A l’annonce d’un remaniement ministériel, beaucoup de journalistes deviennent des colporteurs de rumeurs sur des personnes bien ciblées. Marie Gilbert Aké N’Gbo, l’ancien et dernier Premier ministre du président Gbagbo (4 décembre 2010-11 avril 2011) est victime de cette ridicule envie d’être ministre que des quidams n’hésitent pas à lui prêter. L’homme nous a parlé du sujet, «soit dit en passant».
«Moi, ministre ? Mais pourquoi ils ne me demandent pas mon avis avant d’écrire de telles choses ?». Serviette au cou, jogging surmonté par un T-shirt gris, le visage toujours perdu dans sa barbe, les yeux scintillants d’intelligence derrière ses rondes petites lunettes correctrices, le Pr. Marie Gilbert Aké N’Gbo ne croyait pas si bien faire de confier son étonnement. Car, le plus grave restait à venir.
On est le vendredi 21 juin 2013. Mon téléphone portable sonne, aux environs de 15h. La voix interlocutrice m’annonce que le Pr. Aké N’Gbo «souhaite» me voir. Je rétorque que, pour moi, c’était un ordre, une convocation urgente. La voix au bout de l’engin électronique pousse un rire et demande le moment de la rencontre. «Je me mets en route dans 10 min, juste le temps de liquider des documents administratifs pour Notre Voie».
A 15h30, le temps de quelques détours dans des ruelles, quelque part aux Deux-Plateaux les Vallons, je me retrouve en face de l’ancien et dernier Premier ministre du président Laurent Gbagbo. C’est la deuxième fois que je le rencontre depuis sa sortie de la prison politique de Boundiali (nord du pays) où il avait été incarcéré quand le président Gbagbo a été renversé le 11 avril 2011.
L’éminent professeur agrégé d’économie, ancien doyen de la Faculté d’Economie de l’Université de Cocody et ancien président du Conseil de cette même université, Marie Gilbert Aké N’Gbo, me reçoit. Avec son habituelle humilité qui me rend un peu confus, cet intellectuel des plus brillants que l’Afrique ait produits tente de s’excuser de m’avoir «dérangé au travail en occasionnant mon déplacement pour ce rendez-vous»… Avec beaucoup de respect, je lui signale que le rencontrer est un immense honneur et que, comme le rôle du journaliste est d’aller chercher, écouter et comprendre, avant d’écrire, «je ne suis pas en déplacement. Je suis au travail, vous me mettez au travail». Mon explication arrache un rire détendu. L’homme me confie que la presse (ivoirienne) serait moins vilipendée si ce qui est dit était effectivement appliqué.
Justement, il évoque, en passant et avant qu’on aborde le sujet de notre rencontre, cette information «inventée de toutes pièces», dit-il, par un site pro-Ouattara: «On m’annonce comme entrant dans un gouvernement, alors que, depuis ma sortie de prison, en novembre 2011, je suis enfermé chez moi. Je ne vois personne. Personne ne m’a parlé d’un tel sujet et je n’en ai discuté avec personne. Enfin, je ne me sens pas concerné par cette rumeur. Passons !». Je l’avais déjà compris à notre première rencontre. L’ancien Premier ministre ivoirien ne fait pas partie de ceux qui rêvent d’être ministres. D’ailleurs, depuis son emprisonnement jusqu’à ce jour, ses avoirs restent bloqués, mais ce qui semble le plus le réoccuper, c’est le sort fait à une vingtaine d’étudiants dont les thèses de doctorat, préparées avec lui, restent compromises. Aké N’Gbo n’est plus en prison, mais le régime Ouattara l’a pratiquement mis au garage, dans les oubliettes, alors que ces doctorants l’attendent pour soutenir leurs œuvres de fin de cycle. Bref, je l’ai encore compris, vendredi dernier, le Pr. Aké N’Gbo n’est pas candidat à un poste de ministre. Personne ne lui a, du reste, jamais proposé cela. On pouvait donc passer au sujet pour lequel il m’avait fait appel…
Le lendemain de cette rencontre, c’est-à-dire le samedi 22 juin, j’ai compris l’angoisse de l’éminent universitaire ivoirien. Dans les kiosques à journaux, à la Une de deux quotidiens ivoiriens, la rumeur de l’entrée d’Aké N’Gbo au «gouvernement Ouattara» était placardée. Aucun journaliste n’a daigné chercher à recouper l’information auprès du concerné. La rumeur créée par le site pro-Ouattara a été reprise et vendue à grande échelle. Sans fondement.
