Le président de l’Alliance pour le changement, Alphonse Soro, se bat pour promouvoir les idéaux du chef de l’Etat. Pour cela, il veut mouiller le maillot. Il n’entend pas abandonner le terrain politique et les manifestations de rue qui, à l’en croire, ne doivent pas être la marque déposée de l’opposition. « Mais, si on laisse seulement l’adversaire s’en occuper, il ne faut pas qu’on s’étonne qu’il arrive à retourner notre propre électorat contre nous. Que faisons-nous quand les femmes d’Abobo disent Gbagbo kafissa ? », s’interroge Alponse Soro dans cette interview.
Alphonse Soro par-ci, Alphonse Soro par-là, qu’estce qui vous fait courir?
Je pense que c’est une très bonne question dont la réponse aura deux volets. Nous, nous sommes de l’école qui nous apprend qu’on se bat pour avoir le pouvoir, pour l’exercer et pour le conserver. Nous avons mené un long combat qui nous a conduit à la victoire finale et ce combat avait pour nom, les cartes d’identité, les cartes d’électeur, une élection ouverte à tout le monde et la justice.
Il s’agissait de faire en sorte que l’exclusion et le rejet de l’autre puissent cesser pour que la Côte d’Ivoire tende vers une Nation. Ce combat a été porté par Alassane Ouattara, candidat aux élections présidentielles et qui, heureusement, les a gagnées. Mais, nous savons tous qu’il y a eu des circonstances particulières dans lesquelles le Président a pu occuper son poste, puisque nos adversaires ne voulaient pas céder au verdict des urnes. Ce qui a entraîné une crise postélectorale que nous avons encore gagnée. Au sortir de cela, nous devons pouvoir adopter le principe selon lequel il faut toujours avoir l’art qui consiste à garder le cerveau allumé, pendant que d’autres l’éteignent et se mettent à la louange, aux clameurs et la dégustation du pouvoir parce qu’on s’est battu, ‘‘maintenant on doit manger’’. Je ne suis pas de cette école. Nous nous sommes battus pour aller vers nos adversaires afin de les ramener à la réconciliation, pour leur dire que ce qui s’est passé est derrière nous et qu’il faut
qu’on travaille ensemble. Pendant que nous menons ce combat, nous savons aussi adapter la tenue du combat et nous allons vers ceux qui sont dans cette dynamique.
On ne peut pas être ici pendant qu’il y a 7000 Ivoiriens en exil au Togo, 10.000 au Ghana. Il faut qu’on puisse aller vers ces personnes pour les faire revenir au pays. C’est pour cette raison qu’on me voit courir au Ghana, au Liberia, à Lomé. Mais, au-delà de nos adversaires qui s’inscrivent dans la ligne de la réconciliation et vers qui nous devons aller, nous devons aussi protéger le pouvoir pour que le Président de la République puisse mettre en oeuvre son programme.
Selon vos adversaires, vous avez une propension à être le Blé Goudé du régime Ouattara. Que leur répondez-vous ?
Je suis ahuri d’entendre cela. Il me revient effectivement qu’il y a une bataille pour se faire passer comme le Blé Goudé du système Ouattara. Franchement, j’en suis choqué et je dis que les gens se trompent. Qu’est-ce que Blé Goudé a inventé ? Est-ce que c’est lui qui a inventé la lutte politique ? Il ne faut pas que les gens croient que quand on a gagné, c’est terminé, le combat est fini. Le combat est permanent et ceux qui croient qu’Alphonse Soro devrait se taire, se trompent. Je ne vais pas me taire parce que j’estime qu’on doit aider le Président à travailler. Il est occupé à développer la Côte d’Ivoire, à construire des ponts et des routes, à aller à l’international pour repositionner l’image de la Côte d’Ivoire. Qui doit donc s’occuper de la gestion quotidienne de l’action politique, une action qui n’attend pas ? Il y a un dynamisme qui existe dans la vie politique d’une Nation et on doit participer à ce dynamisme. Mais, si on laisse seulement l’adversaire s’en occuper, il ne faut pas qu’on s’étonne qu’il arrive à retourner notre propre électorat contre nous. Que faisons-nous quand les femmes d’Abobo disent «Gbagbo kafissa» ? On ne peut pas s’asseoir parce qu’il y a un éventuel complexe de Blé Goudé, alors que Blé n’a fait qu’un travail qui n’est pas son invention. On ne doit pas abandonner la contestation politique parce qu’on veut avoir un quelconque complexe. Au début, lorsque nous sommes sortis de la crise postélectorale, j’entendais des gens dire « on ne veut plus de jeunes patriotes, on ne veut plus de Blé Goudé ». S’il
s’agit du Blé Goudé violent, ce n’est pas Alphonse Soro. Si c’est le Blé Goudé entouré de quelques voyous qui agressent les étrangers, qui organise des manifestations violentes, qui encourage les jeunes à rester dans les parlements et agoras, ce n’est pas Alphonse Soro. Je suis quelqu’un qui se bat pour que les conditions soient créées de sorte que le Président Alassane Ouattara puisse travailler, pour que l’opposition soit une force, pour que nous puissions équilibrer et tenir le rapport de force. Je suis là pour qu’il y ait une traduction matérielle de tout ce que le Président Ouattara donne comme indications. Il dit : « Je veux la réconciliation ». Alphonse Soro, leader de jeunes que je suis, je fais en sorte qu’il y ait un aspect visible de cette volonté du Président Alassane Ouattara. C’est pourquoi je suis en train d’aider les réfugiés à rentrer pour montrer que ce qu’Alassane Ouattara dit, se fait. Alassane Ouattara réalise beaucoup de choses. Regardez en deux ans ce qu’il a pu faire,
mais qui lève le petit doigt dans notre propre camp pour promouvoir toutes ses actions auprès des populations ? Et vous remarquerez que depuis qu’ils ont eu des postes, ils sont assis et personne ne veut mouiller le maillot pour Ouattara. Voulez-vous qu’on reste les bras croisés parce qu’on a un complexe de Blé Goudé ? Je dis non. Alphonse Soro n’est pas Blé Goudé.
