez, je crois que le terme est mal utilisé. Le vote continuera d’être ce qu’il est. Parce que la plupart d’entre nos concitoyens ne peuvent pas sans doute voter électroniquement. Mais, je crois que cela se fait au Ghana où au départ il y a eu du cafouillage. Mais, il n’y a rien de plus sûr, puisqu’il y a les empruntes digitales. Nous essayerons de faire la même chose. Autrement, ne serait-ce que l’absorption des chiffres après le décompte des bulletins devant tout le monde. Ce qui se fait dans certains pays. Devant tout le monde, on introduit les résultats du vote qui vont à la centrale. Donc, si quelqu’un va voler des urnes ou les casser, détruire les bulletins et les procès verbaux, cela n’aura plus de conséquences. Puisque tous les éléments sont déjà à la centrale et tout est exploité immédiatement. C’est donc ma volonté de faire de la transparence, de montrer qu’il n’y a pas de possibilité de manipuler les bulletins ou d’essayer de penser qu’on ne pourrait pas proclamer des résultats, parce que des urnes ou des résultats auraient été volés. Donc soyez rassurés, moi je suis attaché aux élections crédibles et transparentes. Ma réputation a toujours été basée sur la véracité des faits, la crédibilité. Donc, on ne peut pas s’amuser à penser que c’est pour faire de la fraude.
Coulibaly Zoumana (Le Patriote):
On constate de plus en plus que le potentiel minier intéresse le gouvernement. Vous annoncez de grands investissements dans ce domaine à Man. Mais en même temps on voit que le phénomène de l’orpaillage prend des proportions inquiétantes. Que fait le gouvernement à ce niveau ?
AO : Vous avez parfaitement raison, c’est quelque chose que nous constatons. Le ministre des Mines et le ministre de l’Intérieur ont été saisis. J’ai demandé qu’un rapport me soit fait avec des mesures, parce que cela devient un véritable problème. Pas seulement l’exploitation de ces minerais, mais le fait que beaucoup de jeunes ne vont plus à l’école, beaucoup de paysans ne vont plus au champ… Cela peut détruire de manière importante la situation d’ensemble du tissu social et du tissu économique de notre Nation.
Abiba Dembélé (RTI1) :
Vous avez lancé un appel aux femmes, leur demandant de se lancer en politique. Est-ce qu’on ne pourrait pas imposer des quotas en ce qui concerne le nombre de femmes ?
AO : Vous savez, ce sont des questions délicates. Je veux vous dire sans les nommer que ceux qui ont fait cela, le regrettent aujourd’hui. Parce qu’il faut s’assurer que ces choses vont progressivement... Il n’y a pas que la représentativité en politique. Il y a la contribution à l’évolution des institutions. Bien sûr, quand il s’agit de nommer, on peut nommer des personnes en fonctions de leurs compétences et de leurs expériences. Aussi bien des hommes que des femmes. Mais quand il s’agit d’élection, il faut tenir compte également des coutumes, des mentalités….Moi je suis pour une grande participation des femmes dans l’évolution de nos institutions. Mais, c’est un débat qui doit être général et le gouvernement a d’ailleurs fait des propositions dans ce sens. Mais je ne saurais me prononcer personnellement là-dessus parce qu’après nous, il faudra aller également à l’Assemblée nationale.
Stéphane Benyouah (Le Jour Plus) :
Votre gouvernement a pris de nombreuses décisions dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie de vos concitoyens. Notamment la baisse du prix du Super. Le prix de la bouteille de gaz B28 a également baissé d’environ 6000 francs. Mais cette mesure a été mal perçue au sein de la population. Parce qu’elles estiment que la B28 est pratiquement méconnue, elles auraient plutôt préféré cette baisse sur la B12 ou la B6. Qu’est- ce qui a motivé le choix de la B28 pour cette baisse ?
AO : Vous savez, nous avons hérité d’un déficit du secteur électrique qui était de plus de 200 milliards en 2011. Bien sûr, si nous devions rester avec ce déficit, on ne pourrait pas faire d’investissement du tout. On ne pourrait pas réhabiliter l’Université à plus de 100 milliards, on n’aurait pas pu réaliser le PPU (Programme présidentiel d’urgence, ndlr) de plus de 100 milliards. Donc vous savez, si on gaspille ou si on dépense trop d’agent d’un côté, il y a des choses qu’on ne peut pas faire de l’autre côté. Nous avons considéré que nous devons, comme dans tous les pays du monde, tenter d’éliminer les subventions partout où c’est nécessaire, mais en protégeant les plus pauvres. Et c’est ce que nous avons fait parce que la subvention du gaz est très forte. Elle est moins forte sur certaines bouteilles que d’autres. La B28, nous avions éliminé totalement la subvention, les prix avait doublés. Alors que nous avons maintenu à peu près les trois quarts de la subvention sur les B6 et les B12, c’est-à dire que la subvention doit être éliminée sur quatre ou cinq. Cela prend du temps. Alors que la B28, on a éliminé tout, tout de suite. Et je me suis rendu également compte qu’il y a beaucoup de ménages qui utilisent aussi la B28. Ce ne sont pas que les classes les plus défavorisées. Pour les classes les plus défavorisées, nous considérons l’élimination de la subvention et le maintient du prix qui table de 1800 à 2000, est un peut plus acceptable, un peu plus de 10%, ça doit faire la même chose pour la B12, de 4000 à 5000 ou de 5000 à 6000. Mais on a donc essayé de réduire l’élimination de la subvention. Mais ce qui est le plus important et que je n’ai pas relevé dans la presse, c’est que la B6 par exemple qui est vendue à Abidjan à 2000 ou 2100 (…), est vendue à Odienné où à Man, à 3500 ! Nous avons décidé donc de faire la péréquation. Donc, nous allons payer une partie du transport du gaz sur les régions éloignées de Côte d’Ivoire pour que le Super , par exemple, se vend au même prix à Abidjan qu’à Ouangolodougou ou à Toulépleu. Si nous arrivons à faire cela, vous imaginez ce que cela va représenter à Man, à Odienné, à Daloa ou ailleurs ! Au lieu de payer 3000 à 3500 la bouteille de gaz B6, elles ne payeront que 2000 ou 2100. C’est la péréquation qui est l’acte le plus important. La réduction de la B28 qui est passée de 18000 à 13000, c’est aussi bien. Vous savez qu’il y a beaucoup de gens qui utilisent Cela, les maquis par exemple. Quand vous allez dans les maquis, on vous dit : « Vous devez payer plus cher parce que le prix du gaz a augmenté ». Maintenant, ils n’ont plus d’excuse…
Félix Téha Destrait (Notre Voie) :
Tout au long de votre visite, vous n’avez de cesse d’affirmer que toute la lumière sera faite sur la mort du général Guéi, alors qu’il n’est pas le seul dans cette situation. Il y a le ministre Boga Doudou et le musicien Marcellin Yacé. Qu’est-ce qui sera fait pour ceux-là ? A Zouan-Hounien, les populations vous ont interpellé sur la situation de leurs parents qui sont en exil. Qu’est-ce qui sera fait pour eux?
AO : Moi, j’ai trouvé des dossiers en instance. Mais nous allons les régler. Ce que je tiens à vous dire, c’est que je ne fais pas de distinction entre les morts de la crise postélectorale et ceux des coups d’Etat manqués. Pas du tout. Nous devons faire la lumière sur tous les assassinats, sur toutes les tueries, y compris la tentative d’assassinat me concernant. Je vous invite à aller regarder ce qu’est devenue ma précédente résidence à Cocody à côté de la résidence présidentielle. Ne parlez pas d’impunité, c’est terminé. Les enquêtes sur l’assassinat du général Guéi sont très avancées et nous allons en faire autant pour toutes les autres personnalités qui ont été tuées. Toutes les tentatives, toutes les tueries doivent être élucidées. Comme expérience, je me suis occupé de certains pays de l’Europe de l’Est qui sortaient de crise quand j’étais au FMI. Ce que j’ai retenu comme leçon, c’est que si vous ne faites pas la lumière sur tous les crimes et assassinats, vous ne pouvez pas vous en sortir. C’est vrai qu’il y a eu une loi d’amnistie concernant certaines personnes, mais il ne peut s’appliquer sur le cas du général Guéi. Compte tenu de son statut d’ancien chef d’Etat. Nous devons ouvrir ce dossier et le faire pour tout le monde. Sur la question des exilés, je peux vous dire que beaucoup d’exilés retournent au pays. Que ce soit ceux qui sont au Liberia, au Ghana ou encore au Togo. Nous organisons le retour de ces exilés de concert avec le HCR. A titre d’exemple, il y a avait un groupe 438 exilés qui voulaient rentrer du Liberia, mais ils ont estimé que ce que le HCR leur avait donné pour revenir était insuffisant. Il fallait un complément et nous avons payé le complément. Ces 438 exilés sont rentrés. Je signale que le fait que nous ayons eu des élections à peu près apaisées dans cette partie du pays est un signe encourageant. A force de dire que l’Ouest est à feu et à sang, certains avaient pensé qu’il n’était pas possible d’organiser des élections à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Mais les choses se sont passées sereinement. C’est une avancée que nous devons mettre à notre avantage. Notre souhait est que tous les exilés retournent en Côte d’Ivoire. Je l’ai dit maintes fois et c’est en toute sincérité que je le répète. C’est de leur intérêt et c’est de l’intérêt de la nation. Nous avons actuellement 200 militaires au Togo, y compris 20 officiers qui sont en train d’organiser leur retour au pays. Nous voulons que les Ivoiriens retournent, parce que le pays est maintenant apaisé. La sécurité est là et l’expansion économique a eu un taux très élevé avec un taux de croissance de 10% en 2012. On en fera autant pour 2013 et les années suivantes. Il faut que tout le monde contribue à cette croissance et profite également des fruits de cette croissance.