César Etou
«Moi, ministre ? Mais pourquoi ils ne me demandent pas mon avis avant d’écrire de telles choses ?». Serviette au cou, jogging surmonté par un T-shirt gris, le visage toujours perdu dans sa barbe, les yeux scintillants d’intelligence derrière ses rondes petites lunettes correctrices, le Pr. Marie Gilbert Aké N’Gbo ne croyait pas si bien faire de confier son étonnement. Car, le plus grave restait à venir.
On est le vendredi 21 juin 2013. Mon téléphone portable sonne, aux environs de 15h. La voix interlocutrice m’annonce que le Pr. Aké N’Gbo «souhaite» me voir. Je rétorque que, pour moi, c’était un ordre, une convocation urgente. La voix au bout de l’engin électronique pousse un rire et demande le moment de la rencontre. «Je me mets en route dans 10 min, juste le temps de liquider des documents administratifs pour Notre Voie».
A 15h30, le temps de quelques détours dans des ruelles, quelque part aux Deux-Plateaux les Vallons, je me retrouve en face de l’ancien et dernier Premier ministre du président Laurent Gbagbo. C’est la deuxième fois que je le rencontre depuis sa sortie de la prison politique de Boundiali (nord du pays) où il avait été incarcéré quand le président Gbagbo a été renversé le 11 avril 2011.
L’éminent professeur agrégé d’économie, ancien doyen de la Faculté d’Economie de l’Université de Cocody et ancien président du Conseil de cette même université, Marie Gilbert Aké N’Gbo, me reçoit. Avec son habituelle humilité qui me rend un peu confus, cet intellectuel des plus brillants que l’Afrique ait produits tente de s’excuser de m’avoir «dérangé au travail en occasionnant mon déplacement pour ce rendez-vous»… Avec beaucoup de respect, je lui signale que le rencontrer est un immense honneur et que, comme le rôle du journaliste est d’aller chercher, écouter et comprendre, avant d’écrire, «je ne suis pas en déplacement. Je suis au travail, vous me mettez au travail». Mon explication arrache un rire détendu. L’homme me confie que la presse (ivoirienne) serait moins vilipendée si ce qui est dit était effectivement appliqué.
Justement, il évoque, en passant et avant qu’on aborde le sujet de notre rencontre, cette information «inventée de toutes pièces», dit-il, par un site pro-Ouattara: «On m’annonce comme entrant dans un gouvernement, alors que, depuis ma sortie de prison, en novembre 2011, je suis enfermé chez moi. Je ne vois personne. Personne ne m’a parlé d’un tel sujet et je n’en ai discuté avec personne. Enfin, je ne me sens pas concerné par cette rumeur. Passons !». Je l’avais déjà compris à notre première rencontre. L’ancien Premier ministre ivoirien ne fait pas partie de ceux qui rêvent d’être ministres. D’ailleurs, depuis son emprisonnement jusqu’à ce jour, ses avoirs restent bloqués, mais ce qui semble le plus le réoccuper, c’est le sort fait à une vingtaine d’étudiants dont les thèses de doctorat, préparées avec lui, restent compromises. Aké N’Gbo n’est plus en prison, mais le régime Ouattara l’a pratiquement mis au garage, dans les oubliettes, alors que ces doctorants l’attendent pour soutenir leurs œuvres de fin de cycle. Bref, je l’ai encore compris, vendredi dernier, le Pr. Aké N’Gbo n’est pas candidat à un poste de ministre. Personne ne lui a, du reste, jamais proposé cela. On pouvait donc passer au sujet pour lequel il m’avait fait appel…
Le lendemain de cette rencontre, c’est-à-dire le samedi 22 juin, j’ai compris l’angoisse de l’éminent universitaire ivoirien. Dans les kiosques à journaux, à la Une de deux quotidiens ivoiriens, la rumeur de l’entrée d’Aké N’Gbo au «gouvernement Ouattara» était placardée. Aucun journaliste n’a daigné chercher à recouper l’information auprès du concerné. La rumeur créée par le site pro-Ouattara a été reprise et vendue à grande échelle. Sans fondement.
César Etou