L’APC, votre structure, était composée d’anciens leaders de la FESCI, de la galaxie patriotique et des jeunes des ex-forces nouvelles. Aujourd’hui, vous semblez être seul, au point que votre dernière manifestation devant le palais de justice n’a pas suscité beaucoup d’engouement. Comment expliquez-vous cela ?
Je vais vous dire, à l’APC nous sommes plus forts que nous ne l’avons jamais été. Au sein de l’APC, il y a des cadres du RDR, du PDCI, des proches de Laurent Gbagbo et nous continuons dans cette dynamique en essayant d’étendre nos tentacules sur tous ceux qui ont été des figures emblématiques de la lutte des jeunes en Côte d’Ivoire, depuis 1990. Nous sommes dans un combat et nous voulons que toutes ces figures se retrouvent, pas forcément au sein de l’APC, mais dans une sorte de mouvance de jeunesse qui prend conscience de ce que Alassane Ouattara doit avoir notre soutien. Je crois, au contraire, qu’il
y a un certain nombre de jeunes qui viennent et personne ne part. Il y a un engouement certain et récemment, nous avons enregistré des adhésions que nous allons officialiser très bientôt.
Pour ce qui est de la mobilisation du 17 juin dernier, notre objectif en organisant une journée d’indignation, n’était pas de regrouper un millier de personnes à Abidjan. On avait annoncé plusieurs choses, mais ce n’était que de la communication. Vous n’ imaginez pas un élu de la Nation dans la rue avec des piques et des fourches, paralysant Abidjan ! On se serait fait passer pour des jeunes patriotes, or nous ne sommes pas de la même école. L’objectif était de réussir un regroupement devant le palais de justice, symbole de la justice, pour faire en sorte que les victimes de la crise postélectorale commencent à donner de la voix. En réalité, depuis longtemps, ce sont les bourreaux qui parlent, qui se font passer pour les victimes et ce que nous avons fait, c’était un coup d’essai, trois ans après la crise postélectorale.
Pour ce genre de manifestation, on ne mobilise pas 500 mille ou 1 million de personnes. Nous qui étions présents, 2300 personnes, ce n’est pas peu trois ans après la crise postélectorale, trois ans de découragement des victimes dont certains n’ont pas encore été soignés et d’autres attendent des indemnisations. Mais très bientôt, ceux qui attendent 1 million de personnes les auront, parce que la mobilisation va aller crescendo.
Il y a eu des victimes de part et d’autre, selon le rapport d’une enquête diligentée par le Gouvernement ivoirien, mais on a l’impression que vous défendez les victimes d’un seul camp…
Ce qui nous a regroupés devant le palais de justice, c’est le dossier Laurent Gbagbo qui, pour nous, est le symbole de la justice qui doit être rendue aux victimes. Son niveau d’implication et de responsabilité doit être une bonne leçon à chacun, en Côte d’Ivoire, en Afrique et dans le monde. En dehors de la personne de Gbagbo,
la justice fait son travail. J’ai appris que des FRCI étaient devant
les tribunaux et que des partisans de Gbagbo s’apprêtent à comparaître. Est-ce que ce n’est pas la justice ? S’il y a des
procédures judiciaires en cours, aussi bien contre des coupables
du camp Gbagbo ou du camp Ouattara, voulez-vous que nous allions porter des toges pour les juger ? La justice ivoirienne fait
son travail et elle le fait de façon correcte. Autant des partisans
de Gbagbo sont devant les juges, autant des FRCI et des partisans de Ouattara sont au tribunal. C’est la justice au niveau local, mais celui par qui c’est arrivé, qui était candidat à l’élection, qui a perdu et qui a refusé de reconnaître sa défaite, qui a financé, orchestré et soutenu tout ce qui a été mis en oeuvre, nous avons été de ceux qui ont pensé qu’il ne devait pas être jugé sur place. Il fallait l’emmener vers un tribunal indépendant, vu la carrure de l’individu. Pour nous c’est un dossier qui doit être bien géré. Il n’y a pas deux personnes qui doivent aller à la CPI, c’est pourquoi vous ne me verrez pas en train de demander de faire un procès contre qui que ce soit. Celui qui doit aller à la CPI, c’est Gbagbo.