Elisée Bolougbeu (La Lettre diplomatique d’Abidjan) :
M. le président, en réponse aux préoccupations des populations, qui se plaignent que la vie est chère et difficile, le gouvernement a toujours préconisé la patience. Jusqu’à quand les populations doivent-elles attendre ?
AO : Vous savez qu’en économie, les réformes portent leurs fruits, plusieurs années après. Quand j’étais Premier ministre, nous avons fait des réformes difficiles de 1990 à 1993 et c’est à partir de 1995- 1996 qu’on a vu les effets. Donc, il faut trois à quatre ans pour avoir les effets. Nous sommes arrivés et nous avons trouvé un pays totalement effondré. Où le taux de pauvreté a augmenté en dix ans de 25 à 30%. Je faisais le point avec le ministre de l’Education nationale. Pendant dix ans, il n’y a pas eu de construction de classes, il n’y a pas eu d’université nouvelle. Il n’y a pas rien eu , sauf ce que le privé ou les Conseils généraux ont pu faire. L’électrification était limitée à deux ou trois régions. Les problèmes d’eau : des milliers de pompes manuelles étaient en panne. L’administration était défaillante, désarmée. Alors, nous avons commencé à reconstruire un Etat et à mettre cet Etat au travail. On ne peut pas nous demander des résultats après un an. Nulle part, cela n’est possible. Mais ce que nous voulons faire, c’est de trouver des mesures spécifiques ponctuelles pour les plus défavorisés. Etant entendu que globalement avec le temps, la situation va s’améliorer. C’est comme cela que ça se passe partout. La Chine, l’Inde, etc. Le taux de pauvreté a chuté de façon drastique. En 2012, nous avons eu un taux de croissance d’à peu près 10%. Mais à quoi ces 10% ont servi. De 2000 à 2010, nous avons eu des taux de croissance de moins 1%. Donc cela veut dire que le revenu par tête d’habitant, pendant ces dix ans, a baissé. En 2011, nous avons enregistré une baisse de l’économie de 5%. Nous avons de l’effondrement de plus d’un tiers. Mais en 2012, nous faisons 10%. En 2014, nous aurons totalement effacé ces onze ans de chute libre de l’économie ivoirienne. Nous n’attendrons pas trois ans pour essayer d’améliorer le quotidien des défavorisés. L’année prochaine, cela va changer. Quand je suis venu ici pour la campagne en 2009, ou quand je suis allé à Bondoukou, je me suis lavé dans un hôtel avec un seau d’eau chaude avec une calebasse. Aujourd’hui, il y a de l’eau dans les hôtels. A Man, la nuit il y a de l’électricité. Il y a deux ans, ce n’était pas le cas. Le réseau fluctuait. A Bondoukou, la dernière fois que je suis allé, et ce n’est pas seulement chez le président, il y a de l’eau courante. Des choses se font. Les paysans vous diront que les pistes rurales ont été aménagées. Ce qui veut dire que la prochaine récolte, certains prix vont baisser. Parce que les produits de base ne vont plus pourrir en campagne. Ils pourront remonter vers les milieux urbains, notamment sur Abidjan. Cela fera que les prix vont baisser et les gens se sentiront mieux. La macro-économie, c’est comme Cela. On utilise la micro-économie par rapport aux plus défavorisés. C’est le sens de cette décision concernant le gaz. Nous avons distribué des kits scolaires à plus de 2.500.000 élèves. Avant beaucoup de parents n’envoyaient pas leurs enfants à l’école, parce qu’ils ne pouvaient pas débourser 500 ou 1000 FCFA pour acheter des kits scolaires. Cette année est celle de la santé. Ceci permettra d’investir quasiment 200 milliards FCFA à donner des plateaux techniques à tous les Centres hospitaliers régionaux (CHR), à réhabiliter ces infrastructures, de même que les Centres hospitaliers et universitaires (CHU). Il n’y a eu aucune construction de classes et d’écoles par le gouvernement précédent en dix ans. L’année dernière, nous avons construit 1500 classes. Cela fait au moins 250 écoles. Cette année, cela coûté 25 milliards FCFA. Sans compter ce que les bailleurs ont donné. Cette année nous allons faire la même chose. Je suis confiant que les choses vont s’améliorer progressivement en 2014 et en 2015.
Elisée Bolougbeu (La diplomatique d’Abidjan) :
Au cours des dernières élections, on a assisté à une percée des indépendants. N’est-ce pas l’expression d’un désaveu pour les partis dits représentatifs en Côte d’Ivoire ?
AO : La percée des indépendants. Vous savez, les élections locales doivent être des élections totalement démocratiques. Les partis politiques bien sûr doivent avoir l’autorité nécessaire sur leurs militants. C’est difficile, surtout dans les élections locales. Mais ce qui importe, c’est que dans chacune de ces structures, une mairie par exemple, qu’il y ait la plus grande représentation. C’est une bonne chose. Parce que plus il y aura de gens dans un conseil municipal, plus la représentation de la population sera effective pour aider à développer les programmes qui doivent aller dans la région et ensuite vers le gouvernement central. Il y a eu beaucoup d’indépendants parce que ces personnes pensaient qu’elles pouvaient apporter une contribution importante à leur pays, au-delà de leur parti. Sur les 195 collectivités où il y a eu des élections, je crois qu’il y a eu au total 72 indépendants. Sur les 72, il y a à peu près 50% qui sont du RDR. Beaucoup ont d’ailleurs écrit à la Commission électorale indépendante (CEI) pour dire : « Les élections sont terminées, comptabilisez-nous comme RDR ». Ensuite, il y a à peu près 20% qui sont du PDCI. Et je pense qu’ils ont commencé à dire : « Inscrivez-nous comme PDCI ». On me dit qu’il y a à peu près 20% aussi qui sont issus du FPI. J’ai lu la presse du FPI. On m’accuse de dire des choses. Mais ce sont des noms des gens qui sont du FPI. Je suis désolé. Mais moi je lis les faits, je n’invente pas. On prend le nom de ceux qui ont gagné, nous allons dans le fichier des militants tel que donné par les partis eux-mêmes. Et ces gens sont du FPI. Ils se sont présentés et ils ont gagné. Ils sont à peu près une quinzaine, cela fait 20%. C’est une très bonne chose. A Agboville, un militant du FPI a gagné, c’est une bonne chose. Je ne sais pas pourquoi le FPI dit qu’il n’y a pas de FPI. Peut-être que le parti lui-même ne les a pas adoubés. A Ferkessédougou, par exemple, il y a des indépendants qui ont gagné, mais en fait ils sont RDR. A Man, Dr Tia a gagné. Il était même mon directeur de campagne à Man. Il s’est présenté en indépendant, il a gagné contre le candidat du RDR. Il a écrit pour dire : « Comptabilisez-moi au RDR ». Laissez les gens qui sont FPI (rires) et qui ont gagné. Autorisez-les à écrire au nom du FPI. Parce qu’ils le sont et ils croient en votre parti. Ils sont une quinzaine et je crois que c’est très bien. Je crois même sur les régionaux, sur les 31 régions, je crois qu’il y a un FPI, monsieur le ministre (NDLR : en s’adressant au ministre d’Etat Hamed Bakayoko). Encore un FPI dans l’Agnéby-Tiassa, mais c’est très bien. Il y a eu un mot d’ordre comme chez le PDCI, comme chez le RDR.Et j’ai même lu un communiqué signé du président du PDCI qui a suspendu des militants PDCI qui se sont présentés en indépendants, comme vous l’avez fait. Et maintenant la direction du PDCI, je crois savoir, est en train de dire vous vous êtes mal comportés, mais revenez à la maison. Si vous prenez déjà ces cas que j’ai nommés, 50% sont RDR, 20% PDCI et 20% FPI, cela fait 90%. Je ne sais pas si chez Mabri, il y a eu des indépendants (NDLR : réponse du ministre Mabry : ils sont 4). Donc, quand vous enlevez tout cela, les vrais indépendants en réalité, il y a pas tant que cela. C’est pour cela que je dis que cela montre le dynamisme de la vie politique en Côte d’Ivoire. Le fait que les uns et les autres considèrent que le système démocratique est transparent, ils veulent participer, contribuer au développement de leurs communes, de leurs régions et je ne vois pas de problème à cela.
Stanislas Ndayishimiye (Rfi) :
A part les Coopec et d’autres micro-fiances, il n’y a pas de banques dans des villes comme Danané. Que comptez-vous faire pour le retour des banques dans les villes des zones ex-CNO ?
