Le bruit, la chaleur, la poussière, les vibrations, les radiations ionisantes, ainsi que les gaz toxiques, les préparations nocives, les liquides corrosifs, sans oublier les coupures, les piqûres, les gestes répétitifs…sont des faits et gestes qui peuvent causer une maladie professionnelle à un travailleur. A cela s’ajoute, le faible éclairage, les fils qui trainent dans les couloirs des entreprises. La liste n’est pas exhaustive. Malheureusement, les employés côtoient ces faits chaque jour dans les entreprises, sans s’en rendre compte afin de prendre des mesures idoines. Et pourtant, les maladies professionnelles causent six fois plus de décès que les accidents de travail. Résultant de l’exposition plus ou moins prolongée d’un travailleur à un risque physique, biologique, chimique ou des conditions habituelles d’exercice de sa profession, les maladies professionnelles, selon les estimations de l’Organisation internationale du travail (Oit), 2,02 millions de personnes meurent à la suite de maladies professionnelles, quand 160 millions de personnes sont répertoriées de cas de maladies professionnelles non mortelles. Malheureusement, face à cette situation inquiétante, les patrons d’entreprises et même les employés ne semblent pas être inquiétés. Riviera 2, dans la commune de Cocody, dans un atelier de menuisier. Kpan Serges exerce comme menuisier dans cette entreprise qui emploie une quinzaine de personnes. Cela fait cinq ans qu’il travaille en ces lieux. Chaque jour, il avale de la poussière issue du rabotage du bois. «Cela fait cinq ans que je travaille ici. Il m’arrive de fois d’avoir mal aux yeux. Je tousse quelques fois», dit le jeune homme. Qui, selon lui, sort d’un paludisme qui l’a obligé à s’éloigner de son lieu de travail pendant deux semaines. Il n’est pas le seul à se retrouver dans cette situation inconfortable. Son collègue, To Bi Jean Aimé, souffre depuis quelques mois de troubles de vue. «Au début, j’ai pensé à de simples maux d’yeux. C’est lorsque je suis allé à l’hôpital que le médecin m’a révélé que le travail que je fais est responsable de mes douleurs. Il m’a donc conseillé de porter des combinaisons et un cache nez pour me protéger», fait remarquer le jeune homme de vingt ans. Qui explique que malgré tous ces risques, il n’est pas encore déclaré à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) pour bénéficier d’une sécurité sociale. Quelques mètres plus loin, de grands bruits se font entendre. C’est aussi un atelier d’ébénisterie. Ici, comme dans le premier atelier, les employés n’ont aucun matériel de protection. Autre lieu, un quartier en construction sur la route de Bingerville, trois hommes, sur un long échafaudage, peignent la façade d’un grand bâtiment de R+2. Ici, toutes les conditions sont réunies pour qu’un drame survienne. Car, aucune disposition n’a été prise pour leur protection. Parce que, l’échafaudage n’est pas protégé. «Nous devons notre salut à Dieu», lance un agent perché du haut de l’immeuble. Pot de peinture dans la main droite, Dieudonné Yaovi se sert de sa main gauche pour essayer de trouver un endroit idéal pour prendre un bon appui et entamer son travail. Si ces employés arrivent à se tirer d’affaire, malgré les risques liés à leur métier, ce n’est pas le cas de Yao Maxime. Employé dans une société de produits cosmétiques à la zone industrielle de Yopougon, il a rendu l’âme, il y a de cela quelques jours, sur son lieu du travail. Selon ses collègues, il se plaignait très souvent de douleurs de tête. En effet, Yao Maxime gérait le stock des essences qui entrent dans la production des parfums et autres déodorants. Pour Mme Traoré Salimata, de la direction des risques professionnels à la Cnps, les maladies professionnelles posent plus de problème de prise en charge et de préventions que les accidents du travail. Parce qu’elles ne se manifestent pas. En Côte d’Ivoire, dit-elle, il y a 42 maladies professionnelles indemnisables. Elles vont du saturnisme professionnel (maladie causée par le plomb et ses composés) à la surdité professionnelle en passant par la trypanosomiase, le bioxyde de manganèse, les amines aromatiques…Trois autres sont en cours de validation pour porter à 45 la liste des maladies professionnelles. Ce sont, selon Mme Salimata Traoré, les affections professionnelles provoquées par les bois, les affections péri-articulaires provoquées par certains germes et postures de travail et les affections chroniques du rachis lombaires provoquées par la manutention manuelle de charges lourdes. Face à ces nombreuses maladies qui plombent quelquefois les entreprises, le secteur privé a décidé de réagir. Ainsi, elle a décidé de faire de la promotion de la sécurité et santé au travail son cheval de bataille. Une coordination nationale a été mise sur pieds à cet effet. Il s’agit, à travers cet organisme, de créer un comité d’hygiène, de sécurité et de condition de travail dans l’entreprise et de la formation de ceux-ci. Car, selon Mme Salimata Traoré, il n’y a pas de surveillance de la santé et sécurité des travailleurs dans beaucoup d’entreprises ivoiriennes. Car, des travailleurs continuent de mourir sur leurs lieux de travail.
Joseph Atoumgbré
Joseph Atoumgbré