Beaucoup d’associations de victimes de la crise postélectorale vous accusent de vouloir dévoyer leur lutte pour des fins politiques. Que leur répondez-vous ?
Ce n’est pas le dossier Gbagbo qui m’a révélé. Il y a bien longtemps que je suis dans cette lutte et je n’ai pas de complexe à la poursuivre, quitte à ce que je sois accusé de tout, parce que j’estime que le Président Ouattara ne doit pas rester seul. Je ne vois pas les dividendes politiques que je pourrais en tirer, au contraire, je ne reçois que des coups. J’aurais pu me limiter à toutes les difficultés internes au niveau de la gestion de l’APC, au lieu de m’inviter dans un autre dossier pour prendre des coups, parce qu’il n’y a rien à gagner si ce n’est d’obtenir la justice pour toutes les victimes de la crise postélectorale.
En quoi une marche des victimes peut-elle avoir une influence sur la justice internationale ?
S’asseoir et se borner à croire qu’à partir du moment où Laurent
Gbagbo a été transféré à la CPI il sera jugé et condamné, c’est adresser une lettre au père Noël. Il faut que les gens sachent
que la pression politique et le rapport des forces paient toujours et nous sommes déjà dans une sorte d’équilibrisme du rapport des forces. C’est ce que nous avons gagné et c’est ce que les gens ne comprennent pas. Partout dans le monde entier, il est question aujourd’hui que les victimes sont en train de se mobiliser, de contester les tergiversations de la CPI dans la gestion du dossier Gbagbo. A partir du moment où cela est établi, nous allons essayer de battre le pavé à La Haye. Dorénavant, vous n’aurez pas seulement des manifestations de pro-Gbagbo à La Haye, mais vous aurez également des manifestations pour soutenir les victimes et demander que Gbagbo soit jugé.
N’est-ce pas un aveu de faiblesse et de manque de preuves que de manifester?
Il ne faut pas confondre les choses. Nous disons que deux ans après, si ce sont les bourreaux seulement qui organisent des manifestations en France, à la Haye, à Abidjan…, pour dire que Gbagbo est innocent et que personne en face ne parle, je pense que cela va finir par peser et payer pour eux. Il n’est plus question de les laisser seuls sur le terrain, ce qui va permettre à la justice d’être plus tranquille dans la gestion de ce dossier.
Pensez-vous que les manifestations des pro-Gbagbo perturbent la justice ?
Absolument. Non seulement elles perturbent la justice, mais ces manifestations manipulent la justice et l’opinion publique internationale, pour faire croire qu’il y a tout un pays derrière Laurent Gbagbo, or c’est faux. Il a été battu copieusement aux élections, mais où est cette majorité qui a élu Alassane Ouattara au deuxième tour, quand des gens organisent des manifestations à La Haye ? C’est cette masse que nous sommes en train de réveiller petit à petit.
Face à l’extérieur, Laurent Gbagbo mobilisait la rue, ou la rue se mobilisait pour Laurent Gbagbo. Cela n’a pas toujours été fructueux pour lui. Comment des partisans de Ouattara peuvent-ils employer les mêmes méthodes que Laurent Gbagbo, alors que la gouvernance Ouattara se veut différente de celle des
Refondateurs ?
Vous surestimez Gbagbo et son clan et du coup, ce sont eux qui ont inventé les sit-in, les marches… Tout ce qu’ils faisaient, existe dans le monde entier. La seule façon démocratique pour se faire entendre et
faire entendre une cause, c’est la mobilisation populaire qui
n’est nullement une invention de Gbagbo. Les manifestations
ont existé hier, elles existent aujourd’hui et elles le resteront
parce que c’est de cette façon, que l’expression populaire arrive
à se faire percevoir. Par contre, il y a une différence à
tout point de vue entre les jeunes patriotes et les jeunes de
l’APC. Il n’y a aucune comparaison entre Blé Goudé et moi. Je
suis un jeune élu, chef d’entreprise, j’ai des diplômes et j’ai
travaillé dans ma vie. Ce qui n’était pas le cas de mon ami Blé
Goudé, en termes de diplômes, d’expérience professionnelle et
de mandat électif national. Les membres de ce mouvement
sont des cadres, chefs d’entreprises publiques ou privées qui
ne réfléchissent pas à comment on occupe la rue du matin au
soir, comment on crée des parlements et agoras. Ce sont des
cadres qui se retrouvent autour d’un slogan qui passe souvent
inaperçu : « La jeunesse au travail ». C’est dire qu’il y a un
combat à mener pour que la jeunesse ivoirienne qui a longtemps
traîné dans la rue soit au travail. Nous n’organisons pas
des manifestations violentes et c’est ce qui fait la différence
entre ce que faisaient les partisans de Gbagbo et ce que nous
faisons aujourd’hui.