AO : Vous savez toute la zone CNO, avec tout ce qu’il y a eu par le passé, sur le braquage des banques, l’insécurité ainsi de suite. Vous savez chat échaudé craint l’eau tiède, je ne dirai même pas l’eau froide. Donc avec tout cela, les banques prennent du temps pour revenir. Mais elles reviendront, parce que la sécurité est revenue. Je sais qu’à Danané et ailleurs, il n’y a pas de banques privées. Mais nous les encourageons, le ministre de l’Economie et des Finances et moi-même, à revenir et je pense qu’elles vont le faire. La banque centrale doit s’intéresser de plus prêt à ce dossier. J’ai indiqué au ministre d’Etat, du Plan et du Développement que nous allons en parler au Gouverneur pour qu’il encourage à accélérer leur retour. Une ville comme Danané qui n’a pas de banques, ce n’est pas acceptable. Je suis d’accord avec vous.
l Barthelemy Téhin (LG Infos) :
M. le président, dans le mont Péko, il y a un certain Amadé Ouéremi qui semble défier l’autorité de votre ministre de la Défense, parce qu’on lui a demandé de partir et il est encore là-bas. Vous qui avez visité la région du Tonkpi et le District des Montagnes, quelles solutions avez-vous apporté au cas Amadé Ouéremi?
AO : Ce sont des dossiers qui sont en cours de traitement. Il n’aura pas d’impunité. Le ministre de la Défense a eu les instructions nécessaires et je ne connais pas les détails du dossier. Avec le ministre de la Sécurité, ce point a été porté à ma connaissance en Conseil national de la Sécurité et ça va être réglé. Il n’est pas question d’impunité. cela n’est pas acceptable. Mais le problème du foncier est un problème réel. Parce que, quand certains dossiers m’ont été présentés qu’est-ce qu’on m’a dit? On m’a dit des terres appartiennent à certaines personnes qui sont parties, mais qui reviennent de toutes les communautés et c’est pour cela que les gens se battent. Les gens reviennent et disent : « Telle terre, on me l’avait vendu il y a 40 ans et quelqu’un d’autre vient dire que non. Car, mon père ne m’avait pas informé qu’il avait vendu cette terre». Mais pourquoi il y a tout cela ? C’est parce qu’il n’y a pas de papiers. Donc, le problème foncier n’a pas été réglé. Maintenant si quelqu’un vend la terre à quelqu’un d’autre, il faut qu’il y ait un papier. Il faut que cela soit certifié, validé, donc archivé. Comme cela, les contestations seront réglées à la justice et non par la violence. Nous sommes donc décidés à faire en sorte que le problème du foncier puisse trouver une solution.
Coulibaly Kisselminan (Soir Info) :
A l’occasion des dernières élections, il y a eu un échange d’amabilité entre partenaires politiques. Nous avons même atteint un niveau verbal jamais égalé entre partis RHDP. Récemment, l’un des présidents, en l’occurrence Anaky Kobenan, a déclaré dans le quotidien Fraternité Matin que le RHDP était mort. Comment expliquez-vous cette situation ?
AO : Mais vous n’avez pas ajouté que le président Mabri a dit que le RHDP n’était pas mort (Rires). Vous avez déjà une réponse et le président Mabri a dit que le RHDP n’était pas mort. Donc, je confirme aussi et le président Bédié aussi que le RHDP n’est pas mort. La joute verbale évidemment n’est pas de mon goût. J’ai fait ma campagne, vous l’avez constaté et j’ai essayé de mener une campagne civilisée. J’encourage tout le monde en à faire autant. Vous savez tout le monde n’a pas le même tempérament. Mais, il faut qu’on continue de faire en sorte que nous puissions avoir des élections apaisées dans tous les sens. La violence physique et la violence verbale sont à condamner. Mais ceci ne remet pas en cause la force et la volonté de construire et de renfoncer le RHDP. Les leaders que nous sommes, nous y croyons donc. Le président Bédié, le président Mabri et le président Anaky, le président Gnamien Konan et autres peuvent avoir des déclarations. Mais le fondement, c’est que nous savons que c’est une grande coalition qui va évoluer. Et je suis confiant que nous allons pouvoir maintenir et même renforcer davantage le RHDP.
Olivier Konan (Africa 24):
M. le Président, est-ce que vous pouvez revenir sur la construction du chemin de fer ? Est-ce que cette fois-ci, ça sera vraiment effectif. Parce qu’ il y a longtemps que ce projet est annoncé et jusque là rien ne se matérialise?
AO : Vous avez vu des projets qui ont été annoncés à maintes reprises et qui n’ont jamais vu un début d’exécution. Moi, je ne l’ai pas annoncé par le passé. Mais ce que je peux dire, c’est que c’est un projet que nous avons dans notre programme de gouvernement. Nous en avons parlé avec le président chinois, parce que c’est un projet qui nous tient à cœur. Le gouvernement chinois a donné son accord, il y a des operateurs qui seront financés par le gouvernement chinois qui ont déjà commencé à faire les équipes. Je n’ai pas tous les détails. J’avais déjà un dossier qu’on m’a remis hier soir et j’ai eu le ministre des Transports. Il m’a fait le point. C’est un dossier qui évolue normalement, le financement est acquis. C’est 1,5 milliard de dollars. Cela fait 750 milliards de FCFA et l’operateur est connu. C’est le même operateur qui a proposé de réhabiliter le chemin de fer Abidjan-Ouagadougou. Et là également les études sont achevées et je crois savoir que l’année prochaine, la réhabilitation va commencer et vous savez, il y a une équipe qui va réhabiliter à partir d’Abidjan pour réduire les délais de moitié. Maintenant, sur le projet Man-San- Pedro / San-Pedro-Man, il faut mettre en complément le port de San-Pedro et le barrage de Soubré et ce sont des projets intégrés. Nous avons les financements et quand on vous dit que nous avons obtenu deux fois plus que ce que nous voulions et pour les investissements publics et pour les investissements privés, c’est parce que ces investissements intéressent maintenant les gens. Que ce soit les gouvernements ou les gros operateurs. Cela prendra quelques années, mais le démarrage est certain. Je souhaite que nous fassions le maximum pour que tout cela commence au plus tard en 2014, 2015. Mais, je voulais vous expliquer que dans des situations pareilles, il faut d’abord une lettre d’intention. Après la lettre d’intention, il y a des études et certaines études peuvent prendre 6 mois, voire un an et même deux. Mais, nous avons mis un fonds d’étude en place pour accélérer les études. Après les études, il y a une signature de convention. Après la signature de convention, il y a maintenant l’application du code d’investissement et ainsi de suite. Et c’est après toutes ces étapes que les travaux commencent. Ce qui est primordial, ces projets apporteront beaucoup à cette région. D’ailleurs, à la nation entière. Nous aurons également la possibilité de réduire de manière considérable le chômage, notamment celui des jeunes. Je crois en ce qui concerne le chemin de fer, il y a déjà des recrutements. Le projet a donc commencé et il y a plus de 3000 recrutements. Je n’ai pas les détails. Je peux demander à mon cabinet de vous fournir des détails déjà. Le plus important, c’est de trouver le financement. Ce n’est pas facile à trouver, mais on a trouvé. Le barrage de Soubré, c’est 600 millions de dollars. On a trouvé et on a même fait le lancement. Il y a le mont Klahoyo et le minerai a été déjà évalué. Il semble que c’est déjà rentable et cela va également se faire et ainsi de suite.
Lassina Sermé (APA News) :
Pendant cette visite d’Etat, nous avons appris l’évacuation de Mme Gbagbo à Abidjan pour des soins. Ce matin (Ndlr : Samedi) Nous avons appris qu’elle sera transféré à la Maca. Est-ce que vous avez des nouvelles de l’ancienne Première dame ?
AO : Elle (Simone Gbagbo) est à Odienné. Elle a souhaité être transférée à Abidjan pour faire un bilan de santé. Nous avons donné notre accord. Elle a donc été transférée à Abidjan. A ma connaissance, elle n’est pas retournée à Odienné. Donc, elle est là pour un bilan de santé.
Adam Régis Souanga (Le Banco.net):
La corruption est une gangrène qui n’épargne aucun secteur de la société ivoirienne. Sur la question des crises sur le foncier, les populations n’ont même plus confiance en l’administration qui, selon ces populations, s’est compromise dans plusieurs actes de corruption sur l’acquisition des terres. Est-ce que vous songez à l’organisation d’un séminaire exclusivement consacré à la corruption ?
AO : Pour la corruption relative au foncier dans cette région, si j’ai bien compris votre question, ce n’est pas seulement un séminaire qu’il faut faire. Il faut prendre des mesures. C’est pour cela, dans mon intervention, j’ai insisté sur le fait que les budgets seront en place pour les maires, pour les présidents de Conseils régionaux. Mais ces budgets doivent être utilisés conformément à l’adoption du budget par les autorités compétentes. Vous voyez, c’est pour cela qu’il est important que dans ces conseils municipaux et régionaux, il y ait un maximum de représentations de tous les partis politiques. C’est cela qui va permettre aussi d’aider les élus à contenir les questions de corruption. S’il y a des gens, dans le Conseil, issus du FPI, du PDCI, du RDR, de l’UDPCI, même des Indépendants qui ont des conseillers municipaux, ce ne sera pas du tout facile (de détourner, ndlr). Cette fois-ci, nous aurons des audits systématiques du ministère de l’Intérieur et nous prendrons les sanctions qui sont prévues par la loi. La difficulté dans ce pays, on demande pardon et puis on passe à autre chose. C’est fini ça. Il faut que les uns et les autres s’en rendent compte. Si quelqu’un a volé, non seulement il devrait être démis de ses fonctions. Mais l’Etat doit le poursuivre pour qu’il aille en prison. C’est comme cela que nous allons assainir ces choses afin que ce qui est prévu pour les populations, aille aux populations. Donc, je termine en disant que mon souci, c’est le bien-être des populations et que les institutions comme les mécanismes doivent conduire à cela. La réalité, c’est que ces mécanismes contribuent à la démocratie. C’est pour cela que j’en appelle aux élus de gérer les structures sous leur autorité dans la plus grande transparence.