Et si malgré toutes vos protestations, Laurent Gbagbo était libéré…
Il ne faut pas jouer à se faire peur. Nous ne sommes pas dans
une position défaitiste. Il n’y a pas de schéma dans lequel nous
voyons Laurent Gbagbo libéré. Il peut être libéré après avoir purgé
sa peine, mais on s’oppose au fait qu’on nous dise qu’il ne
peut pas y avoir de procès contre lui. Il faut un procès, il
faut que ce procès aboutisse à sa condamnation et une fois
qu’il aura purgé sa peine, il soit effectivement remis en liberté,
libre d’aller où il veut. Si cela est fait sans qu’il ne soit
condamné, nous ne voyons pas dans quel cas de figure cela pourrait se faire. Que dira la CPI aux familles des 3000 victimes? Il faut faire une analyse prospective et se demander ce qui va se passer si Gbagbo est libéré et car le dernier communiqué de la CPI à lui seul est en train de faire bouger les lignes au niveau social, politique et militaire. Le FPI est désormais dans une autre dynamique, il ne s’intéresse plus au processus de réconciliation, puisque pour eux, Gbagbo revient dans quelques jours. Ils n’ont donc pas à aller se compromettre dans quoi que ce soit. Mais vous imaginez que Laurent Gbagbo vienne reprendre sa place, comme le pensent certains militants du FPI, est-ce que la Côte d’Ivoire ne va pas replonger dans la guerre ? C’est ce que nous voulons éviter car Gbagbo libéré c’est la
guerre. On a assez souffert et la meilleure politique, c’est l’anticipation. Il ne faut pas attendre et jouer les médecins après la
mort. C’est notre responsabilité de tout mettre en oeuvre
pour que la guerre ne reprenne pas.
Qu’allez-vous faire alors pour la réussite de la réconciliation? Est-ce que votre combat ne sera pas mal compris ?
Faire revenir des pro-Gbagbo exilés n’est pas contradictoire à
ce que justice soit rendue. J’ai rencontré un leader de jeunesse
pro-Gbagbo et je lui ai dit «cher ami, pour toi et pour moi,
Gbagbo doit être jugé et condamné ». Le débat selon lequel
il faut qu’il y ait une justice pour les victimes est intéressant.
C’est un débat dans lequel il faut que chacun arrive à se
convaincre de la nécessité de faire en sorte que justice soit rendue
pour les victimes. Si ce n’est pas le cas, la réconciliation
va se compliquer davantage. Les victimes sont calmes actuellement
et cela est dû au transfèrement de Gbagbo et elles nous disent que si Gbagbo paie pour ce qui leur ait arrivé, elles sont prêtes à vivre en paix avec le FPI. Le camp Gbagbo doit être considéré comme celui
par qui on doit pouvoir réconcilier toutes les positions. Si
Gbagbo paie pour ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire, tout le
monde vivra en paix en Côte d’Ivoire. C’est ce message que
nous avons à faire passer et nous arrivons à convaincre les
partisans de Gbagbo sur cette question.
Vous avez été révélé aux Ivoiriens grâce au président de l’Assemblée nationale dont vous avez été l’homme de main, mais il nous revient que vous êtes aujourd’hui en disgrâce auprès de Guillaume Soro. Qu’en est-il exactement?
D’abord, je n’ai pas été révélé à l’opinion nationale par Guillaume
Soro. La première fois que l’opinion a entendu parler de moi, c’était lors de l’émission «Débat national », en 2001. Il y avait toute la crème de la jeunesse et autour de la table, il y avait KKB qui représentait la JPDCI, Odjé qui représentait le RJR, Damana Pickas pour la JFPI, Diabaté Bèh qui représentait la Jeunesse du Nord et moi-même pour le Forum des associations du Nord. Blé Goudé était également présent à cette table ronde qui nous a révélés à l’opinion nationale. Ensuite, il y a eu le forum de réconciliation nationale où nous avons fait une intervention historique et tout cela s’est passé au moment où Guillaume Soro était en exil. Après cela, il y a eu des combats que j’ai partagés avec Guillaume Soro que j’assume et que je referai si c’était à refaire. Dire que j’étais son homme de confiance, c’est un peu trop surestimer les rapports qui nous ont liés, mais ce n’est pas important. J’ai travaillé avec Guillaume Soro avec beaucoup de plaisir. Guillaume Soro a fasciné toute notre génération, il a donné la voie à beaucoup de jeunes. Je suis député à l’Assemblée nationale, Guillaume Soro en est le président, donc il est mon patron. Je suis donc surpris du fait que je sois en disgrâce auprès de lui. Je ne sais vraiment pas de quoi vous parlez.
On vous sentait beaucoup proches, mais cette ferveur a quelque peu disparu après les élections législatives…
On était dans le combat de la rébellion ensemble. Il était le patron,
mais la rébellion est finie. Avant la rébellion, on n’était pas
forcément ensemble. Guillaume Soro est dans le combat de l’Assemblée
nationale, je suis à l’Assemblée nationale et je continue d’animer la vie politique au niveau de la jeunesse. En dehors de l’Assemblée nationale, je mène des activités qui n’ont rien à voir avec la personnalité de Guillaume Soro. Pourquoi penser que Guillaume Soro et moi, nous ne sommes plus d’accord ? Je suis quelqu’un de disponible pour tous les cadres autour du Président de la République, avant et après la rébellion. Si vous me considérez comme proche de Guillaume Soro, vous devez également me considérer comme très proche de Hamed Bakayoko, d’Amadou Soumahoro, d’Amadou Gon Coulibaly… Je n’ai pas de parti-pris, ni d’attachement absolu à un individu dans l’entourage du Président de la République.
Réalisée par Dosso Villard
Alphonse Soro par-ci, Alphonse Soro par-là, qu’estce qui vous fait courir?
Je pense que c’est une très bonne question dont la réponse aura deux volets. Nous, nous sommes de l’école qui nous apprend qu’on se bat pour avoir le pouvoir, pour l’exercer et pour le conserver. Nous avons mené un long combat qui nous a conduit à la victoire finale et ce combat avait pour nom, les cartes d’identité, les cartes d’électeur, une élection ouverte à tout le monde et la justice.
Il s’agissait de faire en sorte que l’exclusion et le rejet de l’autre puissent cesser pour que la Côte d’Ivoire tende vers une Nation. Ce combat a été porté par Alassane Ouattara, candidat aux élections présidentielles et qui, heureusement, les a gagnées. Mais, nous savons tous qu’il y a eu des circonstances particulières dans lesquelles le Président a pu occuper son poste, puisque nos adversaires ne voulaient pas céder au verdict des urnes. Ce qui a entraîné une crise postélectorale que nous avons encore gagnée. Au sortir de cela, nous devons pouvoir adopter le principe selon lequel il faut toujours avoir l’art qui consiste à garder le cerveau allumé, pendant que d’autres l’éteignent et se mettent à la louange, aux clameurs et la dégustation du pouvoir parce qu’on s’est battu, ‘‘maintenant on doit manger’’. Je ne suis pas de cette école. Nous nous sommes battus pour aller vers nos adversaires afin de les ramener à la réconciliation, pour leur dire que ce qui s’est passé est derrière nous et qu’il faut
qu’on travaille ensemble. Pendant que nous menons ce combat, nous savons aussi adapter la tenue du combat et nous allons vers ceux qui sont dans cette dynamique.
On ne peut pas être ici pendant qu’il y a 7000 Ivoiriens en exil au Togo, 10.000 au Ghana. Il faut qu’on puisse aller vers ces personnes pour les faire revenir au pays. C’est pour cette raison qu’on me voit courir au Ghana, au Liberia, à Lomé. Mais, au-delà de nos adversaires qui s’inscrivent dans la ligne de la réconciliation et vers qui nous devons aller, nous devons aussi protéger le pouvoir pour que le Président de la République puisse mettre en oeuvre son programme.
Selon vos adversaires, vous avez une propension à être le Blé Goudé du régime Ouattara. Que leur répondez-vous ?
Je suis ahuri d’entendre cela. Il me revient effectivement qu’il y a une bataille pour se faire passer comme le Blé Goudé du système Ouattara. Franchement, j’en suis choqué et je dis que les gens se trompent. Qu’est-ce que Blé Goudé a inventé ? Est-ce que c’est lui qui a inventé la lutte politique ? Il ne faut pas que les gens croient que quand on a gagné, c’est terminé, le combat est fini. Le combat est permanent et ceux qui croient qu’Alphonse Soro devrait se taire, se trompent. Je ne vais pas me taire parce que j’estime qu’on doit aider le Président à travailler. Il est occupé à développer la Côte d’Ivoire, à construire des ponts et des routes, à aller à l’international pour repositionner l’image de la Côte d’Ivoire. Qui doit donc s’occuper de la gestion quotidienne de l’action politique, une action qui n’attend pas ? Il y a un dynamisme qui existe dans la vie politique d’une Nation et on doit participer à ce dynamisme. Mais, si on laisse seulement l’adversaire s’en occuper, il ne faut pas qu’on s’étonne qu’il arrive à retourner notre propre électorat contre nous. Que faisons-nous quand les femmes d’Abobo disent «Gbagbo kafissa» ? On ne peut pas s’asseoir parce qu’il y a un éventuel complexe de Blé Goudé, alors que Blé n’a fait qu’un travail qui n’est pas son invention. On ne doit pas abandonner la contestation politique parce qu’on veut avoir un quelconque complexe. Au début, lorsque nous sommes sortis de la crise postélectorale, j’entendais des gens dire « on ne veut plus de jeunes patriotes, on ne veut plus de Blé Goudé ». S’il
s’agit du Blé Goudé violent, ce n’est pas Alphonse Soro. Si c’est le Blé Goudé entouré de quelques voyous qui agressent les étrangers, qui organise des manifestations violentes, qui encourage les jeunes à rester dans les parlements et agoras, ce n’est pas Alphonse Soro. Je suis quelqu’un qui se bat pour que les conditions soient créées de sorte que le Président Alassane Ouattara puisse travailler, pour que l’opposition soit une force, pour que nous puissions équilibrer et tenir le rapport de force. Je suis là pour qu’il y ait une traduction matérielle de tout ce que le Président Ouattara donne comme indications. Il dit : « Je veux la réconciliation ». Alphonse Soro, leader de jeunes que je suis, je fais en sorte qu’il y ait un aspect visible de cette volonté du Président Alassane Ouattara. C’est pourquoi je suis en train d’aider les réfugiés à rentrer pour montrer que ce qu’Alassane Ouattara dit, se fait. Alassane Ouattara réalise beaucoup de choses. Regardez en deux ans ce qu’il a pu faire,
mais qui lève le petit doigt dans notre propre camp pour promouvoir toutes ses actions auprès des populations ? Et vous remarquerez que depuis qu’ils ont eu des postes, ils sont assis et personne ne veut mouiller le maillot pour Ouattara. Voulez-vous qu’on reste les bras croisés parce qu’on a un complexe de Blé Goudé ? Je dis non. Alphonse Soro n’est pas Blé Goudé.