Recueillis par COULIBALY Zoumana (envoyé spécial)
et Raoul Sainfort (Correspondant régional)
Propos liminaires
Je suis heureux à nouveau d’avoir cette rencontre avec vous. Notamment au lendemain de la journée de la presse. Puisque c’était hier, cette belle journée, cette grande journée. Je sais qu’elle a été célébrée à Abidjan par l’Union nationale des Journalistes de Côte d’Ivoire. Aujourd’hui, on me dit qu’il y aura une procession qui irait de la bibliothèque nationale à la maison de la presse, suivie d’une conférence de presse sur « la liberté de la presse et la responsabilité des journalistes». J’aurais bien souhaité être présent à Abidjan. Mais c’est une opportunité d’avoir aussi notre manière de célébrer cette belle journée. Vous savez à quel point je suis attaché à la presse. Je l’ai démontré au moment où j’étais Premier ministre, il y a 20 ans et par la suite dans l’opposition et depuis que je suis au pouvoir. Je suis heureux qu’une journée soit dédiée à la liberté de la presse et je voudrais me féliciter de l’évolution positive du journalisme dans notre pays. Notre presse a fait des progrès, les journalistes ont fait des progrès. Et bien évidemment, c’est le quatrième pouvoir et nous sommes très attentif à ce que la presse donne comme opinion. Même si parfois, nous ne sommes pas totalement en phase, c’est la liberté d’opinion, qui est l’un des piliers de la démocratie. Je souhaite évidemment qu’il y ait une plus grande responsabilité au niveau de la presse, des journalistes. C’est d’ailleurs cette situation qui doit devenir. Je voudrais que notre presse soit reconnue comme l’une des meilleures dans le monde. Et que ce faisant, nous soyons en conformité avec les progrès qui sont fait par ailleurs. En deuxième lieu, nous avons un pays qui est sorti de crise, une crise très grave qui a occasionné de milliers de morts, beaucoup de divisions, et de meurtrissures. Au regard de cela, il est également important de penser à la réconciliation. Je dis souvent que ce ne sont pas seulement les dirigeants ou les politiques qui sont responsables de la réconciliation. Mais également les journalistes. Je voudrais vous rassurer à nouveau que je ferai tout pour que les journalistes continuent de travailler en toute liberté. Car, je respecte la liberté de la presse. Bien évidemment, je constate qu’il y a eu quelques dérapages ici et là au niveau de certains qui sont journalistes. Mais qui avaient des activités parallèles qui leur ont causé quelques mois de prison. Mais, j’ai été heureux de constater que hier ou avant-hier, monsieur le ministre de l’Intérieur m’a informé que la justice avait donné la liberté provisoire à un de vos confrères. Ce qui est une excellente chose. Cette conférence de presse a pour objectif de vous parler de ma visite dans le Tonkpi. Bien évidemment, c’est une région importante. Je profite de l’occasion pour saluer le ministre d’Etat Mabri Toikeusse et le féliciter pour son élection à la tête de cette belle région. Cela confirme que nous aurions dû visiter les trois régions du District des Montagnes au mois d’avril de l’année dernière. Nous avons commencé par le Guémon, le Cavally et nous n’avions pas pu visiter le Tonkpi. C’est chose faite. Nous avons également mis en œuvre notre décision de tenir des Conseils de ministres de manière périodique, si possible tous les deux mois, à l’intérieur du pays, Yamoussoukro y compris. C’est ce que nous avons fait le jeudi 2 mai dans la matinée à Man. L’après-midi, nous sommes allés à Biankouma et hier matin (NDLR : le vendredi 3 mai), nous avons visité Zouan-Hounien puis Danané. J’aurais bien voulu visiter Sipilou également, cela n’a pas été possible pour le moment. Pour les nouveaux départements, ce sera pour une prochaine fois. C’est une visite que je considère avoir été vraiment fructueuse. Cela nous a permis de voir ce qui a été fait depuis avril 2012. L’année dernière, quand nous sommes venus, le choix de cette région a été fait par rapport à la crise postélectorale, aux souffrances des populations, aux tueries et à la barbarie. Nous avions parlé surtout de pardon, de réconciliation, de la nécessité pour les uns et les autres de tourner la page. Mais cette fois-ci, je suis venu faire un point de ce que nous avons pu réaliser depuis un an. En matière d’engagements sur les questions d’eau, d’électricité, d’infrastructures et surtout voir aussi si la situation de paix et de sécurité que nous recevons comme indicateur sur Abidjan, à partir de nos structures décentralisées, est véritablement une réalité. Je me réjouis de constater que maintenant, cette région, ce District, est en paix et en sécurité. Nous avons d’ailleurs déployé des moyens très importants pour sécuriser l’Ouest, notamment la frontière avec le Libéria. Maintenant, nous considérons qu’avec les contacts et la coopération très étroite avec le Liberia et en plus entre la présidente Ellen Johnson et moi-même, la situation sécuritaire devra se renforcer davantage. Nous envisageons d’ailleurs dans les semaines qui viennent de tenir une grande réunion à la frontière avec les populations, avec les chefs traditionnels des deux pays, puisque c’est un peu les mêmes ethnies (NDLR : de part et d’autre), pour qu’ils s’insèrent aussi dans le processus de réconciliation. Nous avons également réalisé au cours de cette période d’un an huit mois de très belles réalisations en matière de voiries, d’approvisionnement de la ville de Man en eau. Ce qui est important. La réhabilitation du réseau électrique, la rénovation et l’équipement de certains hôpitaux, la rénovation et la construction de nombreuses salles de classes, la couverture de tout l’Ouest par les médias d’Etat. C’est une promesse qui avait été faite, et maintenant elle est réalisée. Il y a l’assainissement des villes du District des Montagnes. Ce sont des avancées importantes. Tout cela, nous avons pu le réaliser à partir du Programme présidentiel d’urgence (PPU) qui a permis de dépenser treize milliards en 2011 et 2012 dans le District des Montagnes. Quatre milliards en 2011 et neuf milliards en 2012. A l’occasion de ma campagne, j’avais, dans mon programme de gouvernement, indiqué que normalement nous investirions 1055 milliards de FCFA dans le District des Montagnes. Nous sommes sur la bonne voie, puisque les projets concernés sont quasiment à maturation. C’est ainsi que l’université de Man pourra ouvrir l’année prochaine. Cela va nécessiter des investissements importants. Pour le chemin de fer Man-San Pedro, un opérateur est désigné, les études sont en cours, une convention sera bientôt signée. Cette convention parlera également de l’exploitation des minerais de fer du mont Klaoyo et du mont Glao. Rien que ces deux investissements, c’est déjà plus de mille milliards (1200 milliards de F CFA). Nous avons la mine de Nickel de Sipilou qui sera également mise en œuvre. Nous aurons des rénovations de CHR et des hôpitaux, constructions de centres de santé proche des populations, l’électrification, y compris l’électrification rurale, l’énergie solaire, le bitumage de la route Danané frontière de la Guinée. Une chose quasiment certaine. Puisqu’à Monrovia, mardi dernier, nous avons signé une convention de base entre le Liberia, la Côte d’Ivoire, la Sierra Leone et la Guinée. 200 milliards de F CFA, 400 millions de dollars pour le bitumage de la route Danané-frontière de la Guinée. C’est donc dire que nous avons quasiment la certitude d’atteindre nos objectifs et il faut surveiller ces travaux. Les aspects financement ne posent pas problème, les études également montrent que cela peut se faire. Le délai dépend évidemment de la mise en œuvre de ces grands projets. Tout cela est très bien, mais nous devons nous concentrer sur le développement de meilleures conditions de vie pour les populations. Quand on dit meilleures conditions de vie, cela concerne bien sûr, non seulement l’école, pour que les parents puissent envoyer leurs enfants à l’école, la santé, quand il y a des problèmes de santé, notamment les questions d’accouchement. Mais également les questions relatives au réceptacle universitaire pour permettre d’envoyer les enfants à l’université, sans que tout le monde soit obligé de se ruer sur Abidjan. D’ailleurs, cette année, en octobre 2013, les universités de Korhogo et Daloa vont pouvoir ouvrir et l’année prochaine, l’université de Man. Quand on parle de meilleures conditions de vie, il faut également penser aux infrastructures, les pistes notamment pour permettre l’évacuation des produits. Tout cela est en cours par, non seulement le gouvernement. Mais aussi par le Conseil du Café-cacao qui reçoit des dotations importantes pour améliorer les pistes pour l’évacuation des produits. Quand on parle de meilleures conditions de vie pour les populations, Cela veut dire aussi meilleur pouvoir d’achat. C’est ainsi qu’avec la réforme agricole, nous avons pu augmenter les prix reçus effectivement par les paysans pour le café, le cacao et d’autres produits. L’amélioration des conditions de vie, c’est mettre un peu plus à l’aise les fonctionnaires. C’est ce que nous avons tenté de faire en payant les indemnités qui étaient dues à l’éducation. Et pour la santé, les choses sont en cours. L’amélioration des conditions de vie veut dire non seulement augmenter le pouvoir d’achat. Mais aussi veiller à ce que les prix ne dérapent pas. Nous avons la chance d’être arrimés à l’euro. Ce qui fait que le taux d’inflation chez nous est à peu près équivalent au taux d’inflation en Europe. Vous prenez un pays comme le Ghana, ce sont les taux d’inflation à deux chiffres. A 10, 11 et 12 %. Chez nous, l’année dernière, le taux d’inflation a été de 1,5%. Là également, nous devons faire des efforts, c’est pour cela que nous avons pris des décisions sur le prix du gaz. Mais, nous ne pouvons pas absorber ou payer toute la subvention tout de suite. Alors, il faut une reforme globale du secteur. Mais vous avez vu l’effort qui a été fait par le gouvernement, notamment sur les bouteilles B28 et même sur les B6 et B12. La péréquation permettra aux populations hors d’Abidjan de payer moins cher que ce qu’elles paient maintenant. Quand on parle d’amélioration de conditions de vie, c’est qu’au niveau du carburant (je sais que vous avez tous à peu près ici des véhicules), on a essayé de tenir compte de l’évolution des prix du marché pour que le prix du Super puisse être réduit de 28 francs environ. Je ne voudrais pas faire un monologue, mais c’est pour vous dire que nous sommes essentiellement axé sur l’amélioration des conditions de vie à la fin de ce que nous faisons. Cela doit être l’objectif de la politique économique, l’objectif de notre programme. Nous voulons que les Ivoiriens vivent mieux, l’environnement soit meilleur. Mais également que le pouvoir d’achat s’améliore et que les Ivoiriens à la fin disent qu’on est content, ça va mieux dans notre pays. Je ne parlerai pas du passé, mais je suis confiant que nous allons réussir.