L’APC, votre structure, était composée d’anciens leaders de la FESCI, de la galaxie patriotique et des jeunes des ex-forces nouvelles. Aujourd’hui, vous semblez être seul, au point que votre dernière manifestation devant le palais de justice n’a pas suscité beaucoup d’engouement. Comment expliquez-vous cela ?
Je vais vous dire, à l’APC nous sommes plus forts que nous ne l’avons jamais été. Au sein de l’APC, il y a des cadres du RDR, du PDCI, des proches de Laurent Gbagbo et nous continuons dans cette dynamique en essayant d’étendre nos tentacules sur tous ceux qui ont été des figures emblématiques de la lutte des jeunes en Côte d’Ivoire, depuis 1990. Nous sommes dans un combat et nous voulons que toutes ces figures se retrouvent, pas forcément au sein de l’APC, mais dans une sorte de mouvance de jeunesse qui prend conscience de ce que Alassane Ouattara doit avoir notre soutien. Je crois, au contraire, qu’il
y a un certain nombre de jeunes qui viennent et personne ne part. Il y a un engouement certain et récemment, nous avons enregistré des adhésions que nous allons officialiser très bientôt.
Pour ce qui est de la mobilisation du 17 juin dernier, notre objectif en organisant une journée d’indignation, n’était pas de regrouper un millier de personnes à Abidjan. On avait annoncé plusieurs choses, mais ce n’était que de la communication. Vous n’ imaginez pas un élu de la Nation dans la rue avec des piques et des fourches, paralysant Abidjan ! On se serait fait passer pour des jeunes patriotes, or nous ne sommes pas de la même école. L’objectif était de réussir un regroupement devant le palais de justice, symbole de la justice, pour faire en sorte que les victimes de la crise postélectorale commencent à donner de la voix. En réalité, depuis longtemps, ce sont les bourreaux qui parlent, qui se font passer pour les victimes et ce que nous avons fait, c’était un coup d’essai, trois ans après la crise postélectorale.
Pour ce genre de manifestation, on ne mobilise pas 500 mille ou 1 million de personnes. Nous qui étions présents, 2300 personnes, ce n’est pas peu trois ans après la crise postélectorale, trois ans de découragement des victimes dont certains n’ont pas encore été soignés et d’autres attendent des indemnisations. Mais très bientôt, ceux qui attendent 1 million de personnes les auront, parce que la mobilisation va aller crescendo.
Il y a eu des victimes de part et d’autre, selon le rapport d’une enquête diligentée par le Gouvernement ivoirien, mais on a l’impression que vous défendez les victimes d’un seul camp…
Ce qui nous a regroupés devant le palais de justice, c’est le dossier Laurent Gbagbo qui, pour nous, est le symbole de la justice qui doit être rendue aux victimes. Son niveau d’implication et de responsabilité doit être une bonne leçon à chacun, en Côte d’Ivoire, en Afrique et dans le monde. En dehors de la personne de Gbagbo,
la justice fait son travail. J’ai appris que des FRCI étaient devant
les tribunaux et que des partisans de Gbagbo s’apprêtent à comparaître. Est-ce que ce n’est pas la justice ? S’il y a des
procédures judiciaires en cours, aussi bien contre des coupables
du camp Gbagbo ou du camp Ouattara, voulez-vous que nous allions porter des toges pour les juger ? La justice ivoirienne fait
son travail et elle le fait de façon correcte. Autant des partisans
de Gbagbo sont devant les juges, autant des FRCI et des partisans de Ouattara sont au tribunal. C’est la justice au niveau local, mais celui par qui c’est arrivé, qui était candidat à l’élection, qui a perdu et qui a refusé de reconnaître sa défaite, qui a financé, orchestré et soutenu tout ce qui a été mis en oeuvre, nous avons été de ceux qui ont pensé qu’il ne devait pas être jugé sur place. Il fallait l’emmener vers un tribunal indépendant, vu la carrure de l’individu. Pour nous c’est un dossier qui doit être bien géré. Il n’y a pas deux personnes qui doivent aller à la CPI, c’est pourquoi vous ne me verrez pas en train de demander de faire un procès contre qui que ce soit. Celui qui doit aller à la CPI, c’est Gbagbo.
Beaucoup d’associations de victimes de la crise postélectorale vous accusent de vouloir dévoyer leur lutte pour des fins politiques. Que leur répondez-vous ?