Questions-réponses
Lance Touré (Le Nouveau Réveil) :
M. le président, est-ce qu’à la suite des élections municipales et régionales, vous envisagez un remaniement ministériel surtout que des membres du gouvernement ont été élus, pour certains, dans leurs régions?
Alassane Ouattara : En général c’est le cas. Mais cela ne veut pas dire que ce soit généralement le cas. Donc je me concerterai avec le Premier ministre et nous verrons les décisions à prendre si c’est nécessaire ou pas. J’ai une très bonne équipe. Mais, certains ministres peuvent souhaiter, par exemple, d’aller diriger des conseils régionaux. C’est tout cela que nous devons réviser. Mais l’équipe actuelle me donne satisfaction.
Doua Gouly (Fraternité Matin):
Qu’est-ce que le gouvernement entend faire pour lutter contre l’occupation des aires protégés et des forêts classées, notamment dans l’Ouest du pays où le phénomène a pris de l’ampleur?
AO : L’occupation des aires protégées, c’est vrai, est un problème difficile, surtout dans cette région. Nous sommes en train de traiter cette question au niveau du Conseil national de Sécurité. Cette question est également liée à la question du foncier.
Vous avez raison de dire que cette question est liée à la question foncière. C’est pour cela qu’elle est assez complexe. D’ores et déjà, nous voulons commencer à être très ferme sur des dispositions à prendre au plan sécuritaire et au plan du droit. Par conséquent le ministère de la Sécurité et le ministère de la Défense ont instruction de veiller à ce que les cas connus soient réglés.
Saly Silué Konaté (Radio Côte d’Ivoire) :
Toujours sur la question foncière, vous avez un ambitieux programme pour l’Ouest. Que comptez-vous faire pour apporter des réponses appropriées à la lancinante question du foncier dans cette zone ?
AO : En 1998, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité d’ailleurs, le code foncier. Évidement, l’application n’a pas été faite dans les délais. Nous avons entrepris de reprendre ce code foncier et de le renforcer. Le gouvernement est en train de travailler sur ce dossier du foncier. Et nous sommes convenus avec le président de l’Assemblée nationale et le Premier ministre que nous enverrons à l’Assemblée au cours de la session budgétaire en octobre prochain un projet concernant la question foncière. Donc j’espère que cette question foncière sera examinée par l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année. Mais vous savez, la question foncière elle-même est liée également à la question de la nationalité. Et la question de la nationalité n’a pas été totalement réglée. Le gouvernement enverra dans les prochaines semaines toute une série de texte sur la nationalité conformément aux décisions prises à Marcoussis. Donc, des accords de sortie de crise et qui n’avaient pas été appliqués, c’est-à-dire les accords de Marcoussis et de Ouaga. Ce sera donc une série de projets de loi pour clarifier la question de la nationalité. Ces textes doivent aller à l’Assemblée nationale qui doit statuer et confirmer ces décisions pour la session qui se tient actuellement, d’avril à juillet. Nous allons donc considérer que l’année 2013 avec la fin du cycle électoral doit être l’année pour régler cette question de nationalité et de foncier.
Kra Bernard (L’Expression) :
Lors de la tenue du dernier Conseil des ministres à Man, il a été question de la nomination des gouverneurs de Districts. Quels sont, M. le président, les critères qui vont prévaloir dans la nomination de ces gouverneurs ?
AO : Je compte effectivement procéder à leur nomination. Nous avons adopté les textes ici même à Man le 2 mai, au Conseil des ministres. Ce qui m’importe, c’est de trouver des personnes compétentes et d’expérience pour gérer ces gouvernorats. C’est important que les Districts aient des personnes de qualité, qui ont fait leurs preuves et qui ne seront pas contestées et qui n’auront pas de casseroles par rapport à leur passé de gestion de l’Etat. Par conséquent, cela prendra plusieurs mois, parce qu’on ne pourra pas nommer tout le monde. Ce n’est pas un gouvernement qu’on met en place. On le fera au fur et à mesure des possibilités et de la nécessité que tout soit prêt pour procéder aux nominations. Les gouverneurs des Districts autonomes d’Abidjan et de Yamoussoukro sont déjà nommés. Donc eux, ils continueront, ce sont des districts autonomes. Il restera à nommer les gouverneurs des douze (12) Districts. Cela se fera sur une période qui pourra prendre même une année. Je ne suis pas pressé de le faire. Je veux choisir des hommes et des femmes de qualité pour exercer ces fonctions. D’autant que ces personnes auront rang de ministre pour l’exercice de leur fonction. C’est la suite de notre politique de décentralisation. Cela s’insère dans notre volonté d’avoir une décentralisation effective avec des structures qui ont les moyens de fonctionner et qui sont adéquation avec les présidents de région, les maires et ainsi de suite.
Yacouba Doumbia (L’Inter)
Est-ce que vous avez connaissance du dernier rapport de l’Onu qui relève des tentatives de déstabilisation, mais qui d’autre part évoque un trafic de diamant de certains chefs de guerre ?
AO : Par rapport à son rapport, l’Onu nous interpelle et j’ai demandé au ministre de la Défense et au ministre des Affaires étrangères de prendre attache avec l’Onu pour que nous en soyons destinataires et que nous puissions l’analyser pour en tirer les conclusions et les décisions. Donc, nous attendons que ce rapport nous parvienne. Je signale que c’est un rapport d’experts. Je ne mets pas en doute la compétence des experts. Mais notre volonté, c’est de clarifier les choses et de prendre les décisions qui sont nécessaires. Je note par exemple, quand il y a eu le rapport de Human Rights Watch, nous avons demandé à avoir le rapport. Parce que les déclarations ont été faites avant même que nous ayions le rapport pour faire un commentaire. Le rapport nous ayant été envoyé, nous venons d’envoyer à Human Rights Watch, notre position sur les différentes questions qui ont été évoquées. Et j’ai demandé d’ailleurs que Human Rights Watch publie notre réponse. Donc, il en sera de même du rapport de l’Onu sur cette question.
Touré Abdoulaye (L’Intelligent d’Abidjan) :
Lors de votre meeting à Zouan-Hounien, vous avez annoncé le vote électronique pour remédier aux violences électorales. Cette proposition a suscité la polémique dans les réseaux sociaux. On vous soupçonnerait de préparer la fraude pour les élections à venir. Quelle réaction?
AO : Le vote électronique. Vous savez, je crois que le terme est mal utilisé. Le vote continuera d’être ce qu’il est. Parce que la plupart d’entre nos concitoyens ne peuvent pas sans doute voter électroniquement. Mais, je crois que cela se fait au Ghana où au départ il y a eu du cafouillage. Mais, il n’y a rien de plus sûr, puisqu’il y a les empruntes digitales. Nous essayerons de faire la même chose. Autrement, ne serait-ce que l’absorption des chiffres après le décompte des bulletins devant tout le monde. Ce qui se fait dans certains pays. Devant tout le monde, on introduit les résultats du vote qui vont à la centrale. Donc, si quelqu’un va voler des urnes ou les casser, détruire les bulletins et les procès verbaux, cela n’aura plus de conséquences. Puisque tous les éléments sont déjà à la centrale et tout est exploité immédiatement. C’est donc ma volonté de faire de la transparence, de montrer qu’il n’y a pas de possibilité de manipuler les bulletins ou d’essayer de penser qu’on ne pourrait pas proclamer des résultats, parce que des urnes ou des résultats auraient été volés. Donc soyez rassurés, moi je suis attaché aux élections crédibles et transparentes. Ma réputation a toujours été basée sur la véracité des faits, la crédibilité. Donc, on ne peut pas s’amuser à penser que c’est pour faire de la fraude.
Coulibaly Zoumana (Le Patriote):
On constate de plus en plus que le potentiel minier intéresse le gouvernement. Vous annoncez de grands investissements dans ce domaine à Man. Mais en même temps on voit que le phénomène de l’orpaillage prend des proportions inquiétantes. Que fait le gouvernement à ce niveau ?
AO : Vous avez parfaitement raison, c’est quelque chose que nous constatons. Le ministre des Mines et le ministre de l’Intérieur ont été saisis. J’ai demandé qu’un rapport me soit fait avec des mesures, parce que cela devient un véritable problème. Pas seulement l’exploitation de ces minerais, mais le fait que beaucoup de jeunes ne vont plus à l’école, beaucoup de paysans ne vont plus au champ… Cela peut détruire de manière importante la situation d’ensemble du tissu social et du tissu économique de notre Nation.
Abiba Dembélé (RTI1) :
Vous avez lancé un appel aux femmes, leur demandant de se lancer en politique. Est-ce qu’on ne pourrait pas imposer des quotas en ce qui concerne le nombre de femmes ?
AO : Vous savez, ce sont des questions délicates. Je veux vous dire sans les nommer que ceux qui ont fait cela, le regrettent aujourd’hui. Parce qu’il faut s’assurer que ces choses vont progressivement... Il n’y a pas que la représentativité en politique. Il y a la contribution à l’évolution des institutions. Bien sûr, quand il s’agit de nommer, on peut nommer des personnes en fonctions de leurs compétences et de leurs expériences. Aussi bien des hommes que des femmes. Mais quand il s’agit d’élection, il faut tenir compte également des coutumes, des mentalités….Moi je suis pour une grande participation des femmes dans l’évolution de nos institutions. Mais, c’est un débat qui doit être général et le gouvernement a d’ailleurs fait des propositions dans ce sens. Mais je ne saurais me prononcer personnellement là-dessus parce qu’après nous, il faudra aller également à l’Assemblée nationale.
Stéphane Benyouah (Le Jour Plus) :
Votre gouvernement a pris de nombreuses décisions dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie de vos concitoyens. Notamment la baisse du prix du Super. Le prix de la bouteille de gaz B28 a également baissé d’environ 6000 francs. Mais cette mesure a été mal perçue au sein de la population. Parce qu’elles estiment que la B28 est pratiquement méconnue, elles auraient plutôt préféré cette baisse sur la B12 ou la B6. Qu’est- ce qui a motivé le choix de la B28 pour cette baisse ?
AO : Vous savez, nous avons hérité d’un déficit du secteur électrique qui était de plus de 200 milliards en 2011. Bien sûr, si nous devions rester avec ce déficit, on ne pourrait pas faire d’investissement du tout. On ne pourrait pas réhabiliter l’Université à plus de 100 milliards, on n’aurait pas pu réaliser le PPU (Programme présidentiel d’urgence, ndlr) de plus de 100 milliards. Donc vous savez, si on gaspille ou si on dépense trop d’agent d’un côté, il y a des choses qu’on ne peut pas faire de l’autre côté. Nous avons considéré que nous devons, comme dans tous les pays du monde, tenter d’éliminer les subventions partout où c’est nécessaire, mais en protégeant les plus pauvres. Et c’est ce que nous avons fait parce que la subvention du gaz est très forte. Elle est moins forte sur certaines bouteilles que d’autres. La B28, nous avions éliminé totalement la subvention, les prix avait doublés. Alors que nous avons maintenu à peu près les trois quarts de la subvention sur les B6 et les B12, c’est-à dire que la subvention doit être éliminée sur quatre ou cinq. Cela prend du temps. Alors que la B28, on a éliminé tout, tout de suite. Et je me suis rendu également compte qu’il y a beaucoup de ménages qui utilisent aussi la B28. Ce ne sont pas que les classes les plus défavorisées. Pour les classes les plus défavorisées, nous considérons l’élimination de la subvention et le maintient du prix qui table de 1800 à 2000, est un peut plus acceptable, un peu plus de 10%, ça doit faire la même chose pour la B12, de 4000 à 5000 ou de 5000 à 6000. Mais on a donc essayé de réduire l’élimination de la subvention. Mais ce qui est le plus important et que je n’ai pas relevé dans la presse, c’est que la B6 par exemple qui est vendue à Abidjan à 2000 ou 2100 (…), est vendue à Odienné où à Man, à 3500 ! Nous avons décidé donc de faire la péréquation. Donc, nous allons payer une partie du transport du gaz sur les régions éloignées de Côte d’Ivoire pour que le Super , par exemple, se vend au même prix à Abidjan qu’à Ouangolodougou ou à Toulépleu. Si nous arrivons à faire cela, vous imaginez ce que cela va représenter à Man, à Odienné, à Daloa ou ailleurs ! Au lieu de payer 3000 à 3500 la bouteille de gaz B6, elles ne payeront que 2000 ou 2100. C’est la péréquation qui est l’acte le plus important. La réduction de la B28 qui est passée de 18000 à 13000, c’est aussi bien. Vous savez qu’il y a beaucoup de gens qui utilisent Cela, les maquis par exemple. Quand vous allez dans les maquis, on vous dit : « Vous devez payer plus cher parce que le prix du gaz a augmenté ». Maintenant, ils n’ont plus d’excuse…
Félix Téha Destrait (Notre Voie) :
Tout au long de votre visite, vous n’avez de cesse d’affirmer que toute la lumière sera faite sur la mort du général Guéi, alors qu’il n’est pas le seul dans cette situation. Il y a le ministre Boga Doudou et le musicien Marcellin Yacé. Qu’est-ce qui sera fait pour ceux-là ? A Zouan-Hounien, les populations vous ont interpellé sur la situation de leurs parents qui sont en exil. Qu’est-ce qui sera fait pour eux?
AO : Moi, j’ai trouvé des dossiers en instance. Mais nous allons les régler. Ce que je tiens à vous dire, c’est que je ne fais pas de distinction entre les morts de la crise postélectorale et ceux des coups d’Etat manqués. Pas du tout. Nous devons faire la lumière sur tous les assassinats, sur toutes les tueries, y compris la tentative d’assassinat me concernant. Je vous invite à aller regarder ce qu’est devenue ma précédente résidence à Cocody à côté de la résidence présidentielle. Ne parlez pas d’impunité, c’est terminé. Les enquêtes sur l’assassinat du général Guéi sont très avancées et nous allons en faire autant pour toutes les autres personnalités qui ont été tuées. Toutes les tentatives, toutes les tueries doivent être élucidées. Comme expérience, je me suis occupé de certains pays de l’Europe de l’Est qui sortaient de crise quand j’étais au FMI. Ce que j’ai retenu comme leçon, c’est que si vous ne faites pas la lumière sur tous les crimes et assassinats, vous ne pouvez pas vous en sortir. C’est vrai qu’il y a eu une loi d’amnistie concernant certaines personnes, mais il ne peut s’appliquer sur le cas du général Guéi. Compte tenu de son statut d’ancien chef d’Etat. Nous devons ouvrir ce dossier et le faire pour tout le monde. Sur la question des exilés, je peux vous dire que beaucoup d’exilés retournent au pays. Que ce soit ceux qui sont au Liberia, au Ghana ou encore au Togo. Nous organisons le retour de ces exilés de concert avec le HCR. A titre d’exemple, il y a avait un groupe 438 exilés qui voulaient rentrer du Liberia, mais ils ont estimé que ce que le HCR leur avait donné pour revenir était insuffisant. Il fallait un complément et nous avons payé le complément. Ces 438 exilés sont rentrés. Je signale que le fait que nous ayons eu des élections à peu près apaisées dans cette partie du pays est un signe encourageant. A force de dire que l’Ouest est à feu et à sang, certains avaient pensé qu’il n’était pas possible d’organiser des élections à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Mais les choses se sont passées sereinement. C’est une avancée que nous devons mettre à notre avantage. Notre souhait est que tous les exilés retournent en Côte d’Ivoire. Je l’ai dit maintes fois et c’est en toute sincérité que je le répète. C’est de leur intérêt et c’est de l’intérêt de la nation. Nous avons actuellement 200 militaires au Togo, y compris 20 officiers qui sont en train d’organiser leur retour au pays. Nous voulons que les Ivoiriens retournent, parce que le pays est maintenant apaisé. La sécurité est là et l’expansion économique a eu un taux très élevé avec un taux de croissance de 10% en 2012. On en fera autant pour 2013 et les années suivantes. Il faut que tout le monde contribue à cette croissance et profite également des fruits de cette croissance.
Elisée Bolougbeu (La Lettre diplomatique d’Abidjan) :
M. le président, en réponse aux préoccupations des populations, qui se plaignent que la vie est chère et difficile, le gouvernement a toujours préconisé la patience. Jusqu’à quand les populations doivent-elles attendre ?