Ce n’est pas le dossier Gbagbo qui m’a révélé. Il y a bien longtemps que je suis dans cette lutte et je n’ai pas de complexe à la poursuivre, quitte à ce que je sois accusé de tout, parce que j’estime que le Président Ouattara ne doit pas rester seul. Je ne vois pas les dividendes politiques que je pourrais en tirer, au contraire, je ne reçois que des coups. J’aurais pu me limiter à toutes les difficultés internes au niveau de la gestion de l’APC, au lieu de m’inviter dans un autre dossier pour prendre des coups, parce qu’il n’y a rien à gagner si ce n’est d’obtenir la justice pour toutes les victimes de la crise postélectorale.
En quoi une marche des victimes peut-elle avoir une influence sur la justice internationale ?
S’asseoir et se borner à croire qu’à partir du moment où Laurent
Gbagbo a été transféré à la CPI il sera jugé et condamné, c’est adresser une lettre au père Noël. Il faut que les gens sachent
que la pression politique et le rapport des forces paient toujours et nous sommes déjà dans une sorte d’équilibrisme du rapport des forces. C’est ce que nous avons gagné et c’est ce que les gens ne comprennent pas. Partout dans le monde entier, il est question aujourd’hui que les victimes sont en train de se mobiliser, de contester les tergiversations de la CPI dans la gestion du dossier Gbagbo. A partir du moment où cela est établi, nous allons essayer de battre le pavé à La Haye. Dorénavant, vous n’aurez pas seulement des manifestations de pro-Gbagbo à La Haye, mais vous aurez également des manifestations pour soutenir les victimes et demander que Gbagbo soit jugé.
N’est-ce pas un aveu de faiblesse et de manque de preuves que de manifester?
Il ne faut pas confondre les choses. Nous disons que deux ans après, si ce sont les bourreaux seulement qui organisent des manifestations en France, à la Haye, à Abidjan…, pour dire que Gbagbo est innocent et que personne en face ne parle, je pense que cela va finir par peser et payer pour eux. Il n’est plus question de les laisser seuls sur le terrain, ce qui va permettre à la justice d’être plus tranquille dans la gestion de ce dossier.
Pensez-vous que les manifestations des pro-Gbagbo perturbent la justice ?
Absolument. Non seulement elles perturbent la justice, mais ces manifestations manipulent la justice et l’opinion publique internationale, pour faire croire qu’il y a tout un pays derrière Laurent Gbagbo, or c’est faux. Il a été battu copieusement aux élections, mais où est cette majorité qui a élu Alassane Ouattara au deuxième tour, quand des gens organisent des manifestations à La Haye ? C’est cette masse que nous sommes en train de réveiller petit à petit.
Face à l’extérieur, Laurent Gbagbo mobilisait la rue, ou la rue se mobilisait pour Laurent Gbagbo. Cela n’a pas toujours été fructueux pour lui. Comment des partisans de Ouattara peuvent-ils employer les mêmes méthodes que Laurent Gbagbo, alors que la gouvernance Ouattara se veut différente de celle des
Refondateurs ?
Vous surestimez Gbagbo et son clan et du coup, ce sont eux qui ont inventé les sit-in, les marches… Tout ce qu’ils faisaient, existe dans le monde entier. La seule façon démocratique pour se faire entendre et
faire entendre une cause, c’est la mobilisation populaire qui
n’est nullement une invention de Gbagbo. Les manifestations
ont existé hier, elles existent aujourd’hui et elles le resteront
parce que c’est de cette façon, que l’expression populaire arrive
à se faire percevoir. Par contre, il y a une différence à
tout point de vue entre les jeunes patriotes et les jeunes de
l’APC. Il n’y a aucune comparaison entre Blé Goudé et moi. Je
suis un jeune élu, chef d’entreprise, j’ai des diplômes et j’ai
travaillé dans ma vie. Ce qui n’était pas le cas de mon ami Blé
Goudé, en termes de diplômes, d’expérience professionnelle et
de mandat électif national. Les membres de ce mouvement
sont des cadres, chefs d’entreprises publiques ou privées qui
ne réfléchissent pas à comment on occupe la rue du matin au
soir, comment on crée des parlements et agoras. Ce sont des
cadres qui se retrouvent autour d’un slogan qui passe souvent
inaperçu : « La jeunesse au travail ». C’est dire qu’il y a un
combat à mener pour que la jeunesse ivoirienne qui a longtemps
traîné dans la rue soit au travail. Nous n’organisons pas
des manifestations violentes et c’est ce qui fait la différence
entre ce que faisaient les partisans de Gbagbo et ce que nous
faisons aujourd’hui.