AO : Vous savez qu’en économie, les réformes portent leurs fruits, plusieurs années après. Quand j’étais Premier ministre, nous avons fait des réformes difficiles de 1990 à 1993 et c’est à partir de 1995- 1996 qu’on a vu les effets. Donc, il faut trois à quatre ans pour avoir les effets. Nous sommes arrivés et nous avons trouvé un pays totalement effondré. Où le taux de pauvreté a augmenté en dix ans de 25 à 30%. Je faisais le point avec le ministre de l’Education nationale. Pendant dix ans, il n’y a pas eu de construction de classes, il n’y a pas eu d’université nouvelle. Il n’y a pas rien eu , sauf ce que le privé ou les Conseils généraux ont pu faire. L’électrification était limitée à deux ou trois régions. Les problèmes d’eau : des milliers de pompes manuelles étaient en panne. L’administration était défaillante, désarmée. Alors, nous avons commencé à reconstruire un Etat et à mettre cet Etat au travail. On ne peut pas nous demander des résultats après un an. Nulle part, cela n’est possible. Mais ce que nous voulons faire, c’est de trouver des mesures spécifiques ponctuelles pour les plus défavorisés. Etant entendu que globalement avec le temps, la situation va s’améliorer. C’est comme cela que ça se passe partout. La Chine, l’Inde, etc. Le taux de pauvreté a chuté de façon drastique. En 2012, nous avons eu un taux de croissance d’à peu près 10%. Mais à quoi ces 10% ont servi. De 2000 à 2010, nous avons eu des taux de croissance de moins 1%. Donc cela veut dire que le revenu par tête d’habitant, pendant ces dix ans, a baissé. En 2011, nous avons enregistré une baisse de l’économie de 5%. Nous avons de l’effondrement de plus d’un tiers. Mais en 2012, nous faisons 10%. En 2014, nous aurons totalement effacé ces onze ans de chute libre de l’économie ivoirienne. Nous n’attendrons pas trois ans pour essayer d’améliorer le quotidien des défavorisés. L’année prochaine, cela va changer. Quand je suis venu ici pour la campagne en 2009, ou quand je suis allé à Bondoukou, je me suis lavé dans un hôtel avec un seau d’eau chaude avec une calebasse. Aujourd’hui, il y a de l’eau dans les hôtels. A Man, la nuit il y a de l’électricité. Il y a deux ans, ce n’était pas le cas. Le réseau fluctuait. A Bondoukou, la dernière fois que je suis allé, et ce n’est pas seulement chez le président, il y a de l’eau courante. Des choses se font. Les paysans vous diront que les pistes rurales ont été aménagées. Ce qui veut dire que la prochaine récolte, certains prix vont baisser. Parce que les produits de base ne vont plus pourrir en campagne. Ils pourront remonter vers les milieux urbains, notamment sur Abidjan. Cela fera que les prix vont baisser et les gens se sentiront mieux. La macro-économie, c’est comme Cela. On utilise la micro-économie par rapport aux plus défavorisés. C’est le sens de cette décision concernant le gaz. Nous avons distribué des kits scolaires à plus de 2.500.000 élèves. Avant beaucoup de parents n’envoyaient pas leurs enfants à l’école, parce qu’ils ne pouvaient pas débourser 500 ou 1000 FCFA pour acheter des kits scolaires. Cette année est celle de la santé. Ceci permettra d’investir quasiment 200 milliards FCFA à donner des plateaux techniques à tous les Centres hospitaliers régionaux (CHR), à réhabiliter ces infrastructures, de même que les Centres hospitaliers et universitaires (CHU). Il n’y a eu aucune construction de classes et d’écoles par le gouvernement précédent en dix ans. L’année dernière, nous avons construit 1500 classes. Cela fait au moins 250 écoles. Cette année, cela coûté 25 milliards FCFA. Sans compter ce que les bailleurs ont donné. Cette année nous allons faire la même chose. Je suis confiant que les choses vont s’améliorer progressivement en 2014 et en 2015.
Elisée Bolougbeu (La diplomatique d’Abidjan) :
Au cours des dernières élections, on a assisté à une percée des indépendants. N’est-ce pas l’expression d’un désaveu pour les partis dits représentatifs en Côte d’Ivoire ?
AO : La percée des indépendants. Vous savez, les élections locales doivent être des élections totalement démocratiques. Les partis politiques bien sûr doivent avoir l’autorité nécessaire sur leurs militants. C’est difficile, surtout dans les élections locales. Mais ce qui importe, c’est que dans chacune de ces structures, une mairie par exemple, qu’il y ait la plus grande représentation. C’est une bonne chose. Parce que plus il y aura de gens dans un conseil municipal, plus la représentation de la population sera effective pour aider à développer les programmes qui doivent aller dans la région et ensuite vers le gouvernement central. Il y a eu beaucoup d’indépendants parce que ces personnes pensaient qu’elles pouvaient apporter une contribution importante à leur pays, au-delà de leur parti. Sur les 195 collectivités où il y a eu des élections, je crois qu’il y a eu au total 72 indépendants. Sur les 72, il y a à peu près 50% qui sont du RDR. Beaucoup ont d’ailleurs écrit à la Commission électorale indépendante (CEI) pour dire : « Les élections sont terminées, comptabilisez-nous comme RDR ». Ensuite, il y a à peu près 20% qui sont du PDCI. Et je pense qu’ils ont commencé à dire : « Inscrivez-nous comme PDCI ». On me dit qu’il y a à peu près 20% aussi qui sont issus du FPI. J’ai lu la presse du FPI. On m’accuse de dire des choses. Mais ce sont des noms des gens qui sont du FPI. Je suis désolé. Mais moi je lis les faits, je n’invente pas. On prend le nom de ceux qui ont gagné, nous allons dans le fichier des militants tel que donné par les partis eux-mêmes. Et ces gens sont du FPI. Ils se sont présentés et ils ont gagné. Ils sont à peu près une quinzaine, cela fait 20%. C’est une très bonne chose. A Agboville, un militant du FPI a gagné, c’est une bonne chose. Je ne sais pas pourquoi le FPI dit qu’il n’y a pas de FPI. Peut-être que le parti lui-même ne les a pas adoubés. A Ferkessédougou, par exemple, il y a des indépendants qui ont gagné, mais en fait ils sont RDR. A Man, Dr Tia a gagné. Il était même mon directeur de campagne à Man. Il s’est présenté en indépendant, il a gagné contre le candidat du RDR. Il a écrit pour dire : « Comptabilisez-moi au RDR ». Laissez les gens qui sont FPI (rires) et qui ont gagné. Autorisez-les à écrire au nom du FPI. Parce qu’ils le sont et ils croient en votre parti. Ils sont une quinzaine et je crois que c’est très bien. Je crois même sur les régionaux, sur les 31 régions, je crois qu’il y a un FPI, monsieur le ministre (NDLR : en s’adressant au ministre d’Etat Hamed Bakayoko). Encore un FPI dans l’Agnéby-Tiassa, mais c’est très bien. Il y a eu un mot d’ordre comme chez le PDCI, comme chez le RDR.Et j’ai même lu un communiqué signé du président du PDCI qui a suspendu des militants PDCI qui se sont présentés en indépendants, comme vous l’avez fait. Et maintenant la direction du PDCI, je crois savoir, est en train de dire vous vous êtes mal comportés, mais revenez à la maison. Si vous prenez déjà ces cas que j’ai nommés, 50% sont RDR, 20% PDCI et 20% FPI, cela fait 90%. Je ne sais pas si chez Mabri, il y a eu des indépendants (NDLR : réponse du ministre Mabry : ils sont 4). Donc, quand vous enlevez tout cela, les vrais indépendants en réalité, il y a pas tant que cela. C’est pour cela que je dis que cela montre le dynamisme de la vie politique en Côte d’Ivoire. Le fait que les uns et les autres considèrent que le système démocratique est transparent, ils veulent participer, contribuer au développement de leurs communes, de leurs régions et je ne vois pas de problème à cela.
Stanislas Ndayishimiye (Rfi) :
A part les Coopec et d’autres micro-fiances, il n’y a pas de banques dans des villes comme Danané. Que comptez-vous faire pour le retour des banques dans les villes des zones ex-CNO ?
AO : Vous savez toute la zone CNO, avec tout ce qu’il y a eu par le passé, sur le braquage des banques, l’insécurité ainsi de suite. Vous savez chat échaudé craint l’eau tiède, je ne dirai même pas l’eau froide. Donc avec tout cela, les banques prennent du temps pour revenir. Mais elles reviendront, parce que la sécurité est revenue. Je sais qu’à Danané et ailleurs, il n’y a pas de banques privées. Mais nous les encourageons, le ministre de l’Economie et des Finances et moi-même, à revenir et je pense qu’elles vont le faire. La banque centrale doit s’intéresser de plus prêt à ce dossier. J’ai indiqué au ministre d’Etat, du Plan et du Développement que nous allons en parler au Gouverneur pour qu’il encourage à accélérer leur retour. Une ville comme Danané qui n’a pas de banques, ce n’est pas acceptable. Je suis d’accord avec vous.
l Barthelemy Téhin (LG Infos) :
M. le président, dans le mont Péko, il y a un certain Amadé Ouéremi qui semble défier l’autorité de votre ministre de la Défense, parce qu’on lui a demandé de partir et il est encore là-bas. Vous qui avez visité la région du Tonkpi et le District des Montagnes, quelles solutions avez-vous apporté au cas Amadé Ouéremi?