Et si malgré toutes vos protestations, Laurent Gbagbo était libéré…
Il ne faut pas jouer à se faire peur. Nous ne sommes pas dans
une position défaitiste. Il n’y a pas de schéma dans lequel nous
voyons Laurent Gbagbo libéré. Il peut être libéré après avoir purgé
sa peine, mais on s’oppose au fait qu’on nous dise qu’il ne
peut pas y avoir de procès contre lui. Il faut un procès, il
faut que ce procès aboutisse à sa condamnation et une fois
qu’il aura purgé sa peine, il soit effectivement remis en liberté,
libre d’aller où il veut. Si cela est fait sans qu’il ne soit
condamné, nous ne voyons pas dans quel cas de figure cela pourrait se faire. Que dira la CPI aux familles des 3000 victimes? Il faut faire une analyse prospective et se demander ce qui va se passer si Gbagbo est libéré et car le dernier communiqué de la CPI à lui seul est en train de faire bouger les lignes au niveau social, politique et militaire. Le FPI est désormais dans une autre dynamique, il ne s’intéresse plus au processus de réconciliation, puisque pour eux, Gbagbo revient dans quelques jours. Ils n’ont donc pas à aller se compromettre dans quoi que ce soit. Mais vous imaginez que Laurent Gbagbo vienne reprendre sa place, comme le pensent certains militants du FPI, est-ce que la Côte d’Ivoire ne va pas replonger dans la guerre ? C’est ce que nous voulons éviter car Gbagbo libéré c’est la
guerre. On a assez souffert et la meilleure politique, c’est l’anticipation. Il ne faut pas attendre et jouer les médecins après la
mort. C’est notre responsabilité de tout mettre en oeuvre
pour que la guerre ne reprenne pas.
Qu’allez-vous faire alors pour la réussite de la réconciliation? Est-ce que votre combat ne sera pas mal compris ?
Faire revenir des pro-Gbagbo exilés n’est pas contradictoire à
ce que justice soit rendue. J’ai rencontré un leader de jeunesse
pro-Gbagbo et je lui ai dit «cher ami, pour toi et pour moi,
Gbagbo doit être jugé et condamné ». Le débat selon lequel
il faut qu’il y ait une justice pour les victimes est intéressant.
C’est un débat dans lequel il faut que chacun arrive à se
convaincre de la nécessité de faire en sorte que justice soit rendue
pour les victimes. Si ce n’est pas le cas, la réconciliation
va se compliquer davantage. Les victimes sont calmes actuellement
et cela est dû au transfèrement de Gbagbo et elles nous disent que si Gbagbo paie pour ce qui leur ait arrivé, elles sont prêtes à vivre en paix avec le FPI. Le camp Gbagbo doit être considéré comme celui
par qui on doit pouvoir réconcilier toutes les positions. Si
Gbagbo paie pour ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire, tout le
monde vivra en paix en Côte d’Ivoire. C’est ce message que
nous avons à faire passer et nous arrivons à convaincre les
partisans de Gbagbo sur cette question.
Vous avez été révélé aux Ivoiriens grâce au président de l’Assemblée nationale dont vous avez été l’homme de main, mais il nous revient que vous êtes aujourd’hui en disgrâce auprès de Guillaume Soro. Qu’en est-il exactement?
D’abord, je n’ai pas été révélé à l’opinion nationale par Guillaume
Soro. La première fois que l’opinion a entendu parler de moi, c’était lors de l’émission «Débat national », en 2001. Il y avait toute la crème de la jeunesse et autour de la table, il y avait KKB qui représentait la JPDCI, Odjé qui représentait le RJR, Damana Pickas pour la JFPI, Diabaté Bèh qui représentait la Jeunesse du Nord et moi-même pour le Forum des associations du Nord. Blé Goudé était également présent à cette table ronde qui nous a révélés à l’opinion nationale. Ensuite, il y a eu le forum de réconciliation nationale où nous avons fait une intervention historique et tout cela s’est passé au moment où Guillaume Soro était en exil. Après cela, il y a eu des combats que j’ai partagés avec Guillaume Soro que j’assume et que je referai si c’était à refaire. Dire que j’étais son homme de confiance, c’est un peu trop surestimer les rapports qui nous ont liés, mais ce n’est pas important. J’ai travaillé avec Guillaume Soro avec beaucoup de plaisir. Guillaume Soro a fasciné toute notre génération, il a donné la voie à beaucoup de jeunes. Je suis député à l’Assemblée nationale, Guillaume Soro en est le président, donc il est mon patron. Je suis donc surpris du fait que je sois en disgrâce auprès de lui. Je ne sais vraiment pas de quoi vous parlez.
On vous sentait beaucoup proches, mais cette ferveur a quelque peu disparu après les élections législatives…
On était dans le combat de la rébellion ensemble. Il était le patron,
mais la rébellion est finie. Avant la rébellion, on n’était pas
forcément ensemble. Guillaume Soro est dans le combat de l’Assemblée
nationale, je suis à l’Assemblée nationale et je continue d’animer la vie politique au niveau de la jeunesse. En dehors de l’Assemblée nationale, je mène des activités qui n’ont rien à voir avec la personnalité de Guillaume Soro. Pourquoi penser que Guillaume Soro et moi, nous ne sommes plus d’accord ? Je suis quelqu’un de disponible pour tous les cadres autour du Président de la République, avant et après la rébellion. Si vous me considérez comme proche de Guillaume Soro, vous devez également me considérer comme très proche de Hamed Bakayoko, d’Amadou Soumahoro, d’Amadou Gon Coulibaly… Je n’ai pas de parti-pris, ni d’attachement absolu à un individu dans l’entourage du Président de la République.
Réalisée par Dosso Villard