AO : Ce sont des dossiers qui sont en cours de traitement. Il n’aura pas d’impunité. Le ministre de la Défense a eu les instructions nécessaires et je ne connais pas les détails du dossier. Avec le ministre de la Sécurité, ce point a été porté à ma connaissance en Conseil national de la Sécurité et ça va être réglé. Il n’est pas question d’impunité. cela n’est pas acceptable. Mais le problème du foncier est un problème réel. Parce que, quand certains dossiers m’ont été présentés qu’est-ce qu’on m’a dit? On m’a dit des terres appartiennent à certaines personnes qui sont parties, mais qui reviennent de toutes les communautés et c’est pour cela que les gens se battent. Les gens reviennent et disent : « Telle terre, on me l’avait vendu il y a 40 ans et quelqu’un d’autre vient dire que non. Car, mon père ne m’avait pas informé qu’il avait vendu cette terre». Mais pourquoi il y a tout cela ? C’est parce qu’il n’y a pas de papiers. Donc, le problème foncier n’a pas été réglé. Maintenant si quelqu’un vend la terre à quelqu’un d’autre, il faut qu’il y ait un papier. Il faut que cela soit certifié, validé, donc archivé. Comme cela, les contestations seront réglées à la justice et non par la violence. Nous sommes donc décidés à faire en sorte que le problème du foncier puisse trouver une solution.
Coulibaly Kisselminan (Soir Info) :
A l’occasion des dernières élections, il y a eu un échange d’amabilité entre partenaires politiques. Nous avons même atteint un niveau verbal jamais égalé entre partis RHDP. Récemment, l’un des présidents, en l’occurrence Anaky Kobenan, a déclaré dans le quotidien Fraternité Matin que le RHDP était mort. Comment expliquez-vous cette situation ?
AO : Mais vous n’avez pas ajouté que le président Mabri a dit que le RHDP n’était pas mort (Rires). Vous avez déjà une réponse et le président Mabri a dit que le RHDP n’était pas mort. Donc, je confirme aussi et le président Bédié aussi que le RHDP n’est pas mort. La joute verbale évidemment n’est pas de mon goût. J’ai fait ma campagne, vous l’avez constaté et j’ai essayé de mener une campagne civilisée. J’encourage tout le monde en à faire autant. Vous savez tout le monde n’a pas le même tempérament. Mais, il faut qu’on continue de faire en sorte que nous puissions avoir des élections apaisées dans tous les sens. La violence physique et la violence verbale sont à condamner. Mais ceci ne remet pas en cause la force et la volonté de construire et de renfoncer le RHDP. Les leaders que nous sommes, nous y croyons donc. Le président Bédié, le président Mabri et le président Anaky, le président Gnamien Konan et autres peuvent avoir des déclarations. Mais le fondement, c’est que nous savons que c’est une grande coalition qui va évoluer. Et je suis confiant que nous allons pouvoir maintenir et même renforcer davantage le RHDP.
Olivier Konan (Africa 24):
M. le Président, est-ce que vous pouvez revenir sur la construction du chemin de fer ? Est-ce que cette fois-ci, ça sera vraiment effectif. Parce qu’ il y a longtemps que ce projet est annoncé et jusque là rien ne se matérialise?
AO : Vous avez vu des projets qui ont été annoncés à maintes reprises et qui n’ont jamais vu un début d’exécution. Moi, je ne l’ai pas annoncé par le passé. Mais ce que je peux dire, c’est que c’est un projet que nous avons dans notre programme de gouvernement. Nous en avons parlé avec le président chinois, parce que c’est un projet qui nous tient à cœur. Le gouvernement chinois a donné son accord, il y a des operateurs qui seront financés par le gouvernement chinois qui ont déjà commencé à faire les équipes. Je n’ai pas tous les détails. J’avais déjà un dossier qu’on m’a remis hier soir et j’ai eu le ministre des Transports. Il m’a fait le point. C’est un dossier qui évolue normalement, le financement est acquis. C’est 1,5 milliard de dollars. Cela fait 750 milliards de FCFA et l’operateur est connu. C’est le même operateur qui a proposé de réhabiliter le chemin de fer Abidjan-Ouagadougou. Et là également les études sont achevées et je crois savoir que l’année prochaine, la réhabilitation va commencer et vous savez, il y a une équipe qui va réhabiliter à partir d’Abidjan pour réduire les délais de moitié. Maintenant, sur le projet Man-San- Pedro / San-Pedro-Man, il faut mettre en complément le port de San-Pedro et le barrage de Soubré et ce sont des projets intégrés. Nous avons les financements et quand on vous dit que nous avons obtenu deux fois plus que ce que nous voulions et pour les investissements publics et pour les investissements privés, c’est parce que ces investissements intéressent maintenant les gens. Que ce soit les gouvernements ou les gros operateurs. Cela prendra quelques années, mais le démarrage est certain. Je souhaite que nous fassions le maximum pour que tout cela commence au plus tard en 2014, 2015. Mais, je voulais vous expliquer que dans des situations pareilles, il faut d’abord une lettre d’intention. Après la lettre d’intention, il y a des études et certaines études peuvent prendre 6 mois, voire un an et même deux. Mais, nous avons mis un fonds d’étude en place pour accélérer les études. Après les études, il y a une signature de convention. Après la signature de convention, il y a maintenant l’application du code d’investissement et ainsi de suite. Et c’est après toutes ces étapes que les travaux commencent. Ce qui est primordial, ces projets apporteront beaucoup à cette région. D’ailleurs, à la nation entière. Nous aurons également la possibilité de réduire de manière considérable le chômage, notamment celui des jeunes. Je crois en ce qui concerne le chemin de fer, il y a déjà des recrutements. Le projet a donc commencé et il y a plus de 3000 recrutements. Je n’ai pas les détails. Je peux demander à mon cabinet de vous fournir des détails déjà. Le plus important, c’est de trouver le financement. Ce n’est pas facile à trouver, mais on a trouvé. Le barrage de Soubré, c’est 600 millions de dollars. On a trouvé et on a même fait le lancement. Il y a le mont Klahoyo et le minerai a été déjà évalué. Il semble que c’est déjà rentable et cela va également se faire et ainsi de suite.
Lassina Sermé (APA News) :
Pendant cette visite d’Etat, nous avons appris l’évacuation de Mme Gbagbo à Abidjan pour des soins. Ce matin (Ndlr : Samedi) Nous avons appris qu’elle sera transféré à la Maca. Est-ce que vous avez des nouvelles de l’ancienne Première dame ?
AO : Elle (Simone Gbagbo) est à Odienné. Elle a souhaité être transférée à Abidjan pour faire un bilan de santé. Nous avons donné notre accord. Elle a donc été transférée à Abidjan. A ma connaissance, elle n’est pas retournée à Odienné. Donc, elle est là pour un bilan de santé.
Adam Régis Souanga (Le Banco.net):
La corruption est une gangrène qui n’épargne aucun secteur de la société ivoirienne. Sur la question des crises sur le foncier, les populations n’ont même plus confiance en l’administration qui, selon ces populations, s’est compromise dans plusieurs actes de corruption sur l’acquisition des terres. Est-ce que vous songez à l’organisation d’un séminaire exclusivement consacré à la corruption ?
AO : Pour la corruption relative au foncier dans cette région, si j’ai bien compris votre question, ce n’est pas seulement un séminaire qu’il faut faire. Il faut prendre des mesures. C’est pour cela, dans mon intervention, j’ai insisté sur le fait que les budgets seront en place pour les maires, pour les présidents de Conseils régionaux. Mais ces budgets doivent être utilisés conformément à l’adoption du budget par les autorités compétentes. Vous voyez, c’est pour cela qu’il est important que dans ces conseils municipaux et régionaux, il y ait un maximum de représentations de tous les partis politiques. C’est cela qui va permettre aussi d’aider les élus à contenir les questions de corruption. S’il y a des gens, dans le Conseil, issus du FPI, du PDCI, du RDR, de l’UDPCI, même des Indépendants qui ont des conseillers municipaux, ce ne sera pas du tout facile (de détourner, ndlr). Cette fois-ci, nous aurons des audits systématiques du ministère de l’Intérieur et nous prendrons les sanctions qui sont prévues par la loi. La difficulté dans ce pays, on demande pardon et puis on passe à autre chose. C’est fini ça. Il faut que les uns et les autres s’en rendent compte. Si quelqu’un a volé, non seulement il devrait être démis de ses fonctions. Mais l’Etat doit le poursuivre pour qu’il aille en prison. C’est comme cela que nous allons assainir ces choses afin que ce qui est prévu pour les populations, aille aux populations. Donc, je termine en disant que mon souci, c’est le bien-être des populations et que les institutions comme les mécanismes doivent conduire à cela. La réalité, c’est que ces mécanismes contribuent à la démocratie. C’est pour cela que j’en appelle aux élus de gérer les structures sous leur autorité dans la plus grande transparence.
Recueillis par COULIBALY Zoumana (envoyé spécial)
et Raoul Sainfort (Correspondant régional)